Passez à la vitesse supérieure

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Publié le 1 octobre 2018
Par Francois Pouzaud
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L’heure n’est plus au bricolage, ni aux touches d’essai ou encore à l’amateurisme ! Les nouvelles missions commencent à affluer, il est temps de professionnaliser ce service auprès de la patientèle. Petit à petit, à force d’expérimenter, les bonnes pratiques se mettent en place. qu’est-ce qui marche ? Qu’est-ce qui dysfonctionne ? Que faut-il améliorer ? Revue de détails.

Les nouvelles missions du pharmacien sont en ordre de marche et le mouvement s’accélère au niveau de la convention pharmaceutique : les bilans de médication ont posé leurs valises en officine en mars dernier. Sous l’impulsion des deux syndicats représentatifs de la profession, d’autres nouvelles missions se bousculent en cette rentrée et pour les mois à venir : reprise de l’expérimentation sur la vaccination antigrippale en officine dans quatre régions-pilotes, la télémédecine. Des travaux sont également en cours pour mettre en place l’accompagnement pharmaceutique des patients sous chimiothérapie orale, et la prise en charge du sevrage tabagique sera bientôt dans la ligne de mire des négociations… A peine le temps de souffler ! Tout cela sur fond de transformation du système de santé impulsée par l’Etat. Sans oublier la publication du décret « Conseils et prestations », un sésame pour diversifier encore un peu plus les activités de l’officine en matière de prévention, de dépistage, d’accompagnement des patients, de coordination des soins notamment dans le cadre des communautés professionnelles territoriales de santé… Dans ce contexte de transformation accélérée du métier, la profession devra être prête pour répondre aux attentes des patients. Les pharmaciens sont attendus au tournant. « L’avenant n° 11 à la convention pharmaceutique n’est pas un menu à la carte, les entretiens et bilans de médication servent de curseurs pour savoir si la profession est capable de changer et d’aller jusqu’au bout de la réforme, prévient Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Si nous ne relançons pas la dynamique, nous aurons du mal à convaincre l’Assurance maladie à nous embarquer sur d’autres pathologies : diabète, maladies cardiovasculaires… ».

DÉPASSER le stade de l’expérimentation.

La nouvelle orientation prise par la profession va fortement impacter l’organisation de l’officine, le management, l’emploi, la qualification et la formation professionnelle des titulaires et de leurs salariés. Le changement, c’est avant tout de l’anticipation et de la conviction ! Mais dans cette période de mutation où le nouveau modèle économique n’a pas encore fait ses preuves, les pharmaciens sont dans l’expectative. Ils n’en sont pas tous au même stade d’évolution et d’adaptation aux besoins des patients. La taille de l’officine qui conditionne les moyens et la capacité humaine alloués aux entretiens pharmaceutiques joue pour beaucoup. « Les pharmaciens n’ont pas non plus la même patientèle, le même environnement et surtout la même appétence pour les nouvelles missions. », souligne Sophie Muffang, executive coach @ SMC2, spécialiste de l’accompagnement au changement. De plus, ayant du mal à mesurer le retour sur investissement de ces services, qui ne se situent pas sur la même échelle de temps que le développement de nouveaux marchés (ventes de produits), « les pharmaciens sont plus dans l’expérimentation que dans la quête d’un nouveau business model », constatet-elle. Pour Pascal Louis, président du Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine, il faut relever le défi des nouvelles missions, mais il faudra faire preuve de patience pour voir une généralisation. « La rémunération des nouvelles missions perçue comme négligeable aujourd’hui, deviendra de première importance lorsque le périmètre des missions s’élargira de façon significative. », explique-t-il.

LA VACCINATION, pourquoi ça marche ?

Pour donner une nouvelle impulsion, il faut s’appuyer sur ce qui marche : la vaccination en officine. Depuis l’expérimentation réussie de la vaccination contre la grippe par les pharmaciens, Christine Caminade, présidente de l’Unoformation (Union nationale des organismes de formation des professions de santé), constate un engouement pour la formation qui profitent pleinement aujourd’hui aux bilans de médication. Pour comprendre l’effervescence actuelle de la demande, elle rapporte les résultats de l’un de ses membres. « A fin juillet, 780 pharmaciens ont été formés par cet organisme et 78 % ont déjà mis en place les bilans de médication dans leur officine ». Les résultats sont également encourageants en matière de formation sur la vaccination antigrippale, mais pour entretenir la dynamique, « il faut aussi alléger les procédures administratives », poursuit-elle, pointant la saisie des actes de vaccination dans la plateforme de l’Ordre national des pharmaciens. « Du temps gagné sur l’administratif, c’est du temps rendu sur le professionnel. » Au sein du groupement Pharmavie, 98 % des pharmacies des régions tests se sont lancées dans la vaccination, certaines d’entre elles ont vacciné plus de 100 patients… Géraud Mézard, pharmacien Pharmavie installé à Aurillac (15), a contribué à cette performance. « Si la vaccination antigrippale a été un succès, c’est parce que cet acte simple est correctement rémunéré. De plus, il professionnalise notre métier. », affirme-t-il. Titulaire d’une pharmacie de 7 M€, employant 24 salariés, il a les moyens de mettre en œuvre des missions étendues.

Cependant, le retour sur investissement sera un critère déterminant dans ses choix. « Si leur rémunération n’est pas cohérente avec le temps passé et le diplôme, cette mutation sera vouée à l’échec. », lance-t-il. De son côté, Pascal Louis pense aussi que la vaccination va servir de rampe de lancement aux autres nouvelles missions. « Chaque officinal va devoir apprendre dans sa pratique professionnelle à passer de la station debout au comptoir, à la station assise dans un espace de confidentialité. Le changement est comportemental, il est compliqué de proposer un entretien pharmaceutique dans l’espace public de la pharmacie. En revanche, c’est plus simple au décours d’une consultation nutritionnelle ou d’un acte vaccinal. », explique-t-il.

DES BILANS de médication à domicile.

Le déploiement des nouvelles missions et des services en général nécessitera une organisation adaptée : aménagement des espaces, développement de compétences plus spécialisées, investissements humains et financiers, organisation différente des temps de travail, notamment des titulaires. Ce qu’ont fait, sans hésiter, Laurence et André Paul Viel, époux et co-titulaires d’une pharmacie rurale de plus de 2 M€. A la tête d’une équipe confortable (8 salariés dont 2 adjointes, 4 préparateurs et 1 personne en charge de la logistique du back-office) à Trun dans l’Orne (61), ils vivent les évolutions du métier comme une ouverture à de nouvelles opportunités. Avec un C.A composé à 92 % d’ordonnances, ce couple de pharmaciens est prédisposé pour prendre le virage accompagnant/ patient, à travers une activité MAD et des entretiens AVK qu’ils proposent déjà. A la mi-juillet, ils comptaient déjà à leur actif plus d’une vingtaine de bilans de médication ! « Presque tous réalisés au domicile du patient », précise André Paul Viel. Un choix délibéré. Et d’ajouter : « J’ai démarré les bilans avec les patients avec qui j’ai un bon contact, pour obtenir plus facilement leur acceptation. A l’officine, ils ont l’impression de passer sur le gril, alors que dans leur cadre de vie, ils sont plus réceptifs et on recueille davantage d’informations utiles. », explique-t-il. Pour dégager du temps disponible pour les services, « j’ai délégué la gestion du tiers-payant, le module location de matériel médical et le travail de facturation mensuelle aux clients en compte à mes préparatrices. », précise-t-il.

Gagner en efficacité

Les bénéfices d’une démarche qualité

La démarche qualité et le digital donnent du ressort aux nouvelles missions. Défendant ses intérêts, Laëtitia Hible, présidente de Pharma Système Qualité, estime que la démarche qualité est le « sésame de l’avenir de la pharmacie » et un outil permettant aux pharmacies de se réorganiser pour assumer les nouvelles missions. « Il n’est pas question d’embaucher de nouveaux salariés, alors que les pharmacies n’en ont pas les moyens. Elles sont donc dans l’obligation d’avoir une organisation parfaitement rodée et d’optimiser leur temps. » C’est l’objet de la démarche qualité qui permet d’identifier les dysfonctionnements à l’origine des pertes de rentabilité et d’y apporter les réponses appropriées. Sur les nouvelles missions, les effets de la démarche qualité sont tangibles dans les pharmacies engagées dans la certification qualité ISO 9001-QMS Pharma. « Sur les 2 350 pharmacies engagées, plus de 400 se sont investies dans la PDA, soit proportionnellement deux fois plus que sur l’ensemble du réseau. Et dans les régions pilotes retenues pour expérimenter la vaccination antigrippale, 80 % ont vacciné, contre 55 à 60 % au niveau national. », souffle-t-elle. Autre intérêt de la démarche qualité : elle apprend à conduire un projet, alors que sans elle, les pharmaciens traitent les nouvelles tâches les unes après les autres. Elle contribue à sécuriser les actes, garantit une qualité homogène au sein de l’officine. « L’homogénéité crée l’observance des patients, par rapport aux services et aux nouvelles missions. En effet, si un entretien pharmaceutique se passe mal avec un des adjoints de l’équipe, le patient ne reviendra pas à un second entretien. », explique-t-elle. Ce gain de temps et ce confort quotidien apportés par la qualité, le digital peut également l’assurer. « Le pharmacien va devoir apprendre à être efficace dans un temps donné. Or, sans outil dédié, la conduite d’entretiens n’est pas encadrée et devient vite chronophage. », expose Xavier Mosnier-Thoumas, pharmacien fondateur de mesoigner.fr et titulaire de la pharmacie de Corbiac à Saint-Médard en Jalles (33). Convaincu que la digitalisation de l’officine est un pré-requis pour pouvoir monter en force sur les nouvelles missions, il teste actuellement dans son officine la dernière solution concoctée par mesoigner.fr : un logiciel doté d’une intelligence artificielle, aidant à la conduite automatisée des bilans de médication (élaboration du questionnaire patient, gestion de l’entretien, édition d’une synthèse envoyée au médecin… ). « L’objectif est de pouvoir adresser, dans une prochaine version du logiciel, un compte-rendu au médecin de façon sécurisée et de transmettre en flux sécurisé avec l’Assurance maladie », annonce-t-il. Mais rien qu’avec cette première version, « le temps de réalisation d’un bilan de médication est tombé de 1h30-1h45 à 45 minutes », soit dans les clous du seuil de rentabilité calculé par CGP (cf. encadré p.24). Afin de gagner en productivité, ce pharmacien a également mis en place dans son officine un système de renouvellement automatique des ordonnances permettant une préparation anticipée de leur délivrance.

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AMÉLIORER la collecte des données clients.

Si ces trois pharmacies ont mis en place une organisation opérationnelle et des bonnes pratiques pour réaliser des entretiens et des bilans de médication, tout n’est pas réglé comme sur du papier à musique. En particulier, un point névralgique reste la collecte et l’exploitation de datas clients, pour sélectionner les bonnes cibles. Malgré les développements des éditeurs de logiciels officinaux ou d’autres prestataires de l’officine, cette fonctionnalité n’est pas encore au point. « me soigner. fr comme Link de l’OCP ou le LMO de Pharmagest aident opérationnellement, mais ces solutions ne résolvent pas la problématique d’identification des patients. », remarque Hélène Decourteix, consultante et fondatrice de La Pharmacie Digitale. André-Paul Viel en témoigne. « J’ai demandé à ma SSII de sélectionner les patients de plus de 75 ans, venant plus de cinq fois dans l’année à la pharmacie. Ensuite, j’ai dû pointer un par un, dans un listing de 24 pages, les noms des 1 000 patients éligibles aux bilans de médication, soit 20 % de ma clientèle. », raconte-t-il.

OPTIMISER la communication entre professionnels de santé.

Autre domaine où le bât blesse : la communication. Sur la vaccination dans les pharmacies, les infirmières ont été piquées au vif et les médecins généralistes ont été irrités de ne pas être systématiquement informés de la vaccination de leurs patients par le pharmacien. Craignant aussi que les pharmaciens marchent sur leurs platesbandes, les bilans de médication ont ravivé au début les tensions. « La communication sur les nouvelles missions doit être anticipée suffisamment tôt avec les autres professionnels de santé pour être dans le bon timing », argue Christine Caminade, présidente de l’Unoformation. Le groupement Pharmabest, avec son opération de prévention et de dépistage des cancers de la peau à l’officine, l’a appris à ses dépens. Pourtant soutenue par le syndicat national des dermatologues, cette initiative a essuyé une pluie de critiques parce qu’elle s’est faite sans aucune concertation avec le reste de la communauté médicale. Gare également aux faux-pas lors de la restitution des bilans de médication aux médecins ! « C’est un problème à ne pas sous-estimer, notamment quand le patient fréquente plusieurs pharmacies, il est donc important de bien savoir ce qu’on va dire aux médecins en faisant preuve de doigté. », recommande André Paul Viel. Concernant le véhicule des échanges numériques avec les médecins, le dossier médical partagé (DMP) ne semble pas l’outil idéal. De l’avis de certains syndicats médicaux (Fédération des médecins de France… ), une mère n’y retrouverait pas ses petits dans cet amoncellement d’informations ! « Un dossier pharmaceutique avec un historique des médicaments prescrits ou pris sans ordonnance, allongé à un an faciliterait la réalisation des bilans de médication. », estime Hélène Decourteix.

LE PATIENT : au cœur de sa communication.

La communication avec les clients doit également être bien réfléchie. Les entretiens pharmaceutiques l’ont démontrée : le patient est rarement le demandeur. Pour susciter la demande, Xavier Mosnier-Thoumas sensibilise les patients aux bilans de médication à l’aide de flyers. « Je travaille également sur des messages placés entre les comptoirs interpellant les patients sur les risques d’un traitement inapproprié ou mal pris, afin de susciter des questions qui permettront, par nos réponses, d’inviter à la réalisation de bilans. » Par ce biais, ce pharmacien espère inverser la tendance, en favorisant la communication entre son équipe et le patient. Pour ce faire, il faut aussi une équipe formée et motivée. A la rentrée, les deux adjointes d’André Paul Viel suivront une formation aux bilans de médication. « Il s’avère nécessaire de les accompagner dans cette nouvelle activité, qui implique de quitter sa zone de confort pour se mettre en mode participatif. L’attitude de repli peut être liée à la jeunesse d’un adjoint et des adjoints confirmés peuvent avoir tendance à se réfugier derrière la connaissance du médicament et la technique. Or, avec le patient, il faut à la fois être clair et rester maître de l’entretien et de sa durée, cette nouvelle approche n’est donc pas évidente. », reconnaît-il.

Témoignages

Xavier Mosnier- Thoumas

Titulaire de la pharmacie de Corbiac à Saint-Médard en Jalles (33)

Géraud Mézard

Pharmacien Pharmavie à Aurillac (15)

André-Paul Viel

Titulaire à Trun (61)

LES EXPERTS

Philippe Becker

EXPERT COMPTABLE, DIRECTEUR DU DÉPARTEMENT PHARMACIE DE FIDUCIAL

Christine Caminade

PRÉSIDENTE DE L’UNOFORMATION (UNION NATIONALE DES ORGANISMES DE FORMATION DES PROFESSIONS DE SANTÉ)

Hélène Decourteix

CONSULTANTE ET FONDATRICE DE LA PHARMACIE DIGITALE

Gilles Bonnefond

PRÉSIDENT DE L’USPO

Laëtitia Hible

PRÉSIDENTE DE PHARMA SYSTÈME QUALITÉ

Pascal Louis

PRÉSIDENT DU COLLECTIF NATIONAL DES GROUPEMENTS DE PHARMACIENS D’OFFICINE

Sandra chauvin

ASSOCIÉE FONDATRICE D’OPALE CONSEIL

Sophie Muffang

EXÉCUTIVE COACH @ SMC2

Téléservice

Une affaire aussi de transmission

Parmi les éléments qui vont conditionner la réussite des nouvelles missions, certains ont trait à la saisie des différentes informations relatives aux bilans de médication et entretiens pharmaceutiques, qui devront être facilités. En particulier, les informations administratives renseignées sur les LGO qui doivent pouvoir être transmises à l’Assurance maladie. « Cette évolution nécessite d’intégrer les bilans et les entretiens dans un programme informatique de téléservice intégré », estime Gilles Bonnefond, Président de l’USPO. Les éditeurs de logiciels réunis au sein de la Fédération des Editeurs d’Informatique Médicale et paramédicale Ambulatoire (FEIMA) portent conjointement cette simplification espérée en 2019, indispensable à la généralisation des accompagnements des patients.

COMMUNIQUER

Vendre ses nouveaux services nécessite un plan de communication à l’égard des patients, qui détaille la liste des missions et prestations, le prix de chacune d’elles et leur prise en charge par la sécurité sociale et les mutuelles.

– 0,1 % À L’HORIZON 2025. MALGRÉ LE NOUVEAU MODÈLE ÉCONOMIQUE DE L’OFFICINE, LES PERSPECTIVES D’EMPLOIS DANS LA BRANCHE SONT PEU FLORISSANTES.

Source Etude statistique 2017 de l’Observatoire des métiers dans les professions libérales.

ORGANISATION

Nouvelles missions : la marche à suivre

Si le modèle économique amène les officinaux à faire de la prestation de services à « haute dose », c’est toute la gestion interne de la pharmacie qui devra être revue. Conseils d’experts.

Les nouvelles missions sont des pièces qui se rajoutent au puzzle d’activités de l’officine ». Cet aphorisme signé de Sandra Chauvin, associée fondatrice d’Opale Conseil, nécessite pour les titulaires d’avoir une vision stratégique claire comme antidote à la révolution liée à la diversification des services au patient. « La pharmacie ne pourra pas toutes les faire, il faut donc en sélectionner et en prioriser lors de team building », explique-t-elle. Définir ses nouvelles priorités, c’est aussi le leitmotiv de Sophie Muffang, executive coach @ SMC2. « Le pharmacien doit se caler sur ce qui est important et non urgent (l’évolution du métier vers le service), lister les actions qu’il souhaite mettre en œuvre sur au moins une nouvelle mission ou sur un an, cela contribuera à établir un plan d’action opérationnel de déploiement du changement. Il doit inscrire dans son agenda des plages de réflexion hebdomadaires ou par quinzaine pour accompagner ce changement. » Une fois les choix arrêtés, « Il faudra répartir les tâches, déléguer des missions clairement partagées de façon collective et définir les ponts d’intervention entre les préparateurs (chargés du recrutement des patients et des prises de rendez-vous) et les pharmaciens réalisant les entretiens. », reprend Sandra Chauvin.

Une approche différente pour conduire au changement. « La préparation des services ne s’organise pas du tout comme de la dispensation au comptoir, ce sont deux approches différentes, souligne Philippe Becker, expert-comptable, directeur du département pharmacie de Fiducial. Le prestataire de service doit anticiper heure par heure sa journée de travail pour ne pas perdre de temps et être certain d’utiliser celui de ses salariés à une tâche productive facturable. Le pharmacien peut légitimement s’inquiéter de la façon de juxtaposer la dispensation et la prestation avec le même personnel. Prenons le cas de la vaccination, s’il n’y a pas une prise de rendez-vous organisée, ce sera compliqué en octobre et novembre… » Pour réussir, il faudra s’équiper pour de la prise de rendez-vous, disposer de locaux adaptés et bien entendu avoir du personnel dédié. « Il y a des pharmaciens qui expérimentent cela depuis longtemps, avec la location de matériel HAD ou MAD ou encore ceux qui servent un EHPAD. Ils ont dû repenser beaucoup d’aspects organisationnels pour réussir, comme dans tous les domaines il y a une courbe d’apprentissage. », conclut-il.

Le temps, c’est de l’argent ! La rémunération des nouvelles missions est ce qu’elle est et, par rapport à cela, les pharmaciens vont devoir trouver un intérêt à la fois intellectuel et financier. « La prestation de services mal payés peut vite créer un gouffre financier, car une heure sous facturée ne peut jamais être récupérée, met en garde cet expert-comptable. Il est donc urgent de définir les temps standards pour chaque prestation ou mission, d’y positionner les intervenants en fonction de leur qualification et de mesurer le coût horaire complet en définissant une marge horaire pour rémunérer de manière décente le ou les titulaires. », affirme Philippe Becker. « Se “timer” sur les services permet de prendre conscience de la gestion de son temps, de ses priorités et d’adapter son organisation de façon plus pertinente. », complète Sophie Muffang.

3,9 MILLIONS DE PATIENTS SONT ÉLIGIBLES AUX BILANS DE MÉDICATION ET 8 % DE CETTE CIBLE SONT ENRÔLÉS LA 1re ANNÉE, SOIT UNE MOYENNE DE 15 BILANS PAR PHARMACIE.

Source Avenant n°  11 de la convention, juillet 2017.

Bilan de médication

Mais si, c’est rentable !

Dans leur dernière étude « Les services en pharmacie d’officine, septembre 2018 » menée en collaboration avec le groupement CGP (réseau de cabinets d’expertise comptable), les Echos Etudes ont modélisé le modèle économique du bilan partagé de médication. L’objectif ? Apprécier le seuil de rentabilité d’un bilan confié à un adjoint coefficient 500, au regard du temps passé pour réaliser ses quatre étapes – l’entretien de recueil d’informations, l’analyse des traitements, l’entretien « conseil » et le suivi de l’observance -, rémunéré 60 € la première année. Pour effectuer ce calcul, CGP a pris le coût chargé du salaire de ce pharmacien adjoint à plein temps qui, au comptoir, génère en moyenne un C.A annuel de 450 k€. Bien sûr, le temps consacré à ce bilan de médication sur ses heures de présence en officine, c’est autant en moins à la vente. Résultat : Si le temps alloué aux différents entretiens et à l’analyse ne dépasse pas 45 minutes, le bilan de médication s’avère plus rentable que la vente au comptoir. S’il est compris entre 45 minutes et 1 h 40, il est moins rentable que la vente au comptoir, mais la pharmacie ne perd pas d’argent (activité non déficitaire). En revanche, au-delà d’1 h 40, le bilan est moins rentable que la vente au comptoir et cette activité devient déficitaire.

EN ÉQUIPE

« Co-construisez avec l’équipe vos choix stratégiques, écoutez le pragmatisme de vos collaborateurs qui connaissent bien vos clients, identifiez les talents et appétences de chacun pour ces nouvelles missions, appuyez-vous sur l’intelligence collective. », invite sandra chauvin, associée fondatrice d’opale conseil.

L’ESSENTIEL

→ Les pharmaciens, qui sont encore dans l’expectative et l’expérimentation, ont des difficultés à se projeter dans ce modèle économique des services.

→ Les nouvelles missions requièrent une adaptation des locaux de l’officine, des formations, une organisation et un management spécifiques.

→ La démarche qualité et les nouvelles technologies permettent de libérer du temps. Cependant, des progrès sont attendus au niveau des fonctionnalités métier des LGO (ciblage des patients).

→ Le paramétrage du temps alloué aux nouvelles missions conditionne leur rentabilité

ÉCHANGER

dans cette quête de l’efficience, créer des groupes d’échanges pour partager ses expériences (à l’échelle locale et/ou d’un groupement) est essentiel, pour repérer ce qui marche, les dysfonctionnements et élaborer des solutions.