• Accueil
  • Business
  • International
  • Accord mondial sur les pandémies : quelles conséquences pour l’accès aux produits de santé ?
Accord mondial sur les pandémies : quelles conséquences pour l’accès aux produits de santé ?

© Getty Images

Accord mondial sur les pandémies : quelles conséquences pour l’accès aux produits de santé ?

Réservé aux abonnés
Publié le 20 mai 2025
Par Christelle Pangrazzi
Mettre en favori
Le traité sur les pandémies élaboré sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) entre en phase décisive. Destiné à corriger les failles révélées par la crise du Covid-19, ce texte international introduit des mécanismes inédits de partage, de production et de logistique autour des produits de santé. De quoi rebattre les cartes, y compris pour l’industrie pharmaceutique.

Soumis ce mardi 20 mai à Genève aux 194 États membres de l’OMS, le traité « sur la prévention, la préparation et la riposte aux pandémies » compte 35 articles et se veut une réponse aux échecs logistiques, diplomatiques et industriels de la crise du Covid-19. Le texte ne sera toutefois pleinement effectif qu’après l’adoption d’une annexe technique, attendue d’ici mai 2026, et la ratification par au moins 60 États.

L’accord repose sur trois piliers : équité, solidarité et transparence. Il réaffirme que les décisions sanitaires prises en situation pandémique doivent s’appuyer sur les meilleures données scientifiques disponibles, tout en respectant le droit souverain des États.

20 % des vaccins et traitements à réserver à l’OMS

Le cœur du texte réside dans la création d’un mécanisme appelé PABS (Pathogen Access and Benefit Sharing System), destiné à structurer l’accès aux pathogènes émergents et au partage des contre-mesures médicales : vaccins, diagnostics, traitements.

Les entreprises qui participeront au PABS s’engagent à réserver à l’OMS, en cas de pandémie déclarée, 20 % de leur production en temps réel de produits de santé : 10 % sous forme de dons et 10 % à un prix abordable, négocié.

Cette mesure est volontaire mais conditionne l’accès aux informations et aux échantillons biologiques transmis via le système. Elle s’applique à toute entreprise, même établie dans un pays non-membre de l’OMS. Une forme de solidarité pharmaceutique inédite, dont les modalités concrètes restent à définir dans l’annexe à venir.

Relocalisation industrielle : un objectif affirmé

Le traité appelle les États à promouvoir une production locale, rapide et durable des produits de santé en cas de pandémie. L’objectif est double : réduire les dépendances géographiques et accroître la capacité mondiale de réponse rapide.

Publicité

Les États signataires sont incités à :

– investir dans des centres régionaux de production (vaccins, traitements, dispositifs de diagnostic) ;

– soutenir la formation de personnels spécialisés ;

– favoriser la mise en place de réseaux de transfert de technologies, coordonnés par l’OMS.

Pour les pharmaciens, ces mesures pourraient reconfigurer les circuits d’approvisionnement, avec des effets à anticiper sur la disponibilité, les délais logistiques et les prix.

Transfert de technologies : compromis sur les obligations

Sujet de discorde majeur entre pays du Nord et du Sud, le transfert de technologies n’est pas rendu obligatoire. Le texte évoque des « modalités mutuellement convenues », laissant la porte ouverte à des accords bilatéraux ou multilatéraux.

Sont évoquées :

– l’octroi de licences ; 

– la conditionnalité de la R & D financée sur fonds publics ; 

– des incitations règlementaires ou financières en matière de production et d’approvisionnement.

L’objectif : accélérer le partage de savoir-faire industriel, en particulier avec les pays à faible ou moyen revenu, sans briser les règles de propriété intellectuelle existantes.

Vers un réseau mondial logistique piloté par l’OMS

Le traité prévoit la création d’un réseau mondial des chaînes d’approvisionnement et de logistique (réseau GSCL), piloté par l’OMS. Ce réseau devra faciliter l’accès équitable et rapide aux produits de santé lors des urgences sanitaires de portée internationale, notamment en situation de crise humanitaire.

Une coordination globale qui vise à éviter les tensions logistiques observées durant la pandémie de Covid-19 – retards de livraison, guerre commerciale sur les masques ou les vaccins, ruptures sur les principes actifs – et à garantir une distribution prioritaire aux zones les plus vulnérables.

Surveillance, vaccination et zoonoses au cœur du dispositif

Le traité insiste également sur le renforcement des capacités nationales de surveillance et de prévention. Il appelle à :

– investir dans la détection précoce des agents pathogènes ;

– renforcer la maîtrise des risques biologiques en laboratoire ;

– promouvoir la vaccination systématique, dans une logique d’anticipation ;

– limiter la transmission de maladies entre animaux et humains, dans une perspective One Health.

Un traité diplomatique aux conséquences industrielles

Pour l’heure, le texte n’impose aucune contrainte directe aux pharmaciens d’officine. Mais ses implications sont loin d’être théoriques. En modifiant les flux de production, les obligations de partage, et en introduisant une gouvernance sanitaire mondiale en temps de crise, ce traité pourrait, à terme, influer sur les conditions de disponibilité, de prix et d’accès aux médicaments.

Son évolution doit être suivie de près par les professionnels du médicament, car elle pose les bases d’un droit d’exception international pour les prochaines crises pandémiques. Une architecture encore en construction, mais aux contours déjà structurants.

Avec AFP

Sur le même sujet…
UDGPO : « Le tout honoraire serait un suicide pour la profession »
Les baisses de TFR et de prix annulées dix jours après leur entrée en vigueur
Génériques : « À présent aux industriels de jouer le jeu »