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Accueillir la transidentité
Les personnes trans ne se reconnaissent pas dans leur sexe biologique. Affirmer un genre différent de celui assigné à la naissance leur permet de vivre selon leur ressenti. Ce parcours de transition, long et difficile, est singulier. L’officine a un rôle à jouer, conjuguant bienveillance, vigilance et formation.
« C’est une fille ! » ou « C’est un garçon ! » dit-on quand l’enfant paraît. Avec les attributs sexuels et les représentations sociales qui en découlent. La transidentité, ou le transgenrisme, concerne des personnes nées « dans le mauvais corps ». En décalage avec l’apparence et les codes que leur sexe biologique impose, elles peuvent peiner à trouver leur place, en souffrir et s’orienter vers une identité de genre plus conforme à leur ressenti. Changement d’apparence, de garderobe, modifications corporelles, état civil, chacun choisit les modalités « pour aller vers lui-même », souligne Lison, femme trans (voir témoignage p. 29). Ces décisions, parfois difficiles, exposent aux regards, au rejet, aux maladresses verbales ou à la transphobie. Les personnes transgenres sont surexposées à la précarité psycho-sociale et aux comportements à risque malgré l’évolution des mœurs et du droit. Les officinaux peuvent les aider à mieux « vivre qui elles sont ».
D’un genre à l’autre
Une personne transgenre, ou trans, ne s’identifie pas à son sexe de naissance. Son sentiment d’être un homme ou une femme, voire ni l’un ni l’autre ou les deux à la fois, ne correspond pas à son sexe biologique. Un homme trans est né dans un corps de femme mais se sent homme. Une femme trans est née dans un corps d’homme mais se sent femme. D’autres personnes non binaires ne se définissent ni dans le genre masculin ni dans le féminin. Ce manque de concordance est qualifié d’incongruence de genre (voir La patho p. 45). L’identification à un genre est distincte de l’orientation sexuelle, qui désigne l’attirance sexuelle et/ou affective pour des personnes. Une personne trans peut être hétérosexuelle, homosexuelle, bisexuelle, voire changer si genrée autrement.
Le droit d’être qui je suis
Personne agenre qui ne se reconnaît dans aucun des deux genres, personne pangenre qui s’identifie aux deux, queer ou genderqueer, traduit littéralement par « genre bizarre », qui rejette le schéma binaire homme/ femme de la société, ces vocables, recouvrent des personnes en quête de mots pour qualifier leur identité et leur expression de genre. « Le transgenrisme est l’une des déclinaisons de la grande problématique identitaire de notre époque qui repose sur la question “Ai-je le droit d’être comme je suis ?”, précise le docteur Didier Bourgeois, chef de service de psychiatrie adulte au centre hospitalier de Montfavet (84). Les troubles identitaires, qui sont des troubles du narcissisme, sont au premier plan des préoccupations de la psychiatrie aujourd’hui » (voir interview p. 32). Cette question taraude les officinaux interrogés. « Quand ils disent “Je ne me sens pas homme ou je ne me sens pas femme”, je ne sais pas ce que ça veut dire. Moi, je me sens moi. J’aimerais comprendre », avance Alexandre, jeune pharmacien adjoint en Normandie. 39 % des Français pensent que le genre d’une personne est déterminé biologiquement à la naissance et que les personnes qui veulent en changer ont un problème psychologique
Cette conviction d’être dans le mauvais corps est parfois précoce, (voir encadré p. 30). Lison a attendu d’avoir la trentaine. « Enfant, j’étais toujours mal à l’aise. Je suis passée à côté de plein de choses car on me faisait vivre une vie de garçon. Et ça ne me convenait pas, mais quand on ignore pourquoi, on ne sait pas l’exprimer. Quand j’ai découvert la transidentité vers 30 ans, dans des magazines, je me suis reconnue dans les témoignages. »
Rétablir une concordance
Être dans sa bonne identité ne signifie pas forcément opération. « Les trans habitent le genre de bien des façons, écrit Emmanuel Beaubatie, sociologue, dans Transfuges de sexe – Passer les frontières du genre (Éditions La Découverte, 2021). Les trans ont plus ou moins recours à des modifications corporelles et au changement d’état civil. Ils ne se conforment pas nécessairement aux standards physiques, juridiques et administratifs de leur sexe ». Pour Lison, « la personne déterminée à faire une transition fera celle qui lui est nécessaire. La mienne a été totale. D’autres font juste la transition de genre vers l’aspect féminin ou masculin sans aller jusqu’à l’opération du sexe ». Une femme trans peut conserver son pénis, « par peur de l’opération, parce que son état de santé l’interdit ou parce qu’elle l’aime bien ».
Donner le temps au temps
Décider de changer est plus ou moins rapide. Lison a « assumé qui elle était au bout de quinze ans de réflexion ». François, patient « exigeant » d’Isabelle, titulaire dans les Yvelines, a attendu ses 72 ans : « Il m’a dit qu’il allait se faire femme et que sa vraie identité est Chloé. Il m’a confié se travestir le week-end. Je ne pensais pas que cette opération était possible à cet âge ».
Beaucoup s’impatientent de voir leur apparence coller au genre auquel ils s’identifient. Ou de quitter celui qui ne convient pas : « La “verrue” que j’avais entre les jambes m’emmerdait plus qu’autre chose », explique Lison. Un traitement hormonal ou chirurgical peut alors s’envisager(
Dorénavant, c’est comme ça
Une transidentité assumée entraîne souvent un besoin urgent d’être « genré » correctement (
Le mauvais genre
Être « mégenré », désigné dans le mauvais genre, est très mal vécu par les trans. Pourtant, « quand la transition n’est pas encore assise, que la voix se cherche, que le faciès n’a pas encore pris les traits du genre choisi, l’erreur est possible », concède Capucine Hasbroucq, qui rencontre des jeunes « impatients, très susceptibles, à fleur de peau ». Élisa Bligny
Tendre la main
Frustrés par des refus, découragés par la longueur du parcours de transition ou craignant d’être jugés, nombre de trans restent à l’écart du système de santé. « Les expériences récurrentes de discriminations vécues dans le recours aux soins liés au parcours de transition ou à la santé globale ont souvent pour conséquence des non-recours ou un recours tardif aux soins »
De l’ombre à la lumière
Sortir de l’ombre est courageux. Le transgenrisme surexpose aux violences (
« Les professionnels de santé doivent être sensibilisés au changement de genre »(2). Prudence et bienveillance éviteront les maladresses qui blessent (lire Les mots pour p. 42). « Quand un jeune d’apparence masculine vient chercher de la testostérone avec une carte Vitale dont le numéro commence par un 2, il est possible d’éviter de lui demander si c’est bien sa carte », suggère Agnès Condat. Certains jeunes trans ne viennent plus à la pharmacie pour cette raison. « Quand tu délivres de l’Androtardyl à une fille, tu comprends qu’elle est en train de changer de sexe. C’est intime, tu ne vas pas lui demander : “Tu es une fille ou un garçon ?”, appuie Laetitia, titulaire. Un “Comment ça se passe ?”, “Est-ce la première fois ?” permettent de s’assurer que le traitement n’est pas destiné à la revente ». Élisa Bligny suggère de « se familiariser avec la terminologie relative au transgenrisme pour communiquer sans blesser ». « Avant de poser une question, demandez-vous si vous la poseriez aux autres patients », conseille Lison.
Difficile d’improviser
Cyrielle, préparatrice à Toulouse (31), en est convaincue. Elle n’aurait pas si bien écouté, compris et renseigné ce jeune qui débutait une transition si elle n’avait pas accompagné sa meilleure amie sur ce chemin. Tandis que ses collègues « sont toujours décontenancés par la transidentité ». Christelle Chudeau observe que « les patients trans récupèrent leurs traitements et repartent, sans s’éterniser ». La préparatrice, pourtant mère d’un enfant trans, a « l’impression que tout va bien, mais peut-être qu’ils ne sentent pas chez moi l’ouverture qui leur permettrait d’échanger. Je me sens démunie pour m’assurer qu’ils vont bien, que le traitement se passe bien ». Laetitia estime que « s’il ne saisit pas la perche, c’est qu’il ne veut pas. C’est à respecter ». La confidentialité est difficile aussi à la pharmacie…
Quant aux hormones, « les officinaux en connaissent les effets dans les conditions de l’AMM, alors qu’ils sont prescrits hors AMM chez les patients en transition, souligne Agnès Condat. Si une personne trans se plaignait d’un désagrément à la pharmacie, personne ne saurait lui dire si c’est un effet secondaire normal du traitement ou non ». Un rapport de janvier 2022
Ne pas rester seul
La pharmacie est un point de santé de proximité tremplin vers un accompagnement adéquat. En communiquant des noms d’associations (voir encadré ci-dessus). Orienter « les parents vers un psychiatre ou un psychologue peut rassurer, sécuriser », reprend la mère d’un ado trans. « Ils aident les parents à prendre conscience que ce que vit leur enfant n’est pas une lubie mais une incongruence de genre, qui entraîne parfois une dysphorie douloureuse ». Un accompagnement spécialisé peut aider « à gérer un parcours de transition générateur de stress, et à prendre en compte le retentissement psychique des transformations du corps et les impacts de la transition sur sa vie ». Des consultations hospitalières sont ouvertes aux jeunes trans à Paris, à la Pitié-Salpêtrière, au Centre intersectoriel d’accueil pour adolescent (Ciapa) et à Robert-Debré, à Lille, Rouen, Tours, Toulouse, Bordeaux et Marseille. Le médecin traitant reste une porte d’entrée. Christelle Chudeau a parlé à son médecin du projet de transition de son ado : « Il m’a répondu qu’il travaillait avec la clinique de l’Anjou, où un médecin spécialisé dans la chirurgie transgenre était en relation avec des endocrinologues ou des psychologues ». Ces réseaux structurés sécurisent la prise en charge et rassurent les parents le cas échéant. « François ne prend plus ses antidépresseurs. Il est transformé et m’a dit “Je suis enfin moi’’ », confie Isabelle. Les patients de Laetitia se sentent mieux : « Quand c’est plus clair pour eux, nous parler est plus simple. Ils sont enfin eux-mêmes ».
Certains prénoms ont été modifiés à la demande de personnes interrogées pour cette enquête.
(1) Rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans , Dr Hervé Picard et Simon Jutant, janvier 2022.
(2) Situation actuelle et perspectives d’évolution de la prise en charge médicale du transsexualisme en France, Haute Autorité de santé, novembre 2009.
(3) Autrice de Mon ado change de genre, Éditions La Boîte à Pandore, 2020.
(4) Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah).
Lexique
→ Chirurgie de réassignation de sexe : transformation chirurgicale des organes génitaux d’origine afin qu’ils prennent une apparence proche des standards esthétiques du sexe de destination.
→ Cis, ou cisgenre : personne qui se reconnaît dans la catégorie de sexe qui lui a été assignée à la naissance et ne souhaite pas en changer. Une femme née femme et qui se sent femme par exemple.
→ Dysphorie de genre : terme médical utilisé dans le DSM-5 (voir La patho) pour décrire la détresse des personnes transidentitaires face à un sentiment d’inadéquation entre leur sexe assigné et leur identité de genre. Il est contesté par les associations trans, qui lui reprochent son caractère pathologisant.
→ Expression de genre : manière dont une personne exprime une identité de genre à travers son comportement, ses vêtements, son attitude.
→ FtM (Female-to-Male), ou homme trans : personne trans assignée femme à la naissance, effectuant ou ayant effectué une transition vers le genre masculin.
→ MtF (Male-to-Female), ou femme trans : personne trans assignée homme à la naissance, effectuant ou ayant effectué une transition vers le genre féminin.
→ Mégenrer : utiliser le mauvais pronom ou le mauvais genre pour s’adresser à une personne. Par exemple, dire « elle » à propos d’un homme trans.
→ Passing : terme utilisé par les personnes trans quand elles se sentent considérées en un coup d’œil comme appartenant au genre choisi.
→ Personne intersexuée : selon l’ONU, ce terme désigne les personnes « nées avec des caractéristiques sexuelles qui ne correspondent pas aux définitions typiques de “mâle” et “femelle” ». Ces variations peuvent se trouver aux niveaux chromosomique, anatomique, gonadique ou hormonal.
Témoignage « Je n’ai pas cherché à être féminine, j’ai quitté le masculin »
Lison, 66 ans, retraitée, femme trans engagée dans une association LGBT+ à Avignon (84) depuis 2016, opérée en 2007 et changement d’état civil en 2010.
J’ai été élevée comme un garçon. J’adorais jouer avec les filles, on me traitait de dragueur. Je n’étais pas clairement attiré par les filles. J’ai eu des amies parce que la société voulait qu’un garçon en ait. Je me conformais à ce qu’elle voulait que l’on soit. J’ai été dans l’armée de terre durant onze ans. Cela m’a permis d’apprendre un métier, de conduire des engins dans les travaux publics, ça me plaisait. Je me suis mariée une première fois à 20 ans, sans conviction. La deuxième fois, j’étais relativement conscient que je n’étais pas sur les bons rails, mais je pensais me soigner, guérir. Comme à mon premier mariage. Au bout de trois ans : à dégager ! Je vivais dans un état neutre. À la limite, ce n’était pas moi. J’ai eu des enfants mais ce n’était pas franchement mon souhait puisque je ne savais pas qui j’étais.
Ce qu’on a entre les jambes m’a toujours gênée, cette « verrue » ne m’apportait rien car je n’ai jamais eu aucun plaisir sexuel avec les femmes. Se dire que ce corps n’est pas le sien est frustrant. Qui est-on si la société ne reconnaît pas ce qui n’est pas homme et pas femme ? Le corps de garçon ne m’allait pas, mais je l’ai entretenu. En attendant l’autorisation du psy pour la chirurgie durant deux ans, je prenais des hormones. Puis, je suis parti en Thaïlande pour une vaginoplastie conforme. Vol, opération et hôtel pendant un mois m’ont coûté 8 000 €. Quand j’ai dit à mon patron : « Au fait, je vais changer d’identité et prendre une identité féminine », il m’a demandé « Tu vas faire quoi maintenant ? ». Il ne voyait pas une femme conduire des engins ! J’ai répondu : « Si ce que je fais, ça va, moi ça me va aussi, je ne vois pas pourquoi je changerais. Promis, je ne mettrais pas de talons ! Mon boulot me plaît, et je n’ai aucune envie d’en changer ». Il a dit : « Ouf ! ». J’ai eu énormément de chance car il y a des parcours atroces. L’appropriation de la féminité se fait tout doucement. Il faut apprendre car on arrive en terre inconnue. Il faut un certain temps pour s’inscrire dans son identité. On ne peut pas décréter qu’on est trans du jour au lendemain. Je me suis contentée de vivre comme j’étais. Le genre ne définit pas qui on est. Je n’ai pas cherché à être féminine. Certaines filles trans veulent une apparence féminine à tout prix, moi j’ai cherché à quitter le masculin. Je ne savais pas où j’allais, ce que ça allait donner, mais je m’en fichais. Du moment où je quittais l’état masculin, cela me suffisait. Je suis arrivée dans l’état féminin et je m’y trouve très bien.
De l’incongruence à la souffrance
L’incongruence de genre peut se manifester très tôt.« Vers 6 ou 7 ans, les enfants adoptent les attitudes attribuées à l’autre sexe et demandent à leur entourage de les considérer comme tels », rapporte Agnès Condat, pédopsychiatre à la Pitié-Salpêtrière, à Paris, et spécialiste de l’accompagnement des enfants et adolescents transgenres. Une fois cette étape franchie, « il est fréquent de voir ces enfants sortir soudain de leur mutisme, se remettre à manger, s’épanouir et sortir des cauchemars », observe Élisa Bligny, autrice de Mon ado change de genre
* . Pour autant, vivre sa transidentité n’est pas un long fleuve tranquille. La dysphorie de genre désigne un état de mal-être, de souffrance, voire de détresse lorsque le genre ressenti ne correspond pas au sexe biologique. Pour se développer sur le plan psychique, une petite fille cisgenre, dont le sexe biologique correspond au genre ressenti, s’identifiera à sa mère ou à une autre femme. Un garçon cisgenre, à son père ou à son substitut. Les enfants transgenres, « comme toute minorité, ont souvent du mal à trouver un modèle auquel s’identifier », pointe Agnès Condat. Permettre à ces enfants de mettre des mots sur leur souffrance et leur identité de genre peut les aider. « La population trans est également très vulnérable sur le plan psychiatrique, ajoute Agnès Condat. Nous travaillons énormément sur la prévention des risques, et notamment du suicide ». En 2018, le fils d’Élisa Bligny, né fille, lui révèle son identité transgenre non binaire : « Je suis un demi-boy ». C’est-à-dire « une personne qui se sent partiellement homme et partiellement un autre genre », explique Élisa. Quand elle lui demande pourquoi il utilise le pronom masculin plus que le féminin à son sujet, son ado lui répond que « il » lui semble plus neutre que « elle ». Et de préciser : « Si je devais m’identifier à un genre, ce serait le masculin. Au fond de moi, j’ai de la masculinité et je dois l’exprimer. Sauf que, parfois, je n’éprouve pas le besoin de revendiquer que je suis un garçon. C’est un état assez complexe à expliquer ». Le fils trans d’Élisa est non binaire. « Il rejette ce que la société attribue spécifiquement au genre féminin, les comportements attendus, les codes couleur ou la représentation de la femme comme objet sexuel ». Au-delà des représentations sociales, c’est la problématique identitaire qui peut faire mal. « Il a très mal vécu le fait d’être intégré à l’équipe des filles quand il faisait du roller et que les équipes n’étaient pas mixtes. C’était comme trahir son identité de garçon, ne pas le respecter ».(*) Éditions La Boîte à Pandore, juin 2020.
Associations utiles
→ Le Refuge héberge les jeunes LGBT+ rejetés par leur famille : 06 31 59 69 50.
→ OuTrans organise des groupes de parole et a publié un guide sur les traitements hormonaux et la chirurgie sexuelle : outrans.org
→ Chrysalide fournit des guides prêts à l’emploi (changement de sexe à l’état civil, calcul du reste à charge des opérations, etc.) : chrysalide-asso.fr
→ Espace Santé Trans propose notamment des ateliers d’auto-injection : espacesantetrans.fr, perm-psy@espacesantetrans.fr
→ Acceptess-T propose écoute, accueil, accompagnement social, soutien psychologique : acceptess-t.com, 01 42 29 23 67.
→ Grandir trans propose un soutien aux parents d’enfants trans : grandirtrans.fr, grandirtrans@gmail.com
→ En-Trans propose des moments d’échange : en-trans.fr
Interview « Accompagner, mais ne pas précéder »
Docteur Didier Bourgeois, psychiatre, chef de service de psychiatrie adulte du centre hospitalier de Montfavet (84), auteur entre autres de Comprendre et soigner les états-limites, (éditions Dunod) et fondateur de la revue et du mouvement Psy Cause (psycause.info).
La transidentité est-elle une pathologie ?
La question trans est à inclure, pour partie, dans la constellation des états-limites dans la mesure où la problématique narcissique, ce qui est du registre de l’estime et/ou de l’acceptation de soi, est fondamentale. On n’est pas dans la pathologie, on est dans du hors norme, mais pas dans l’anormal. Ce qui ne veut pas dire qu’il faille nier la souffrance de ces sujets aux prises avec un questionnement auquel les réponses, même aujourd’hui, ne sont pas évidentes.
Que peut-on dire de l’étiologie du transgenrisme, ou transidentité ?
Elle mêle psychogénèse, sociogenèse et biologique. La psychogénèse, la façon dont se construit le psychisme d’un individu en tant que garçon ou fille est polyfactorielle, mais aboutit rapidement à une impasse identitaire et sociale. Impasse dans la mesure où la ou les solutions exigent un dépassement complet des normes, de la binarité jusque-là acceptée.
Quelle est l’influence de l’environnement sociétal ?
Le transgenrisme est une déclinaison de la grande problématique identitaire de notre époque, qui repose sur la question « Ai-je le droit d’être, d’être moi ? », avec le droit de décider, y compris de mon genre. Le meilleur moyen de vérifier son droit à l’existence est de côtoyer la mort, avec la notion de conduite à risque, comme jouer à la roulette russe. Changer de genre est une formidable prise de risque, une sortie flagrante hors des clous sociaux et psychiques, auquel on n’est pas sûr de survivre tant l’impact sur soi, sur son image de soi, et sur l’image qu’on donne aux autres est majeur. Et si on survit, quoi de nous survit, et qu’est-ce qu’on abandonne ?
Qu’est-ce qui a changé dans notre société ?
Cette revendication identitaire qui dépasse le questionnement identitaire n’était pas aussi répandue quand la famille au sens large était contenante, structurante, ancrée dans une histoire et des traditions, lorsqu’une personne faisait partie d’une classe ou d’un cadre social et n’en sortait pas, ou quand elle en sortait, le savait. Aujourd’hui, les individus, immergés dans une immédiateté ingérable autrement que par le passage à l’acte, ayant via les réseaux sociaux et la mondialisation, des fenêtres ouvertes sur la manière dont vivent filles, garçons, riches, pauvres, ont une ultime frontière : s’affranchir des limites bio-psycho-sociales qui attribuent une place dans la société. C’est une forme de révolution intime qui prend le pas sur les mouvements révolutionnaires matérialistes et collectifs auxquels l’histoire nous avait habitués.
Que pensez-vous du terme « épidémie » parfois employé ?
L’idée d’une « épidémie », ce qui se repère car la problématique trans et en tout cas les problématiques qui parlent de non binarité ont acquis une visibilité sociale croissante, vient à la fois pour partie d’une parole plus libre en Occident parce qu’il y a moins de tabous, et de l’augmentation des problématiques identitaires avec leurs manifestations très variables, dont le transgenrisme, mais il y en a d’autres, revendications identitaires religieuses ou culturelles.
Que dire aux parents soucieux du comportement de leur enfant ?
Il n’y a pas de bon ou de mauvais genre, il y a le genre avec lequel on se sent soi-même. Il est important d’attendre, accueillir, interroger : « Est-ce que c’est vrai ? Pourquoi ? Depuis quand ? Est-ce que tu n’es pas un peu garçon ou fille quand même ? » Il s’agit de voir si c’est fixé, si c’est fluctuant, et c’est normal que ça fluctue. Si au bout de quelques mois, l’enfant dit se sentir vraiment du genre opposé, et surtout si la souffrance est avérée, il faut accompagner, mais ne pas précéder.
Les DU « Trans »
DU « Prise en charge de la transidentité ».
Durée : 80 heures sur un an.
Lieu : Paris, hôpital Tenon et hôpital Pitié-Salpêtrière. dutransidentite.fr
DIU « Accompagnement, soins et santé des personnes trans ». Durée : 2 semestres, partenariat entre les facultés de Bordeaux, Paris-Diderot, Lyon I Claude-Bernard et Lille. trans-sante-france.org
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