Cuisine financière : SPF-PL et bon dosage en SEL

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Publié le 15 octobre 2022
Par Francois Pouzaud
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La société de participations financières de profession libérale a de multiples usages. Encore faut-il savoir la manier avec précaution.

Le statut de société de participations financières de profession libérale (SPF-PL) facilite l’installation, permet d’optimiser les revenus de dividendes remontés des sociétés d’exercice libéral (SEL), de limiter les frottements fiscaux et sociaux lors de transactions portant sur les titres de ces mêmes SEL, favorise le rapprochement entre officinaux et, à l’occasion, offre la possibilité d’évoluer en société patrimoniale.

« Néanmoins certains montages ou préconisations conduisent à de fortes déconvenues », prévient Thomas Crochet, avocat associé du cabinet Officiis. Olivier Delétoille, expert-comptable du cabinet AdequA, remet la SPF-PL à sa juste place : « Elle n’est pas un paradis fiscal ! Certes les dividendes qu’elle perçoit des SEL filles ou les plus-values qu’elle réalise ne sont pas taxés en pratique, mais lorsque le pharmacien percevra le fruit de ses investissements à titre personnel, à la sortie, il y aura taxation. » Avec la SPF-PL, le contribuable reporte les impositions mais ne les évite pas ! La SPF-PL n’est donc pas un outil permettant d’échapper à l’impôt sur les plus-values sur la réalisation d’un capital, notamment au moment de quitter la profession. « Pourtant, certains se laissent leurrer par le chant des sirènes et se mettent dans des situations fiscales abracadabrantesques – notamment avec des opérations d’apports des titres de leur SEL (une ou plusieurs) à leur SPF-PL avant cession – nécessitant des rétropédalages juridiques laborieux et coûteux ou occasionnant même des doubles taxations sur les revenus à venir », constate Thomas Crochet. Certes, sur le plan fiscal, la SPF-PL échappe quasiment à toute imposition, mais à condition, en particulier, de détenir les titres pendant au moins deux ans. « Le non-respect de ce délai génère des impositions qui annihilent tout l’intérêt de la SPF-PL, ou pire ! », prévient l’avocat. « Dans une optique à long terme, il est judicieux d’interposer dès le départ une SPF-PL, conseille Olivier Delétoille. La mise en place tardive présente des inconvénients, notamment lorsque les titres de la SEL sont apportés à une SPF-PL faisant ressortir une plus-value en report d’imposition. Et en cas de transmission familiale, cette voie constitue une véritable perte de chance. »

Un suicide fiscal

Concernant la tentation du moment, la revente à soi-même de titres de SEL à une SPF-PL, selon ces deux experts, ces opérations patrimoniales ne sont quasiment jamais intéressantes (sauf si les titres de la SEL ne recèlent aucune plus-value, ce qui est rare en pratique). En fait, elles obèrent les capacités financières de l’entrepreneur, occasionnent des frais, et relèvent parfois d’un véritable « suicide fiscal ».

La constitution d’une SPF-PL à plusieurs est très évitable… Des frottements ou tensions peuvent apparaître entre associés, notamment à l’occasion des remontées de dividendes ou lorsqu’ils se séparent.

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Le diable se cache aussi dans les détails : une SEL située en zone de revitalisation rurale (ZRR) et pouvant prétendre aux exonérations d’impôt qu’ouvre ce dispositif ne doit pas avoir plus de la moitié de son capital détenu par d’autres personnes morales (SEL, SPF-PL).

Par ailleurs, il sera parfois préférable de renoncer à la SPF-PL, pour des investissements au plus égaux à 25 % du capital d’une SEL. « Ces revenus seront taxés à la sortie à la flat-tax à 30 % », glisse Olivier Détoille qui recommande plutôt d’investir à travers un plan d’épargne en actions (PEA) qui limitera, sous conditions, l’imposition des dividendes et des plus-values aux contributions sociales (17,2 %).

Enfin, dans un mini-réseau constitué entre une SPF-PL mère et une ou plusieurs SEL filles, « il conviendra de proscrire les facturations injustifiées (de direction ou de services) entre elles. Le fisc les redresse aisément car elles sont souvent non fondées et facilement détectables », conclut-il.