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La recette en temps de crise
Dans une période d’interconnexion des crises – sanitaire et économique – sur fond d’inflation galopante, la mise en commun de ressources devient un mode de gestion phare de modernisation de notre économie au service du développement des entreprises. Par chance, les déclinaisons de la mutualisation en officine ne manquent pas !
Réaliser des économies d’échelle, partager des ressources et des moyens (techniques, financiers, logistiques, etc.) dans une logique d’amélioration du service rendu, de la commercialité, de l’expérience client, du pilotage des activités et des achats, de la qualité et de réduction des coûts (ce qui est la vocation et l’essence même des groupements, Ndlr), obtenir des compétences clés dont l’entreprise n’aurait pas besoin à temps complet ou qu’elle aurait des difficultés à recruter seule à temps partiel, réorganiser localement plusieurs pharmacies en mini-réseau grâce à des montages judicieux entre une SPF-PL (société de participations financières de professions libérales), société-mère prestataire de services pour le compte de ses sociétés filles en SEL, ou plus simplement, regrouper deux pharmacies… le domaine d’application de la mutualisation est vaste en pharmacie. Les impacts mêlés de la crise sanitaire et de la crise économique favorisent l’expérimentation accélérée de nouvelles pratiques organisationnelles. Voici quelques pistes à emprunter…
DANS L’ADN DES GROUPEMENTS.
S’il y a un domaine à construire qui a du sens aujourd’hui et qui requiert une mutualisation des moyens à l’échelle d’un groupement, c’est bien la pharmacie digitale. Sophie Tallaron, présidente de Pharm-UPP, a pu compter sur ce levier pour conduire la digitalisation numérique de ses adhérents. Pour éviter qu’ils soient sous pression pendant la crise sanitaire, notamment avec les vaccinations anti-Covid-19, Pharm-UPP a tissé un partenariat avec Mesoigner.fr qui a mis en place une solution sur-mesure, intermédiaire entre site vitrine et site de vente en ligne classique, associant click&collect, ventes en ligne limitées à la para et aux compléments alimentaires, et un système d’agenda pour gérer les vaccinations. Une offre sans engagement au départ, juste pour séduire les adhérents de ce groupement dont la devise est “libres et unies”. Sur les 1300 pharmacies adhérentes, plus de 300 ont pris ce virage numérique. Cette bascule importante en nombre d’officines connectées se traduit en gain en bas de la facture de l’abonnement à Mesoigner. « Selon la formule choisie par l’adhérent, la réduction des coûts oscille entre 30 % et 50 % par rapport à une facturation normale », glisse Sophie Tallaron. Autre précieux outil de Pharm-UPP : son intranet où l’apport s’apprécie davantage sur un plan qualitatif, en termes de gain de temps, de visibilité et d’agilité dans la gestion du quotidien du pharmacien et dans sa participation à la vie du groupement (achats, formation, forum d’échanges, démarche qualité, évènements internes…), qu’en monnaie sonnante et trébuchante. « Notre prochain enjeu de la digitalisation concerne la mise au point d’outils numériques pour la dématérialisation obligatoire des factures en 2024 », annonce-t-elle.
LE GROUPEMENT D’EMPLOYEURS : UNE SOLUTION SOUS UTILISÉE.
Conciliant flexibilité et stabilité d’emploi, le groupement d’employeurs est l’exemple même de la mutualisation des ressources humaines entre plusieurs entreprises qui évoluent sur un même territoire et qui, par l’entremise d’une association à but non lucratif ou d’une société coopérative, peuvent embaucher ensemble un salarié qu’elles ne pourraient pas employer seules. Le salarié d’un groupement d’employeurs peut être mis à la disposition des entreprises membres du groupement. Il intervient auprès des entreprises qui ont besoin de ses compétences de manière ponctuelle et en fonction de leurs besoins. Lorsqu’il est devenu titulaire à la Seyne-sur-Mer (Var) en 2004, Jean-Sébastien Zemmour était associé à Henri Pautard, alors président du CFA des préparateurs en pharmacie à Toulon. Il a créé avec trois autres titulaires varois à La Londe, Toulon et Six-Fours, Ressources 83, un groupement d’employeurs, mettant à disposition des confrères des salariés employés en CDI sur la base d’une facturation au prorata temporis. « Mon beaupère, également titulaire à la Seine-sur-Mer, était bénévole de cette structure fonctionnant sur le même principe qu’une agence d’intérim mais à des coûts nettement moins élevés », raconte-t-il. Ce groupement d’employeurs ne recrutait que du personnel non médical, mais néanmoins formé au CFA pour exercer en officine, s’occuper du merchandising, de l’administratif, des achats… « Un salarié de Ressources 83 s’occupait dans mon officine d’achat en gros de produits de parapharmacie pour des opérations de promotion », se souvient-il. Mais, dans les années 2006-2007, ce groupement d’employeurs a cessé ses activités par manque d’esprit collaboratif et de motivation collective. « Ce sont toujours les mêmes qui s’investissaient pour faire tourner la structure et toujours les mêmes pour en profiter sans y consacrer un peu de leur temps », regrette Jean-Sébastien Zemmour. Par ailleurs, Ressources 83 a été concurrencé par les groupements (des GIE locaux) et par le changement de besoins des adhérents plus orientés sur l’embauche de salariés à plein temps.
« LA » SOLUTION D’AVENIR.
Avec la pénurie chronique de salariés, aggravée par la crise sanitaire, Jean-Sébastien Zemmour regrette la disparition de Ressources 83, car des bras supplémentaires, même à temps partiel, auraient été bien utiles au moment de la surchauffe sur les tests antigéniques et les vaccinations. Curieusement, les groupements d’employeurs en pharmacie posaient moins de problèmes hier qu’aujourd’hui. Les experts comptables sont réticents à mettre en œuvre cette solution anti-crise. « Les contraintes juridiques autour des groupements d’employeurs en pharmacie sont complexes », confesse François Gillot, expert-comptable du cabinet CAAG. En particulier, le travail en temps partagé suppose une modification du Code de la santé publique. Par ailleurs, la crise du Covid-19 a mis les équipes en grande souffrance, les a épuisées. « Je ne suis pas certain qu’après cette crise, il y ait beaucoup de volontaires pour travailler dans plusieurs pharmacies qui peuvent parfois être éloignées les unes des autres, accepter des déplacements multiples et des horaires de travail qui ne sont pas forcément réguliers », doute cet expert-comptable. Alexandra Glais, directrice du groupement d’employeurs Actiss de Loudéac dans les Côtes d’Armor et de Pontivy dans le Morbihan, s’étonne de ce vent de frilosité sur le travail en temps partagé en pharmacie. « L’Ordre des pharmaciens sur la région Bretagne a connaissance de nos activités et il n’y a jamais eu de problème ». Depuis 2014, ce groupement d’employeurs multisectoriel emploie une pharmacienne diplômée qui a travaillé en temps partagé jusque dans trois officines en même temps. C’est tout bénéfice pour elles. « Nous facturons au moins 20 % de moins qu’une agence d’intérim. Notre structure ne prend aucune rémunération sur les pharmacies, excepté des frais de fonctionnement, elle ne vit que de prestations de service pour des cabinets de recrutement ou des structures de ressources humaines et de primes de Pôle emploi », explique-t-elle.
LA SPF-PL : UN PRESTATAIRE EN PUISSANCE.
Outil de transmission, la SPF-PL est aussi un outil d’organisation entre elle et ses filles (les SEL filiales). Elle a, en effet, vocation à organiser et à développer un groupe dans lequel chaque SEL de pharmacie sera autonome. La holding peut assurer les fonctions supports du groupe (certains achats, l’informatique, les ressources humaines, le contrôle de gestion, le secrétariat…). « Cette SPF-PL, assujettie à l’IS par nature, pourra vivre de dividendes remontés de ses filiales et de prestations (“management fees”) qu’elle leur facture, afin d’avoir des profits imposables susceptibles d’absorber les charges déductibles (intérêts d’emprunts, frais de fonctionnement…) », explique François Gillot. Il faudra cependant être très vigilant : « Quelle sera la nature des prestations facturées par la holding détenue par un associé, au profit d’une SELARL dont ce même associé est co-gérant ? », s’interroge-t-il. Un arrêt de 2020 de la Cour de Cassation a quelque peu semé le doute quant à la validité de ces conventions de “management fees”, qui doivent être très encadrées. En effet, la jurisprudence condamne le recours aux conventions de prestation de services à des fins uniquement d’optimisation fiscale. « Les managements fees peuvent avoir un intérêt en cas de SPF-PL commune à 3 SEL, en présence de déficits reportables de la SPF-PL », conclut-il.
PHSQ : UN COÛT MUTUALISÉ DANS UN DOMAINE À FORTE VALEUR AJOUTÉE.
La mutualisation des idées, des outils et des coûts, c’est le fondement même de l’association Pharma Système Qualité (PHSQ). Depuis 2009, elle propose aux pharmaciens d’officine un accompagnement à la certification ISO 9001-QMS Pharma avec pour objectif de diffuser le plus largement possible la méthodologie et les outils qui l’accompagnent et de faire progresser toute la profession dans ce domaine spécifique. « PHSQ facilite auprès des responsables qualité des groupements engagés à nos côtés la diffusion de la méthode d’accompagnement, l’accès aux outils proposés, les fiches projets, le fruit des travaux et réflexions collectives menées dans le cadre des comités de pilotage de PHSQ, rappelle Martine Costedoat, directrice général de PHSQ. Tous ces éléments sont mutualisés sur leurs portails qualité respectifs, où ils sont mis à disposition de leurs adhérents. Chaque groupement peut ensuite traduire les décisions prises, les intégrer dans ses propres stratégies de développement et les adapter selon ses propres priorités ». Le dernier avantage de cette mutualisation n’est pas des moindres : « Le coût de la certification via PHSQ pour une officine correspond à un budget cinq fois inférieur à celui d’une certification individuelle », précise-t-elle. En gros, « le budget d’une officine qui cherche seule à obtenir une certification ISO 9001 intégrant l’accompagnement et l’audit certificateur par une structure indépendante est de 8 000 € à 12 000 € en année 1, puis de 2 500 € à 3 000 €/an pendant trois ans pour les audits complémentaires. Avec PHSQ, le budget est d’environ 4 500 € pour les 3 ans (environ 1 500 €/ an) intégrant l’ensemble de l’accompagnement, la certification et l’accès au Logiciel Qualité Officine (LQO), outil de digitalisation du suivi de la démarche ».
infos clés
1 Ayant vocation à développer de nouveaux outils numériques pour les pharmaciens, pour les accompagner vers l’officine de demain, les groupements restent incontournables pour optimiser les coûts de développement de nouveaux services, gagner en performance et en temps.
2 Les groupements d’employeurs révèlent aujourd’hui toute leur pertinence pour répondre aux besoins de personnel des pharmacies. Une piste encore insuffisamment explorée.
3 Services d’une SPF-PL à ses filiales SEL (“managements Fees”) : Si les prestations de services et d’assistance de la holding sont mises en œuvre au bénéfice de plusieurs SEL, et à un coût raisonnable, elles sont admises.
En plus
Quelles charges mutualiser ?
Lorsqu’on regarde les différents ratios de charges d’exploitation d’une pharmacie, le seul poste digne d’être mutualisé, selon Louis Maertens, expert-comptable chez FCConseil (groupement CGP), est celui des charges de personnel qui représentent 10 % à 11 % du CA HT. « Une embauche à temps partiel sur deux structures est un véritable levier. En revanche, sur les charges externes (5 à 5,5 %) ou le loyer (1 % à 1,5 %), la mutualisation n’apporte pas grand chose ».
Groupement d’employeurs : une offre spécialisée
Le groupement d’employeurs Team Pharma, qui a repris du service après le coup d’arrêt dû à la crise du Covid-19 en 2020, offre aux titulaires qui le souhaitent la possibilité de mutualiser des collaborateurs et de bénéficier des compétences de diététiciennesnutritionnistes au sein de leurs équipes, à moindre coût.
Une PDA mutualisée, pourquoi pas ?
La production de PDA (préparation des doses à administrer) répond à une logique industrielle, d’optimisation des coûts et de renforcement de la sécurité des patients. Selon François Legaud Van de Vyver, directeur commercial Europe de l’Ouest de BD Rowa, « une plateforme en charge d’une production à grande échelle de PDA, aux mains d’un groupement, permettrait de mutualiser entre pharmaciens les coûts d’investissement dans une machine telle que le BD Rowa dose ».
Le regroupement : une mutualisation à petite échelle
Le regroupement d’officines a pour but de faciliter l’exercice de l’activité économique des deux (voire trois, quatre…) entités qui se regroupent, d’en améliorer ou d’en accroître les résultats, via la mutualisation des ressources, matérielles ou humaines, le partage, la mise en commun de compétences et de savoir-faire. Il permet aussi la mutualisation des coûts (abaissement du niveau des frais fixes par rapport au CA HT), des solutions informatiques, des honoraires (un seul expert-comptable, une seule banque, un seul contrat d’assurance…) des loyers ou autres. L’avantage de cette mise en commun est de créer de véritables synergies : augmentation de la force commerciale, amélioration des conditions d’achat, possibilité de créer des secteurs spécialisés, meilleure qualité globale du service offert aux clients, qualité de vie supérieure pour les associés…
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