Mécénat : les PME ont du cœur

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Publié le 3 avril 2013
Par Fabienne Colin
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Comme de nombreux grands groupes, les PME se mettent à faire du mécénat. Démarche purement citoyenne ou nouvelle forme de communication ? Qu’apporte donc ce soutien a priori désintéressé ? Réponses.

Fini la danseuse du patron. Terminé le temps où le chef d’une grosse firme, fin connaisseur d’art, se faisait plaisir aux frais de sa « boîte ». Aujourd’hui, 93 % des mécènes d’entreprise sont des petites et moyennes entreprises. Au fil des ans, les petites sociétés sont devenues des mécènes plus nombreux que leurs confères multinationaux. Le principe du mécénat ? Apporter un soutien financier ou technique à une action d’intérêt général (sociale, culturelle, sportive…) sans contrepartie contractuelle. La dimension philanthropique du mécénat le distingue du sponsoring. Si le sponsor affiche largement son nom sur le maillot d’un joueur de football ou sur la voile d’un bateau de course, le mécène l’inscrira discrètement. Pour quel retour sur investissement ? Même s’il est assorti d’un avantage fiscal (60 % de la somme investie est déduite de l’impôt), le mécénat donne une dimension d’intérêt général à une société. « Le chef d’entreprise est souvent décrié. Il a besoin d’un espace pour prouver que l’entreprise est aussi un lieu de citoyenneté », explique la directrice marketing et communication de la CCI du Maine & Loire. Myriam Germain anime la fondation Mécène & Loire qui regroupe des sociétés de tous horizons (30 pour 2013-2017), aussi diverses que le magasin de meubles Suteau-Aubron (9 salariés), l’agence immobilière Abraham (5 personnes) ou encore le cabinet d’architecture Rolland (30).

Améliorer la communication interne

En cinq ans, Mécène & Loire a soutenu 108 projets pour un montant de 651 250 €. Chacune des entreprises mécènes a contribué à hauteur de 5 000 ou 10 000 € par an. En contrepartie – car il y a des contreparties -, les mécènes obtiennent par exemple des billets d’entrée aux spectacles soutenus ou dans les lieux rénovés. Les entreprises trouvent là le moyen d’offrir des loisirs à leurs clients ou leurs employés. « Un salarié a ainsi obtenu huit places pour découvrir l’abbaye de Fontevraud. A son arrivée, le groupe a eu l’heureuse surprise d’être accueilli par le secrétaire général en personne pour une visite personnalisée. Au bureau le lundi suivant, le retour fut tel que le patron de l’entreprise l’a qualifié de “coup de communication interne exceptionnel” », se souvient Myriam Germain.

« Notre engagement est le prolongement d’une démarche personnelle », affirme Mathilde Thomas, cofondatrice et seule actionnaire avec son mari de Caudalie, la marque de cosmétiques aux ingrédients issus de la vigne. La société a décidé de rejoindre l’association 1 % for the Planet en mars 2012. En tant que membre, elle verse 1 % de son chiffre d’affaires (pas de son bénéfice, qui peut facilement être réduit à coups d’astuces comptables) au fonds d’Yvon Chouinard, le médiatique créateur de la marque de vêtements Patagonia. Avec cet argent, Caudalie a déjà financé la plantation d’arbres en Amazonie péruvienne (via l’association Cœur de forêt) et lutte contre la déforestation sur l’île de Sumatra (via WWF). « Nous avons fait venir au siège le fondateur d’associations, des ethnobotanistes… Généralement, ces réunions ont beaucoup de succès », explique Mathilde Thomas, qui a communiqué auprès des journalistes fin 2012 pour le faire savoir.

Entretenir la relation client

La motivation en interne est d’autant plus forte que le personnel est impliqué. Ainsi, le groupement de pharmacies Pharmodel mobilise ses salariés autour des causes soutenues par son fonds de dotation : l’accompagnement des malades, la prévention des risques, la nutrition… Ce genre d’action permet de construire l’image de l’entreprise autour de valeurs communes. Après avoir investi 1 M€ en mécénat en 2012, Caudalie veut structurer son action. Le laboratoire se dotera cette année d’une fondation pour l’environnement. « C’est un métier qui prend du temps?! », relève Mathilde Thomas. L’action locale est souvent privilégiée au départ. Le groupement Univers Pharmacie soutient « traditionnellement » des actions autour de sa ville natale, Colmar. En 2012, l’engagement est allé plus loin avec la revente de sacs estampillés « La Chaîne de l’espoir », une association humanitaire pour l’enfance menée par le professeur Alain Deloche. « Nous leur reversons une partie du prix de vente avec un minimum garanti de 300 000 sacs, détaille Yann Derrien, directeur de la communication d’Univers Pharmacie, qui a aussi offert des produits d’hygiène. C’est très bien vécu par nos adhérents. Au séminaire 2012, l’acceptation du projet fut immédiate. Au delà de l’aspect promotionnel, cette action correspond aux nouvelles missions du pharmacien. Ce dernier prend une place exponentielle dans le parcours de soins, en accord avec les attentes des clients. »

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Le groupement Alphega Pharmacie est quant à lui partenaire de la fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France, à qui il a reversé l’année dernière (opération « + de vie ») un chèque de 10 000 € récoltés grâce à l’appel de dons dans les officines du réseau. De fait, le mécénat, dans sa dimension sociale et solidaire, répond aussi aux aspirations des Français en tant que consommateurs. Près de deux tiers des Français déclarent faire davantage confiance à une marque responsable éthiquement et socialement, 70 % se disent « prêts à recommander une marque soutenant activement une bonne cause », les trois quarts sont « même prêts à changer de marque, à qualité égale, si celle-ci s’implique dans une cause ». Plus qu’un acte de générosité, le mécénat devient une posture d’entreprise.

En officine

C’est possible !

La pharmacie aurait-elle besoin de redorer son image d’acteur social auprès des consommateurs ? Signe des temps, cette année l’Ordre des pharmaciens est pour la première fois partenaire de l’opération Pièces jaunes de la fondation des Hôpitaux de France. Du 9 au 16 février dernier, les officines auront reçu chacune deux tirelires. Mais chaque officine peut aussi mener seule un mécénat. Il est possible d’organiser des journées citoyennes (voir Pharmacien Manager n° 123, p. 32) en contactant la société Alternacom. A vous aussi de vous rapprocher de votre chambre de commerce. Dans celle du Maine & Loire, l’union de dizaines d’entreprises au sein de la fondation Mécène & Loire a permis de soutenir des actions porteuses d’image « pour et sur » le territoire. Au menu : l’aménagement d’un espace d’expositions temporaires à l’abbaye royale de Fontevraud, un CD musical pour les enfants hospitalisés au CHU d’Angers, la production d’un opéra-comique… F.C.