On ne peut pas plaire à tout le monde

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Publié le 26 janvier 2013
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A une cinquantaine d’habitants près, Guillaume Bihr n’aurait pas pu réaliser le transfert de son officine de Saint-Etienne (Loire) à Bischheim (Bas-Rhin). « La population a augmenté de manière juste suffisante pour atteindre la tranche de 3 500 habitants supplémentaires requis à l’époque ? », précise ce pharmacien. Originaire de Strasbourg, il commence une carrière industrielle mais, en 2008, l’envie de se mettre à son compte en officine le gagne. La prospection classique en vue de s’établir dans une officine de taille confortable ne donne rien. Sa rencontre avec ARTCO (Aide au regroupement, transfert et création d’officines) donne une autre tournure à ses recherches. Il jette son dévolu sur une petite officine de 150 000 € de chiffre d’affaires créée au début du siècle dans le centre de Saint-Etienne. Au moment de la reprise du fonds, elle est en train de péricliter en raison de la surdensité d’officines dans cette ville. L’occasion est belle pour Guillaume Bihr de retourner exercer sur ses terres natales. Le transfert est autorisé par le préfet et effectif en août 2009. « D’un côté, des pharmaciens étaient contents de me voir partir, de l’autre, mon arrivée à Bischheim a fait grincer des dents mes confrères situés à proximité », raconte-t-il. Son officine s’intercale entre deux autres dont la plus proche est située à 500 mètres sur un axe passant de la ville. « La construction de pavillons et de logements apporte une population nouvelle, mais j’ai aussi capté une partie de la clientèle de mes concurrents », reconnaît le titulaire.

Lorsqu’une commune est déjà pourvue d’officines, il est rare que les titulaires en place déroulent le tapis rouge à l’impétrant. Guillaume Bihr s’y était préparé mais il ne pensait pas, alors que son transfert est de bon droit, rencontrer autant d’hostilités de la part de la profession. « Un des trois syndicats nationaux et deux pharmaciens exerçant à proximité ont déposé un recours ministériel en annulation puis devant le tribunal administratif », relate-t-il. Le contentieux est toujours en cours…

Travailler pour se tailler sa part de légitimité

Installé à proximité de la pharmacie, dans la commune limitrophe d’Hœnheim, Roland Walter, médecin généraliste, garde une neutralité bienveillante : « Je ne suis pas sensible à tout ce qui se raconte à propos de ce transfert contesté par certains pharmaciens. L’arrivée d’une pharmacie est toujours une bonne nouvelle car les patients apprécient le côté pratique d’avoir à proximité de chez eux leur médecin et leur pharmacien. Malgré la présence d’une pharmacie supplémentaire sur la commune, il y a du travail pour tout le monde ! »

Partir, revenir, créer une nouvelle activité et se faire une place est un parcours du combattant qui n’est pas à la portée de tout le monde. « Il faut avoir le profil, explique Guillaume Bihr. Etre jeune (entre 30 et 40 ans), accepter de partir loin de sa famille au minimum un an, ne pas avoir d’obligations par rapport à un conjoint mais surtout savoir saisir sa chance quand l’opportunité d’un transfert se présente dans des conditions financièrement acceptables. » Ce fut son cas. « Le propriétaire des murs de la pharmacie de Saint-Etienne, un opticien dont le magasin était mitoyen, souhaitait récupérer les locaux pour s’agrandir ; j’ai donc arrêté de payer un loyer dès que j’ai quitté les lieux. »

L’accueil d’une nouvelle pharmacie par les nouveaux résidents du quartier a été beaucoup plus chaleureux que celui réservé par ses confrères. « L’inauguration de la pharmacie s’est faite en présence du maire et de ses adjoints, des médecins du quartier, de voisins, d’amis et de quelques commerçants », poursuit Guillaume Bihr. « Je ne peux être que satisfait de l’installation d’une activité supplémentaire qui s’inscrit dans le cadre de l’aménagement de la ville. L’implantation de cette nouvelle officine le long d’un axe routier fréquenté a été bien choisie pour renforcer la commercialité des lieux », commente André Klein Mosser, maire de Bischheim. Pourtant, certains locaux commerciaux situés dans le même immeuble sont encore vides.

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Guillaume Bihr cherche à se différencier par le conseil, le service et l’apport d’une offre nouvelle pour le quartier en produits de phytothérapie et d’aromathérapie. « Pour me faire connaître, j’ai eu le droit à un encart dans Les Dernières Nouvelles d’Alsace, mais compte tenu des tensions générées par mon arrivée, l’Ordre m’a déconseillé de faire paraître une annonce dans un journal local. Je ne tiens pas à donner un bâton pour me faire battre… Heureusement, il restait les Pages jaunes et Google ! »