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On ne badine plus avec les génériques
Le 30 juillet, l’Assurance maladie a déconventionné une pharmacienne en raison de son taux de substitution trop bas. Une mesure inédite. Le point sur la substitution, six semaines après l’instauration du tiers payant contre générique.
Les pharmaciens récalcitrants face aux génériques sont désormais punis. Le 30 juillet, l’Assurance maladie prononçait le déconventionnement pour un mois de Jacqueline Girardeaux, pharmacienne à Airvault (Deux– Sèvres) et de son fils, co-titulaire. « Ce déconventionnement est une mesure exceptionnelle et ne tient pas lieu d’exemple », assure Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), syndicat de titulaires. Convoquée l’an dernier devant la commission paritaire locale (CPL) pour s’expliquer sur la faiblesse de son taux de substitution, évalué à 30 %, Jacqueline Girardeaux s’était engagée à atteindre les 60 % d’ici la fin de 2011. En mars 2012, elle n’était qu’à 50 %. La CPL a donc sévi en déconventionnant titulaire et co-titulaire. Une décision confirmée par la commission paritaire nationale, auprès de laquelle l’intéressée avait fait appel. Le 14 septembre, et pour un mois, un pharmacien recruté et payé par la pharmacienne a donc dû adhérer à sa place, en tant que remplaçant, à la convention relative au tiers payant, pour pallier l’absence de diplômes conventionnés. Et continuer à faire bénéficier les clients de l’avance de frais. Une sanction inédite.
Observation puis sanction
« D’autres pharmaciens ont déjà été convoqués devant la CPL pour les mêmes raisons, mais leur taux de substitution avait progressé en même temps qu’ils faisaient appel. Ils n’ont donc écopé que d’une sanction avec sursis », explique le président de la FSPF. La sanction est par ailleurs sans lien avec l’instauration du tiers payant contre générique, ce déconventionnement faisant suite à des faits avant la signature de la convention entre syndicats de pharmaciens et l’Assurance maladie.
« Nous ne sommes qu’en phase d’observation concernant l’application de ce dispositif, reprend Philippe Gaertner. En cas de problème, les pharmaciens seront entendus et chaque situation s’appréciera au cas par cas. Nous accordons néanmoins une vigilance absolue au non-détournement de ce dispositif en faveur de pharmaciens substituant peu. » Avis à ceux qui s’aviseraient de récupérer les clients des voisins, en vendant du princeps aux patients sans leur réclamer l’avance des frais…
« Personne ne me croit »
« J’ai fourni à la CPAM une photocopie des ordonnances où étaient mentionnés les “non-substituables” que j’ai délivrés, rapporte Jacqueline Girardeaux. Si on les exclut du calcul, mon taux de substitution s’élève bien à 60 %, mais la caisse n’a pas voulu en tenir compte… Elle me pousse à refuser le tiers payant même au patient à qui je délivre un princeps “non substituable” ! » Une pratique plus stricte que les consignes nationales, adoptée par certaines caisses de Sécurité sociale et qui peut parfois poser problème.
« Certains patients nous indiquent qu’ils envisagent de stopper leur traitement car ils ne sont pas en mesure d’en avancer les frais », rapporte le Collectif interassociatif sur la santé (Ciss), qui regroupe quarante associations d’usagers de santé.
« Des idiots méprisés ! »
Éludant ce débat, les pouvoirs publics ont plutôt pour optique d’agir à la source en limitant au maximum l’emploi de la mention
« non substituable ». Une approche dénoncée par Claude Bronner, président d’Union généraliste et vice-président de la Fédération des médecins de France (FMF) : « La Cnam veut faire reculer le ’non substituable’ par des procédés qui nous compliquent la vie. C’est nous prendre pour des idiots ! Je suis prêt à justifier mon emploi du ’non substituable’ sur l’ordonnance, à en inscrire les motifs, mais nous imposer de l’écrire à la main et à chaque ligne de produit, c’est nous mépriser. »Loin de proscrire les génériques, il estime néanmoins qu’une stabilité dans la marque du médicament délivré s’impose auprès de certains patients. Or le pharmacien n’est pas tenu de vendre une marque de génériques constante. À la place du tout-générique obligatoire, Claude Bronner prône plutôt la généralisation du tarif forfaitaire de responsabilité (TFR). À savoir, « le même prix de remboursement pour une même molécule, princeps ou générique », explique-t-il. À charge pour le patient de payer le dépassement s’il opte pour le princeps. Une mesure tout aussi effi cace pour réduire le déficit de la Sécurité sociale. Si ce n’est que lorsqu’un médicament est soumis au TFR, le laboratoire qui fabrique le princeps en aligne quasiment systématiquement le prix sur celui du générique. Et c’est la marge du pharmacien, calculée sur la valeur du produit, qui baisse également…
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Malgré la problématique du « non substituable », l’instauration du dispositif « tiers payant contre générique » (TPCG) fonctionne plutôt bien. Presque trop bien. Le taux de substitution a augmenté de 10 % sur le plan national, et de 25 % à Paris, mais les officines doivent à présent faire face aux ruptures de stock des génériques. « Le démarrage du tiers payant contre générique en juillet a surpris plus d’un génériqueur en août, car ils ne croyaient pas à un tel succès. Des variations importantes dans les commandes peuvent poser problème chez les génériqueurs de petite taille, mais nous avions prévu, dans nos dispositions conventionnelles, que le pharmacien ne serait pas pénalisé en cas de délivrance occasionnelle d’un princeps due à une rupture de stock en génériques », rassure Philippe Gaertner. Pour autant, « notre crédibilité en prend un coup, car nous devons délivrer le princeps après nous être battus pour faire accepter le générique », note Raphaël Darmuzey, adjoint à la pharmacie cent rale de Gardanne (Bouches-du-Rhône). Certains génériqueurs avaient été prévoyants. « La mise en place du TPCG ne pouvait qu’accroître le volume des commandes en génériques, relève Jean-Marc Jouannet, directeur des ventes chez Evolupharm. Nous avons donc adapté nos stocks en prévision, nous suivons nos volumes de ventes de plus près et faisons le point beaucoup plus régulièrement avec nos fournisseurs sur nos sorties d’entrepôts, pour nous adapter au mieux à la demande. »
Certains doutent de la bioéquiva-
« Je veux bien substituer, mais pas au détriment de la sécurité de mes patients », s’exclame Jacqueline Girardeaux, fraîchement déconventionnée en raison d’un taux de substitution inférieur à 50 %. Mes patients sont âgés, polymédiqués et ne souhaitent pas courir de risque supplémentaire. Et je ne peux leur garantir qu’un générique est semblable au princeps, lorsqu’il ne s’agit pas d’un autogénérique et que j’essuie les retours négatifs ». Le Collectif interassociatif sur la santé (Ciss) enfonce le clou :
« Depuis l’instauration du tiers payant contre générique, nous avons plus de remontées négatives de patients concernant les traitements à marge thérapeutique étroite. » Regrettant le flou persistant autour des génériques, le Ciss a adressé une lettre à la ministre de la Santé, Marisol Touraine, dans laquelle il réclame plus de transparence sur la bioéquivalence entre princeps et génériques. Il souhaite également un renforcement de la politique de pharmacovigilance concernant les génériques. Pourquoi ne pas exiger seulement des autogénériques ? Quel est l’impact des différences entre autogénériques et génériques ? Ne devrait-on pas moduler la politique de substitution en fonction de la pathologie et de la gravité de l’état de santé des personnes ? Telles sont les questions auxquelles le Ciss souhaiterait des réponses. Il suggère « l’organisation rapide d’une table ronde de haut niveau ». L’objectif ? Mettre fin aux polémiques…
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