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L’effet papillomavirus : et si les pharmacies pouvaient tout changer ?
En France, le taux de couverture vaccinale anti-HPV, bien qu’en progression, reste toutefois très insuffisant. Plusieurs leviers devront être activés afin d’atteindre le seuil de 60 % qui permettra de contrôler la circulation d’un virus hautement transmissible et pathogène. Et les pharmaciens auront leur rôle à jouer.
Une hausse de 5 % en un an. Fin 2021, le taux de couverture vaccinale contre les papillomavirus humains (HPV) pour la première dose était de 45 % chez les jeunes filles de 15 ans contre 40 % l’année précédente, d’après les dernières données publiées par Santé publique France. 6 % des garçons avaient de leur côté reçu leur première dose au même âge, la vaccination anti-HPV étant recommandée pour eux depuis le 1er janvier 2021. « Après une baisse du taux de couverture dans les années 2013 et 2014 à cause de la série de procès intentés contre ce vaccin en raison d’un supposé lien avec l’apparition de maladies auto-immunes, le taux de couverture remonte depuis régulièrement, souligne François Vié le Sage, pédiatre et membre du groupe d’experts Infovac. Mais nous sommes encore loin du seuil des 60 % d’adolescents vaccinés qu’il faudrait atteindre pour enregistrer les premiers bénéfices collectifs de la vaccination avec une diminution de la transmission du virus. » « Nous sommes aussi très loin des 90 à 95 % de couverture des pays anglo-saxons comme l’Australie où les autorités de santé se sont montrées beaucoup plus proactives en faisant le pari, dès 2007, de l’efficacité du vaccin, ajoute Emmanuel Ricard, délégué à la prévention et à la promotion du dépistage de la Ligue nationale contre le cancer. En France, les pouvoirs publics et les professionnels de santé ont estimé qu’il était urgent d’attendre d’avoir des réponses concernant la réalité des effets secondaires et l’efficacité du vaccin avant de se mobiliser. Ce qui nous a fait perdre dix ans par rapport aux pays anglo-saxons. »
Sujet tabou
Pour expliquer ce retard français, Elisabeth Bouvet, présidente de la commission technique des vaccinations (CTV) à la Haute Autorité de santé (HAS), met en avant une autre explication. « Le vaccin anti-HPV s’adresse à une population cible, les 11-14 ans, qui, par nature, est assez peu sensible à la prévention, et qui a peu l’occasion de consulter le médecin, rappelle-t-elle. Elle renvoie également à la question de l’entrée dans la vie sexuelle à un âge où il peut être difficile pour les familles, et pour les médecins généralistes, d’aborder le sujet. Ces derniers indiquaient d’ailleurs avoir du mal à le proposer en raison de son caractère genré. La décision de le recommander aux garçons et l’évolution attendue du calendrier des consultations obligatoires entre 13 et 15 ans devraient simplifier le discours et accélérer leur mobilisation. » Pour pousser la cadence, Elisabeth Bouvet mise aussi sur les grandes campagnes de vaccination qui sont l’occasion de rappeler la morbidité d’un virus qui tue chaque année 350 000 personnes dans le monde et qui est susceptible de toucher 80 % des 15-25 ans. « Les infections HPV sont responsables de 100 % des cancers du col de l’utérus, rappelle la présidente de la CTV. Ils sont aussi à l’origine de l’augmentation de l’incidence dans les cancers de la sphère otorhinolaryngée (ORL) et les cancers anaux chez les hommes. Or, dans les pays ayant commencé à vacciner très tôt, on enregistre une diminution très nette des dysplasies du col, des condylomes et de l’incidence sur tous ces cancers dans les tranches d’âge exposées à la vaccination. Certains pays sont même parvenus à quasiment éradiquer le cancer du col de l’utérus. »
Double protection
Le vaccin anti-HPV « offre une double protection, rappelle Emmanuel Ricard. Il empêche d’abord la transmission du virus. Ce faisant, il réduit de manière drastique le portage chronique de l’infection et la survenue des lésions précancéreuses. Il protège enfin à 90 % contre les tumeurs cancéreuses lorsqu’on l’administre avant 17 ans, avant le premier rapport sexuel. L’appellation de premier vaccin anticancer qui lui a été attribuée n’est donc pas usurpée. »
A la suite de la recommandation publiée par la HAS en début d’année, la décision du gouvernement d’autoriser les pharmaciens à administrer le vaccin anti-HPV pour les 16 ans et plus à partir du 1er octobre devrait aussi contribuer à accélérer la couverture vaccinale. « Les pharmaciens ont pris naturellement une grande place dans la campagne de vaccination contre le Covid-19, note Elisabeth Bouvet. Comme le territoire comprend beaucoup plus d’officines que de cabinets médicaux et que, dans beaucoup d’endroits, il est très compliqué d’obtenir un rendez-vous chez son médecin traitant, quand on a la chance d’en avoir un, le réseau officinal va nous aider à fluidifier le parcours vaccinal », assure la présidente de la CTV, rappelant que la HAS est en train de préparer une recommandation sur l’élargissement des compétences vaccinales des pharmaciens chez les enfants de 24 mois à 16 ans. Pour François Vié le Sage, les pharmaciens ont également un rôle prépondérant à jouer en matière de prévention. « Il faudrait qu’au comptoir les équipes officinales aient le réflexe de demander systématiquement aux parents d’adolescents s’ils sont bien vaccinés contre le HPV, en rappelant les risques que fait courir ce virus sur la santé, et l’efficacité prouvée du vaccin. »
Pas de vaccination obligatoire
La piste de la vaccination obligatoire ne semble en revanche pas d’actualité. « Autant il était possible de rendre obligatoire les vaccins pour les enfants de moins de 2 ans en brandissant la menace que les nourrissons non vaccinés ne pourraient pas aller en crèche, autant vous ne pouvez pas dire à des collégiens qu’ils ne pourront plus assister aux cours s’ils ne sont pas vaccinés contre le HPV », estime François Vié le Sage.Pour Emmanuel Ricard, il est trop tôt pour envisager cette éventualité. « La priorité, c’est de revoir le prix ». Il est compris entre 95 et 115 € la dose selon le vaccin, remboursé à 65 % par l’Assurance maladie. « Dans les familles n’ayant pas de mutuelle, cela peut constituer un élément bloquant, reconnaît le délégué à la prévention et à la promotion du dépistage de la Ligue contre le cancer. Avec l’inclusion des garçons, la population cible a doublé. Nous devrions donc être en mesure de renégocier avec les laboratoires pour en augmenter l’accessibilité. Et ce n’est que lorsque nous aurons effectué les analyses économiques du ratio coût/efficacité qu’il faudra se poser la question de sa gratuité et de son obligation, au vu du nombre de décès par cancer du col qui augmente, et de l’implication du HPV dans les cancers ORL. »
La recommandation de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) d’une vaccination à dose unique ne fait pas non plus l’unanimité. « Ce serait effectivement une manière d’élargir rapidement la couverture vaccinale, estime Emmanuel Ricard. Maintenant, il faut voir dans la durée si l’immunité accordée par cette dose unique se maintiendra dans le temps. » Une étude indienne a évalué à 70 % l’efficacité du vaccin avec une seule dose. Pour Elisabeth Bouvet, l’Education nationale aura aussi une fonction déterminante. « D’abord pour développer l’information et la sensibilisation en milieu scolaire. Ensuite pour organiser, pourquoi pas, des journées de vaccination dans les collèges », suggère la présidente de la CTV. La Sécurité sociale pourrait enfin, elle aussi, être amenée à renforcer sa contribution. « Il s’agirait, comme pour la grippe, d’adresser aux familles des adolescents concernés des bons de vaccination exonérant de la visite obligatoire chez le médecin pour obtenir une prescription. Cela constituerait une incitation efficace à la vaccination », conclut Elisabeth Bouvet.
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