Comment agencer low cost

Réservé aux abonnés
Publié le 28 novembre 2009
Mettre en favori

Relooking, relamping, remodelage, mobilier, communication modulable, changement d’ambiance visuelle… Des solutions existent pour les titulaires qui souhaitent dynamiser leur lieu de vente sans trop s’endetter. A comparer selon les agenceurs.

Armand Lepot, de la société d’agencement Média 6 Pharmacie, annonce une baisse de son chiffre d’affaires de 20 à 30 % en 2009. Ce recul des agencements d’officines touche moins les transferts – et les travaux après reprise – que les réagencements après 5 ans. Aujourd’hui, les pharmaciens attendent en général 8 ans voire plus entre deux agencements, c’est-à-dire beaucoup plus que ces dernières années. Par ailleurs, face à la fréquence croissante des refus de prêts, les pharmaciens se tournent de plus en plus vers des organismes de location financière (système de remboursement sur 3 à 5 ans similaire à celui proposé par les sociétés d’équipement multimédia et les SSII). Ce type de financement, qui passe dans les charges annuelles de l’officine, ne concernait que 3 % des agencements jusqu’en 2007. Il en a représenté 15 à 20 % en 2008, selon Cyril Bordot, de CQFD (groupe Rasec).

Pour Alexandre Genton, du département R&D de Mobil M, il est donc nécessaire de répondre aux attentes d’un pharmacien qui, victime de la frilosité des banquiers et d’une crise de confiance, limite ses investissements. « Il existe pourtant des solutions peu coûteuses pouvant améliorer considérablement la rentabilité d’un point de vente. Communication et architecture doivent mettre en scène des valeurs partagées à travers la vitrine, la lisibilité de l’offre produit et les services. Le mobilier, le merchandising, la signalétique peuvent être repensés pour simplifier la lecture de l’officine.» Cette recherche de redynamisation à moindre coût n’empêche pas cependant de nombreux titulaires de profiter de la crise pour conforter leur position en investissant dans des aménagements parfois onéreux : question de stratégie !

On peut miser sur des mobiliers « entrée de gamme »

On rappelle chez Apothéka Staff 3 que le coût d’un agencement dépend aussi du type de matériaux utilisés : les mélaminés de différentes couleurs procurent le meilleur rapport qualité/prix au mètre linéaire (600 Û le module : panneau arrière mélaminé, crémaillères, tablettes en verre). Le même module peut atteindre 1 300 Û s’il comporte des tablettes en verre épaisses, des tiroirs bas, des rétro-éclairages… Même problématique pour les comptoirs dont le prix varie du simple au double. Les options qui coûtent le plus cher : du stratifié au lieu du mélaminé, des finitions en bois, des plans en verre sablé ou laqué de 1,5 cm d’épaisseur, des présentoirs intermédiaires, un équipement sophistiqué pour un meilleur confort d’utilisation (tiroirs, tirettes…).

Boursin Agencement a lancé en 2009 la ligne de mobiliers tout en métal Essentiel, l’une des moins chers du marché (461 Û par module) : les linéaires autoportants sont évolutifs, personnalisables et accessoirisables dans le temps, entièrement modulables en largeur et en hauteur, avec des panneaux de fond et des tablettes métal, déclinables en blanc et en gris.

Les deux tiers des officines agencées par Univers Delta sont en mobilier autoportant tout en métal, y compris les tiroirs bas si nécessaire. Ces options peuvent réduire considérablement le coût global au mètre carré : 700 Û au lieu de 1 300 à 1 500 Û pour un agencement classique. « On peut aujourd’hui refaire l’agencement d’une officine de 50 mètres carrés pour 50 000 euros, comprenant le sol, l’éclairage, la peinture et le mobilier », assure Bernard Wagner. Et le tout sans coller aux mobiliers de l’officine une image de « gondoles d’hypermarché ». Pour ce faire, Univers Delta propose un mobilier métallique en couleur avec 30 teintes tendance.

Cyril Bordot constate une demande croissante pour du mobilier standardisé mais assorti d’un travail de mise en avant qualitative et de théâtralisation de l’offre. « La préoccupation d’économie se retrouve à tous les niveaux. Nous proposons par exemple de remplacer un faux plafond classique par un décor de toiles suspendues de 4 mètres par 5 qui apporte en plus un élément d’attraction graphique et de différenciation…et qui coûte quatre fois moins cher ! Les agencements complets les moins onéreux se situent aux alentours de 700 à 800 euros le mètre carré. L’essentiel étant d’être en économie de moyen mais pas en économie d’impact : signalétique de vitrine sur rail, kakémonos à l’intérieur du point de vente, vitrophanies découpées, bâches signalétiques tendues, etc. »

Publicité

Investir sur la lumière et la circulation

« Retravailler les effets d’éclairage afin de créer de façon suggestive des zones d’intérêt peut être une bonne solution, indique Alexandre Genton. Il faut bannir les basses tensions au profit d’appareils professionnels réglables comme les iodures, les fluo compactes ou les halogènes par exemple, voire des systèmes peu gourmands en énergie tels les LED. L’intérêt de certaines lampes nouvelle génération est la possibilité de pouvoir faire varier les couleurs tout en les programmant pour animer l’espace, de jour comme de nuit. »

Un bon « relamping » représente normalement 10 à 15 % du coût d’un agencement total, soit environ 150 à 200 Û par mètre carré tout de même.

Améliorer la circulation dans l’officine et donner davantage à voir peut aussi être une manière de redynamiser l’offre et donc les ventes. « Un plan est déterminant et ne laisse pas beaucoup de place au hasard, poursuit Alexandre Genton. On estime à 12 000 le nombre de pharmacies françaises ne répondant pas à cette logique des flux de circulation, laquelle détermine pourtant le plan d’exposition produits. » On ne doit donc guère s’étonner de voir des chiffres d’affaires parfois augmenter de 25 à 40 % suite à une étude de flux bien menée.

On rappelle chez Boursin Agencement que le travail sur la fluidité de l’espace passe par une étude simultanée de positionnement des gondoles et des comptoirs, de manière à éviter l’effet « bouchon » dans la zone de délivrance en période de forte affluence. « On peut parfois réutiliser le mobilier existant que l’on repositionne simplement. Ne perdons pas de vue que les budgets les plus importants lors d’un réagencement sont l’éclairage – sur lequel je conseille de ne jamais rogner – et le mobilier. Le mural peut être très basique puisque sa vocation est uniquement de « soutenir » les produits, insiste Thierry Trasbot. Idem pour les gondoles, mais on peut faire un transfert de budget vers les comptoirs en misant sur le confort et la communication visuelle car le comptoir reste le point de focalisation et de fonctionnalité central. »

« L’avantage du relooking est que l’exécution est quasi immédiate »

Claude Droz, de Pharma-Line, assure pouvoir faire un réagencement partiel (ou relooking) à 40 000 Û pour 150 mètres carrés. Dans ce cas, la focalisation se fait sur l’électricité et le mobilier de parapharmacie, communication incluse. On peut aussi jouer sur la signalétique et l’accessoirisation linéaire et relooker alors son officine pour seulement 5 000 Û grâce, entre autres, à des photos, des tablettes lumineuses et inclinées, des bacs ou des kakémonos. Chez Média 6, un relooking comprend une signalétique avec un bandeau d’ambiance par univers (avec images et textes : nature, frise de la vie…), parfois l’implantation d’une zone libre accès, le remplacement de certains comptoirs, l’implantation de nouvelles gondoles pour améliorer la circulation ou de linéaires muraux multilames agrémentés d’une image collée pour créer une ambiance spécifique. « L’avantage du relooking est que la décision est prise rapidement et que l’exécution est quasi immédiate, pour un budget moyen de 10 à 20 000 Û pour une surface de vente de 50 à 60 mètres carrés », précise Armand Lepot.

Remodeler son mobilier pour « sidérer » la clientèle

Il est aussi possible d’agir ponctuellement sur le mobilier sans tout réagencer. L’intervention se fait en général sur quelques zones chaudes clairement identifiées où la rotation est forte. Elles peuvent être repensées de façon plus qualitative afin de créer une rupture visuelle attractive. On peut aussi aménager une zone « nouveautés » ou « produits en promotion », éventuellement un meuble exclusivement réservé à l’OTC en libre accès, ou encore une zone d’accueil diagnostic/services.

Il est évidemment possible aussi d’opter pour un changement total de mobilier en misant sur le low cost et les offres « entrée de gamme ». Mobil M a notamment développé une gamme économique : Style-line pour les linéaires et les gondoles et Lugo pour les comptoirs. « Il ne s’agit pas de proposer au pharmacien d’investir au rabais mais d’effectuer un transfert de ses moyens financiers sur ses priorités marketing, en ne rognant pas sur l’investissement consacré au langage graphique et à la création d’un territoire de communication fortement différenciant », assure Alexandre Genton.

Pierre Botton, bien que spécialisé dans les agencements d’exception et l’architecture marchande haut de gamme, propose lui aussi une focalisation sur des éléments ponctuels qui peuvent changer la perception de l’offre et de l’espace : des gondoles centrales à colonnes LED avec variateurs de couleurs et scintillement programmé qui constituent de véritables points d’attraction lumineux, un habillage des vitrines, des comptoirs et de la signalétique haute avec des vinyles déclinant les visages des clients pour une fidélisation maximisée. Selon Pierre Botton, il y a nécessité à concevoir « une architecture commerciale reposant sur la sidération », sorte d’esthétique marchande de la surprise et de la fascination par l’apport d’éléments culturels forts : peintures, fauteuils, lustres travaillés, gondoles végétales, etc. Le remodelage du mobilier est donc une piste à explorer. Mais attention aux mauvaises surprises (voir ci-dessous) !

Communiquer en théâtralisant le point de vente

« Théâtraliser un volume, c’est avant tout communiquer d’une même voix en hiérarchisant les informations. Ces informations constituent une indéniable aide à la vente », indique Alexandre Genton. Sous la forme de graphismes, de textes, de pictogrammes, d’éléments d’identité visuelle (logo, bandeaux, images frontales sur les comptoirs, signalétique…), le travail sur la communication visuelle – régulièrement renouvelable – est une solution rentable et très rapidement exploitable pour modifier l’aspect du point de vente. « Quelques solutions événementielles peuvent être mises en oeuvre : l’origami, les anamorphoses (déformations d’images pour créer des effets), des découpes de textes, la vidéo graphique, les projections vidéos, les éléments aimantés… », poursuit Alexandre Genton. Bernard Wagner est lui aussi un farouche défenseur de la communication : selon lui, les bandeaux photos et les textes personnalisés en fonction du positionnement de l’officine sont très efficaces pour valoriser cette dernière.

On le voit, le travail sur la communication permet d’échapper à une trop grande banalisation de l’espace sans grever les budgets. Dominique Peyronnet, de Lille Architecteurs, propose également à ses clients un travail différent sur les matières pour faire baisser les prix tout en conservant un rendu haut de gamme : par exemple l’utilisation en habillage comptoir d’une image sur un Plexi rétro-éclairé pour générer un effet vitrail très transparent. « Le pharmacien ne doit pas oublier non plus que sa façade communique aussi ! Il suffit parfois de remplacer l’enseigne et de repeindre, en travaillant sur deux à trois couleurs, pour redynamiser l’image donnée à l’extérieur », conseille Dominique Peyronnet.

Les pharmaciens disposent donc de nombreuses solutions, immédiates ou selon un rétroplanning préétabli avec l’agenceur. Ils peuvent aussi choisir les budgets à restreindre (mural, gondoles, sols, plafonds) et se focaliser sur les éléments essentiels en termes d’impact (éclairage) ou de différenciation (décor symbolique marquant, identité visuelle personnalisée, communication modulable à vue…). Ils pourront ainsi préserver leurs finances sans pour autant porter atteinte à l’image de leur officine.

Sondage directmedica

Sondage réalisé par téléphone les 9 et 10 novembre 2009 sur un échantillon représentatif de 100 pharmaciens titulaires en fonction de leur répartition géographique et de leur chiffre d’affaires.

Un agencement qui vieillit…

De quand date votre dernier agencement ?

… et qui vieillira encore

Envisagez-vous un agencement dans l’année qui vient ?

Pas mieux pour le look

Envisagez-vous un relooking de votre pharmacie dans l’année qui vient ?

La faute à la crise

L’environnement économique a-t-il agit-il sur votre décision ou non de réagencer votre pharmacie ?

L’agencement signe l’officine…

L’agencement a-t-il selon vous un impact sur l’image de l’officine ?

… et soigne le CA…

L’agencement a-t-il selon vous un impact sur l’augmentation du chiffre d’affaires ?

… quel que soit le taux de TVA

L’agencement modifie-t-il selon vous la répartition de votre chiffre d’affaires (2,1 %, 5,5 %, 19,6 %) ?

Plus beau, plus grand et plus fluide

Pour quelles raisons agencez-vous votre officine ?

Les gouffres à budget

Pour éviter les surcoûts, il importe de se montrer vigilant sur certains postes budgétaires :

-L’accessoirisation linéaire.

-Le rétro-éclairage (fonds de meubles, tablettes, images, bandeaux signalétiques) et les éclairages design (lampadaires, lustres…).

-Les sols : préférer les sols en PVC (30 % moins chers) aux sols en grès cérame pleine masse ou aux parquets (attention aux grands carreaux à bords rectifiés et à joints serrés !).

-Les plafonds : préférer les dalles en Placoplatre (40 Û le m2) aux dalles en fibres minérales.

-La peinture murale : les laques, les peintures texturées de type Stuco et les enduits métalliques sont chers.

-Les meubles : attention aux matériaux d’habillage (le métal est moins cher que le bois stratifié ou mélaminé, le corian et le verre épais ou teinté sont très chers de même que les blocs tiroirs en mural qui majorent le coût d’un module de 15 à 20 %) ! Attention aussi aux formes courbes, toujours plus chères.

-Les comptoirs : préférer des doubles, moins onéreux proportionnellement que les simples. Eviter les animations lumineuses à variateurs pour ne pas excéder 1 000 Û le poste unitaire. Eviter légalement les matériaux sophistiqués comme l’inox cintré.

Pas si économique !

Rudy Rolland, de Jean Rolland Agencement, considère qu’il est parfois préjudiciable à moyen terme de miser sur le low cost : « Certains meubles, notamment les comptoirs, ont un coefficient d’usure important lié à la fréquentation. Je déconseille aux pharmaciens de se contenter d’un simple mélaminé. En ce qui me concerne, je recouvre toutes les zones sensibles (dessus de comptoir, repose-sacs, plinthes de meubles en contact avec le sol) d’un placage stratifié de même couleur qui donne de la solidité. »

Rudy Rolland, tout comme Bernard Wagner, d’Univers Delta, attire aussi l’attention des titulaires sur le piège des investissements en cascade : si l’on change le mobilier mural par exemple, dans le cadre d’un simple remodelage, il y a de fortes chances pour qu’on doive aussi repeindre les mûrs et changer le sol. Si l’on s’attaque à l’électricité, il faudra sans doute aussi changer le faux plafond, etc. Il est plus facile d’intervenir sur des comptoirs et des îlots que sur les éléments muraux, et d’envisager des éclairages complémentaires plutôt que de changer toute l’électricité. Le coût restera alors raisonnable pour le titulaire : 30 000 à 40 000 euros au maximum.