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Libéraux, des spécificités à défendre
Le régime de retraite des pharmaciens sera-t-il sacrifié sur l’autel du nouveau régime de retraite universel ? Regroupés sous pro’action retraite, les libéraux souhaitent que la réforme respecte les spécificités de leurs régimes.
Le haut-commissaire à la réforme des retraites (HCRR), Jean-Paul Delevoye, a rendu son rapport cet été au gouvernement. Avant d’être examiné au Parlement en 2020, pour une entrée en vigueur prévue en 2025, le projet compte quelques points ultrasensibles, comme les modalités d’intégration dans le temps des 42 régimes de retraite en un système universel, le système par point où « 1 euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé », « l’âge d’équilibre » qui n’est pas l’âge légal de la retraite (maintenu à 62 ans) mais celui incitant à travailler plus longtemps, un régime de cotisation adapté aux indépendants, le sort des dizaines de milliards d’euros de réserves financières des régimes complémentaires appelés à disparaître, la gouvernance… Le chantier est titanesque et le projet potentiellement explosif. En particulier, pour les professionnels libéraux, dont les instances représentatives se plaignent de la faiblesse de la consultation ouverte du HCRR. « Nous avons le sentiment d’un scénario préétabli et d’une volonté de passer en force, a regretté Béatrice Créneau-Jabaud, présidente de Pro’Action Retraite, lors d’un colloque organisé par cette association au Palais Brongniart à Paris, fin juin. Si la référence au régime universel reste présente dans les communications du haut-commissaire, cet objectif prioritaire semble désormais se transformer en un parti pris visant à mettre en œuvre un régime unique étatique. »
LES POINTS à surveiller.
Co-fondatrice de Pro’Action Retraite et présidente de la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP), Monique Durand explique que les caisses des professionnels libéraux ne sont pas opposées à la mise en place d’un régime universel, dès lors qu’il permet de maintenir leur régime professionnel complémentaire. D’ailleurs, le régime universel comme annoncé ne semble pas plus pénalisant ou plus défavorable, que le système actuel par répartition. Mais, à la différence des salariés, « les libéraux peuvent connaître des bonnes et des mauvaises années en termes de chiffre d’affaires et de revenus » et c’est sur ces derniers qu’ils financent, seuls, leur protection sociale et les investissements nécessaires à leur activité. « Avec un système commun à tous les Français, les libéraux n’auront plus la maîtrise de ce qui se passera et ne piloteront plus rien », explique Monique Durand. Autre pierre d’achoppement avec le HCRR, et donc un point de vive inquiétude : « Le taux de cotisation unique à 28 %, contre l’actuelle cotisation obligatoire de 14 % pour les libéraux (11,97 % pour les pharmaciens). Le différentiel entre les deux ne pourra pas être absorbé par les capacités contributives des affiliés », affirme la présidente de la CAVP. Outre le doublement des cotisations pour de nombreux libéraux, le taux de cotisation de 28 % au régime universel annoncé sur tous les revenus jusqu’à la hauteur de 3 PASS (plafond annuel de la Sécurité sociale, soit 121 572 € en 2019) entraînerait « la fin d’un régime complémentaire par capitalisation pour les pharmaciens », affirme-t-elle. La présidente de la CAVP ajoute : « Le régime particulier des pharmaciens libéraux et leur caisse de retraite spécifique peuvent être sauvés, à la seule condition que le champ couvert par la retraite universelle soit limité à un PASS. » A priori, un système mixte et progressif (28 % jusqu’à un certain palier, moins au-delà) serait envisagé pour lisser la hausse des cotisations des libéraux. « La transition pourrait se faire entre 1 (ou 1,5) à 3 PASS et les réserves constituées par certains régimes pourraient servir à financer le passage de 14 % à 28 % », a indiqué René Paul Savary, sénateur de la Marne, vice-président de la Commission des affaires sociales, lors de ce colloque.
ÉVITER l’étatisation du système.
L’objectif commun de Pro’Action Retraite est de faire bloc, avec éventuellement d’autres professions libérales, afin de défendre l’avenir des caisses professionnelles, pour sauvegarder les spécificités de l’exercice libéral et contenir le taux de cotisation dans le régime universel (plus la cotisation sera basse, plus il restera de disponibilité pour contribuer à un régime professionnel de retraite par capitalisation). Hervé Novelli, ancien ministre, créateur de Wiki PME, a expliqué lors du colloque que le bon compromis dans cette réforme serait un régime universel à trois piliers : un premier qui serait « le système socle commun de solidarité interprofessionnelle » fonctionnant par répartition, pour garantir une retraite minimum à tous, un deuxième autour des retraites complémentaires (par capitalisation) gérées obligatoirement par les régimes professionnels et un troisième correspondant à un régime individuel de capitalisation géré par le cotisant lui-même.
ÂGE de départ : rien ne change ou presque.
Pour créer un système universel par points, il y aura un nouveau curseur, un « âge d’équilibre » nécessaire pour avoir des droits pleins. On pouvait croire le sujet clos, mais le Premier Ministre, Édouard Philippe, a relancé le débat en annonçant le 19 juin dernier, la création d’un « âge d’équilibre » dans le cadre de la réforme des retraites, qui a pour but de pousser les Français à travailler plus longtemps. « Ainsi, en fonction des nouvelles données paramétriques, l’âge pour le taux plein passerait de 62,8 ans à 64 ans », indique René-Paul Savary. Ce qui ne devrait pas trop affecter les libéraux, qui ont un âge de départ à la retraite fixé entre 62 et 67 ans pour le taux plein et des dispositions de flexibilité innovantes (surcote/décote).
79 %C’EST LE POURCENTAGE DE LIBÉRAUX QUI SONT ATTACHÉS À UNE GESTION DE LEUR RÉGIME DE RETRAITE PAR LEUR CAISSE PROFESSIONNELLE. (Sondage Harris Interactive, juin 2019).
Pro’Action RetraiteLes libéraux se font entendre
L’association Pro’Action Retraite a été créée le 25 juillet 2018, à l’initiative de plusieurs caisses de retraite gérant la protection sociale de professionnels indépendants (pharmaciens, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, vétérinaires, experts comptables, notaires…). Ce groupe d’action et de réflexion entend participer au débat sur la mise en place d’un régime universel des retraites. Rejetant tout système unique et uniforme, il a pour mission de préserver les spécificités des régimes des retraites des libéraux et les réserves constituées au fil des années par ceux-ci. Par ailleurs, Pro’Action Retraite s’élève contre l’unicité du taux de cotisation à 28 %, qui serait financièrement insupportable pour les indépendants, compte tenu de leur mode d’exercice professionnel. Dans son livre blanc remis à Agnès Buzyn, Ministre de la Solidarité et de la Santé, l’association défend sa vision d’un « système de retraite ouvert, responsable et solidaire ».
84 %C’EST LE POURCENTAGE D’INDÉPENDANTS QUI ASPIRENT À UNE ÉVOLUTION DU SYSTÈME DE RETRAITE, MAIS LA RÉFORME DOIT TENIR COMPTE DES SPÉCIFICITÉS DE LEUR RÉGIME PROFESSIONNEL DE RETRAITE. (Sondage Harris Interactive, juin 2019).
POUR ALLER + LOIN
Le livre blanc de Pro’Action Retraite, « Pour un système de retraite ouvert, responsable et solidaire », propose un « scénario opposable et alternatif », répondant à la fois aux enjeux de la réforme et à la volonté des caisses de garder leur autonomie de gestion.
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