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La recherche française se cherche encore
La pandémie de Covid-19 a rappelé l’importance de la recherche en biologie et santé pour nos sociétés et, du même coup, a mis sur le devant de la scène les difficultés auxquelles le dispositif national de recherche et d’innovation se confronte.
Certes, la France occupe une place importante sur le plan international en matière de recherche. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), par exemple, représente la première structure européenne en matière de dépôt de brevets dans le domaine biomédical, la quatrième dans les biotechnologies et couvre, avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), la moitié des publications françaises en santé et médecine. Du côté de la recherche clinique, la France forme le premier pays européen en matière d’essais cliniques académiques et le troisième pour ce qui est des essais mis en place par les industriels. Mais notre pays perd du terrain.
Première cause, le financement : un budget dévolu à la biologie-santé en diminution de 25 % depuis 2008, alors qu’il a progressé dans le même temps dans tous les autres grands pays. Cette part du produit intérieur brut (PIB) investie en R & D par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche place la France au dixième rang européen. « La faible part de la biologie et santé dans le financement de sa recherche démontre que ce secteur n’est pas prioritaire pour les décideurs », concluait l’Académie nationale de médecine dans un rapport consacré à la question en 2021.
Des chercheurs… en financement
La majorité des moyens récurrents alloués à la recherche publique est réservée aux moyens humains – eux-mêmes insuffisants – et non aux travaux eux-mêmes : ceux-ci relèvent principalement d’appels à projets, sachant que le budget du principal financeur, l’Agence nationale de la recherche (ANR), est largement insuffisant. Les chercheurs passent donc un temps non négligeable à chercher… des financements. Par appels d’offres, qui conduisent à des effets de mode sur des thématiques porteuses au détriment de sujets menés au long cours, et qui renforcent aussi le poids de laboratoires : ceux qui ont déjà reçu des autorisations d’accès précoce (AAP) ou qui sont reconnus ont plus de chance d’aboutir à un succès, d’où une recherche à deux vitesses.
Quant aux appels à projets non thématisés, ils sont minoritaires. Or « l’innovation vient des chercheurs, non des tutelles. Aussi, les pistes d’innovations de rupture, qui, par définition, ne répondent pas aux cahiers des charges attendus, sont difficilement financées », reconnaît le Pr Bruno Clément, de l’Académie de médecine.
En découle une dangereuse érosion de la place des équipes françaises dans la littérature scientifique et la recherche internationale. « Aucun médicament mis sur le marché aujourd’hui n’a été développé sans collaboration significative avec les acteurs publics de la recherche, qui découvrent et décrivent les mécanismes pathologiques, insiste Thomas Borel, directeur des Affaires scientifiques au Leem (Les Entreprises du médicament). L’investissement public dans la recherche est donc important pour rendre le territoire attractif aux yeux des industriels. »
(Des)organisations à la française
Au décours de la pandémie, plusieurs plans gouvernementaux ont été définis pour pallier ce déficit : la programmation pluriannuelle de la recherche (PPR) prévoit au moins 3 % du PIB investi dans les activités de R & D, seuil en deçà duquel la France est actuellement largement située. Le plan Innovation santé 2030 ensuite, cette fois dévolu aux seules questions sanitaires, veut favoriser l’innovation biomédicale dans un objectif de meilleur accès aux soins et de souveraineté sanitaire, autour de trois thématiques principales (biothérapies, santé numérique et maladies émergentes). Dans ce cadre, une Agence de l’innovation en santé (AIS) sera constituée pour piloter l’ensemble. Pourra-t-elle répondre au nécessaire besoin d’un pilotage national, ou bien s’agira-t-il d’une énième strate, complexifiant l’organisation à la française actuelle ? Car aujourd’hui, cette dernière n’a pas de coordination centralisée autour d’orientations stratégiques partagées entre les différentes tutelles, ce qui multiplie les objectifs et rend le développement de la recherche translationnelle difficile à organiser. Cela favorise aussi l’éparpillement des moyens disponibles, avec pour corollaire la réduction des capacités financières de chacun. L’échelon critique nécessaire au financement d’un équipement coûteux, d’une étude d’envergure ou à la démonstration robuste d’une efficacité thérapeutique peine parfois à être atteint. « Durant la crise du Covid-19, d’importantes sommes ont été rapidement mobilisées pendant la pandémie au profit de la recherche », reconnaît Hubert Méchin, président de l’Association française des clinical research organisations (Afcros, les entreprises de la recherche clinique), et la France a conduit 365 essais cliniques contre 415 aux Etats-Unis. « Mais l’absence d’une structure nationale de pilotage établissant une stratégie globale et concertée entre les acteurs n’a pas permis d’aboutir à des résultats robustes et qui ont un fort impact, la plupart du temps. Outre-Manche, beaucoup d’avancées en matière de prise en charge du Covid-19 ont, à l’inverse, été franchies grâce à une coordination centralisée des forces de recherche dans l’étude Recovery. »
Une attractivité soumise à concurrence
Cette période a toutefois eu l’avantage de montrer que les positions n’étaient pas immuables, avec des démarches facilitées et accélérées par les tutelles. La France reste un marché pharmaceutique important et est donc attractive pour les industriels (laboratoires pharmaceutiques ou sociétés de biotechnologie), mais la concurrence entre pays, même européens, est rude. Il est essentiel que le montage des essais soit facilité dès les premières phases cliniques. Or, les processus sont globalement plus longs en France que chez ses voisins européens.
Le Pr Didier Samuel, du Comité national de coordination de la recherche (CNCR), reconnaît : « Ces dernières années, la durée de traitement des protocoles de recherche par les comités de protection des personnes et des dossiers par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), notamment pour les essais de phases précoces, s’est significativement améliorée. L’évolution vers un conventionnement unique permet également aux industriels de ne pas multiplier les démarches administratives avec les hôpitaux investigateurs ». La crise du Covid-19 a aussi favorisé la dématérialisation de certaines étapes (comme le consentement à distance ou le télémonotoring), qui montre que les rouages sont progressivement huilés. Tout jour gagné sur le processus de développement rend la France plus attractive en matière de recherche clinique. Ce qui constitue autant d’accès précoces des patients français aux innovations.
ORGANISATION DE LA RECHERCHE : LE MILLEFEUILLE FRANÇAIS
Les opérateurs de la recherche publique se répartissent entre universités, établissements de santé à triple vocation (soins, recherche, enseignement) et organismes de recherche publique (Inserm, CNRS, etc.), secondés par des fondations privées ou universitaires (Institut Pasteur, Carnot, etc.).
Ils sont placés sous la double tutelle (stratégique, organisationnelle et financière) du ministère de la Santé (pour les établissements de santé) et du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche (pour les autres organismes impliqués). Entre ces deux strates figurent un ensemble d’agences de moyens ou d’évaluation : Agence nationale de la recherche (ANR), Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales-Maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE), Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), etc., chacune disposant de moyens et d’une stratégie propres. D’autres financeurs (fondations privées, collectivités, industriels, etc.) complètent les revenus des équipes. Certaines d’entre elles peuvent relever de plusieurs tutelles.
Parallèlement, le secteur privé – start-up, très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) de la santé, industries pharmaceutiques – forme le second pan de la recherche en santé.
Ce maillage est animé par de nombreuses interactions entre opérateurs publics (équipes communes, unités mixtes de recherche), ainsi qu’entre opérateurs publics et privés (financement de postes de chercheurs, conventionnements, etc.).
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