Harcèlement sexuel : pas besoin de victime désignée pour que la loi s’applique

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Harcèlement sexuel : pas besoin de victime désignée pour que la loi s’applique

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Publié le 24 mai 2025
Par Anne-Charlotte Navarro
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Le harcèlement sexuel, en plus d’être interdit par le Code du travail, fait l’objet d’une incrimination pénale. Que la victime soit clairement identifiée ou pas.

Les faits

Alerté par des étudiants, le président de l’université de Haute-Alsace a dénoncé, le 19 octobre 2021, auprès du procureur de la République, des propos et attitudes sexistes et dénigrants tenus par M. W., maître de conférences, lors de ses cours. Le procureur a engagé des poursuites judiciaires devant le tribunal correctionnel à l’encontre de l’enseignant pour « harcèlement sexuel par personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ». Le 11 juillet 2022, le tribunal correctionnel déclare M. W. coupable des faits et le condamne à un an d’emprisonnement avec sursis et trois ans d’interdiction d’exercer le métier d’enseignant. M. W. forme un appel contre cette décision.

Le débat 

L’article 1153-1 du Code du travail définit le harcèlement sexuel comme « des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés qui soit portent atteinte à la dignité du salarié en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ». Le harcèlement est interdit qu’il soit le fait d’un supérieur ou d’un collègue, qu’il vienne de plusieurs personnes de manière concertée ou non, ou à l’instigation de l’une d’elles. La jurisprudence du droit du travail considère, depuis de nombreuses années, que des faits de harcèlement sexuel constituent nécessairement une faute grave justifiant un licenciement. Mais la législation va au-delà : ce type de comportement est assorti de sanctions pénales prévues à l’article 222-23 du Code pénal. Dans ce cadre, celles-ci peuvent aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement, 30 000 € d’amende et comprendre des peines dites complémentaires comme l’interdiction d’exercer un métier ou l’inéligibilité. Ces conséquences s’ajoutent aux éventuels dommages-intérêts que l’auteur pourrait verser aux victimes.

En l’espèce, M. W. arguait qu’il n’avait pas expressément visé une ou plusieurs personnes lorsqu’il tenait des propos contestables car il s’exprimait face à l’ensemble des étudiants lors de cours ou de séances de travaux dirigés. 

Le 6 septembre 2023, la cour d’appel de Colmar (Haut-Rhin) réforme la décision des premiers juges. Elle condamne M. W. à 6 mois d’emprisonnement avec sursis et un an d’interdiction professionnelle. La cour d’appel estime que seuls les propos de M. W. à l’égard de M. O. peuvent être qualifiés de harcèlement sexuel. Les discours prononcés à la cantonade, même déplacés, ne sont pas retenus.

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La décision

Le 12 mars 2025, la chambre criminelle de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel. Les hauts magistrats considèrent que « des propos à connotation sexuelle ou sexiste adressés à plusieurs personnes, ou de tels comportements adoptés devant plusieurs personnes, sont susceptibles d’être imposés à chacune d’entre elles ». Ainsi, même si M. O. était la seule victime clairement identifiée, les autres étudiants peuvent être considérés également comme des victimes, car l’ambiance des cours est qualifiable d’harcelante. Cette décision reconnaît donc que les textes du Code pénal incriminent le harcèlement sexuel d’ambiance dans un contexte universitaire ou professionnel. Elle s’inscrit dans la droite ligne de celle rendue par la cour d’appel de Paris le 26 novembre 2024 au regard du Code du travail.

Source : Cass. Soc., 12 mars 2025, n° 24-81.644.

À retenir

  • Le harcèlement sexuel est une faute grave mais également un délit incriminé par le Code pénal.
  • La victime a le choix d’agir sur le terrain civil et/ou pénal.
  • Dans les deux procédures, le harcèlement sexuel peut résulter d’une ambiance sans viser une personne précise.