- Accueil ›
- Législation ›
- Dispensation ›
- L’avenant n° 19 va devoir faire ses preuves
L’avenant n° 19 va devoir faire ses preuves
Le nouvel avenant sur l’économie de l’officine signé le 19 novembre accroît les divergences entre les deux syndicats représentatifs de la profession. Compromis, interventions pharmaceutiques, pharmacien correspondant… Et si vous vous faisiez votre propre opinion.
Après le 20 juillet 2017, jour de la signature de l’avenant n° 11 réformant le mode de rémunération des pharmaciens, le 19 novembre 2019 fera date à son tour dans l’histoire de la vie conventionnelle pharmaceutique. Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), et Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), ont signé l’avenant n° 19 relatif au rééquilibrage des paramètres économiques de l’avenant n° 11. Le seul syndicat signataire de ces deux avenants sur l’économie de l’officine justifie sa signature en rappelant les engagements financiers pris par le payeur deux ans plus tôt, dans l’avenant n° 11.
« L’Assurance maladie s’est engagée à investir sur trois ans 215 millions d’euros de marge supplémentaire pour les officines. Par ce nouvel avenant, elle en donne 77,8 millions de plus que prévu, en consentant à ne reprendre au réseau qu’une partie du trop-perçu des 147,8 millions sur 2019 et 2020 généré par la surperformance de la réforme sur les honoraires de dispensation de médicaments spécifiques », explique Gilles Bonnefond. Selon lui, la profession n’avait pas d’autre choix. « J’ai signé pour éviter la mesure couperet et non négociable d’un arrêté de marge qui nous aurait privés brutalement de 150 millions d’euros. Avec la signature de l’avenant n° 19, la vie conventionnelle garde toujours la main sur l’évolution du métier du pharmacien et préserve l’esprit de la réforme engagée en 2018 sur la rémunération des officines. »
Ce qui est présenté comme un bon compromis par l’USPO est vécu comme une trahison par Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Car, au-delà des 70 millions d’euros repris à la profession (voir Repères page 16), il condamne sur le fond et sur la forme cette négociation « express » et la signature de cet accord. « L’unique séance de négociation a été une séance de présentation de ce qui s’est préparé dans le plus grand secret entre l’USPO et l’Assurance maladie. La seconde séance a été celle de la signature. Ce n’est pas très loyal, c’est aussi la première fois qu’un syndicat accepte la baisse de la cotation d’un acte. »
« C’est un choix responsable, je préfère miser sur ce qui progresse et non sur ce qui régresse », rétorque Gilles Bonnefond, faisant allusion au « sacrifice » des honoraires pour ordonnances complexes qui ont diminué de 3 % en volume en 2017 et 2018. Ils baisseront à 31 centimes d’euros au 1er janvier 2020. Cet argument ne parvient pas à convaincre l’Association de pharmacie rurale (APR) qui dénonce « une mort programmée des pharmacies rurales », en raison de la forte proportion de population âgée dans leur clientèle et donc d’ordonnances de cinq lignes et plus, ni l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) qui dénonce des « mesures scélérates » et une signature « irresponsable ».
La dispensation adaptée inquiète les médecins
Alors que la FSPF comptait sur la réouverture des négociations pour demander un retour à l’équilibre financier des comptes de l’officine, Philippe Besset prédit que « la profession va au-devant d’un mur de difficultés et d’une grosse vague ». A la reprise immédiate de 70 millions d’euros par l’Assurance maladie au 1er janvier 2020, vont s’ajouter la réduction de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) génériques de près de 100 millions d’euros en deux ans, le déremboursement de l’homéopathie en 2021 qui générera une perte de marge d’environ 120 millions d’euros et la disparition du CICE qui rapportait 113 millions d’euros au réseau tous les ans, « mais qui sera compensée par un allègement de charges pour les officines à hauteur de 80 millions d’euros », corrige Gilles Bonnefond.
Selon la FSPF, la création d’un nouvel acte rémunéré au travers d’une intervention pharmaceutique (IP) pour une dispensation adaptée, la simplification des bilans partagés de médication (BPM) en élargissant les critères d’inclusion (environ 1 million de patients nouveaux éligibles aux BPM en comptant ceux des Ehpad) et l’évolution non contestée de la rémunération « marge + honoraires » (+ 2,1 % sur les neuf premiers mois de l’année 2019) seront des contreparties insuffisantes.
Reste que le temps est compté pour créer ce nouvel acte. Les partenaires conventionnels se retrouveront le 4 décembre, avec ou sans Philippe Besset qui a néanmoins fait part de sa volonté de participer à cette négociation. Une participation qu’il explique en raison de sa crainte de voir se mettre en place « une usine à gaz pour permettre aux pharmaciens d’être rémunérés d’une partie de ce qu’ils gagnent quand ils ne délivrent pas la quantité de médicament ordonnée ».
A charge pour Gilles Bonnefond de se livrer à l’explication de texte. Il rappelle déjà que l’IP est « un combat de 15 ans de l’USPO et qu’elle figure aussi dans le livre blanc de l’Ordre des pharmaciens ». A l’adresse du Syndicat des médecins libéraux (SML) qui fustige le caractère provocateur et contre-productif de ce texte signé contre l’avis des professionnels concernés, il tente de rassurer : « Le débat n’est pas la « déprescription » du médecin, le but est au contraire de renforcer son message lorsqu’il prescrit une posologie variable ou du type « à prendre en cas de besoin » , assure-t-il. En cas de non-délivrance d’une ligne de médicaments ou d’une réduction du nombre de boîtes délivrées, le médecin en sera informé par messagerie sécurisée ou par le DMP, en attendant la prescription électronique. » Un code traceur « IP » permettra à l’Assurance maladie d’identifier l’acte et le partage de l’économie réalisée sera fixé par un coefficient de redistribution déterminé par pharmacie. Par ailleurs, une liste de médicaments à posologie et périodicité variables par classe thérapeutique délimitera le champ de cette IP.
De nouvelles IP à négocier
Pour le président de l’USPO, il est important que la dispensation adaptée emporte l’adhésion des médecins. « Elle n’est qu’une première étape, l’objectif est de pouvoir négocier avec l’Assurance maladie, à partir de 2021, d’autres interventions pharmaceutiques, comme le changement de traitement, l’adaptation de posologies, le rajout sur l’ordonnance d’un médicament que le médecin a omis de prescrire au patient, etc. »
Il ne veut pas non plus se mettre à dos les médecins avec le pharmacien correspondant dont le statut sera intégré dès 2020 à la base de données de l’Assurance maladie. A l’instar de la déclaration d’un médecin traitant, le patient devra déclarer son pharmacien correspondant selon des modalités qui restent à définir. Cette déclaration sera le sésame pour que la participation des pharmaciens au suivi des personnes âgées et des patients chroniques puisse être opérationnelle au sein des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et des parcours de soins coordonnés. Le pharmacien correspondant pourra être amené à modifier des traitements, à ajuster des posologies ou encore à renouveler un traitement chez un patient chronique stabilisé. Ses prérogatives relèveront de protocoles d’exercice a priori validés au niveau national. « Ces délégations de tâches confiées au pharmacien correspondant, que d’autres ne pourront pas obtenir s’ils n’ont pas ce statut reconnu par l’Assurance maladie, devront s’accompagner d’un nouveau modèle économique pour les médecins afin qu’ils ne soient pas lésés financièrement », précise Gilles Bonnefond. Qui n’envisage pas dans l’immédiat de demander une rémunération spécifique pour le travail du pharmacien correspondant.
• L’avenant n° 19 à la convention pharmaceutique rééquilibre le trop-perçu généré par les honoraires de dispensation de médicaments spécifiques.
• Un nouvel acte rémunéré au travers d’une intervention pharmaceutique (IP) liée à une dispensation adaptée est en voie de création.
• D’autres IP seront négociées dès 2021 avec l’Assurance maladie.
• Le statut de pharmacien correspondant va être intégré dès 2020 à la base de données de l’Assurance maladie.
REPÈRES
LES MESURES DU RÉÉQUILIBRAGE DES PARAMÈTRES ÉCONOMIQUES DE L’AVENANT N° 11
• ORDONNANCES COMPLEXESInitialement, l’avenant n° 11 prévoyait une revalorisation de l’honoraire de dispensation pour ordonnance complexe à 1,02 € TTC au 1er janvier 2020.
Dans l’avenant n° 19, cet honoraire passe de 0,51 € TTC en 2019 à 0,31 € TTC au 1er janvier 2020 ➜63 M€ d’économies pour l’Assurance maladie.
• ROSP RPPSSuppression au 1er janvier 2020 de la ROSP RPPS, mais obligation de transmettre le n° RPPS des médecins hospitaliers ➜7 M€ d’économies pour l’Assurance maladie.
• DISPENSATION ADAPTÉE➜ Déploiement dans le cadre d’une intervention pharmaceutique du pharmacien, en cohérence et en articulation avec le déploiement de la prescription électronique (afin de garantir la traçabilité de la démarche du pharmacien).
➜ S’inscrit dans le bon usage, l’observance et la pertinence des soins.
➜ Son objet : éviter tout risque de mésusage, notamment pour les médicaments chroniques pouvant faire l’objet d’une adaptation posologique par patient.
➜ Intéressement du pharmacien à l’économie liée à l’adaptation de la dispensation.LES TRAVAUX À OUVRIR EN 2020
• SUR LES BILANS PARTAGÉS DE MÉDICATION (BPM) ➜ SIMPLIFICATION DU CRITÈRE D’ÂGE : BPM POSSIBLE À PARTIR DE 65 ANS POUR LES PATIENTS POLYMÉDIQUÉS (5 MOLÉCULES OU PRINCIPES ACTIFS PRESCRITS POUR UNE DURÉE CONSÉCUTIVE DE TRAITEMENT SUPÉRIEURE OU ÉGALE À 6 MOIS). LE CRITÈRE D’ALD DISPARAÎT.➜ EXPÉRIMENTATION DÈS 2020 DU BPM CHEZ LES PATIENTS EN EHPAD POUR UNE DURÉE DE 2 ANS.
• SUR LA DÉFINITION DES MODALITÉS D’IDENTIFICATION DES PHARMACIENS CORRESPONDANTS AUPRÈS DE L’ASSURANCE MALADIE EN LIEN AVEC L’ARTICLE 39 DE LA LFSS POUR 2019 ET SUR LA SIMPLIFICATION DU DISPOSITIF DE PHARMACIEN CORRESPONDANT.PAR FRANÇOIS POUZAUD
- Comptoir officinal : optimiser l’espace sans sacrifier la relation patient
- Reishi, shiitaké, maitaké : la poussée des champignons médicinaux
- Budget de la sécu 2026 : quelles mesures concernent les pharmaciens ?
- Cancers féminins : des voies de traitements prometteuses
- Vitamine A Blache 15 000 UI/g : un remplaçant pour Vitamine A Dulcis