La ruche crée le buzz

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Publié le 5 novembre 2018
Par Fabienne Colin
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Les qualités nutritives et thérapeutiques du miel sont de plus en plus recherchées par les consommateurs. Mais, les vertus des produits de la ruche diffèrent en fonction de leur composition, exigeant un conseil pointu que le pharMacien est tout à fait amène de délivrer.

Le miel, la propolis, la gelée royale et le pollen s’invitent dans les formules des produits cosmétiques, des compléments alimentaires et bien au-delà. Aujourd’hui, l’abeille est aussi utilisée pour incarner la responsabilité sociale des entreprises. D’ailleurs, la société angevine Apiterra s’est spécialisée dans l’installation de ruches dans des collectivités ou des sociétés, depuis 2010. Si bien que les petites boîtes implantées sur les toits des supermarchés, des sièges sociaux poussent comme des petits champignons… Cette vogue s’inscrit dans une tendance plus profonde. « L’engouement pour “le naturel drive” entraîne les consommateurs vers les produits issus de la ruche. », explique Claire Guignier, responsable des affaires publiques et de la communication du Syndicat national des compléments alimentaires (Synadiet). De fait, les chiffres sont au vert. « A fin décembre 2017, les ventes de compléments alimentaires dont l’ingrédient principal provenait de la ruche, pesaient 33,7 M€ (en sorties de caisse), soit une progression de 2 %, selon l’institut d’études IQVIA. », poursuit-elle en rappelant qu’en France, la pharmacie détient 51 % du marché total des compléments alimentaires et les magasins bio 15 %.

UN ESSAIM de marques.

Pour répondre à la demande des consommateurs, nombreuses sont les marques qui ont investi le créneau, mais l’offre très disparate rend sa lecture difficile. Des exemples en pharmacie ? Ladrôme Laboratoire et sa gamme à base de propolis, Pollenergie avec sa ligne Aristée combinant produits de la ruche et phytothérapie, Arkopharma, Santé Pharma et Vitaflor plus spécialistes de la gelée royale… « Nous sommes entrés dans l’univers de la pharmacie en septembre 2005 avec la marque Ruche Royale – devenue Arkoroyal, Ndlr –  », rappelle Olivia Sciarrone, chef de produit d’Arkoroyal, qui revendique 8 % des ventes d’Arkopharma. « Nous voulions drainer cette clientèle vers les officines et les parapharmacies. » Et ça marche. Elle affirme que le marché des compléments alimentaire à base de gelée royale a progressé de 6 % en valeur (en cumul annuel à fin juin). « L’ingrédient de la ruche le plus porteur en pharmacie, c’est la gelée royale ». Si bien que nous assistons parfois à une guerre des prix sur les produits purs, comme la gelée royale. Selon Arkopharma, sur le marché de cet élixir en officines, son groupe serait leader avec 40 % de parts de marché, devant Ristabil qui « explose », loin devant Forté Pharma, Super Diet et Vitaflor.

L’OFFICINE : un acteur légitime.

Les laboratoires s’accordent pour trouver l’officine légitime sur les remèdes à base de produits de la ruche. Toutefois, ils regrettent de devoir s’affronter à certains freins. « En France, le corps médical, référent en cicatrisation, est globalement hostile au concept de « miel médical ». Ils évoquent le fait que les études cliniques sont contradictoires. », confie Fabien Quero, fondateur de Melipharm. Pourtant cette société spécialisée dans les dispositifs médicaux à base de miels médicaux, n’est pas seule sur ce segment. On y trouve notamment Revamil et Medihoney. Cependant, les allégations autorisées pour les produits de la ruche sont rares. D’où la nécessité pour les officinaux de se former. C’est le cas d’Olivia Métral, auteur d’une thèse sur le miel (lire encadré). Elle développe l’offre d’apithérapie dans les officines où elle travaille : dernièrement à la Pharmacie de la Mandragore à Grenoble (38) (lire PHM162), et actuellement à la Pharmacie des Chaprais à Besançon (25). Elle se forme notamment auprès de l’Association francophone d’apithérapie (AFA).

PLUS de vente conseil !

Dans ce contexte, les marques investissent en R&D et en marketing. Ladrôme multiplie les PLV et les opérations promotionnelles. Plus original, sa force de vente a été équipée, dès 2016, d’une valisette de quatre produits et d’échantillons, « destinée à être laissée aux pharmacies », souligne Stéphanie Philippe, responsable marketing. Autre initiative, deux animatrices formatrices Ladrôme parcourent la France, depuis quatre ans. Vers le grand public, la marque communique sur l’agriculture biologique en général, et non sur la ruche en particulier, explique Amalia Boxberger, responsable communication. Son slogan pour la propolis « Vivez l’hiver autrement » n’insiste pas non plus sur les abeilles. Résultat, Ladrôme revendique une croissance de 50 % des ventes de sa propolis, entre 2015 et 2017. Pour convaincre les pharmaciens, Arkopharma a, de son côté, investi dans des études sur sa gelée royale, pour en garantir la qualité via sa concentration en 10-HDA et en Apalbumine. En 2016, le groupe a aussi organisé des soirées de formation dédiées à sa marque, Arkoroyal. Au programme : une présentation des actifs issus de la ruche et la façon de les conseiller. « On a constaté une demande plus forte des pharmaciens. Et une fois formés, ils se sont montrés plus enclins à conseiller nos produits ».

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À BOIRE et à manger.

Pour vendre des produits aux rares allégations, les explications au comptoir sont obligatoires. Sans cela, c’est l’échec commercial assuré ! « En 2017, nous avons lancé Royal Fruits pour surfer sur la vague des super fruits, mais faute d’allégations sur les packagings, les consommateurs n’ont pas compris. Autre exemple ; Cicamiel était très efficace, mais il n’a pas marché commercialement. », observe Olivia Sciarrone. Et pour Olivia Métral, l’inverse est tout aussi vrai : « Il existe sur le marché des gelées royales avec quasiment rien dedans, que le miel stérilisé par la chaleur perd la plupart de ses qualités… Comme en phytothérapie, il va falloir apprendre à différencier les produits. Nous sommes sans doute en retard sur la phyto », conclut-elle. D’ailleurs la fiche « apiculture » de FranceAgrimer, l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer qui exerce ses missions pour le compte de l’État, en lien avec le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, va dans ce sens. Elle conclut à une nécessité de « mieux informer les consommateurs, rendre la gelée royale pure/fraîche plus accessible et développer la consommation au sein du foyer ». Tout est dit.

À SAVOIR

S’il existe une large gamme de compléments alimentaires qui vantent les bienfaits du miel sur la santé, seuls 3,1 % d’entre eux ont pour ingrédient principal un produit de la ruche.

Source premier Observatoire des compléments alimentaires de Synadiet, en mars 2017.

POUR ALLER + LOIN

→ L’ouvrage de la pharmacienne, Olivia Métral, « Le miel dans votre pharmacie », publié chez baroch editions (2014, 168 pages, 24 €), présente les différentes utilisations thérapeutiques du miel : troubles orl, digestifs, hépatiques, dermatologiques, cardiaques, rhumatologiques et obstétriques… il démontre également les enjeux socio-économiques et environnementaux du développement de l’apithérapie dans le monde actuel.

Témoignage

comment conclure les ventes ?

Depuis sa thèse « Miel et apithérapie, intérêts pharmaceutiques, économiques et écologiques », la pharmacienne, Olivia Métral, actuellement adjointe à la Pharmacie des Chaprais à Besançon (25), est spécialisée dans le miel. Après avoir référencé les miels médicaux Melipharm au début de l’été, elle s’étonne encore d’avoir déjà repassé plusieurs commandes. « L’offre n’est même pas théâtralisée ! Ce sont des produits que nous proposons seulement au comptoir, pour traiter des infections, des crevasses mammaires… ».