Tous gagnants

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Publié le 25 octobre 2018
Par Francois Pouzaud
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Le nouvel arrêté de marge pour 2019 et 2020 sera publié dans les prochains jours. Avec le transfert de marge vers trois nouveaux honoraires au 1 er janvier prochain, la pharmacie se désensibilise encore plus des baisses de prix. A l’échéance 2020, les cinq honoraires représenteront 77 % de la rémunération officinale. Pour 100 % de gagnants ?

Le rapport de force qui s’était sournoisement créé ces derniers mois entre la direction de la Sécurité sociale (DSS), la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) tire à sa fin. Lors de la commission paritaire nationale du 18 octobre, un projet d’arrêté de marge pour 2019 et 2020 a été soumis à la concertation préalable des deux syndicats. Sa publication au Journal officiel est attendue pour début novembre au plus tard. Parallèlement, Nicolas Revel, directeur général de l’Union nationale des caisses d’assu-rance maladie (Uncam) et l’USPO, signeront un avenant conventionnel entérinant les trois nouveaux honoraires, selon les informations communiquées par ce syndicat.

Un arrêté de marge au forceps

Ainsi, dans deux mois, au 1er janvier 2019, seront introduits dans la rémunération officinale les honoraires de dispensation à l’ordonnance, les honoraires de dispensation pour les médicaments spécifiques et les honoraires de dispensation liés à l’âge ; ces deux derniers honoraires seront ensuite revalorisés en 2020. La création de nouveaux honoraires et la modification de la marge ont été ratifiées par la signature de l’avenant n° 11 à la convention pharmaceutique entre l’Uncam et l’USPO le 20 juillet 2017. Les ajustements techniques se sont poursuivis avec l’Etat jusqu’en septembre 2017, portant sur le taux de la première tranche de marge (de 0 à 1,91 €) ramené finalement de 11 % à 10 % en 2018 et sur le taux de la deuxième tranche (de 1,91 € à 22,90 €) revalorisé de 20,75 % à 21,40 %. « Ces deux modifications ont permis une meilleure répartition du financement de la marge du réseau entre les complémentaires santé et le régime obligatoire d’assurance maladie », explique Gilles Bonnefond, président de l’USPO. Le taux de 0 % sur la tranche de prix supérieurs à 1 500 €, lui, n’a pas bougé, mais un relèvement progressif de ce plafond à 1 515 € en 2018, 1 600 € en 2019 et 1 930 € en 2020 a été obtenu, ce qui garantit sur 3 ans le maintien de la rémunération (en valeur) du pharmacien sur les médicaments chers. Selon l’USPO, ce qui a finalement été négocié en septembre 2017 est légèrement plus favorable que le provisoire de juillet 2017, apportant un boni de 20 millions d’euros supplémentaires en 2018.

Mais cela n’a pas été sans mal. « La DSS a cherché à renégocier l’accord jusqu’à la rentrée 2018, estimant que la réforme est trop favorable à la profession, explique Gilles Bonnefond. Or revenir sur la négociation aurait été une forme de trahison vis-à-vis de la profession ».

De son côté, la FSPF a connu d’autres déboires avec la DSS. Bien que n’ayant pas signé l’avenant n° 11 en raison d’un quantum économique insuffisant de 500 millions sur 5 ans, les discussions sur la rémunération n’ont jamais été rompues avec le gouvernement. Elle a notamment relancé la DSS sur la publication du nouvel arrêté de marge. Ne voyant toujours rien venir à quelques mois de son entrée en vigueur, Philippe Gaertner, président de la FSPF, a fait part de son indignation en septembre, craignant un nouveau cafouillage avec l’Assurance maladie, comme cela avait été le cas en début d’année 2018 pour l’introduction des nouveaux taux de marge.

LA FSPF ne reviendra pas sur sa non-signature

Ayant enfin pris connaissance du nouvel arrêté de marge pour 2019 et 2020, la FSPF ne décolère pas pour autant. « Ce projet de texte est différent de ce que l’Assurance maladie nous avait présenté en juillet 2017 et qui a conduit la FSPF à ne pas parapher l’avenant conventionnel sur la rémunération », souligne Philippe Besset, vice-président de la FSPF. A première vue, « il paraît meilleur pour la pharmacie », analyse-t-il, avec prudence, tant que de nouvelles études d’impact économique n’ont pas été réalisées auprès des officines issues du panel IQVIA-Pharmastat. Il relève d’emblée que le nouvel arrêté de marge répond à l’une des demandes de la FSPF : ne pas baisser la rémunération sur les médicaments chers, et ce en relevant le plafond de la dernière tranche au-delà duquel la marge est à zéro.

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Mais cela ne constitue pas une avancée suffisante pour que son syndicat décide de signer rétroactivement l’avenant n° 11. Alors que le manque d’activité en septembre est responsable d’une perte de rémunération estimée entre 30 et 35 millions d’euros sur ce mois, « cet arrêté de marge ne change rien à nos projections de 2018 ( 100 M€ pour l’officine), il faudra regarder la rémunération en décembre », lance Philippe Gaertner.

Déjà de nouveaux combats pour les syndicats

Avec un arrêté de marge désormais « figé » (selon ses propres termes), le président de la FSPF renonce à demander une réouverture des négociations avec l’Etat mais souhaite faire avec lui un bilan de l’évolution de la situation économique des officines. « Nous voulons aussi ouvrir la réflexion sur la rémunération concernant les génériques, car il y a eu beaucoup de baisses de prix sur cette catégorie de médicaments en 2018 et elles impactent plus fortement la marge du réseau que celles sur les princeps, en raison du niveau plus important des remises », annonce-t-il. La proposition défendue par la FSPF n’est pas nouvelle ; elle consiste à convertir une part de la rémunération sur les génériques en honoraires.

Une demande qu’elle justifie aujourd’hui par l’écot payé à l’Assurance maladie dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2019, sur la même tendance que les années précédentes : 900 millions d’euros d’économies sur le médicament remboursable, 150 millions (contre 100 millions dans la LFSS 2018) sur les dispositifs médicaux, sans connaître pour l’instant la ventilation des économies sur les différents acteurs de santé. « Sans compter que l’accord sur les salaires de 2018 [l’accord d’extension n’a toujours pas été publié au JO, NdlR] représente une augmentation de charges de 68 millions d’euros pour nos entreprises », ajoute-t-il.

Gilles Bonnefond est d’accord pour ouvrir un nouveau chantier de la rémunération mais pas avant l’horizon 2021, puisque jusqu’à cette échéance, la rémunération des pharmaciens est protégée d’une dégradation de l’économie officinale par des clauses de sauvegarde, collective et/ou individuelle. « L’honoraire à la boîte pénalise la profession en raison de la baisse des unités et du déremboursement de certaines spécialités (médicaments contre la maladie d’Alzheimer), il faudra donc le retravailler, souhaite-t-il. Le mécanisme de la réforme va s’amplifier en 2019 et 2020, mais celle-ci n’a de sens que si l’on fait évoluer le métier, que si les pharmaciens ne passent pas à côté des opportunités offertes : bilan de médication, télémédecine et chimiothérapies ambulatoires. »

Un gain de 10 000 € sur 2 ans

Les simulations réalisées l’an dernier sur les effets à terme de la réforme sur la rémunération officinale auprès du panel QuintilesIMS-Pharmastat affichaient 95 % de pharmacies gagnantes. Cette proportion est reconduite selon les estimations du cabinet Lecoeur Leduc et associés, à la lumière du nouvel arrêté de marge. « Il faut toutefois relativiser ce pourcentage, car cette analyse réalisée à périmètre constant ne prend pas en compte les baisses de prix et des volumes, tandis que les ventes accrues de médicaments chers dont l’impact est bénéfique sur 2018 sont un indicateur qui fausse les analyses », nuance Joël Lecoeur, expert-comptable. Dans son panel, la pharmacie moyenne réalise un CA global de 1,8-1,9 M€ HT. « Sur le fond, cette réforme est plutôt bonne, le gain de marge est de 7 000 € en 2019 (par rapport à 2018) et 3 000 € en 2020 (par rapport à 2019). »

À RETENIR


•   Le nouvel arrêté de marge pour 2019 et 2020 sera publié dans les prochains jours.

•   Au 1er janvier 2019, seront introduits dans la rémunération officinale les honoraires de dispensation à l’ordonnance, les honoraires de dispensation pour les médicaments spécifiques et les honoraires de dispensation liés à l’âge. Ils s’ajoutent à ceux déjà existants.

•   A l’échéance 2020, les 5 honoraires représenteront 77 % de la rémunération officinale.

REPÈRES 

MARGE DE DISPENSATION DES PHARMACIENS : ÉVOLUTION SUR 3 ANS 

PAR FRANÇOIS POUZAUD