Les mastodontes s’enracinent

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Publié le 1 septembre 2019
Par Fabienne Colin
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Véritables supérettes, de plus en plus d’immenses pharmacies émergent en France, avec une enseigne. A leur tête, les titulaires s’organisent pour gérer ces PME. L’enjeu : assurer leur image de croix verte pour satisfaire le client avec un mix Prix/Services et trouver un modèle économique adapté.

Les pharmacies se font plutôt rares dans la presse grand public… Or, au printemps, on a pu repérer celle de l’Espace Coty au Havre (76) dans les colonnes du Parisien, sur le site Capital.fr, sur les ondes de France Bleu… Cette officine a fait parler d’elle en devenant, après transfert dans un emplacement jusque-là occupé par un magasin Go Sport, la plus grande de France avec ses 1 600 m2 de surface de vente. Un record de courte durée : sa consoeur la Pharmacie de la Gare à Roissy-en-Brie (77) devrait la dépasser avec plus de 2 000 m2 accessibles aux clients d’ici à la fin de l’année. Ces deux croix vertes à l’enseigne Elsie Santé, ont pour particularité de figurer parmi les « méga » pharmacies de France aux allures de supérette. La première s’apprêterait à réaliser 20 M€ de chiffre d’affaires (C.A) et la seconde flirterait avec les 35 M€. Paradoxalement, alors que ces grosses boutiques se multiplient, le préfixe « méga » fait souvent froncer les sourcils des patrons des groupements spécialisés dans ces PME. Ils le trouvent « has been », « péjoratif », « négatif »… « Je préfère parler de pharmacie régionale de référence », explique François Rochet, président de Boticinal et mari de la co-titulaire de la pharmacie du RER à La Défense à l’origine du réseau. Disons que ces officines réalisent au minimum 5 M€ de C.A et s’étendent sur plus de 500 m2. « C’est la fourchette basse des méga », précise le professeur d’économie à l’Université de Paris Dauphine, Claude Le Pen. Quoi qu’il en soit, alors que les hypermarchés souffrent au profit des commerces alimentaires de proximité, ces pharmacies XXL, dotées d’une enseigne commune, émergent actuellement sur la carte de France. Pourquoi sont-elles soudainement visibles et comment en sontelles arrivées là ?

DES RÉSEAUX spécifiques.

Comme les autres officines, elles se sont d’abord regroupées pour mutualiser les achats. Aujourd’hui, leurs principaux réseaux, très récents dans leur forme actuelle et dotés d’une enseigne, se comptent sur les doigts d’une main. Elsie Groupe vise des officines au potentiel minimum de 6 M€. Né en 2016, il rassemble 67 adhérents, dont cinq dans le top 10 avec la pharmacie de la Gare de Roissyen-Brie (77), la Pharmacie du Four à Paris (6ème arr.), La Grande Lyonnaise à Lyon (69), celle de Rosny2 (93) et la Grande Pharmacie de Quissac (46) en cours de mutation (cf encadré “Séparer para et pharma” p. 21). GPO, lui, réunit 42 officines typiquement autour de 9 M€, hormis la Pharmacie du Cap3000 qui affichait déjà 16,7 M€ en… 2006 ! De son côté, Pharmabest regroupe 87 pharmacies de 6 à 38 M€ (médiane à 8,8 M€). Les 12 adhérents de Boticinal génèrent chacun plus de 7 M€. Quant au petit dernier, Monge, il compte déjà 6 points de vente, avec une base line « L’expérience de la pharmacie à la française » orientée vers les touristes. « Ces groupements, de quelques dizaines d’officines, préfigurent peut-être ce que pourraient être des chaînes en cas d’ouverture du capital », estime l’économiste Claude Le Pen. Depuis quelques années, leurs adhérents ont compris que l’entre-soi ne suffisait plus. Ils ont fait appel à des compétences extérieures. Ainsi, le G7 a recruté Alain Styl, un spécialiste des modèles en transformation qu’il a accompagnés notamment dans le milieu des meubles et du textile. « Les membres du G7, autour de David Abenhaim, avaient la perception claire qu’il fallait mettre en place un projet structuré et structurant pour construire la pharmacie de demain, dans un contexte concurrentiel toujours plus fort. […] Il fallait créer une marque forte, reconnaissable, qui porte des valeurs, ait du sens pour eux et pour les consommateurs », se souvient ce diplômé de l’ESSEC. Ainsi, est née la marque Pharmabest en 2016. Plus récemment, Elsie Groupe a embauché Emmanuel Lataste, au parcours 100 % retail (Afflelou, The Phone House…), GPO, Xavier Benedetti en provenance de la grande distribution (ToysRus, Decathlon…) et Monge, Vincent Sénécat arrivé tout droit des Galeries Lafayette.

UNE ÉVOLUTION étape par étape

A partir de 5 M€, une officine doit changer de braquet. « Ensuite, les paliers se rapprochent… », observe Olivier Vandermersch, co-titulaire de la Pharmacie de l’Espace Coty, qui tutoyait déjà les 13 M€ de C.A, en 2017. Au début de l’été, elle employait 61 salariés, dont 11 pharmaciens. Et pourtant le titulaire reste sans arrêt sollicité par un coup de fil, un membre du staff, un commercial… « C’est normal, 28 % de marge ne suffit pas à staffer les grandes officines comme les grandes entreprises, je ne peux pas recruter de RH, par exemple ». Alors, il apprend en marchant. « Une des problématiques, c’est le vivier. On n’a pas assez de pharmaciens et de préparateurs, alors on cherche des profils différents quand c’est possible, des caristes, des spécialistes de la logistique… », poursuit-il. Selon lui, il faut procéder par étapes. Ainsi, par exemple, un poste d’acheteur s’impose « à 10 M€ de C.A… peut-être même avant », nuance-t-il. Comme lui, tous ont ce défi de monter en puissance. C’est le cas, notamment, de François-Xavier Hémery, titulaire, depuis 2014, de la Pharmacie de l’Iroise à Brest (29). Il y a un an, cette officine de 150 m2 était encore non groupée. Pour développer cette affaire au C.A 2018 de 5,6 M€, le titulaire cherchait à agrandir son point de vente. Puis tout s’est accéléré. « J’ai eu l’opportunité d’un nouvel emplacement et j’ai enclenché le projet. Depuis, j’ai adhéré à Pharmabest où je suis allé chercher une dynamique facilitatrice. Les choses qui nous sont proposées sont extrêmement compliquées à mettre en oeuvre tout seul. Comme le site internet, la quantité d’offres commerciales, d’opérations thématiques… », égrène le pharmacien. Les méga pharmacies ont aussi pour particularité de toutes utiliser des codes forts, reconnaissables par les consommateurs. Dernier en date, GPO commence à déployer son concept à la marque Apothical (lire reportage N° 189 de Pharmacien Manager), avec un logo composé d’une croix ornée de quatre feuilles de plantes. Et là, réside un autre paradoxe de la croix verte. « Les groupements existants ont souvent beaucoup de retard concernant le marketing, la communication, les outils d’analyse, de pilotage… », explique Xavier Benedetti. Même étonnement chez Emmanuel Lataste : « Ce sont des indépendants avec beaucoup de talents, mais qui n’ont jamais pu vraiment mutualiser les choses. Les groupements ont beaucoup de retard concernant les bonnes pratiques, le CRM, la data, le recrutement, le digital… Le job de la structure, c’est d’apporter des études de rentabilité au mètre linéaire, qui permettent d’augmenter le panier moyen. Autre exemple : la mise en place de notre carte de fidélité a coûté 150 000 €, personne ne peut financer cela tout seul ». Les groupements des méga parlent aussi d’UGA, l’unité d’analyse géographique, utilisée par les laboratoires pour mesurer le potentiel de chaque région. Leurs dirigeants apportent au fil du temps leur réflexes retail et le vocabulaire qui va avec. Jusque-là, quelle officine a vraiment pensé à sa rentabilité au mètre linéaire ? « Toute entreprise devrait s’y tenir ! », estime François-Xavier Hémery, passé par la répartition avant de s’installer.

LE SERVICE, facteur de développement.

D’une manière générale, chaque titulaire d’une grande structure ajuste sa stratégie selon ses affinités, son emplacement, sa vision de l’exercice. « Quand on parle de grande pharmacie, on pense souvent à des usines, c’est forcément des boîtes à fric, au détriment de la qualité. Je me bats contre ça », insiste Jérôme Cartier, titulaire de la Pharmacie Porte des Alpes à Saint-Priest (69), passé par Mediprix avant de rallier Elsie Santé. « Ici, je suis dans un centre commercial et je m’attache à développer des services de qualité, car nous avons la place pour cela, des effectifs en conséquence, formés… La vaccination, on l’a faite tout de suite. Nous sommes ouverts la nuit. On n’a pas seulement des bacs soldeurs. Regardez Walmart, connus pour leurs immenses magasins, on les disait morts et ils sont en train de renaître par le service », observe celui qui pilote une officine au C.A d’environ 7,5 M€.

Il estime d’ailleurs que l’un des enjeux des grosses structures tient dans la capacité à bien recruter, fidéliser le personnel et à le faire monter en compétence pour mieux servir. GPO est sur la même longueur d’ondes concernant l’importance des services. « Les équipes de 40/50 collaborateurs, dont de nombreux pharmaciens et préparateurs, permettent un niveau de service bien supérieur. Ces structures peuvent aussi accueillir des naturopathes, des esthéticiennes, des diététiciens… Ces compétences sont une qualité intrinsèque des grandes pharmacies », estime Xavier Benedetti, qui compte développer ces services chez GPO. Chez Pharmabest, on pense le service sous un autre angle. « Le titulaire est totalement libre dans sa relation au client, mais les principes clés de Pharmabest pour augmenter la qualité de service et la rentabilité des pharmacies sont acceptés par tous. Comme dans les autres métiers, l’enseigne doit apporter aux patients, aux clients une vision claire de ce qu’ils trouveront dans les pharmacies du groupement », observe Alain Styl, qui fait un parallèle avec Relais & Château où l’on trouve un service impeccable, avec un accueil personnalisé dans un écrin à chaque fois différent.

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QUEL MODÈLE économique pour demain ?

Si l’Etat tend à donner de plus en plus de missions à l’officine, la pharmacie, quelle que soit sa taille, est actuellement à la recherche de son nouveau modèle économique. Interrogé à propos des services de livraison et de suivi du mélanome, Alain Styl tranche : « Le but n’est pas de faire de gain sur ces services patients. Le suivi du mélanome est facturé 22 €, somme reversée totalement pour le dermatologue, et la livraison est au tarif que demande La Poste. Le pharmacien Pharmabest ne gagne rien là-dessus ! » Alors que gagne-t-il ? De la notoriété, car l’enseigne, épaulée par l’agence de communication d’influence Ozinfos, a su faire parler d’elle. L’information a été traitée par Europe 1, Ouest France, Notre Temps, Santé Magazine, Top Santé… Et ce, en toute légalité. Un coup malin pour une profession réglementée ! Là aussi, des consultants extérieurs au microcosme permettent de s’affranchir de carcans ancestraux. Exit l’idée que l’officine va drainer d’elle-même des flux de patients. « Où qu’elle soit placée, la pharmacie doit devenir un commerce de destination », estime Jérôme Cartier. « C’est aussi le défi des officines de centre commercial. Elles ne peuvent plus seulement compter sur le trafic de leur galerie. Les patients doivent avoir une raison objective et positive de venir chez nous : de la compétence, de l’accueil, des horaires d’ouverture… Quant aux écarts de prix, ils se resserrent, ce n’est pas l’argument qui sera différenciant dans les années à venir. » Pour autant, la largeur de l’offre et les bons prix restent les principaux atouts qui ressortent de ces pharmacies de grande superficie. Le modèle est, donc, ailleurs. Et, il est en pleine construction. « N’oublions pas que c’est grâce à l’ordonnance que nous avons des méga pharmacies. Aujourd’hui, il n’y a pas de méga parapharmacie isolée. Regardez la plus grosse para E. Leclerc, elle réalise un C.A de 4 M€. […] Les méga pharmacies, elles, doivent devenir des hubs de santé », estime, pour sa part, Emmanuel Lataste. « On y va avec des salles de confidentialité pour vacciner, de nouvelles prises en charge… Nous allons vers des modèles à l’américaine, comme chez CVS, qui sont des concierges de la santé avec des conseils en nutrition pour la perte de poids, la prise en charge d’affections bénignes…. Tous ces services existent déjà, mais le modèle reste à inventer ». A l’instar de la pharmacie Agnès Praden, dans ses 1 000 m2 à l’enseigne Pharmabest à Alès (30), qui se différencie vraiment avec un personnel spécialisé dans les rayons comme la naturopathie, le MAD… Mais, pour l’économiste, Claude Le Pen, « il y a un paradoxe dans cette histoire. Avec leur personnel, ces méga pharmacies auraient la possibilité de devenir des hubs de santé, mais est-ce leur ADN ? », s’interroge-t-il. « Pour l’heure, il n’existe pas de modèle économique pour cela, mais un modèle ça s’invente. Ces pharmacies peuvent le créer. A partir du moment où un entrepreneur investit, il est flexible, il s’adapte. Si le patient veut du service, les méga officines en proposeront. Les entrepreneurs sont des gens qui veulent réussir », poursuit Claude Le Pen. Autrement dit, ces grandes pharmacies ont toute légitimité. Il leur reste à imaginer leur modèle économique, pour être en phase avec l’évolution du consommateur, respecter les contraintes réglementaires, et être revendable un jour. N’est-ce pas là le « méga » enjeu ?

Témoignages

Jérôme Cartier Titulaire de la pharmacie Porte des Alpes à Saint-Priest (Elsie)

François-Xavier Hémery Titulaire de la pharmacie de l’Iroise à Brest (Pharmabest)

Caroline Depouhon Titulaire de la pharmacie de la Baulche à Saint-Georges sur Baulche (Pharmavie)

Christine Monino-Clot Titulaire de La grande pharmacie à Castres (Médiprix)

Caroline Tolla Puy Titulaire de Cosmopharma à Gignac (Médiprix)

Olivier Vandermersch Co-titulaire de la pharmacie de l’Espace Coty au Havre (Elsie)

LES EXPERTS

Xavier Benedetti DIRECTEUR GÉNÉRAL DE GPO

Emmanuel Lataste PRÉSIDENT D’ELSIE GROUPE

Claude Le Pen PROFESSEUR EN ÉCONOMIE A L’UNIVERSITÉ DE PARIS DAUPHINE

François Rochet PRÉSIDENT DE BOTICINAL

Alain Styl DIRECTEUR GENERAL DE PHARMABEST

TAILLE DES RÉSEAUX

Point de milliers d’adhérents chez les « méga », comme chez les groupements historiques. En deux ans, GPO est passé de 20 à 42 adhérents. Boticinal, à 12 adhérents mi-2019, vise les 170 d’ici à 2024.

Les facteurs clés

Des titulaires opportunistes et volontaires

Les titulaires, comme les groupements spécialisés dans les officines à fort C.A, s’accordent tous sur un fait : Pour piloter une « méga » pharmacie, la volonté du titulaire est primordiale. A cela s’ajoute une largeur de gamme énorme et, le plus souvent, une grande surface. Ensuite, ces mastodontes ont besoin d’un faisceau d’opportunités. A commencer par une zone de chalandise importante, estimée à « 100 000 habitants minimum », par François Rochet, le président de Boticinal. Souvent, c’est aussi une question d’opportunités concernant le prix du foncier et les m2 disponibles (lire le papier « Au milieu du gué » p. X). Pour la Pharmacie de l’Espace Coty (Elsie, ex Pharmabest), la fermeture de l’enseigne Go Sport a fait son bonheur. A Paris, la Pharmacie Monge Eiffel Commerce a profité du départ d’un Zara, à Caen Boticinal de celui d’un H&M… Le titulaire (ou son groupement) doit donc être suffisamment entrepreneur, pour aller négocier avec les promoteurs immobiliers et trouver les arguments pour les séduire. D’autres ont su grossir au fil du temps et depuis longtemps. « On a l’air de découvrir la méga pharmacie, mais elle existe depuis des décennies : regardez la pharmacie de Quissac. Aujourd’hui, on ne pourrait pas reproduire ce projet », conclut Emmanuel Lataste, président d’Elsie Groupe.

TÉMOIGNAGES

Au milieu du gué

Nous avons interrogé trois titulaires sur leur nouvelle manière de travailler, après l’expansion de leur officine. Une expérience enrichissante dans tous les sens du terme.

« J’espère que notre officine a le potentiel pour réaliser 5 M€ de chiffre d’affaires d’ici à 2021 », confie Caroline Tolla Puy, installée avec son époux, Lionel Puy, en pleine campagne à Gignac, à 30 km de Montpellier. Pour en arriver là, le couple a commencé par racheter, en 2011, cette pharmacie, qui stagne alors à 2 M€. Puis, il la transfère en février 2018, pour passer de 80 à 350 m2 de surface de vente, dans une nouvelle zone commerciale nommée Cosmo. Pour l’occasion, l’officine a été rebaptisée Cosmopharma et a adopté un look moderne, dans un esprit de loft industriel, imaginé avec l’agenceur Fahrenberger. « Ici, les linéaires sont à 1,60 m et ne bloquent pas la vue », insiste la titulaire. Juste avant l’agrandissement, le couple s’est adossé au groupement Mediprix, composé d’officines dont le C.A moyen oscille entre 3 et 8 M€. « J’y trouve tout ce dont j’ai besoin », résume la pharmacienne, qui compte faire monter en puissance son officine au gré de la démographie croissante.

PLUS GROS, plus fort ! Pour la Pharmacie de la Baulche à Saint-Georges-sur-Baulche (89), 2019 aura été une année de « de crise de croissance », selon Caroline Depouhon, titulaire Pharmavie en banlieue d’Auxerre. Son officine, la Pharmacie de la Baulche avait fini 2018 à 5,3 M€ de C.A. A la mi-juin 2019, la tendance était déjà à 5,8 M€. Cette accélération s’est faite à marche forcée, après la liquidation de l’officine la plus proche. Dans ce contexte, Caroline Depouhon rachète le stock et reprend le personnel. En quelques semaines, l’officine accueille cinq nouveaux salariés, une activité de PDA pour 10 établissements, un nouveau robot de piluliers etc. C’est la surchauffe. Sans l’avoir programmé, l’officine vit une expansion express et la titulaire doit assurer sur tous les fronts : recrutement, gestion du personnel, nouveaux référencements, tout en gardant sa vocation de services, en se préparant notamment à la vaccination. « C’est compliqué », concède-t-elle.

L’APPUI d’ un groupement. A la Grande Pharmacie de Castres (81), les titulaires, Christine Monino-Clot et son mari, Laurent Clot, rêvaient d’un « gros projet ». C’est fait. En 2017, ils sont passés de 90 m2 de surface de vente à 1 600 m2, dans l’ancien emplacement d’un Lidl à Castres. « Jérôme Escojido et Bertrand Pagès (les fondateurs du groupement Médiprix, NDLR) nous ont aidés à mettre en place la structure et son financement. Des associés investisseurs ça pèse dans la balance pour les banquiers », confie Christine Monino-Clot. Ainsi, quand ses deux associés créent Médiprix, le couple les rejoint « pour pouvoir communiquer entre pharmacies, avancer sur des nouveaux concepts », poursuit celle qui avait autrefois deux préparateurs et dirige, aujourd’hui,10 collaborateurs. « Pour passer à une telle taille, il est important de bénéficier des bonnes conditions commerciales d’un groupement. Ce fut un très gros soutien, car les conditions n’évoluent pas au rythme des m2 ». Depuis, les co-titulaires apprennent en marchant. « Nous avons un monopole. A nous de montrer qu’on le mérite. […] Nous sommes une super pharmacie, pas un supermarché », conclut Christine Monino-Clot. Elle se félicite d’avoir vu son C.A grimper (projeté à 5 M€, en 2019, par Médiprix) et « sans perdre en marge » !

TOP 100

ON PEUT ESTIMER QU’IL COMPREND UNIQUEMENT DES OFFICINES DE PLUS 5 M€. DÉJÀ EN 2016, LA 100ÈME EN C.A DÉPASSAIT LES 4 M€.

L’ESSENTIEL

→ Peu nombreuses en proportion sur les près de 22 000 croix vertes françaises, les méga officines nécessitent un exercice adapté à une PME.

→ La plupart ont recours à des groupements spécialistes des grosses structures et dotés d’une enseigne.

→ Elles nécessitent une croissance par étapes, pour adapter leur commercialité et la gestion du personnel.

→ Elles sont en train de chercher un modèle économique et notamment de tester des services inédits, des modes de communication novateurs avec l’aide de professionnels du retail venus d’autres secteurs que de la pharmacie.

DEUX PROFILS

Selon leur stratégie, les réseaux de méga pharmacies cherchent à fédérer des titulaires avertis, ayant déjà de grosses officines, mais aussi des jeunes pharmaciens en quête de challenge. c’est notamment le cas chez Monge et Boticinal.

1600 M2

C’EST LA TAILLE DE LA PHARMACIE DE L’ESPACE COTY AU HAVRE, DU GROUPEMENT ELSIE SANTÉ, ACTUELLEMENT L’OFFICINE LA PLUS GRANDE DE FRANCE EN SURFACE DE VENTE.

Astuce

Séparer para et pharma

Grimper en chiffre d’affaires signifie aussi devoir recruter des pharmaciens, plus cher payés que la moyenne. Serait-ce parti de ce constat-là, que la Grande Pharmacie de Quissac (groupée chez Elsie), perdue au milieu du Gard, a changé de stratégie ? Mystère. En 2016, André Chabrol, le dirigeant historique de cette officine revendiquait près de 30 M€ de C.A, dont 80 % en parapharmacie. Mais faute de salarier assez d’adjoints, la Justice l’avait interdit d’exercer pendant trois ans. Aujourd’hui, trois ans plus tard, il ne figure plus sur la liste des pharmaciens répertoriés sur le site de l’Ordre. Il est désormais gérant d’une autre entreprise, la Grande Parapharmacie de Quissac. Nuance. Avec deux entreprises et deux portes, mais un nom très semblable, l’entrepreneur infatigable peut espérer drainer la même clientèle tout en allégeant sa masse salariale. Astucieux !

HYPER MÉGA ?

la surface de vente de la pharmacie de la Gare à roissy-en-Brie (77), aujourd’hui chez Elsie Groupe, devrait atteindre les 2 000 m2, d’ici à la fin de l’année. Elle générait déjà 8,9 M€, en 2009.