L’alpha-amylase prise à la gorge

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Publié le 10 décembre 2019 | modifié le 5 septembre 2025
Par Anne-Hélène Collin
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Ça ne va décidément pas fort pour le libre accès. Après les formes orales de spécialités contenant du paracétamol, de l’ibuprofène ou de l’acide acétylsalicylique en octobre, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) envisage de rapatrier les médicaments à base d’alpha-amylase (Maxilase maux de gorge alpha-amylase, Alfa-amylase Biogaran conseil, etc.) derrière le comptoir. Au motif, cette fois, d’un risque de réaction d’hypersensibilité rare (3 cas depuis 2013, dont 2 chocs anaphylactiques chez des enfants) mais grave (1 adulte décédé). L’ANSM marque ainsi sa volonté de sécuriser l’utilisation de ces médicaments et de « renforcer le rôle de conseil du pharmacien et donc l’information des patients au moment de la délivrance ». La décision a été annoncée quelques semaines après le point d’information diffusé par l’agence pour rappeler ces risques et les conseils au comptoir. Et la veille de la publication par Prescrire de la liste des médicaments « plus dangereux qu’utiles » dans laquelle figure pour la première fois… l’alpha-amylase, « une enzyme sans efficacité démontrée au-delà de celle d’un placebo dans les maux de gorge », justifie la revue, qui conseille même d’écarter ces spécialités des soins.

Retirer l’alpha-amylase du marché ne semble pas pour l’instant dans les projets de l’autorité sanitaire, et ce même si les spécialités ont été taxées d’un rapport bénéfice/risque défavorable par la commission de suivi du rapport entre les bénéfices et les risques des produits de santé de l’ANSM, (2018) et d’un service médical rendu insuffisant (Haute Autorité de santé, 2005). « En 2017, 9,5 millions de boîtes ont été vendues, et plusieurs centaines de millions depuis les années 2000, explique le Dr Jean-Michel Race, directeur des médicaments de la sphère ORL à l’ANSM. Les effets indésirables graves restent très rares. » En tout cas, pas suffisamment nombreux pour envisager un retrait du marché des médicaments à base d’alpha-amylase. Ni pour rendre la prescription médicale obligatoire. « Aucun passage sur la liste des substances vénéneuses n’est pour l’instant envisagé », jure l’ANSM. Le pharmacien pourra donc continuer à conseiller l’alpha-amylase s’il le juge nécessaire, mais devra vraisemblablement la laisser hors de portée des patients. Si elle est confirmée, la décision de retrait du libre accès des spécialités à base d’alpha-amylase sera effective « très prochainement », prévoit l’ANSM. Quant au retrait du libre accès des spécialités contenant du paracétamol, de l’ibuprofène ou de l’aspirine, « la décision sera prise courant décembre ». §

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