Le picto de trop

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Publié le 30 juin 2018
Par Anne-Gaëlle Harlaut
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Les femmes enceintes asthmatiques qui constatent un pictogramme « Femme enceinte = danger » sur leur traitement ne doivent pas l’interrompre. Telle est la recommandation de la Société de pneumologie de langue Française (SPLF) dans une alerte du 29 mai dernier. Pour mémoire, les titulaires d’AMM avaient 6 mois(1) à partir d’avril 2017 pour apposer ce pictogramme sur les médicaments qui comportent un risque tératogène ou fœtotoxique. C’est chose faite pour la plupart des corticoïdes inhalés et bronchodilatateurs. Pour ces médicaments, la SPLF juge cette stratégie « en opposition avec les recommandations » voire « dangereuse » puisqu’elle pourrait pousser les patientes à arrêter ou diminuer leur traitement. Les pneumologues alertent que l’asthme concerne plus de 8 % des femmes enceintes. Non traité, il est potentiellement mortel et le risque d’exacerbation, notamment lié à un recours insuffisant aux corticoïdes, augmente lors de la grossesse. Par ailleurs, l’asthme est un facteur de risque de complications lors de la grossesse avec diabète, césarienne ou hémorragie postpartum pour la mère, prématurité ou retard de croissance pour le fœtus. Toutes les recommandations s’accordent, la seule prévention est l’utilisation « sans réserve » des traitements de fond nécessaires. Pour autant, qui dit picto dit risque tératogène ou fœtotoxique démontré… Oui, mais dans des études chez l’animal, par voie systémique et à des doses supérieures donc non extrapolables chez l’homme, précise la SPLF. Aucune suspicion de tels effets chez l’homme ne serait à déplorer après utilisation depuis des années sur plusieurs centaines de milliers de grossesses, laissant le rapport bénéfice/risque très élevé. « Le pictogramme induit une confusion. Nous demandons son retrait sur ces traitements », explique le Dr Cécile Chenivesse, praticien hospitalier en pneumologie et immuno-allergologie à Lille (59) et membre de la SPLF. En attendant, que dire aux patientes inquiètes ? « À l’officine, on peut les rassurer en consultant le site du CRAT(2), qui reste la référence, et expliquer que le pictogramme a été apposé par excès de prudence sur ces traitements. Sans bien sûr en faire une généralité, car d’autres traitements le méritent vraiment. »

(1) Journal officiel du 16 avril 2017. (2) CRAT : Centre de référence sur les agents tératogènes sur https://lecrat.fr

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