Une place essentielle, la marge en moins

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Publié le 4 décembre 2021
Par Francois Pouzaud
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Plus ça va, plus les médicaments chers issus essentiellement de prescriptions hospitalières progressent et prennent une place importante dans le chiffre d’affaires des officines. Hélas, la marge ne suit vraiment pas.

Conséquence d’une période de confinement plus limitée en 2021, les prescriptions hospitalières sont reparties nettement à la hausse sur les huit premiers mois de l’année 2021 (+ 12 % versus la même période de 2020 et + 17 % par rapport à 2019, source : Gers). Les sorties de la réserve hospitalière sont restées très soutenues. « 608 012 unités de produits chers ont été dispensées en pharmacie entre janvier et juillet 2021, soit 105 949 unités de plus que sur la même période de l’année 2020 (+ 21,1 %) », indique Denis Millet, président de la commission études et stratégie économiques de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), d’après des données Iqvia. En chiffre d’affaires (CA), « cela correspond à une évolution de + 385,1 M€ par rapport à 2020, à 2 161 M€ », ajoute-t-il.

Les produits d’oncologie en ville sont une cause majeure de cette évolution. « Sur les 12 derniers mois arrêtés à fin juillet, le top 5 des contributeurs à la croissance du CA TTC de cette classe de médicaments représente 170 M€ contre – 72 M€ pour le top 5 des contributeurs à la décroissance », compare Patrick Oscar, directeur général de Gers Data, pour illustrer la tendance inflationniste des médicaments chers.

« On constate un effet très marqué des médicaments chers sur la hausse du CA, et ce malgré la substitution générique et les politiques de baisse de prix sur le médicament, qui engendrent depuis plusieurs années un effet prix défavorable », constate Emmanuel Leroy, leader national santé chez KPMG. Leur accroissement masque aussi les baisses de volumes.

« Ils pèsent de plus en plus lourd dans le CA de l’officine en se rapprochant dangereusement des 32 %, observe Laurent Cassel, expert-comptable du cabinet AdequA, « mais ils ne nous rapportent quasiment rien », tempête Philippe Besset, président de la FSPF. Les médicaments chers, avec l’honoraire à la boîte qui pénalise l’économie de l’officine dans un contexte de baisse structurelle des volumes, sont les principaux éléments à repenser dans le nouveau modèle économique. « Il faut augmenter le taux capé sur les médicaments chers au-delà duquel la marge du pharmacien est à zéro », considère Gilles Bonnefond, conseiller du président et porte-parole de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).

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Vu à l’échelon d’une officine, Emmanuel Leroy insiste sur « le caractère parfois éphémère d’un montant de ventes augmenté artificiellement par des délivrances exceptionnelles de produits très chers, la pérennité n’étant pas toujours assurée ». « Cet accroissement artificiel du CA peut faire franchir un seuil d’embauche obligeant le pharmacien à recruter un adjoint alors que l’activité demeure inchangée, ce qui entraîne une dépréciation de la rentabilité de l’officine, explique Laurent Cassel. L’extraction des ventes de médicaments chers (au-delà de 1 930 € PFHT) dans le CA servant de base au calcul du nombre d’adjoints, à compter des déclarations de CA de 2022, va dans le bon sens. »

CONTRIBUTEURS

LAURENT CASSEL

(AdequA)

GILLES BONNEFOND

(USPO)

PHILIPPE BESSET

(FSPF)

EMMANUEL LEROY

(KPMG)

DENIS MILLET

(FSPF)

PATRICK OSCAR

Gers Data

L’analyse

Depuis 2011, le cabinet AdequA observe une hausse continue de la part des médicaments chers dans le chiffre d’affaires (CA) des médicaments remboursables et une progression quasi constante (hormis en 2015) de leur proportion dans le CA global de l’officine. Les produits très chers sont même de plus en plus représentés. En 2021, la progression du CA des médicaments de prix fabricant hors taxes (PFHT) supérieur à 1 930 € est de 14,83 %, selon ce cabinet. Or, la faible marge sur ces médicaments (environ 100 € avec les honoraires à la boîte, pour médicament spécifique…) pénalise l’officine.