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Opération séduction auprès des jeunes
Dans un contexte où de nombreux titulaires approchent de l’âge de la retraite, les groupements se mobilisent pour mettre le pied à l’étrier aux adjoints. Les opérations de séduction se multiplient. Avec du “cash”, mais pas seulement !
Si pendant longtemps les groupements d’officines voulaient surtout aligner le plus d’accords possibles avec des laboratoires et autres prestataires, leur priorité semble évoluer. Les réseaux historiques aux adhérents par centaines, comme leurs concurrents plus jeunes et moins importants en nombre de portes, ont une nouvelle obsession : intéresser les adjoints en vue de leur installation. Après avoir inventé des boosters d’apport parfois soupçonnés de lier les jeunes entrepreneurs à des fonds hasardeux, et des séminaires de quelques heures, les nouveaux outils se montrent plus ambitieux.
DES FORMATIONS PLUS POINTUES.
Chez Giphar, on a carrément fait appel à l’école de commerce Audencia, réputée pour son innovation pédagogique centrée sur l’apprentissage par l’action. Il faut dire que le groupement historique, membre de la Fédération du commerce coopératif et associé (FCA) et de la Fédération pour la promotion du commerce spécialisé (Procos), voit passer des opportunités immobilières pour des grosses pharmacies, pour lesquelles il rencontre des difficultés à trouver preneur parmi ses adhérents. « D’où l’idée de monter une formation pour “fabriquer” ces pharmaciens, déjà professionnels de santé, afin qu’ils deviennent des chefs d’entreprise avertis, autonomes, prêts à gérer de grosses boutiques », explique Jean-Philippe Berthier, directeur du développement de Giphar. Ainsi, Sophie Nicolas, directrice d’Hémisphères Santé, l’école du réseau, est partie en quête d’un partenaire pour monter une formation sur-mesure. Résultat, avec Audencia, ils ont mitonné un programme particulièrement long, de 119 heures, qui se déroulera sur quatre jours par petits groupes (la première promotion compte 15 adjoints Giphar). Le tout est 100 % financé par Giphar, ouvert à tous, sur dossier et entretien. Le contenu se veut plutôt classique sur le fond : leadership, performance financière, merchandising, expérience client et pilotage de projet. La forme de cette formation certifiante de niveau 7 « manager directeur d’unité opérationnelle » sera plus originale, car fondée sur des cas réels. « Ils vont apprendre à piloter par les indicateurs », résume Makram Chemangui, directeur d’Audencia Executive. Des groupements plus petits se mettent aussi à construire des formations réservées aux adjoints souhaitant s’installer. Pharma XV, par exemple, s’est allié à l’école de commerce Toulouse TBS Education pour 147 heures entre mars 2022 et mai 2023 (8 500 €).
De son côté, Normandie Pharma a mis en place son “Académie”. Un premier groupe de dix adjoints se verront formés pendant 8 jours sur deux ans, aux frais du réseau régional. Les cours entendent donner confiance à ceux qui ont un projet d’installation, mais qui estiment « avoir des lacunes en comptabilité et/ou être nuls en négociation », comme l’explique la chef de projets Claire Mazenc. « Le programme se veut à la fois aspirationnel pour donner envie, prendre de la hauteur, mais aussi très pratico-pratique ».
L’ARGENT DES AÎNÉS.
Un autre axe d’accompagnement consiste traditionnellement en une aide financière pour donner un coup de pouce aux (souvent jeunes) primo installés. Autant pour épauler les nouveaux, que pour renforcer l’implication de leurs aînés. Fin 2021, Giropharm a lancé un système qui va plus loin que ses précédents boosters d’apport. Son nom : GiroBoost. Cette solution consiste à solliciter les adhérents pour miser à partir de 5 000 € dans une structure qui va prêter de l’argent à la nouvelle génération, sous la forme d’obligations non convertibles. « L’argent est mis dans une enveloppe, on ne sait pas à qui ça revient », explique Sandrine Beaurain, titulaire à Hem (Nord), qui confie avoir placé 10 000 €. « J’espère aussi que ces jeunes resteront Giropharm », ajoute-t-elle avant de préciser qu’à « 4 % c’est un bon placement, mais l’argent est bloqué (NdlR tant que les pharmaciens sont adhérents) ». « 20 % des adhérents » ont déjà joué le jeu avec une mise « moyenne de 15/20 000€ », selon Emmanuelle Niess-Stuber, responsable juridique et social & pôle “Installation” du réseau. « Quatre dossiers sont déjà réalisés », précisait-elle mi-mars. L’enjeu pour les jeunes ? Jusqu’à 500 000 €, en quasi-fonds propres. D’autres placent la barre plus haut. Ainsi Elsie Santé, constitué de grosses officines (CA moyen de 8,5 M€), a créé un véhicule d’investissement au sein d’une nouvelle société baptisée Holdco. Comme GiroBoost, elle permettra aux adhérents d’y investir pour leurs pairs, mais à partir de 200 000 € au minimum. Objectif : prêter jusqu’à 4 M€ en vue d’un développement par transfert ou agrandissement.
DES OUTILS PRATICO-PRATIQUES.
Epauler les futurs titulaires, c’est aussi leur rendre le quotidien plus facile en cas de projet de transfert, d’envie d’exercice coordonné, ou tout simplement pour piloter une officine, c’est-à-dire se lancer dans le commerce, aux codes jamais appris sur les bancs de la fac de pharma. Ainsi, le réseau Totum a créé un “book de franchise” qui doit permettre aux jeunes titulaires (mais aussi aux autres) de trouver une solution à chaque problématique de l’entreprise. « Nous avions des bonnes pratiques iso 9001, mais ces procédures qualité étaient perçues comme une contrainte. On a repensé cet outil comme une aide à exercer son métier de patron pharmacien », explique le directeur général Sébastien de Larminat. Depuis l’été dernier, le book se consulte sur intranet, par chapitre (la marque, le concept, la pharmacie, le réseau) ou via un mot clé dans un moteur de recherche et donne accès à des méthodes, des checklists, des messages types, aux prestataires référencés. Et ça marche. « L’intranet nous aide, nous ne sommes pas lâchés dans la nature. On a par exemple un parcours de 1 à 15 pour se mettre à l’image du réseau. Je suis à l’étape 3 et je sais qu’il me faut mettre à jour Google My Business et Facebook. Je ne vois pas ça comme une obligation, mais comme une aide pour aller dans le bon sens », explique Sébastien Montagné, primo installé Totum depuis septembre. Le réseau continue, par ailleurs, à proposer à ses adhérents un compagnonnage de six ou douze mois auprès de dizaines de titulaires avant de se lancer dans une installation. Ce système de compagnonnage a depuis été mis en place également chez Pharmodel, par le biais de pharmaciens référents dans l’officine desquels le jeune peut aller passer quelques jours. Cette possibilité vient en complément de son offre “Move” lancée en 2020, qui consiste en une aide opérationnelle auprès des primo-accédants sous forme de trois études (géomarketing, de concurrence et du point de vente), mais aussi d’une formation au management et un coaching titulaire. « Dans le cadre de Move, nous accompagnons actuellement trois jeunes », explique Rafaël Grosjean, président de Pharmodel. D’autres se lancent dans l’accompagnement de projets d’exercice coordonné, de plus en plus prisés par les professionnels de santé mais encore le plus souvent initiés par des médecins et non des officinaux. Si Univers Pharmacie a déjà recruté une personne ayant cette expérience d’aide depuis plus d’un an, le groupement Leader Santé travaille désormais avec un partenaire spécialiste qu’il met en relation avec ses adhérents. « Il s’agit d’un cabinet conseil, qui s’occupe de la construction du projet, de sa structuration juridique, économique, de l’organisation de la récolte d’éventuelles subventions auprès des ARS, des conseils départementaux et régionaux. Et avec qui nous avons mis en place des webinars », détaille Alexis Berreby, président de Leader Santé Groupe. Les réseaux cherchent à offrir un savoir-faire de plus en plus complexe.
infos clés
1 Les groupements se mettent en ordre de marche pour compléter la formation des adjoints qui ont envie de s’installer.
2 Certains réseaux font appel à leurs adhérents pour venir en soutien financier à la nouvelle génération.
3 Tous imaginent de nouvelles solutions pratico-pratiques pour que les jeunes installés puissent plus rapidement et facilement endosser leur rôle de chef d’entreprise.
Plusieurs enseignes comme Totum, I-Pharm et Pharmodel ont mis en place un système de compagnonnage qui permet aux futurs installés de se rendre dans des officines référentes.
En plusLes groupements, mais pas seulement !
Les grossistes, les comptables, et d’autres, comme les groupements, innovent en vue d’aider les jeunes pharmaciens à s’installer.
Phoenix Pharma a créé le poste de responsable national gestion et économie de l’officine en juin 2020, c’est-à-dire « le correspondant économique et financier en interne et vis-à-vis de nos clients », selon les mots de Jean-Christophe Rosay, qui s’est vu confier cette mission après plus de 20 ans chez ce répartiteur propriétaire du groupement Pharmavie. « J’interviens notamment en parallèle des conseils des officinaux, c’est-à-dire de leur expert-comptable, banquier, transactionnaire…, car le grossiste peut apporter un autre angle sur l’économie de la pharmacie, concernant, par exemple, des problématiques de marge, de transfert, etc. », précise celui qui espère bien donner envie d’entreprendre à ceux qui hésitent encore. Depuis 2022, ces conseils aux futurs installés sont notamment donnés lors de deux jours de formation.
Des cabinets de conseils voient le jour.
Avec une approche différente, parce que sur le terrain, le titulaire Maxime Nouchi et son confrère Jonathan Masliah ont mis leur expérience à profit d’une structure créée pour épauler les jeunes titulaires. Son nom : MN Corporation. L’appui consiste d’une part en une prise de participation avec un pacte d’actionnaires aux termes duquel les pharmaciens associés s’engagent à sortir à une date donnée et donc à laisser le titulaire seul propriétaire, et d’autre part en un accompagnement praticopratique. Pour résumer, les deux titulaires expérimentés se mettent à disposition du jeune installé pour répondre à ses questions, lui trouver une affaire, le conseiller… « Mais, au final, c’est lui qui décide ! », insiste Maxime Nouchi, qui ne facture rien. « Notre seule rémunération tient dans la revente des parts », précise-t-il. A la mi-mars, trois affaires étaient déjà signées, pour lesquelles deux transferts sont en cours.
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