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Levothyrox : une faute de l’État sans réparation pour les patients
Huit ans après l’affaire du Levothyrox, la responsabilité de l’État dans la gestion de cette crise sanitaire reste juridiquement limitée. Dans une décision rendue le 5 avril 2025, la cour administrative d’appel de Paris reconnaît un manquement de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) dans la communication du changement de formule. Mais elle rejette la demande d’indemnisation de plusieurs milliers de patients, faute de « préjudice d’anxiété caractérisé ». Une lecture juridique rigoureuse, mais difficilement compréhensible pour les victimes.
Une substitution d’excipients, des milliers de patients inquiets
En 2017, à l’initiative de l’ANSM, le laboratoire Merck procède à une reformulation du Levothyrox, médicament à marge thérapeutique étroite prescrit à plus de deux millions de patients en France. Le principe actif reste inchangé, mais deux excipients (lactose remplacé par du mannitol, et ajout d’acide citrique) sont modifiés afin d’améliorer la stabilité du produit. Cette nouvelle version, pourtant validée sur le plan pharmacotechnique, déclenche une vague de signalements d’effets indésirables non spécifiques : fatigue, insomnie, céphalées, vertiges, douleurs musculaires…
Sous pression, l’ANSM autorise dès 2018 la remise sur le marché de l’ancienne formule, rebaptisée Euthyrox. Celle-ci est toujours disponible, sous dérogation, en 2025.
Une communication jugée insuffisante
C’est précisément sur le défaut d’information que repose le grief principal retenu par la justice. Dans son arrêt, la cour souligne que les modifications de l’emballage et de la notice n’ont pas permis aux patients de prendre conscience du changement de formule. La mention explicite d’un tel changement aurait dû être mise en avant, visible et compréhensible par tous.
Autrement dit, la responsabilité de l’ANSM est établie, non pour la réforme elle-même – dont l’intérêt pharmaceutique n’est pas contesté -, mais pour son déficit de pédagogie. Un élément déjà sanctionné au civil dans d’autres procédures : le laboratoire Merck a ainsi été condamné en 2022 à verser des indemnisations à 3 000 patients pour défaut d’information, et non pour la formulation en tant que telle.
Une faute sans conséquence juridique
Mais cette reconnaissance d’un manquement n’ouvre pas droit à une réparation financière dans le cadre administratif. Selon la cour, les plaignants n’apportent pas la preuve qu’ils ont été exposés à un risque élevé de pathologie grave, condition sine qua non pour caractériser un préjudice d’anxiété dans la jurisprudence actuelle.
L’inquiétude suscitée par les effets secondaires, les ajustements de posologie ou le retour à l’ancienne version du traitement ne suffisent donc pas. Le ressenti des patients ne remplit pas les critères stricts posés par la justice administrative, davantage focalisée sur le risque objectivé que sur l’angoisse subjective.
Vers un pourvoi en cassation ?
« Une décision inacceptable », a immédiatement réagi Me Christophe Lèguevaques, avocat des plaignants. Il annonce envisager un recours devant le Conseil d’État. Cette nouvelle déconvenue judiciaire souligne l’écart persistant entre la reconnaissance symbolique d’un tort institutionnel et la possibilité pour les patients d’obtenir réparation.
En parallèle, d’autres fronts judiciaires restent ouverts. En 2023, le tribunal judiciaire de Toulouse a franchi une étape inédite en condamnant Merck non seulement pour défaut d’information, mais également pour le changement de formule lui-même – une première en France. De quoi relancer l’intérêt d’une action de masse sur le plan civil.
Pénal : l’ANSM et Merck toujours mis en examen
Enfin, sur le terrain pénal, les investigations se poursuivent. En 2022, une mise en examen pour « tromperie aggravée » a été prononcée à l’encontre de Merck et de l’ANSM. L’instruction, toujours en cours, pourrait connaître une nouvelle avancée dès le mois prochain avec la réévaluation des charges retenues.
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