Les vaccins anti-Covid-19 font de la résistance face au variant Delta

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Publié le 25 septembre 2021
Par Yves Rivoal
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Il est 60 % plus contagieux que son prédécesseur, Alpha. Le variant Delta a accéléré le cours de l’épidémie par sa capacité à se diffuser à la vitesse grand V. Mais quel a été son impact sur l’efficacité des vaccins en matière de transmission du virus, de formes graves ou de décès ? Des experts font le point.

Apparu au début de l’été, le variant Delta a, en quelques semaines, pris le dessus sur Alpha, pour devenir ultra-dominant. Il représente aujourd’hui plus de 95 % des infections par le Covid-19 détectées en France. 60 % plus contagieux que son prédécesseur, il a aussi changé la donne en matière de transmission du virus chez les personnes vaccinées. « Avec Alpha ou la souche originale, on pouvait dire que la vaccination protégeait de la transmission. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, des données israéliennes, américaines et anglaises ont mis en évidence une réduction de moins de 50 % des transmissions des formes asymptomatiques chez les personnes vaccinées », souligne Sandrine Sarrazin, chargée de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) au Centre d’immunologie de Marseille-Luminy (Bouches-du-Rhône). La question de l’intensité de la charge virale n’est, elle, pas encore tranchée. « Des études ont démontré qu’elle était équivalente chez les non-vaccinés et les vaccinés, mais que la durée d’excrétion était moins longue chez ces derniers. Cependant, d’autres travaux mettent en évidence une charge virale probablement moins importante… », constate Elisabeth Bouvet, présidente de la commission technique des vaccinations de la Haute Autorité de santé (HAS).

Contagiosité limitée

Pour Sandrine Sarrazin, le vaccin conserve toutefois deux avantages prédominants sur ce variant. « On observe d’abord que, chez les personnes vaccinées, la fenêtre de contagiosité ne dépasse pas deux ou trois jours, alors que, chez les non-vaccinés, elle peut aller jusqu’à une douzaine de jours, précise la chercheuse. L’autre avantage, c’est que les personnes vaccinées fabriquent des anticorps dans les muqueuses des voies aériennes supérieures. Lorsqu’elles sont infectées et se retrouvent donc en position de contaminer les autres, le virus qu’elles expulsent est déjà couvert d’anticorps et présente donc beaucoup moins de risque d’être infectieux. »

Sur le risque d’hospitalisation et de formes graves, toutes les données confirment que les vaccins continuent de bien faire leur travail. « Si le variant Delta semble associé dans des études écossaise et canadienne à une augmentation de l’ordre de 10 à 15 % des hospitalisations et des formes graves chez les personnes non vaccinées, les vaccins continuent d’apporter une excellente protection, note Elisabeth Bouvet. Même si elle a un peu diminué, elle reste supérieure à plus de 90 % chez les patients ayant reçu deux doses de vaccins. Cela étant dit, au fil du temps, le taux d’anticorps diminue, et les gens sont moins bien protégés. D’où notre recommandation émise fin août d’une dose de rappel chez les personnes à risque ayant été vaccinées il y a plus de six mois. » Même son de cloche du côté de Pfizer. « Dans le cadre d’une étude publiée dans Nature, en partenariat avec l’université du Texas Medical Branch, nous avons testé en laboratoire l’efficacité neutralisante des sérums des sujets vaccinés, dans notre essai de phase III, sur des virus Sars-CoV-2 exprimant les protéines S caractéristiques des différents variants nouvellement apparus, dont le variant Delta. Les sérums ont neutralisé efficacement tous les virus testés, dont ce dernier », assure Emmanuelle Blanc, directrice médicale vaccin de Pfizer France. « Cette résistance des trois vaccins dont nous disposons en France, de Pfizer/BioNTech, de Moderna et d’AstraZeneca, se retrouve d’ailleurs dans les données d’hospitalisation, ajoute Sandrine Sarrazin. Les personnes non vaccinées ont entre huit à dix fois plus de chances d’être hospitalisées que les vaccinées. » Pour la chercheuse de l’Inserm, la raison de cet écart est simple : « Lorsque l’on est vacciné, on se débarrasse du virus beaucoup plus rapidement. Ce qui lui donne moins de chances de se multiplier et de descendre profondément dans les poumons. Or, c’est lorsque le virus pénètre dans les bronches que les formes sévères peuvent se déclencher. »

Le variant Delta ne semble pas non plus avoir eu d’impact sur l’efficacité contre les décès. « Si les vaccins n’offrent pas une protection à 100 %, puisqu’il y a eu quelques décès de patients dûment vaccinés, si l’on compare avec les non-vaccinés, cela n’excède pas 5 % de différence, précise Elisabeth Bouvet. Mais, pour Sandrine Sarrazin, la donne pourrait changer dans les semaines qui viennent. « Les personnes les plus fragiles vaccinées en janvier ou février dernier ont vu au fil des mois leur taux d’anticorps dans le sang diminuer, précise la chercheuse de l’Inserm. On peut donc craindre une nouvelle vague d’hospitalisations et de décès tant que cette population n’aura pas eu accès à la dose de rappel. La bonne nouvelle étant qu’au bout de sept jours après la troisième injection on multiplie de nouveau par dix le taux d’anticorps dans le sang. Cette troisième dose est donc très efficace. »

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Concernant l’impact du variant Delta sur les « Covid longs », l’apparition de cette souche est encore trop récente pour se prononcer. « Je n’ai toutefois pas vu d’alertes laissant à penser que ce variant en provoquerait proportionnellement davantage que ses prédécesseurs, confie Sandrine Sarrazin. Cela étant dit, les premières données montrent que la vaccination permet de les réduire de manière significative. À la fois chez des patients en phase de « Covid long » et qui voient leur situation clinique s’améliorer rapidement après avoir reçu une dose de vaccin. Mais aussi chez les sujets vaccinés qui attrapent quand même le virus, ces derniers ne contractant pas de formes graves ni de « Covid longs ». »

Immunités naturelle et vaccinale

Quant à la qualité de l’immunité, la communauté scientifique semble s’accorder sur un point : comme dans beaucoup de maladies infectieuses, l’immunité naturelle avec le Covid-19 est meilleure que l’immunité vaccinale. « Les personnes infectées par le virus développent une immunité qui laisse des traces à la fois au niveau humoral, avec la production d’anticorps, et dans la mémoire cellulaire, souligne Elisabeth Bouvet . Et comme cette immunité est dirigée contre la totalité des protéines du virus, la protéine S, les nucléoprotéines ou la protéine de matrice, le panel d’antigènes est aussi beaucoup plus large que chez les patients simplement vaccinés qui développent, eux, une immunité dirigée essentiellement contre la protéine Spike. Ainsi, elle offre également, semble-t-il, une résistance supérieure en cas d’apparition de nouveaux variants. » « Le problème, c’est que la protection apportée par l’immunité naturelle est très variable d’une personne à l’autre, relativise Sandrine Sarrazin. Même si vous possédez un portefeuille d’anticorps très large, le volume global peut être très bon, mais aussi moyen, voire insuffisant chez les personnes âgées ou immunodéprimées, alors qu’avec la vaccination on arrive à stimuler chez elles le maximum du potentiel que l’on peut obtenir. »

Finalement, le meilleur schéma de protection est celui qui combi­ne les immunités naturelle et vaccinale. « Des chercheurs ont récolté du plasma au sein de cohortes de personnes vaccinées, infectées naturellement ou infectées naturellement et ayant été vaccinées, note Sandrine Sarrazin. C’est dans ce dernier cas de figure que l’on obtient le meilleur taux et le plus grand portefeuille d’anticorps. » Par conséquent, le message à faire passer dans les officines aux patients ayant déjà contracté le Covid-19 et qui ne souhaitent pas se faire vacciner est simple pour la chercheuse : « Il faut leur expliquer qu’avec une seule dose de vaccin ils disposeront de la meilleure des protections face aux futurs variants. »