Baisse du remboursement des masques : les pharmaciens ont-ils le devoir de vendre à perte ?

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Baisse du remboursement des masques : les pharmaciens ont-ils le devoir de vendre à perte ?

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Publié le 3 décembre 2020
Par Francois Pouzaud
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En tarifant à l’Assurance maladie des masques chirurgicaux à un prix moindre que celui auquel ils les achètent, les pharmaciens risquent-ils d’être sanctionnés pour avoir revendu à perte ? Pour rappel, le droit français (Code du commerce) interdit la revente à perte, laquelle empêche tout commerce, sous peine d’amende, de revendre un produit à un prix inférieur à son prix d’achat effectif (désigné seuil de revente à perte).

Si, sur le plan économique, il s’agit bien d’une revente à perte, sur le plan du droit, celle-ci est contestable. « Il y a des exceptions et des situations où la vente à perte est tolérée. La situation des pharmaciens entre dans ce cas de figure », rassure Hugues Villey-Desmeserets, avocat associé du cabinet BCTG avocats, en première analyse.   

« La revente à perte est la conséquence d’une décision administrative, ce n’est pas le choix du pharmacien qui ne fait que supporter la brutalité d’un prix imposé et la mise en balance entre l’intérêt collectif dicté dans un contexte de crise sanitaire et la réalité économique de l’entreprise, les pouvoirs publics et l’administration n’ayant pas intégré le temps d’ajustement des stocks et la mécanique d’achat des officines », explique l’avocat.

Les pharmaciens ne devraient donc pas être sanctionnés d’une amende en cas de contrôle de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

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L’Assurance maladie enquête sur les prix d’achat

En revanche, dès aujourd’hui, et plus encore au 1er janvier 2021, « ceux en situation de revente à perte se retrouveront bloqués sur la délivrance des masques », alerte Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), qui a demandé à l’Assurance maladie un report d’application de 2 mois supplémentaires concernant la tarification des masques à 0,10 € HT l’unité au 1er janvier 2021. Une demande identique réitérée également par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) lors de la réunion hebdomadaire du 2 décembre avec Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam). Ce syndicat réclame le gel du prix appliqué depuis le 1er décembre (0,15 € HT l’unité) jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire, soit le 16 février 2021. Lors de cette séance, Thomas Fatome a indiqué vouloir faire un point sur les possibilités d’achats de masques chirurgicaux par les pharmaciens avant de rendre sa décision.

En attendant, les pharmaciens peuvent refuser de vendre à perte des masques en invoquant les dispositions du Code de commerce et l’intérêt économique de leur entreprise. Et faire ainsi passer au second plan l’intérêt de la santé publique. Un cas de conscience.