L’enfant roi !

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Publié le 1 février 2019
Par Fabienne Colin
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Chaque jour, les officines voient défiler des enfants de tout âge dans leurs rayons. pour canaliser leur énergie et mieux capter l’attention des parents, certaines investissent même dans un coin dédié, avec des mini tables, des jeux, voire une tablette… une stratégie payante à condition qu’elle soit en adéquation avec son offre et sa cible clientèle.

A la pharmacie Mutualiste de Joué-lès-Tours (37), les plans sont tous déjà tracés. Sur le papier, l’espace enfant s’intitule “L’Atelier des petits bobos” et s’étend sur plusieurs mètres carrés. Au milieu de gros coussins orange roule une boule colorée, qui relie les différents maux quotidiens aux plantes destinées à les soigner. Les enfants jouent avec les sons et peuvent toucher, sentir, interagir avec les plantes grâce à un système de trappes. Derrière chaque porte se cachent des explications sur la plante. « Nous misons sur une approche pédagogique tant pour les adultes que pour les petits », explique la designer Pauline Grillet, qui a travaillé en binôme avec sa consœur, Marie Cordier. Ludique et instructif à la fois, le projet a remporté un prix Reload My Pharmacy 2018 organisé par L’Oréal Cosmétique Active (lire PHM 178), mais la titulaire, Hélène Laraud, bien que convaincue par les bien-fondés d’un espace enfant, n’a pas encore sauté le pas de transformer son espace de vente. « Comme nous essayons de capter davantage de familles avec des prix attractifs sur les couches et le lait, cela serait cohérent avec notre offre », affirme-t-elle.

L’ENFANT prescripteur.

Le temps des “courses corvées” est révolu ! Aujourd’hui, les parents ressentent le besoin de redonner du sens à tous ces moments de la consommation quotidienne. « Pour aller chercher du pain, des médicaments…, ce temps est désormais vu comme un moyen de se reconnecter avec l’enfant », souligne Shirley Curtat-Cadet, directrice et fondatrice de l’agence de conseil, Com’ des enfants. « Les parents en profitent pour les éduquer à la consommation. L’enfant peut être prescripteur dès l’âge de six ans. Dans 95 % des cas, le parent suit la recommandation d’un enfant de huit ans », poursuit-elle, tout en observant que les animations pour enfants sont développées dans tous types de commerces. « On a longtemps considéré l’enfant roi. Il était, alors, décideur. Aujourd’hui, on le regarde plutôt d’égal à égal. Les parents veulent ouvrir la conscience de leur progéniture à propos de la consommation et y voient un moyen d’échange. On va faire les courses avec l’enfant pour lui apprendre le prix des choses, la communication des marques… ». Le besoin de prendre en compte l’enfant a changé et a modifié le comportement des consommateurs dans sa globalité.

S’INSCRIRE dans une stratégie cohérente.

Dans ce contexte, équiper la marmaille relève d’une stratégie cohérente. « Un espace enfant n’est pas adapté au commerce orienté sur le prix, mais à ceux qui misent sur une valeur ajoutée premium. Il n’est pas, non plus, un élément de conquête, mais de fidélisation clients », estime la communicante. Son agence a, par exemple, conseillé l’enseigne de restauration Pizza Paï. « Leur brief était de revoir l’accueil des enfants, mais nous leur avons plutôt recommandé de mieux accueillir les familles », explique Shirley Curtat-Cadet. L’idée n’est plus de placer l’enfant le plus loin possible dans un coin, mais de l’envisager à partager un moment en famille. D’où la création d’un bar à jeux, pour jouer ensemble sans sortir de table, d’un atelier pour créer sa pizza… Shirley Curtat-Cadet préconise aussi d’attirer l’attention des équipes de vente, qui doivent réserver un accueil chaleureux adapté aux enfants. Par exemple, en se baissant à leur hauteur pour leur parler, en glissant un « bonjour jeune homme » et en imaginant toutes sortes d’attentions particulières le jour de leur anniversaire… Petit Bailly, un magasin de puériculture et de parapharmacie bébé, concept créé par Constance Clément, titulaire de la Pharmacie Bailly, et sa sœur Mathilde, ont fait fabriquer des sacs spécifiques pour les enfants. En papier, tous comportent une partie blanche pour que les chers bambins dessinent et personnalisent la poche que les parents vont remplir d’emplettes. Une création de l’agence Persona. « Nous nous sommes appuyés sur notre expérience à l’officine, pour donner de l’importance aux services et aux conseils dédiés aux enfants », souligne la titulaire qui a recruté une préparatrice pour accompagner les parents sur la parapharmacie.

CONFORT, sécurité et praticité.

« Aujourd’hui, quand une pharmacie revoit son agencement, l’enfant ne fait souvent pas partie de ses priorités. C’est seulement à l’usage qu’elle se rend compte de l’intérêt de créer un espace spécial. Mais, le mettre en place a posteriori est compliqué, car le flux clients n’a pas été anticipé en fonction. C’est dommage, car il existe quantité de solutions, même avec une petite surface, comme intégrer des meubles dans des bornes d’accueil. Plus la question est prise en amont, plus c’est simple ! », prévient Shirley Curtat-Cadet. Pour l’installation, un agenceur ou autre conseiller recommandera uniquement du mobilier aux normes en vigueur pour les enfants. Petit Bailly a fait appel à un fabricant de toboggans homologué pour les jardins publics, pour construire celui qui dessert le rez-de-chaussée depuis le premier étage. Au sol, le revêtement est également adapté. « Au-delà de la sécurité, le confort compte aussi. Ici, la largeur des allées est aux alentours d’1,20 mètre », observe David Olivier Descombes, fondateur de DOD Architecte, qui a dessiné le magasin. « Toutefois, les rayonnages proviennent de Mecalux et ont été customisés avec de la peinture ». Quant aux chaises et tables, elles ont été achetées à… Ikea. « Attention à éviter les accidents avec des produits inadaptés et garder dans un coin de la tête que ces éléments seront utilisés de façon intensive… », avertit Aurélie Renault, à la tête de Kidea, l’un des nombreux fournisseurs positionnés sur ce marché, au même titre que Wesco, Haba, Welcome Family, Kalokids ou encore IKC Play.

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51 % DES PARENTS ESTIMENT QU’UN ENFANT DE SEPT ANS EST DÉJÀ PRESCRIPTEUR. IL Y A QUELQUES ANNÉES, LA PRESCRIPTION DÉMARRAIT VERS L’ÂGE DE 10/12 ANS.*

* Baromètre « Approuvé par les familles » par l’Institut Générations & Co

93 % DES PARENTS ESTIMENT QU’IL EST IMPORTANT D’IMPLIQUER LES ENFANTS DANS LA CONSOMMATION FAMILIALE.*

* Baromètre « Approuvé par les familles » par l’Institut Générations & Co

Marketing

Comment toucher la cible enfant ?

Georges Duarte, consultant/expert en retail et co-fondateur de l’enseigne Anton & Willem, ne voit pas l’intérêt de créer un espace enfant dans une pharmacie. « Quand je vais dans une officine, je n’ai pas envie que mes petits jouent, tout simplement parce que je n’ai pas envie d’y rester ! Il n’y a pas d’espace enfant chez Sephora ou chez Krys. Dans une officine, ce n’est pas comme chez le médecin où je sais que je vais devoir attendre longtemps, ou comme à Ikea où l’on se promène entre 2 et 3 heures », explique-t-il. En revanche, Georges Duarte estime indispensable « de rendre le point de vente accessible aux poussettes ». Et se montre favorable aux animations pédagogiques : « Avec un rendez-vous pour un atelier sur “Comment me brosser les dents”, “bien m’alimenter”, “s’endormir sans stress les veilles d’examen”…, mais la pharmacie n’est pas un lieu où on laisse l’enfant seul », conclut-il.

POUR ALLER + LOIN

Se procurer l’enquête “L’enfant : prescripteur d’achat du foyer ?” réalisée en septembre 2017 par Opinea, dont les grandes lignes sont disponibles sur le site Opinea.com