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Les statistiques des comptables reflètent-elles la situation réelle de votre officine ?
Les données publiées récemment par deux grands cabinets d’experts-comptables, CGP et KPMG, ont de quoi laisser perplexe face à la réalité parfois bien plus contrastée vécue par les pharmaciens. Au-delà de ces moyennes, les analyses de dispersion montrent des chiffres préoccupants pour un nombre non négligeable d’entre vous.
L’activité globale des officines augmente
Vrai. Tant pour CGP que KPMG, l’année 2017 traduit une activité économique satisfaisante de l’officine moyenne. Elle s’inscrit dans la continuité de 2016 avec une progression de CA HT de 0,47 % pour CGP(1) et de 1,2 % pour KPMG(2). Cette croissance globale est tirée par les bonnes performances sur les activités non remboursables. Dans l’étude CGP, le hors remboursable grimpe de 3,03 %. L’activité du selfcare est également bien orientée (+ 2,6 %) dans les officines KPMG, « mais cette dernière évolution, due au dynamisme des dispositifs médicaux et des compléments alimentaires, atteste d’un marché fragile et de moins bonne tenue qu’en 2016 », nuance Joël Vellozi, expert-comptable, responsable national du réseau professions de santé de KPMG. En revanche, la pharmacie reste performante sur la parapharmacie, affichant des progressions sur 2017 identiques à 2016.
Tirant le CA et la marge vers le haut, les activités non réglementées (28 % du CA total) apparaissent plus que jamais indispensables pour assurer une progression. La pérennité de leur croissance est-elle pour autant assurée ?
L’embellie de l’activité concerne une majorité d’officines
Faux. Comme les années précédentes, CGP et KPMG constatent de fortes disparités d’une pharmacie à une autre. Les dispersions sont importantes entre les officines, avec un effet de taille sur l’évolution du CA toujours très marqué. La localisation joue également un rôle essentiel dans l’analyse des données. Sans surprise, ce sont les pharmacies de plus de 2,2 M€ et les pharmacies de centre commercial (parce qu’elles ont une exposition moins forte au médicament remboursable et une plus grande capacité à diversifier leur activité), qui progressent le plus. Selon KPMG, le CA de l’officine ne redresse pas la tête tant que cela, car la médiane (répartition de 50 % des officines de part et d’autre de cette valeur) n’évolue qu’à + 0,4 %, donc bien en-deçà de la moyenne tirée par des pharmacies extrêmement dynamiques. « Plus de 45 % de l’échantillon enregistre même une évolution négative », rapporte Joël Vellozi. Préposé aux statistiques chez CGP, Joël Lecœur constate également que les pharmacies les plus tributaires des mesures gouvernementales sont les plus vulnérables : « Les officines dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1,5 M€ ont constaté une nouvelle baisse de leur activité en 2017. »
L’activité sur le médicament remboursable baisse
Faux. Et pourtant, tout laisse à le penser. « La substitution générique d’une part et les politiques d’économie sur le médicament résultant des lois de financement de la Sécurité sociale d’autre part, engendrent depuis plusieurs années un effet prix défavorable impactant fortement le niveau en valeur du chiffre d’affaires du médicament remboursé, explique Joël Vellozzi. De plus, il n’est pas compensé par l’effet quantité, car le nombre d’unités de médicaments vendues ne progresse plus depuis quelques années. »
En 2017, KPMG rapporte une croissance minime de + 0,4 %. Elle s’explique par la proportion des produits chers (PFHT > 150 €) qui évolue de manière significative, dans la lignée des années précédentes. « Les ventes de produits chers ont progressé de 11 % en 2017 et représentent aujourd’hui 20 % du CA à TVA 2,1 % », indique Joël Lecœur pour CGP.
Chez CGP, les ventes de remboursable (hors honoraires de dispensation) ont baissé de – 1,19 % l’an dernier. Mais depuis le 1er janvier 2015 et la mise en place des nouvelles rémunérations, la structure du CA à TVA 2,1 % a évolué, intégrant honoraires de dispensation, ROSP et autres services. « L’évolution de l’honoraire de 0,80 € à 1 € à compter du 1 er janvier 2016 n’est pas sans incidence sur la comparaison des comptes 2016-2017 pour les bilans clôturant en cours d’année civile », analyse Joël Lecœur, constatant une augmentation des honoraires de 4,69 % et concluant qu’ils jouent leur rôle amortisseur à la baisse des prix des médicaments remboursables. Ce que ne contredira pas Philippe Gaertner, président du syndicat FSPF : « L’observatoire économique a montré que la dernière convention a été bénéfique pour la pharmacie. » Il rappelle aussi que l’avenant n° 11 maintient les honoraires de dispensation à la boîte.
Le CA à TVA 2,1 % étant quasi stable, la rémunération officinale provenant du remboursable l’est aussi
Vrai. Elle évolue dans les mêmes proportions selon KPMG : + 0,8 % en 2017, faisant suite à un recul de la marge de – 0,7 % l’année précédente. Pas de quoi pavoiser non plus !
« La marge administrée sur le médicament remboursable ne représente pas plus de 50 % de la marge brute totale d’une officine », souligne Joël Vellozzi. Si en 2017, la rémunération officinale monte à 72 % et le taux de marge à 32,2 % sur les ventes de médicaments remboursables, c’est grâce aux compléments de marge provenant des remises, ristournes et autres coopérations commerciales sur les génériques. « Ils représentent un tiers de la marge remboursable, au-delà de la marge administrée, c’est sur ce poste que les pharmaciens parviennent encore à performer », ajoute-t-il.
« C’est un niveau très significatif, ce qui rend l’officine, en termes financiers, très générico-dépendante, concède Joël Lecœur. Toutes les officines CGP ont vu leur marge évoluer en valeur, à l’exception des officines de CA inférieur à 1 M€ pour lesquelles elle est restée stable. » Avec une médiane seulement à + 0,5 % dans les officines KPMG, on retrouve la même proportion d’officines de 45 % en évolution négative en marge.
La rentabilité des officines augmente
Vrai. Cette progression s’explique logiquement selon KPMG par l’évolution positive de la rémunération officinale des pharmacies de son échantillon (+ 1,7 %) et par la maîtrise des frais de personnel (+ 0,6 %) sur 2017. Une performance (+ 2,9 %) néanmoins à relativiser car elle se rapporte à une année 2016 à – 2,3 %. Cet effet de rebond de la rentabilité est également constaté par CGP.
La trésorerie des officines s’améliore
Vrai, d’une année sur l’autre. C’est ce qui ressort des deux études. Il est vrai aussi que l’activité officinale a de petits besoins en trésorerie pour couvrir son cycle d’exploitation. Néanmoins, l’analyse des moyennes ne doit pas occulter la situation préoccupante de certaines officines : en effet 8 % des pharmacies de l’échantillon de KPMG clôturent leurs comptes avec une trésorerie négative. Un chiffre certes en recul par rapport à 2016, mais qui ne met à l’abri d’un risque sur la pérennité d’exploitation de ces officines.
(1) CA pris en compte : ventes HT + honoraires de dispensation + ROSP + autres prestations (coopérations commerciales)
(2) CA pris en compte : ventes HT + honoraires de dispensation + ROSP + services (honoraires de garde, entretiens pharmaceutiques, transmission FSE…)
À RETENIR
• La croissance globale est tirée par les bonnes performances sur les activités non remboursables.
• Les pharmacies les plus tributaires des mesures gouvernementales sont les plus vulnérables.
• L’activité sur le médicament remboursable et la rémunération qui en découle ne baissent pas, et les honoraires jouent bel et bien un rôle amortisseur.
• L’effet rebond observé en 2017 sur la rentabilité des officines est à nuancer en raison des piètres résultats de 2016.
REPÈRES
VENTES, MARGE : CHIFFRES ET TENDANCES
Par François Pouzaud – Infographie : Franck L’Hermitte
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