La conciergerie n’est plus un luxe

Réservé aux abonnés
Publié le 1 mars 2019
Par Fabienne Colin
Mettre en favori

Dans notre société où le service se développe à pas de géant, la conciergerie permet de cultiver une relation de bienveillance. Elle répond aux attentes du consommateur moderne de plus en plus exigeant et se répand dans des secteurs inattendus. Jusqu’à la pharma !

Chez Happytal, on se souvient des larmes de plaisir et d’émotion de cette vieille dame hospitalisée quand on lui a livré son habituel savon Roger & Gallet… Ça peut paraître futile, mais quand le séjour se prolonge, disposer de ses produits du quotidien dans sa chambre, ne l’est pas. Depuis 2013, la start-up Happytal s’est donnée pour mission d’améliorer l’expérience patient et la qualité de vie en hôpital, notamment via un système de conciergerie. Si ce service existait à l’origine dans les immeubles et dans les hôtels de luxe, il est en train de se démocratiser. Ainsi à Paris, la société Lulu dans ma rue propose des prestations par des habitants du quartier aux compétences variées (bricolage, ménage, informatique…) mis en relation avec des voisins en quête d’un service. Concrètement, le client contacte l’entreprise via son site internet, par téléphone ou il se rend dans l’un des six kiosques, des quatre marchés parisiens dotés d’un stand à la marque ou encore dans le corner Lulu du BHV du Marais, puis un « Lulu » intervient. Ce dernier est payé sur place entre 10 et 20 € de l’heure, selon la mission. Laquelle peut aussi donner lieu à un crédit d’impôt de 50 %. « Ce qui me frappe avec Lulu, c’est leur capacité à jouer sur le multicanal. Ils sont joignables par tous les moyens possibles, et en particulier via une très forte présence dans le monde réel. Cette inscription dans le monde physique constitue l’une des clés de cette conciergerie », explique Véronique Varlin, directrice de L’ObSoCo (L’observatoire société et consommation). Et d’ajouter « Le pharmacien a aussi cette capacité à être proche des consommateurs. Comme La Poste, par exemple ».

AU SERVICE des patients.

Le contexte est favorable. « La santé est la première préoccupation des Français et c’est un poste de dépense très important. Le pharmacien est sur un marché clé et sensible », souligne la consultante. De plus, « dans un monde où le consommateur recherche l’effacement des contraintes, la conciergerie a un certain potentiel », poursuit-elle, tout en observant que nous sommes davantage motivés par l’usage que la possession, et de plus en plus désireux de profiter de services personnalisés à la demande. Happytal répond à cette aspiration. Actuellement présente dans près de 70 hôpitaux, où elle sert une moyenne de 25 000 patients par mois, la société s’inscrit dans une logique où la population vieillit et où les séjours hospitaliers raccourcissent. Mais, elle dépasse le simple service rendu avec ses quelques 300 salariés, notamment les concierges au contact des patients, qui doivent exprimer « de l’empathie mais aussi de la surprise. Nous voulons étonner les gens avec des petits plus, des petits mots, de petites attentions », insiste le DG et cofondateur de la start-up, Pierre Lassarat. De son côté, Cindy Morlec, qui est en train de monter la conciergerie d’hôpital Hop’Easy, va dans la même direction. Elle a testé le service pendant deux mois dans un établissement breton de rééducation et d’adaptation de La Mutualité. « Le besoin est là, les clients sont vraiment prêts à changer leur façon de consommer. Dans les établissements de santé, les services les plus demandés sont la blanchisserie, l’alimentaire pour des petits plaisirs et, en troisième position, la parapharmacie », analyse la jeune entrepreneuse.

UN SERVICE payant.

Et si la conciergerie a fait son entrée dans toutes sortes d’activités, comme à la mutuelle Maif avec son site BtoB Conciergerie et Plus (lire encadré “Au service du bien-être”), « mieux vaux raisonner par bouquet de services cohérents et légitimes en termes de compétences et de valeur ajoutée », suggère Véronique Varlin. « La conciergerie des pharmacies pourrait concerner l’accompagnement de personnes qui ont des besoins particuliers, comme celles qui suivent un régime alimentaire, par exemple. Face à certaines pathologies lourdes, il faudra réfléchir sur diverses problématiques telles que comment se déplacer, se nourrir…Le pharmacien peut aussi devenir un point d’entrée vers des fournisseurs de produits sans gluten, sans sucre, sans sel… ». De fait, l’officine propose déjà des services de conciergerie, comme Monsieur Jourdain fait de la prose. Ainsi, certaines assurent la livraison des médicaments à la demande, des diagnostics à domicile, la fabrication de piluliers… Des offres qui sont, trop souvent encore, peu markétées et délivrées gratuitement.

UN SERVICE de proximité.

Cindy Morlec estime que la conciergerie est un service mutualisé qui « répond à une dynamique de quartier », et qu’elle est quasi « ingérable » par un commerce seul. Pour les pharmacies qui rejoignent son offre Hop’Easy, « il n’y a aucune charge fixe. La rémunération se fait à la commission, nous envoyons une facture seulement en cas d’activité ». Le principe de la conciergerie plaît déjà aux établissements de santé. A tel point que Happytal, qui a levé 23 M€ fin novembre 2018, étend son activité aux Ehpad et maisons médicalisées. A quand une collaboration avec un groupement de pharmaciens ? Happytal laisse la porte ouverte, mais garde ses priorités sur le choix de ses partenaires : la proximité des établissements de santé avec les clients, les prix pratiqués (raisonnables pour être en phase avec les patients des hôpitaux publics) et la motivation des titulaires. Du sur-mesure !

Publicité

50M d’€

C’est le poids du marché de la conciergerie en France. Un secteur en fort développement, puisque le C.A des sociétés de conciergerie a doublé entre 2011 et 2017 et que son rythme de croissance prévisionnel se situe autour de 14 % en 2020.

Source : Étude « Les marchés de la conciergerie à l’horizon 2020 », du cabinet Xerfi-Precepta.

UNE AIDE APPRÉCIÉE

38 % de la population sont attirés par les services d’aide au quotidien (consigne, tâches domestiques, points relais …).

Source : Observatoire de l’habitat 2018 de l’ObSoCo.

En entreprise

Au service du bien-être

La conciergerie est aussi un outil de management. Certaines grandes entreprises proposent un tel service (pressing, cordonnerie, baby-sitting, garde d’animaux, organisation de pot de départ, etc) à leurs salariés pour leur faciliter la vie et les fidéliser. Et à en croire Khan Magne, cofondateur de Minute Pharma, société de livraison spécialisée en santé installée à Paris, l’officine s’y met aussi. « Nous sommes en train de devenir un service de conciergerie pour les pharmaciens qui nous font livrer des pièces à leur comptable, aller chercher un costume chez le tailleur… », confie-t-il, étonné de voir les services de son entreprise s’élargir de façon inattendue.