COMMENT PRÉPARER SA RETRAITE

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Publié le 19 octobre 2013
Par Francois Pouzaud
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Tous les pharmaciens n’auront pas la chance de pouvoir récupérer un capital important de la vente de leur officine au moment de la retraite. Ceux qui l’escomptaient devront-ils se serrer la ceinture ? Comment faire fructifier encore davantage son capital ? Pour optimiser le montant de sa retraite, le pharmacien dispose de plusieurs options.

La baisse régulière des prix des officines, en particulier pour celles de petites taille (CA < 1M€), conduit à l’évidence : un pharmacien ne peut plus compter uniquement sur la cession de son outil professionnel au moment du départ à la retraite pour obtenir des revenus complémentaires. Au-delà de 2 M€ de CA, les pharmaciens récupéreront certainement un capital important. Mais les chances de pouvoir disposer d’une manne intéressante s’amenuisent au fur et à mesure que l’on descend en taille. Certains ne retireront pas grand-chose de leur officine et d’autres, malheureusement, rien. Francis Brune, responsable du développement juridique et fiscal de LCL Banque privée, souligne à cet égard l’incidence du mode d’exercice (entreprise individuelle, société à l’IR ou à l’IS) et de la nature de la cession (vente du fonds ou de titres) sur le montant du capital à récupérer. « Il faut être attentif aux conditions d’exonération des plus-values de cession lors du départ à la retraite car elles peuvent augmenter substantiellement le net financier disponible. »

« Face à la mauvaise santé de ses régimes de retraite obligatoire, le pharmacien doit absolument se constituer un patrimoine financier ou immobilier tout au long de la période d’exercice de son activité en y consacrant le plus tôt possible une partie de son épargne de manière régulière », recommande Michel Barbaroux du cabinet Elia Finances. Mais les pharmaciens n’ont pas été habitués à être aussi prévoyants. Au moment d’aborder la retraite, les stratégies et placements seront bien différents selon leur situation professionnelle et patrimoniale, du plus confortable au plus famélique.

S’intéresser aux BIC pour la location meublée en fin de carrière

Michel Barbaroux conseille aux jeunes pharmaciens de mettre le pied à l’étrier par la capitalisation, hors considérations fiscales. « Les jeunes ménages limitent leur pression fiscale grâce à la prise en compte des enfants dans leur foyer et sauf cas particuliers, ce n’est que plus tard, au départ de ces derniers, que les considérations fiscales prennent plus d’importance. Trop d’investissements dits “défiscalisant” sont réalisés trop tôt et sont inutilement contraignants dans une stratégie patrimoniale. » Il propose plutôt, vers 40-45 ans, « l’investissement dans l’immobilier locatif, qui, en plus d’offrir une protection contre l’inflation et l’assurance d’un revenu régulier, peut accessoirement ouvrir droit à des régimes fiscaux très favorables (dispositifs “Duflot”, Duflot Outre-mer, Censi-Bouvard). » Ce n’est donc qu’au terme de sa carrière, selon Michel Barbaroux, que le pharmacien doit s’intéresser au statut des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) pour la location meublée et les investissements en nue-propriété.

Les départs en retraite d’officinaux s’accélèrent

L’année 2012 est marquée par une nouvelle progression des départs à la retraite des pharmaciens titulaires (+ 2,2 %, source : CAVP), alors que la tendance relevée par l’Ordre pour l’ensemble de la population pharmaceutique (toutes sections confondues) est, au contraire, celle d’un retardement (- 29 % en nombre par rapport à 2011). Ces départs vont encore s’accélérer dans les prochaines années. Un titulaire d’officine sur trois a maintenant plus de 55 ans et l’âge moyen de départ à la retraite des titulaires est de 63 ans. Sur la période 2008-2011, les statistiques de l’Ordre rapportaient que 17 % des effectifs inscrits au tableau et âgés de 58 ans et plus partaient chaque année à la retraite. Si ce rythme ne change pas, la fin du « papy-boom » des pharmaciens interviendrait à compter de 2019.

Lexique des placements

Location meublée : logement garni d’un mobilier suffisant pour pouvoir y vivre, destiné à la location. En fonction des recettes locatives, on peut choisir, soit le statut de LMP (loueur en meublé professionnel*), et il faut pour cela être inscrit au Registre du commerce et des sociétés comme « loueur professionnel » et disposer de recettes locatives du meublé supérieures à 23 000 € TTC et supérieures aux autres revenus professionnels nets du foyer fiscal  ; soit le statut de LMNP (loueur en meublé non professionnel*), et dès lors, n’est pas considéré professionnel celui qui ne remplit pas l’une des conditions ci-dessus.

Assurance vie multisupport : composée d’un fonds en euros et d’unités de compte.

Fonds en euros : l’assureur place les primes versées par le souscripteur essentiellement en obligations, et les produits financiers générés sont ajoutés chaque année au compte du souscripteur et définitivement acquis.

Unités de compte : il peut s’agir de parts d’OPCVM, de parts ou actions de FCP, sicav, SCPI, OPCI. Le capital investi évolue à la hausse ou à la baisse en fonction des marchés. Il ne peut être garanti.

FCP (fonds commun de placement)/sicav (société d’investissement à capital variable) : supports généralement composés d’actions ou d’obligations ou de monétaire, soit purs soit panachés. Ils peuvent être thématiques (actions uniquement américaines ou de pays émergents…) ou flexibles (possibilité de moduler à la carte entre différents placements, le gérant pouvant passer de 0 à 100 % en actions en fonction de l’environnement des marchés).

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SCPI (société civile de placement immobilier) : investissements collectifs ayant pour objet l’acquisition et la gestion d’un patrimoine immobilier locatif.

OPCI (organisme de placement collectif en immobilier) : non coté, son cadre juridique est largement inspiré de celui de l’OPCVM.

OPCVM (organisme de placement collectif en valeurs mobilières) : fonds qui peut être investi en actions, obligations, devises, matières premières ou immobilier.

* La mention « professionnel » réfère au statut du loueur, non à la nature du logement.

Etude de cas

Monsieur Rémi, pharmacien ayant cédé son officine, investit en LMP pour 813 304 €, meubles et frais d’acquisition inclus. Ce montant est nécessaire pour répondre aux critères permettant d’accéder au statut de LMP et pour que les biens immobiliers de la location meublée soient considérés comme des biens professionnels, et donc exonérés d’ISF. Sur 20 ans, ses revenus avant impôts et après charges sociales s’élèvent à 795 939 €. Les impôts (LMP exonéré d’ISF, M. Rémi est donc non imposable à l’ISF) sont estimés à 122 963 €, soit des revenus nets de 672 976 €

• Si M. Rémi investit la même somme en immobilier locatif standard dans le cadre des revenus fonciers, ses revenus avant impôts et après charges sont estimés à 733 099 €, les impôts (ISF inclus durant 20 ans) à 505 768 €, soit des revenus nets de 227 331 €.

• Le choix d’investissement entre LMP et LMNP sera fonction des objectifs et de la situation du pharmacien. Tout dépend du capital récupéré de la vente de l’officine. La cession de M. Rémi dégage 1,1 M€. « Suite à la cessation d’activité, le fruit des ventes de biens professionnels, jusque-là exonérés d’ISF, bascule dans le patrimoine privé et le pharmacien devient imposable à l’ISF », prévient Catherine Bel, du cabinet Patrimoine Premier. Jusqu’à la retraite, le patrimoine de M. Rémi était estimé à 970 000 €. Après encaissement de 1,1 M€, il devient imposable à l’ISF. Le montant à payer estimé est de 7 766 €.

• S’agissant d’un outil de travail, le LMP peut être exonéré d’ISF, sous conditions. Ainsi, M. Rémi, qui investit 813 304 € en immobilier locatif dans le cadre du statut LMP, ne sera toujours pas imposable à l’ISF même après la cession de son officine. « La LMP fournit un statut social (couverture maladie) et permet de cotiser à la retraite pour acquérir les trimestres manquants au titre de l’activité de pharmacien, signale Philippe Richard, du cabinet Opti-patrimoine. Que ce soit sur le plan fiscal, de la rentabilité (actuellement 4 % à 4,5 %) et de la valorisation patrimoniale, le rendement de l’activité de loueur en meublé est bien meilleur que ceux des placements financiers, notamment en assurance vie. De plus, de tels investissements bénéficient de régimes favorables quant à la taxation des plus-values et la transmission aux ayants droit. »

• Sensible aux atouts du statut de LMP, M. Rémi s’interroge sur la meilleure façon d’affecter le 1,1 M€. Il estime le train de vie de son couple à 74 000 €/an. Sa retraite s’élève à 3 000 €/mois, il dispose de 25 000 € de revenus fonciers. Les impôts et CSG/CRDS correspondants sont estimés à 9 953 € et l’ISF à 7 766 €, soit un total des prélèvements obligatoires de 17 719 €. Soit des revenus nets disponibles de 36 000 (3 000 × 12) + 25 000 (revenus locatifs) – 17 719 = 43 281 €.

Les revenus à dégager sont donc estimés à 74 000 – 43 281 = 30 719 €. Pour générer un tel niveau de revenus avec un taux de rendement de 4,5 %, il est nécessaire de disposer d’un capital de 30 719/4,5 % = 682 644 € au minimum.

Sur les conseils d’un spécialiste, M. Rémi investit en LMP 813 304 €, frais inclus dégageant des revenus de 43 168 € TTC (36 094 € HT) et le reste (286 695 €, frais inclus) en assurance vie.

(source : cabinet Patrimoine Premier)

3 QUESTIONS À

BERNARD LAGNEAU, PRÉSIDENT DE LA CAISSE D’ASSURANCE VIEILLESSE DES PHARMACIENS

Quelles mesures de la réforme des retraites par répartition concernent les pharmaciens ?

Un projet de loi, dans son article 32, viendrait mettre en cause l’autonomie des caisses de retraites libérales à travers, notamment, l’emblématique nomination du directeur de la CNAVPL par l’Etat. Cela signe la volonté de mieux contrôler la gestion des sections professionnelles. La CAVP a toujours eu pour principe une transparence de gestion, raison pour laquelle la nomination d’un commissaire aux comptes est en cours et qu’un comité d’audit, recommandé par l’IGAS, sera prochainement mis en place par décision du conseil d’administration. Mais nous n’oublions pas que la CAVP, comme les autres caisses libérales, a su constituer des réserves par les seules cotisations des pharmaciens pour compenser le déséquilibre démographique à venir. Nous refusons de voir nos réserves redistribuées à des régimes moins prévoyants ! Précisons que les provisions du régime de capitalisation de la CAVP ne sont pas concernées par ce risque de redistribution.

La CAVP prépare également sa réforme.Pourquoi ?

L’Europe ne conçoit pas la gestion par les caisses de retraite de régimes optionnels ou facultatifs. Ensuite, parce que le seul régime obligatoire des pharmaciens conduit à un taux de remplacement de moins de 30 % du revenu d’activité : c’est l’un des plus faibles chez les libéraux. Il n’est plus concevable que la part obligatoire des cotisations du pharmacien ne soit que de 12,5 % du revenu moyen et celle des adjoints de 27 %. Enfin, la part de récupération de l’outil de travail étant plus incertaine, il est nécessaire d’avoir d’autres sources de revenu pour financer l’après-activité.

Les cotisations des pharmaciens vont-elles changer ?

Ce sera fonction de leur capacité contributive, puisque la classe d’affiliation au régime complémentaire dépendra du revenu du pharmacien. Pour 60,6 % d’entre eux, la cotisation restera inchangée : soit parce qu’ils resteront en classe 3 (en dessous de 75 000 € de revenus) ; soit parce qu’ils ont déjà choisi une classe égale ou supérieure à ce que la réforme leur imposerait. Pour d’autres, à revenus élevés, la cotisation augmentera. Mais la retraite aussi, et de manière très significative. Pour une telle réforme, une période transitoire est nécessaire. Nous évoquons actuellement avec le ministère de tutelle un report possible de 14 ans sur simple demande du pharmacien.