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Les interactions médicamenteuses
Marge thérapeutique
« Du Vogalib pour mes nausées ! »
Un patient âgé, un matin de juillet. Sa main tremble un peu lorsqu’il pose sur le comptoir un paquet de pastilles Vichy à la menthe.
– Je voudrais aussi une boîte de Vogalib. J’ai des nausées depuis quelques jours.
– Avez-vous d’autres symptômes ?
– Oui, j’ai toujours soif, mais c’est bien normal avec la chaleur qu’il fait.
Le pharmacien consulte le dossier pharmaceutique du patient et constate que celui-ci prend Téralithe et Ténormine, et depuis peu Brexin. Le patient a aussi acheté récemment du sel diététique Bouillet.
– Je ne peux pas vous délivrer de Vogalib. Vos nausées, votre soif et votre récent tremblement me font évoquer une lithiémie trop élevée. Je vais appeler votre médecin.
ANALYSE DU CAS
• Brexin, anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS), peut diminuer la perfusion glomérulaire en inhibant la synthèse des prostaglandines vasodilatatrices et induire chez ce sujet âgé une insuffisance rénale fonctionnelle. Cette insuffisance rénale peut être responsable du surdosage en lithium, médicament à marge thérapeutique étroite entièrement filtré par le rein. Plus connus pour leurs accidents digestifs, les AINS peuvent aussi être à l’origine d’accidents rénaux : ils représentent environ 16 % des cas de néphropathies médicamenteuses. Il est donc en principe déconseillé d’associer AINS et lithium.
• Par ailleurs, la délivrance de sel diététique Bouillet peut laisser penser que le patient a décidé de suivre un régime hyposodé, vivement déconseillé lors d’un traitement à base de lithium. Il existe, en effet, une compétition entre les ions lithium et sodium pour leur réabsorption au niveau du tube contourné proximal du néphron, et toute diminution de la natrémie entraîne une augmentation de la lithiémie.
Il n’est bien sûr pas question de délivrer Vogalib, mais plutôt de conseiller au patient d’arrêter Brexin, et de consulter en urgence son généraliste afin qu’il vérifie sa lithiémie.
Devant toute demande de conseil, il faut toujours avoir présent à l’esprit que les symptômes ressentis par le patient peuvent avoir une origine iatrogénique. L’interrogatoire du patient est donc essentiel.
TYPES D’INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES
Lors de toute délivrance de médicaments, prescription ou vente conseil, la recherche des éventuelles interactions médicamenteuses constitue pour l’officinal une étape incontournable dans la prévention de l’accident iatrogénique. Bien qu’il soit aidé par son logiciel de dispensation, une bonne connaissance du sujet lui permet de définir la nature du risque et surtout la conduite à tenir en fonction du niveau de contrainte (association contre-indiquée, à surveiller…).
Il n’est bien sûr pas question de traiter ici de manière exhaustive un sujet aussi vaste, mais plutôt de donner à chacun les clefs permettant la mémorisation et la détection rapide des médicaments « à haut risque d’interaction médicamenteuse ».
Il est possible de distinguer deux grands types d’interactions :
• pharmacocinétiques : ce type d’interaction se traduit par une modification de la concentration sanguine d’un médicament, suite à une action au niveau d’une des étapes de la pharmacocinétique ;
• pharmacodynamiques : il s’agit d’addition des effets des médicaments ou au contraire d’un antagonisme pharmacologique.
MÉDICAMENTS À MARGE THÉRAPEUTIQUE ÉTROITE
Il est également indispensable de bien connaître les médicaments à marge thérapeutique étroite, plus sensibles aux variations de leur concentration plasmatique et donc plus sujets que d’autres aux interactions médicamenteuses, avec des conséquences souvent plus importantes.
Définition
La marge thérapeutique est la différence de concentration qui existe entre le seuil minimal toxique (c’est-à-dire la concentration au-delà de laquelle apparaissent des signes de surdosage) et le seuil minimal efficace (c’est-à-dire la concentration plasmatique à atteindre pour que le traitement soit efficace). Les médicaments à marge thérapeutique étroite constituent une catégorie de médicaments pour lesquels la concentration minimale efficace est relativement proche de la concentration minimale toxique. Ces médicaments sont donc particulièrement sensibles à la prise concomitante d’un inducteur ou d’un inhibiteur enzymatique, et un surdosage éventuel pourra avoir des conséquences plus graves. Il est donc essentiel de bien les connaître.
Principaux médicaments à marge thérapeutique étroite
• La digoxine (Digoxine Nativelle et Hémigoxine Nativelle), responsable en cas de surdosage de troubles cardiaques potentiellement mortels, de troubles digestifs (anorexie, nausées, vomissements, diarrhées), de céphalées, de vertiges, de coloration en jaune de la vision.
• Les antiépileptiques comme le phénobarbital (Alepsal, Aparoxal, Gardénal, Kaneuron), l’acide valproïque (Dépakine, Dépakote, Micropakine), la carbamazépine (Tégrétol)…), responsables d’état confusionnel, de sédation, de troubles digestifs en cas de surdosage. Quant au sous-dosage, il est également à craindre car il risque de réactiver l’épilepsie.
• Le lithium (Téralithe)qui entraîne nausées, tremblements, soif intense et troubles de l’équilibre en cas de surdosage.
• Les antivitamines K comme l’acénocoumarol (Sintrom, Mini-Sintrom), la fluindione (Préviscan), la warfarine (Coumadine) : risque de thrombose en cas de sous-dosage, et d’hémorragie en cas de surdosage.
• La théophylline (Théostat…): surtout convulsions et hyperthermie en cas de surdosage.
• La ciclosporine (Néoral, Sandimmun): atteinte possible des fonctions rénales ou hépatiques, notamment chez le sujet âgé en cas de surdosage. En cas de sous-dosage, risque de rejet du greffon.
• Les hypoglycémiants oraux (gliclazide Diamicron, glibenclamide Daonil et Hémi-Daonil, metformine Glucophage, Stagid…) : risque d’hypoglycémie (sensation de fatigue, pâleur, sueurs, tremblements, troubles visuels voire état confusionnel) en cas de surdosage.
• La colchicine (Colchimax), responsable en cas de surdosage de troubles digestifs (douleurs abdominales diffuses, vomissements, diarrhées profuses, parfois sanglantes), de troubles neurologiques (confusion, convulsions, coma), de polypnée fréquente, de troubles hématologiques, d’atteinte hépatique (cytolyse), de toxicité rénale aiguë avec oligurie et hématurie, ainsi que de l’apparition d’une alopécie au 10e jour.
• La lévothyroxine (Lévothyrox, L-thyroxine), qui peut entraîner, en cas de surdosage, des signes d’hyperthyroïdie (amaigrissement excessif, céphalées, diarrhée, irritabilité, insomnies, transpiration, troubles cardio-vasculaires de type tachycardie…), et en cas de sous-dosages, des signes d’hypothyroïdie (fatigue, prise de poids, bradycardie, tristesse…).
Absorption
« J’ai désormais des injections de Byetta »
Madame T., âgée de 42 ans, est obèse et diabétique de type 2. Son traitement comprend les médicaments suivants :
Devant l’augmentation de son hémoglobine glyquée (8,5 %), le médecin décide d’adjoindre à son traitement des injections de Byetta 5 µg (exénatide) : 1 injection matin et soir.
– Quand prenez-vous vos gélules de Tahor et vos comprimés de Pariet ?
– Je prends Pariet le matin et Tahor le soir.
– Byetta ralentit l’absorption du Tahor et diminue l’absorption de Pariet. Prenez Pariet le midi et Tahor une heure avant l’injection le soir ou, si c’est plus simple pour vous, le midi également.
ANALYSE DU CAS
Byetta a la particularité de retarder la vidange gastrique. Si aucune interaction n’a été décrite avec la prise concomitante de metformine ou de gliclazide, il n’en est pas de même avec les inhibiteurs de l’hMG-CoA-réductase (ici, atorvastatine) et les inhibiteurs de la pompe à protons (ici, rabéprazole). En effet, en raison de son action retard sur la vidange gastrique qui amplifie la durée de résorption des médicaments associés, l’exénatide présente des interactions médicamenteuses avec les médicaments dont l’efficacité dépend des seuils de concentration : antibiotiques, contraceptifs oraux, inhibiteurs de l’hMG-CoA-réductase, lisinopril (Prinivil, Zestril) et certains médicaments à marge thérapeutique étroite comme la digoxine (Digoxine, Hémigoxine) et la warfarine (Coumadine), et plus généralement les AVK (surveiller l’INR).
D’autre part, cet incrétinomimétique augmente le risque de délitement des formulations gastrorésistantes au niveau de l’estomac, diminuant ainsi l’absorption des substances sensibles à la dégradation au niveau de l’estomac, telles que les inhibiteurs de la pompe à protons.
Tahor et Pariet doivent donc être pris soit 1 heure avant l’injection de Byetta, soit 4 heures après. Il est aussi possible d’avaler ces deux médicaments à distance de Byetta, le midi. Une surveillance accrue des paramètres lipidiques sera instaurée.
PRINCIPE DE L’INTERACTION
L’absorption d’un médicament peut être modifiée par interaction directe avec un autre médicament ou par action indirecte d’un médicament sur le transit.
Mécanisme direct
Les médicaments interagissent directement en augmentant ou diminuant l’absorption de certains d’entre eux : formation de complexes mal résorbés dans l’intestin, adsorption sur une substance inerte, solubilisation dans une substance résorbée ou non. Un intervalle minimum de 2 heures entre les prises doit être respecté. Toutefois, cet intervalle peut varier selon les médicaments.
Formation de complexes
• Les ions calcium, magnésium, fer et aluminium (présents dans les médicaments et les aliments) diminuent l’absorption des tétracyclines, des quinolones et des biphosphonates.
• Les sels de fer complexent la L-thyroxine (Lévothyrox), la L-dopa (Modopar), le méthyldopa (Aldomet) ou encore l’entacapone (Comtan).
• Le ranélate de strontium (Protelos) voit son absorption diminuée par les sels de calcium, de magnésium, d’aluminium ou encore par les tétracyclines ou les quinolones.
Adsorption sur une substance inerte
• La colestyramine (Questran) perturbe l’absorption digestive de très nombreux médicaments.
• Les pansements ou topiques digestifs (à base d’argile, de silicates ou de charbon) font de même.
• Le sévélamer (Renagel), chélateur du phosphore, « fixe » également certains médicaments comme la ciclosporine (Néoral, Sandimmun), la ciprofloxacine (Ciflox), ou encore l’acide folique (Speciafoldine) et les vitamines liposolubles (vitamine A, D, E et K).
Solubilisation dans une substance non résorbée
L’huile de paraffine diminue l’absorption des vitamines liposolubles et augmente ainsi indirectement l’efficacité des antivitamines K.
Solubilisation dans une substance résorbée
La résorption digestive de la griséofulvine (Griséfuline) ou encore des vitamines liposolubles est augmentée par les lipides (huile d’olive, repas gras…).
Mécanisme indirect
Si un médicament agit au niveau du tube digestif en augmentant la vitesse du transit, en diminuant la vidange gastrique ou en modifiant le pH gastrique, il perturbe l’absorption des autres médicaments pris au même moment.
Augmentation de la vitesse du transit
La prise de laxatifs ou de médicaments diarrhéogènes, comme la metformine (Glucophage, Stagid) ou encore l’orlistat (Xenical, Alli), diminue la résorption de médicaments pris conjointement. Par exemple, la littérature fait état de survenue de crises d’épilepsie chez des patients ayant pris de l’orlistat en même temps que le valproate de sodium (Dépakine). Une grande vigilance s’impose donc surtout depuis que l’orlistat est délivrable sans ordonnance.
Diminution de la vidange gastrique
La diminution de la vidange gastrique ralentit l’absorption des médicaments et retarde donc leur effet thérapeutique. Illustrée ici par l’exénatide (Byetta), cette interaction concerne principalement les médicaments présentant des effets anticholinergiques (antihistaminiques H1, antidépresseurs tricycliques, antiparkinsoniens anticholinergiques…). Les médicaments particulièrement sensibles au pH acide dans l’estomac (L-dopa, pénicilline ou formes gastrorésistantes par exemple) sont, plus que d’autres, concernés par la diminution de la vidange gastrique.
Modification du pH gastrique
L’aspirine ou les barbituriques, acides faibles, sont dans l’estomac (milieu acide) sous forme non ionisée, et donc absorbés (seuls les médicaments présents sous forme non ionisée passent à travers les membranes cellulaires). Les médicaments alcalinisants en élevant le pH gastrique diminuent donc leur résorption.
Distribution
« Ce mois-ci, mon INR est trop élevé »
Suite à une thrombose veineuse profonde, Madame S. est sous antivitamine K depuis 10 mois.
Inquiète, elle montre les résultats de sa dernière prise de sang.
– Mon INR est à 3,5 alors que celui-ci était depuis plusieurs mois stabilisé entre 2,2 et 2,5.
– Avez-vous changé d’alimentation ?
– Non.
– Quel traitement prenez-vous ?
– J’ai un diabète de type 2. Je prenais de la metformine, mais mon médecin l’a remplacé le mois dernier par du gliclazide car je ne supporte pas la metformine.
– Le gliclazide est sûrement responsable de l’augmentation de votre INR. Contactez rapidement votre médecin.
ANALYSE DU CAS
La valeur anormalement haute de l’INR et sans doute due à une interaction par compétition entre AVK et gliclazide. En effet, dans le sang, les médicaments circulent :
• soit sous forme libre, active, dans le plasma ;
• soit sous forme inactive liée aux protéines plasmatiques (surtout la sérumalbumine);
• soit adsorbés sur les érythrocytes ou capturés à l’intérieur de ces derniers.
Les conséquences de cette fixation plasmatique sont importantes, car pour les médicaments ayant à leur disposition un nombre restreint de sites de fixation sur l’albumine un phénomène de compétition va s’instaurer lorsque deux médicaments utilisant les mêmes sites sont associés. Il en résulte une augmentation de la forme libre, seule active, des deux médicaments, donc une distribution tissulaire plus importante, c’est-à-dire une potentialisation de leur effet pharmacologique.
Ainsi, dans le cas présent, l’acénocoumarol (Mini-Sintrom) est fixé à 98 % par les protéines plasmatiques, avec donc seulement 2 % de fraction libre active. Associé au gliclazide (Diamicron), aussi fortement lié (à 95 %), sa fraction liée passe de 98 à 96 % et sa fraction libre de 2 à 4 % (soit une augmentation de 100 %) avec un risque hémorragique évident. Il est donc naturel que, dans ces conditions, l’INR ait augmenté. Madame S. doit revoir son médecin généraliste. Il diminuera vraisemblablement la posologie du Mini-Sintrom à 2 comprimés par jour avec vérification de l’INR dans les jours qui suivent. Parallèlement la concentration plasmatique du sulfamide hypoglycémiant a sans doute également augmenté, ce qui pourrait se traduire par des hypoglycémies.
MÉDICAMENTS À FORTE AFFINITÉ POUR LES PROTÉINES DU PLASMA
• Les antivitamines K : acénocoumarol (Sintrom), warfarine (Coumadine), fluindione (Préviscan) : pourcentage de fixation 97 %.
• Les fibrates : fénofibrate (Lipanthyl : 99 %), ciprofibrate (Lipanor : 97 %)…
• Les sulfamides hypoglycémiants : gliclazide (Diamicron : 95 %), glibenclamide (Daonil : 99 %), glimépiride (Amarel : 99 %)…
• Un antiépileptique : valproate de sodium (Dépakine, Dépakote, Micropakine : 99 %).
• Certains AINS : aspirine (90 %), naproxène (Apranax, Naprosyne : 99 %), indométacine (Indocid : 90 %)…
L’association de ces médicaments est donc déconseillée (à moins de tenir compte de leur potentialisation réciproque) et ce d’autant plus qu’ils ont une marge thérapeutique étroite.
Métabolisation
« Je dois prendre en urgence de la rifanpicine car ma nièce a une méningite »
Un jour de garde, une jeune cliente de passage vous tend une ordonnance.
– J’ai été au contact de ma petite nièce qui a été hospitalisée en urgence pour une méningite à méningocoques. Les médecins m’ont prescrit ce traitement en prophylaxie.
Grâce à sa carte Vitale, vous avez accès à son dossier pharmaceutique et vous constatez qu’elle prend régulièrement Melodia.
– Vous prenez toujours Melodia comme contraceptif ?
– Oui. Cela pose un problème ?
– Oui, Rifadine diminue l’efficacité de votre pilule.
ANALYSE DU CAS
Il existe ici un risque d’inactivation du contraceptif oral minidosé (15 µg seulement de 17-alphaéthinylestradiol par comprimé) par la rifampicine, puissant inducteur enzymatique, même pour une administration de 2 jours, car la posologie est élevée. Il est donc prudent, en fonction de la partie du cycle où la patiente se trouve, de lui recommander d’avoir en cas de rapport sexuel une contraception complémentaire (préservatif par exemple) et ce pendant 4 semaines.
PRINCIPE DE L’INTERACTION
Avant leur élimination, la plupart des médicaments sont métabolisés et le plus souvent inactivés par de très nombreux systèmes enzymatiques présents à tous les niveaux et en particulier hépatique. Or, certains médicaments peuvent influer sur ces systèmes enzymatiques et ainsi modifier le métabolisme des médicaments pris conjointement.
Les inducteurs enzymatiques
• Les inducteurs enzymatiques, en augmentant la synthèse de certaines enzymes du métabolisme des médicaments, vont accélérer leur catabolisme, diminuer leur concentration plasmatique et donc, dans la plupart des cas, leur activité.
• Les inducteurs enzymatiques ne sont en général pas spécifiques d’une isoenzyme, et leur action concerne l’ensemble du système du cytochrome P 450.
• L’inducteur enzymatique peut, par ailleurs, être à l’origine d’une augmentation d’un ou de plusieurs effets indésirables du médicament en rapport avec l’augmentation de la concentration plasmatique de son métabolite (ex : augmentation de l’hépatotoxicité par le métabolite de l’isoniazide [Rimifon], en cas d’association à la rifampicine).
• Un inducteur enzymatique peut également augmenter l’effet d’un médicament lorsqu’il transforme la prodrogue en métabolite actif (ex.: clopidogrel).
Principaux inducteurs
• Antiépileptiques : carbamazépine (Tégrétol), oxcarbazépine (Trileptal), phénobarbital (Alepsal, Aparoxal, Gardénal, Kaneuron), primidone (Mysoline), phénytoïne (Di-Hydan).
• Antituberculeux : rifampicine (Rifadine, Rimactan), rifabutine (Ansatipine).
• Antirétroviraux : névirapine (Viramune), éfavirenz (Sustiva), étravirine (Intelence) ritonavir (Norvir), nelfinavir (Viracept)… Ces trois derniers principes actifs sont également des inhibiteurs de certains cytochromes.
• Griséofulvine (Griséfuline).
• Millepertuis (Hypericum perforatum) : Mildac, Procalmil, Prosoft…
• Tabac et alcool en consommation chronique.
Médicaments sensibles
• Les médicaments les plus sensibles à leur action sont ceux qui ont une marge thérapeutique étroite (AVK, antiépileptiques…) ou qui sont peu dosés (contraceptifs oraux minidosés…).
• Attention ! L’effet des inducteurs enzymatiques peut être lent à se manifester (2 à 3 semaines) mais persister également quelques semaines après l’arrêt du médicament.
Les inhibiteurs enzymatiques
• Contrairement aux inducteurs enzymatiques, les inhibiteurs enzymatiques, en inhibant l’action de certaines enzymes du métabolisme des médicaments vont réduire leur métabolisme, augmenter leur concentration plasmatique et exposer le patient à un risque de surdosage avec apparition d’effets indésirables sauf en cas de prodrogue.
• Leur action est plus complexe que celle des inducteurs enzymatiques car ils sont en général spécifiques d’une isoenzyme du cytochrome P 450 (CYP), elle-même spécifique du métabolisme de certains médicaments. On dénombre une trentaine de ces isoenzymes avec principalement quatre qui sont impliquées dans le métabolisme de 90 % des médicaments les plus utilisés : CYP 3A4, CYP 2C9, CYP 2D6, CYP 1A2.
• Les interactions par métabolisation ne sont pas toujours identiques au sein d’une même classe de médicaments. Ainsi, la simvastatine (Lodalès, Zocor) et à un moindre degré l’atorvastatine (Tahor) sont métabolisés majoritairement par le CYP 3A4. Leurs effets indésirables (atteintes musculaires) sont donc augmentés par les inhibiteurs de cette isoenzyme : macrolides sauf la spiramycine, antifongiques azolés, amiodarone (Cordarone)… La fluvastatine (Fractal, Lescol) est métabolisée par le CYP 2C9 et ses effets indésirables sont augmentés par les inhibiteurs de cette isoenzyme : fluvoxamine (Floxyfral), fluoxétine (Prozac)… La pravastatine (Élisor, Vasten) et la rosuvastatine (Crestor) sont très peu métabolisées par ces systèmes et leur prescription devrait donc être favorisée chez les sujets polymédiqués. Cette différence de métabolisation se retrouve également avec les inhibiteurs de la pompe à protons : le pantoprazole (Eupantol, Inipomp, Pantozol control, Pantoloc control) contrairement à l’oméprazole (Mopral, Mopralpro), l’ésoméprazole (Inexium) et le lansoprazole (Lanzor, Ogast), n’est pas un inhibiteur du cytochrome P450 2C19, isoenzyme qui transforme le clopidogrel, prodrogue, en son métabolite actif. L’association clopidogrel-pantoprazole est préférable.
• Les interactions médicamenteuses de ce type sont très difficiles à mémoriser et, dans la pratique, on se contente de retenir les principaux inhibiteurs enzymatiques et de consulter les RCP en cas de doute. Les logiciels pharmaceutiques d’aide à la dispensation sont également très précieux.
Élimination
« Du Nurofen pour soulager mes douleurs »
Une cliente de 60 ans, de passage.
– Je voudrais une boîte de Nurofen 400 pour soulager mes rhumatismes.
– Prenez-vous d’autres médicaments ?
– Oui, je suis aussi diabétique.
Elle présente alors sa dernière ordonnance.
– Au vu de ce traitement, je ne peux pas vous délivrer du Nurofen.
ANALYSE DU CAS
Un risque d’insuffisance rénale fonctionnelle peut être induit par l’anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS). En effet, l’ibuprofène, en inhibant la synthèse des prostaglandines vasodilatatrices, va diminuer la perfusion rénale exposant cette patiente diabétique à un risque d’hypoglycémie (par augmentation de la concentration plasmatique du sulfamide hypoglycémiant) et d’acidose lactique (en rapport cette fois avec la metformine, qui s’accumule également).
La prudence est donc de mise surtout en automédication. Dans l’ignorance de son état rénal, mieux vaut conseiller à la patiente du paracétamol à la posologie de 4 g par jour.
RISQUE D’INSUFFISANCE RÉNALE
De nombreux médicaments sont susceptibles d’altérer la fonction rénale et d’entraîner :
• soit une insuffisance rénale fonctionnelle (qui régressera à l’arrêt du traitement) : AINS, diurétiques, inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), antagonistes de l’angiotensine II (ARA II ou sartans), inhibiteurs de la rénine (aliskirène : Rasilez) ou encore produits de contraste iodés ;
• soit une insuffisance rénale organique (irréversible ou très lentement réversible de façon partielle) : aminosides, certains antiviraux ou anticancéreux, certains immunosuppresseurs…
Cette néphrotoxicité potentielle doit être prise en compte lors de la délivrance des traitements car, de nombreux médicaments étant éliminés par le rein, le risque de surdosage existe : lithium (Téralithe), metformine (Glucophage, Stagid), dextropropoxyphène (Di-Antalvic)…
Il importe donc de s’assurer auprès du patient de l’état de sa fonction rénale ou de vérifier qu’elle est évaluée régulièrement (débit de filtration glomérulaire, clairance à la créatinine, microalbuminurie…). En cas de doute, il est plus prudent de contacter le prescripteur ou de refuser la vente d’un médicament conseil.
AUTRES INTERACTIONS D’ELIMINATION
D’autres types d’interactions médicamenteuses peuvent exister au niveau rénal et entraîner des variations des concentrations plasmatiques des médicaments concernés.
Compétition d’élimination
Les médicaments éliminés activement par le rein (par sécrétion au niveau des tubules rénaux), lorsqu’ils sont associés, entrent en compétition et voient donc leur élimination diminuer et leur concentration plasmatique augmenter.
Parmi les principaux : certains sulfamides, certaines céphalosporines, le probénécide (Bénémide), l’acétazolamide (Diamox), certains antihistaminiques H2, de nombreux antiviraux, la sitagliptine (Januvia, Xélévia), le pramipexole (Sifrol)…
Une interaction médicamenteuse de cette nature vient récemment d’être découverte entre les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) et le méthotrexate : les IPP réduisent l’élimination urinaire du méthotrexate en entrant en compétition avec lui au niveau des protéines de transport impliquées dans sa sécrétion tubulaire active. Par ailleurs, la diminution de l’apport de sodium augmente la réabsorption du lithium au niveau rénal et inversement.
pH urinaire
Les médicaments capables de modifier le pH urinaire (diurétiques, bicarbonate de sodium, inhibiteurs de l’anhydrase carbonique…) interfèrent avec ceux dont la clairance dépend de ce pH (quinidine, hydroquinidine, méthotrexate, aspirine…).
Antagonisme
« Atteinte d’Alzheimer, ma mère a récemment changé de comportement ! »
Madame B., 82 ans, est suivie depuis 2 ans par un neurologue pour une maladie d’Alzheimer prise en charge par Aricept10 mg (donépézil) à raison d’un comprimé le soir. Son état s’est stabilisé : elle peut se nourrir et s’habiller seule. Mais son fils, qui vient la voir régulièrement, est inquiet :
– Ma mère est bizarre aujourd’hui. Elle est agressive et sujette à des hallucinations. Pourtant il y a 3 jours tout allait parfaitement, mis à part son incontinence qui m’a conduit à appeler le médecin de garde.
– Que lui a-t-il prescrit ?
– Ditropan et Spasfon. Pensez-vous qu’il puisse y avoir un rapport ?
– Oui, sans aucun doute. Contactez son médecin généraliste et en attendant, il faut immédiatement arrêter Ditropan.
ANALYSE DU CAS
Le rapide changement de comportement est vraisemblablement lié à l’action seule de Ditropan. Toutefois, Aricept (donépézil) est un anticholinestérasique prescrit dans la maladie d’Alzheimer pour compenser la réduction de la transmission cholinergique cérébrale, et Ditropan (oxybutynine), un antispasmodique anticholinergique ayant une grande affinité pour les muscles lisses de la vessie. Leurs effets sont donc totalement opposés, et il vaut mieux éviter toutes prises d’anticholinergiques chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, qu’ils soient traités ou non, en raison des effets potentiellement néfastes sur l’évolution de la démence.
PRINCIPE DE L’INTERACTION
Les interactions médicamenteuses par antagonisme sont très fréquentes et l’on peut en distinguer deux types.
Antagonisme compétitif
L’antagonisme compétitif s’exerce entre deux médicaments possédant la même affinité pour les mêmes récepteurs, mais avec des effets différents : l’un des deux les stimule contrairement à l’autre. C’est le cas par exemple pour :
• bêtabloquants et bêtastimulants ;
• L-dopa (Modopar, Sinemet) ou agonistes dopaminergiques prescrits avec neuroleptiques identifiés comme tels ou cachés comme certains antiémétiques (antagonistes de la dopamine);
• acétylcholine ou atropine et anticholinergiques. De plus, les anticholinestérasiques utilisés dans la maladie d’Alzheimer (donépézil Aricept, rivastigmine Exelon, galantamine Reminyl), qui visent à augmenter les concentrations en acétylcholine, sont antagonisés par les médicaments aux propriétés anticholinergiques ;
• histamine et analogues avec antihistaminiques : bétahistine (Serc)…
Antagonisme fonctionnel ou physiologique
L’antagonisme fonctionnel ou physiologique intervient entre deux médicaments possédant des effets opposés, mais en agissant sur des récepteurs différents comme, par exemple, des médicaments cholinergiques et des médicaments adrénergiques.
Addition d’effets
« Je n’ai pas dit que j’étais sous Tercian »
Un patient de 30 ans présente une ordonnance pour de l’urticaire.
– Mon dermatologue m’a prescrit ces médicaments, mais j’ai oublié de lui rappeler que j’en prenais d’autres. Cela pose-t-il un problème ?
Le pharmacien consulte l’historique du patient qui est soigné par Tercian 25 mg (cyamémazine), Lepticur 10 mg (tropatépine), Lexomil (bromazépam) et Forlax (macrogol 4000).
– Oui, en effet. Je dois appeler votre dermatologue pour revoir avec lui certains médicaments.
ANALYSE DU CAS
Le traitement habituel prescrit par le psychiatre et l’ordonnance du dermatologue présentent trois interactions par addition d’effets.
Addition des effets torsadogènes
Tercian et Mizollen sont potentiellement torsadogènes. Bien que l’inscription sur la liste des médicaments potentiellement torsadogènes de Mizollen ne soit pas vraiment argumentée et ne l’a été que par analogie avec la terfénadine (Teldane, retiré du marché), ce risque figure au RCP de Mizollen. Il est donc judicieux de contacter le dermatologue afin de remplacer Mizollen par un autre antihistaminique H1 ne posant pas de problème, la lévocétirizine (Xyzall) ou la desloratadine (Aerius) par exemple.
Addition des effets atropiniques
Lepticur, antiparkinsonien anticholinergique prescrit ici pour prévenir le syndrome parkinsonien du neuroleptique (Tercian), et Atarax, antihistaminique H1 aux propriétés sédatives, anxiolytique et anticholinergique, présentent des propriétés anticholinergiques. Il existe un risque de majoration des effets indésirables atropiniques (constipation, déjà prise en charge par Forlax, sécheresse buccale, rétention urinaire…). Il faut donc prévenir le patient de ces risques.
Addition des effets sédatifs
Tercian, Lexomil et Atarax ont des propriétés sédatives. Le patient doit être informé des risques en cas de conduite d’un véhicule, et les deux comprimés d’Atarax seront avalés de préférence le soir en une seule prise.
PRINCIPE DE L’INTERACTION
Les interactions médicamenteuses par addition d’effets se posent lorsque l’on associe des médicaments possédant les mêmes propriétés pharmacodynamiques, ou présentant des effets indésirables communs.
Médicaments torsadogènes
Il s’agit des médicaments susceptibles de provoquer des tachycardies en torsades de pointe se présentant comme des accès intempestifs de tachycardie ventriculaire pendant lesquels le débit circulatoire n’est plus assuré tandis que, dans le même temps, le myocarde s’épuise. Cette tachycardie peut cesser pour reprendre de plus belle par la suite, conduisant parfois à un collapsus cardiovasculaire fatal.
Les facteurs favorisant l’apparition de ces torsades de pointe sont l’association de deux médicaments torsadogènes, mais aussi, l’association à un médicament torsadogène d’un médicament hypokaliémiant ou d’un médicament bradycardisant (élargissant l’espace QT).
Principaux torsadogènes
• Antiarythmiques de la classe Ia : quinidine (Quinimax), hydroquinidine (Sérécor), disopyramide (Rythmodan, Isorythm).
• Antiarythmiques de la classe III : amiodarone (Cordarone), sotalol (Sotalex).
• Certains neuroleptiques :
– phénothiaziniques : chlorpromazine (Largactil), lévomépromazine (Nozinan), cyamémazine (Tercian) ;
– benzamides : amisulpride (Solian), sulpiride (Dogmatil), tiapride (Tiapridal) ;
– butyrophénones : halopéridol (Haldol) ;
– autres : pimozide (Orap).
• Divers médicaments :
– un inhibiteur calcique : bépridil (Unicordium) ;
– un prokinétique : cisapride (Prepulsid, usage hospitalier) ;
– un antihistaminique H1 : mizolastine (Mizollen) ;
– des antibiotiques : moxifloxacine (Izilox), télithromycine (Ketek), clarithromycine (Naxy, Zeclar).
Conduite à tenir
Les associations sont contre-indiquées (ou déconseillés pour les neuroleptiques). Contacter le prescripteur.
Médicaments bradycardisants
Il faut éviter d’associer les médicaments bradycardisants. Ces molécules sont également à utiliser avec prudence chez le sujet âgé (patient présentant souvent un rythme cardiaque déjà diminué) et à éviter avec les médicaments torsadogènes (la bradycardie est un facteur d’allongement de l’espace QT favorisant les tachycardies en torsades de pointe).
Principaux bradycardisants
• Bêtabloquants.
• Antiarythmiques de la classe Ia : quinidine (Quinimax), hydroquinidine (Sérécor), disopyramide (Rythmodan, Isorythm).
• Amiodarone (Cordarone).
• Inhibiteurs calciques non dihydropyridiniques : diltiazem (Diacor, Tildiem), bépridil (Unicordium), vérapamil (Isoptine).
• Anticholinestérasiques utilisés dans la maladie d’Alzheimer : donépézil (Aricept), galantamine (Reminyl), rivastigmine (Exelon).
• Digitaliques.
• Méfloquine (Lariam).
Conduite à tenir
Les associations sont à prendre en compte et à gérer au cas par cas.
Médicaments hypokaliémiants et hyperkaliémiants
Les variations de la kaliémie (dont les valeurs normales sont comprises entre 3,8 et 5,0 mmol/l) peuvent avoir pour le patient de graves conséquences, notamment cardiaques.
Hyperkaliémiants
• L’hyperkaliémie est potentiellement létale en particulier chez l’insuffisant rénal chronique et chez l’insuffisant cardiaque bénéficiant d’un traitement associant :
– régime sans sel (qui diminue les possibilités de sécrétion d’ions potassium dans le tube distal) ;
– bloqueur du système rénine angiotensine (inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) ou antagoniste de l’angiotensine II (ARA II) hyperkaliémiant) ;
– bêtabloquant (qui diminue la sécrétion de rénine) ;
– antialdostérone (hyperkaliémiant).
D’autre part, le risque d’hyperkaliémie est particulièrement important avec les diurétiques épargneurs de potassium, notamment lorsqu’ils sont associés entre eux ou avec des sels de potassium. L’association d’un IEC et d’un AINS est à moindre risque.
• Principaux hyperkaliémiants :
– diurétiques d’épargne potassique : antialdostérone vraie ou pseudo-antialdostérone ;
– chlorure de potassium (Kaleorid, Diffu-K) ;
– sels de régime ;
– IEC et ARA II (sartans) ;
– AINS (diminution de sécrétion des prostaglandines à action rénale) ;
– médicaments contenant plus de 1mmol de potassium par unité de prise (soit 39 mg de potassium par unité de prise) comme Veinobiase ;
– ciclosporine (Néoral, Sandimmun), tacrolimus (Prograf, Advagraf…) ;
– triméthoprime (Bactrim) ;
– héparines.
Les bêtabloquants ne sont pas à proprement parler des médicaments hyperkaliémiants, mais ils peuvent avoir cette action en diminuant la sécrétion de rénine.
L’intoxication aiguë aux digitaliques provoque des troubles ECG liés à l’inhibition de l’ATPase membranaire.? Cette inhibition entraîne une hyperkaliémie se traduisant par une déplétion potassique intracellulaire.
Hyperkaliémiants
• L’hypokaliémie potentialise le risque d’apparition de tachycardie en torsade de pointe et accroît les effets toxiques des digitaliques.
• Principaux hypokaliémiants :
– diurétiques hypokaliémiants : furosémide (Lasilix), bumétanide (Burinex), pirétanide (Eurelix), hydrochlorothiazide (Esidrex), indapamide (Fludex), ciclétanine (Tenstaten), chlortalidone (dans les associations Ténoretic, Trasitensine, Logroton) ;
– laxatifs stimulants : bisacodyl (Contalax, Dulcolax), docusate de sodium (Jamylène), laxatifs anthraquinoniques à base de bourdaine, cascara… (Dragées Fuca, Pursennide, Modane, Sénokot, Péristaltine, Tamarine, Herbesan…) ;
– amphotéricine B (Fungizone) en IV ;
– glucocorticoïdes ;
– tétracosactide (Synacthène) ;
– bêta-2-mimétiques à fortes doses.
Conduite à tenir
Il faut surveiller étroitement la kaliémie et donner des conseils diététiques pour limiter ou augmenter les apports en potassium (légumes et fruits secs).
Médicaments anticholinergiques
La connaissance des médicaments aux propriétés anticholinergiques est essentielle puisque leur association va additionner leurs effets indésirables, à savoir : sécheresse de la bouche, troubles de l’accommodation, rétention urinaire, constipation, tachycardie.
Ces médicaments, que l’on dit également atropiniques, sont très nombreux et peuvent appartenir à des classes pharmacologiques différentes.
Principaux anticholinergiques
• Antihistaminiques H1 sédatifs présents dans de nombreuses spécialités conseils : doxylamine (Noctyl, Donormyl, Lidène…), diphénhydramine (Actifed jour et nuit, Nautamine…), phéniramine (Fervex), mais aussi dans l’hydroxyzine (Atarax)…
• Antitussifs anticholinergiques (Broncalène, Fluisédal, Hexapneumine nourrisson, Rhinathiol prométhazine, Théralène, Toplexil…)
• Antiparkinsoniens anticholinergiques : trihexyphénidyle (Artane, Parkinane), bipéridène (Akineton)…
• Antidépresseurs imipraminiques : clomipramine (Anafranil), imipramine (Tofranil), amitriptyline (Laroxyl)…
• Antispasmodiques atropiniques : tiémonium méthylsulfate (Viscéralgine), scopolamine (Scoburen, Scopoderm) ;
• Bronchodilatateurs anticholinergiques : ipratropium bromure (Atrovent), tiotropium bromure (Spiriva) ;
• Neuroleptiques phénothiaziniques : chlorpromazine (Largactil), lévomépromazine (Nozinan), cyamémazine (Tercian)…
• Disopyramide (Rythmodan, Isorythm) ;
• Clozapine (Leponex).
Conduite à tenir
Eviter si possible l’association ou prévenir le patient des risques d’effets indésirables. Associer éventuellement des médicaments correcteurs (laxatifs, substituts salivaires…).
Médicaments sérotoninergiques
Le syndrome sérotoninergique correspond à un excès de sérotonine au niveau des neurones cérébraux. Ce phénomène se produit habituellement lorsque l’on associe deux ou plusieurs médicaments modificateurs de la sérotonine, mais il a également été signalé avec un seul médicament. Il se manifeste par l’apparition éventuellement brutale, simultanée ou séquentielle, d’un ensemble de symptômes pouvant nécessiter l’hospitalisation, voire entraîner le décès. Ces symptômes peuvent être d’ordre :
• psychique (agitation, confusion, hypomanie, coma) ;
• moteur (myoclonies, tremblements, hyperréflexie, rigidité, hyperactivité) ;
• végétatif (hypo- ou hypertension, tachycardie, hyperthermie, sueurs, frissons) ;
• digestifs (diarrhée).
Principaux sérotoninergiques
La liste des médicaments impliqués est longue. Il s’agit le plus souvent de psychotropes. Il faut surtout se méfier de l’association de plusieurs médicaments à composante sérotoninergique et principalement des inhibiteurs de la monoamine-oxydase (IMAO) :
• IMAO non sélectif : iproniazide (Marsilid) ;
• IMAO sélectif :
– IMAO A : moclobémide (Moclamine) ;
– IMAO B : sélégiline (Déprényl) et rasagiline (Azilect) ;
lorsqu’ils sont associés avec :
• un antidépresseur sérotoninergique pur : fluoxétine (Prozac), paroxétine (Deroxat), fluvoxamine (Floxyfral), sertraline (Zoloft), citalopram (Seropram), escitalopram (Séroplex) ;
• un antidépresseur mixte (adrénergique et sérotoninergique) : clomipramine (Anafranil), imipramine (Tofranil), amitriptyline (Laroxyl), milnacipran (Ixel), duloxétine (Cymbalta), tianeptine (Stablon), venlafaxine (Effexor), mirtazapine (Norset) ;
• le lithium (Téralithe). Une potentialisation du syndrome sérotoninergique est également retrouvée en cas d’association d’un inhibiteur de la recapture de la sérotonine (IRS) avec le lithium ;
• la péthidine (Dolosal) ;
• le tramadol (Topalgic, Contramal, Zamudol, Biodalgic, Zumalgic, mais aussi Ixprim et Zaldiar) ;
• le dextrométhorphane (Tuxium et de nombreux sirops conseils). Attention, pas d’interaction médicamenteuse avec les IMAO B. Toutefois cette interaction est mentionnée dans le RCP d’Azilect, mais pas dans celui de Déprényl.
Conduite à tenir
Les associations sont contre-indiquées. Prévenir le prescripteur.
Médicaments dépresseurs du SNC
Leur association peut générer un trop grand effet dépresseur avec le plus souvent une altération de la vigilance pouvant être dangereuse en cas de conduite de véhicules.
Principaux sédatifs
• La plupart des psychotropes : neuroleptiques, benzodiazépines, anxiolytiques autres que les benzodiazépines, hypnotiques, antidépresseurs sédatifs.
• Les antihistaminiques H1 sédatifs anticholinergiques.
• Les analgésiques morphiniques.
• Les antitussifs opiacés.
• Le traitement de sevrage aux opiacés : méthadone (Méthadone AP-HP) et buprénorphine (Subutex).
• Les antihypertenseurs centraux : clonidine (Catapressan), méthyldopa (Aldomet), moxonidine (Physiotens), rilménidine (Hyperium).
• L’alcool.
• Autres : baclofène (Liorésal), pizotifène (Sanmigran)…
Conduite à tenir
Prévenir le patient du risque de somnolence notamment en cas de conduite de véhicules. Il existe en plus sur les boîtes trois pictogrammes de couleurs différentes représentant les trois niveaux de risque pour la conduite d’un véhicule.
Autres cas
La liste des interactions par addition d’effet est longue. Parmi celles qui n’ont pas encore été citées, certaines sont fréquentes et potentiellement dangereuses :
• les associations de médicaments aux propriétés anticoagulantes comme les antivitamines K, les AINS, l’aspirine, les héparines… potentiellement hémorragiques ;
• l’association des statines et des fibrates, qui expose à un risque accru de rhabdomyolyse ;
• l’association de médicaments aux propriétés vasodilatatrices (alphabloquants…) susceptibles d’entraîner des hypotensions orthostatiques ;
• l’association de médicaments aux propriétés vasoconstrictrices (dérivés vasoconstricteurs de l’ergot de seigle, triptans…) susceptibles d’entraîner des risques d’HTA, d’angor ou encore d’ergotisme.
Les quatre niveaux de contrainte des IM
• Association contre-indiquée : de caractère absolu, l’association ne doit en aucun cas être transgressée sous peine de la survenue d’un accident iatrogénique potentiellement grave.
• Association déconseillée : l’association doit être évitée sauf après un examen approfondi du rapport bénéfice/risque et impose une surveillance étroite du patient.
• Association nécessitant des précautions d’emploi : l’association est possible dès lors que sont respectées des recommandations simples pour éviter la survenue de l’interaction (ex : délai de 2 heures entre les prises des médicaments, surveillance biologique…)
• Association à prendre en compte : le risque d’interaction existe, mais peut être pris en compte avec le signalement au patient des additions d’effets indésirables possibles (ex : deux médicaments aux propriétés laxatives).
Les bases de données médicamenteuses
Les principales bases de données médicamenteuses intégrées dans les logiciels de gestion utilisés en pharmacie sont la Banque Claude-Bernard (RESIP, Recherche et étude en systèmes informatiques professionnels), ClickaDoc (OCP), DataSEMP (Vidal), Officialis (OCP), Thériaque (CNHIM, Centre national hospitalier d’information sur les médicaments) et Mediquick (Drugsoft). Ces bases de données doivent être en conformité avec le Thésaurus de l’Afssaps en matière d’interactions médicamenteuses, celui-ci étant remis à jour deux fois par an. Lorsque les médicaments ne sont pas mentionnés dans le Thésaurus, les bases de données utilisent d’autres sources d’informations, comme les résumés des caractéristiques du produit (RCP). Or, certains RCP étant anciens, les interactions médicamenteuses ne sont pas toujours clairement identifiées. Dans ce cas, des éditeurs, comme le CNHIM et le RESIP, interprètent les données du RCP pour déterminer les possibles interactions médicamenteuses.
Par ailleurs, attention au réglage des niveaux d’interactions : certains peuvent avoir été bloqués volontairement lors de l’installation. Les niveaux d’interaction les plus faibles ne sont donc pas toujours signalés par les logiciels.
Toutes les voies sont concernées
De nombreuses interactions sont retrouvées non seulement pour la voie orale mais aussi pour d’autres voies.
Voie cutanée
En application cutanée, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) pyrazolés, comme la phénylbutazone, peuvent augmenter le risque hémorragique des anticoagulants oraux. Leur association est donc contre-indiquée, tout comme l’association phénylbutazone par voie cutanée et méthotrexate.
Voie rectale
• La catiorésine sulfosodique (Kayexalate) administrée par voie rectale de façon concomitante avec le sorbitol (par voie orale ou rectale) peut être à l’origine de nécrose colique, pouvant être fatale (association déconseillée).
• Les glucocorticoïdes par voie rectale ne doivent pas être associés à l’injection d’un vaccin vivant atténué (association déconseillée) en raison du risque de maladie vaccinale généralisée, potentiellement mortelle.
• La corticothérapie à fortes doses par voie rectale ou en traitement prolongé supérieur à 10 jours a également un impact éventuel sur le métabolisme des anticoagulants oraux en raison du risque hémorragique propre à la corticothérapie (muqueuse digestive, fragilité vasculaire).
• En cas de traitement par insuline, sulfamides hypoglycémiants ou metformine, les glucocorticoïdes par voie rectale peuvent augmenter la glycémie, avec parfois acidocétose (diminution de la tolérance aux glucides par les corticoïdes).
Voie oculaire
Les bêta-bloquants en collyre sont contre-indiqués avec la floctafénine (Idarac) : voir l’encadré Autres interactions médicamenteuses page 15.
Voie respiratoire
Les médicaments administrés sous forme d’aérosol peuvent également interagir avec d’autres médicaments. Les béta-2-mimétiques peuvent diminuer l’efficacité de l’insuline et des sulfamides hypoglycémiants. Les corticoïdes et les bronchodilatateurs atropiniques peuvent interagir avec d’autres molécules comme lors de leur administration par voie générale.
Voie vaginale
Tout traitement local vaginal est susceptible d’inactiver les spermicides utilisés comme contraception locale (association déconseillée).
Ordonnance piège
Délivreriez-vous cette ordonnance ?
Oui, mais il existe un risque de bradycardie excessive par addition des effets bradycardisants de l’aténolol et du donépézil. Il ne s’agit pas d’une contre-indication mais il faut s’assurer d’une surveillance clinique et électrocardiographique. Il est possible en cas de bradycardie excessive de remplacer l’aténolol par un bêta-bloquant cardiosélectif, mais avec activité sympathomimétique intrinsèque : acébutolol (Sectral) ou nébivolol (Témérit).
Ordonnance piège
Délivreriez-vous cette ordonnance ?
Non. Le problème est lié à la prescription de Veinobiase. Depuis l’étude RALES en 1999, il est fréquent de trouver associé dans le traitement de l’insuffisance cardiaque sévère un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) à la spironolactone car, utilisés seuls, les IEC ne maîtrisent qu’imparfaitement l’hyperaldostéronisme de l’insuffisance cardiaque. Toutefois, ces deux médicaments nécessitent une surveillance biologique accrue de la kaliémie. L’association est donc possible sous surveillance. Le problème vient ici de la coprescription de Veinobiase pour la prise en charge de l’insuffisance veineuse. En effet, ce médicament est effervescent et contient 391 mg de potassium par comprimé. A ce titre, il est contre-indiqué avec les diurétiques hyperkaliémiants. Veinobiase étant le seul à contenir du potassium, il peut être remplacé par n’importe quel autre veinotonique.
Ordonnance piège
Délivreriez-vous cette ordonnance ?
Non, la prise concomitante de moclobémide, inhibiteur de la monoamine-oxydase A, et de tramadol, qui inhibe le recapture de la noradrénaline et de la sérotonine, est contre-indiquée en raison du risque d’apparition d’un syndrome sérotoninergique : diarrhée, sueurs, tremblements, confusion, voire coma.
Autres interactions médicamenteuses
Certaines interactions médicamenteuses, parfois importantes, n’ont pas pu être abordées, soit parce qu’elles échappent à la classification retenue soit parce que leur mécanisme d’action est inconnu. Citons-en quelques-unes :
• digitaliques et calcium en IV : graves risques de troubles du rythme (fibrillation auriculaire) ;
• bêtabloquants et floctafénine (Idarac) : les bêtabloquants, en particulier les non-sélectifs, sont suceptibles d’aggraver le collapsus cardio-vasculaire en cas de choc anaphylactique à la floctafénine (ils réduisent les réactions cardiovasculaires de compensation). Ils sont donc, par prudence, contre-indiqués en association avec l’Idarac (y compris en collyre) ;
• allopurinol et amoxicilline ou ampicilline : risque majoré d’allergie cutanée (mécanisme inconnu) ;
• médicaments de l’insuffisance érectile (Viagra, Lévitra, Cialis) et dérivés nitrés, nicorandil et molsidomine : risque d’hypotension majeure (par effet synergique) pouvant aggraver l’ischémie myocardique et provoquer un accident coronarien aigu.
Délivreriez-vous ces ordonnances ?
Non. L’association de Lipur et de Novonorm est contre-indiquée en raison d’un risque d’hypoglycémie majeur. Le gemfibrozil est un inhibiteur du cytochrome P450 2C8, l’un des deux isoenzymes métabolisant le répaglinide (l’autre étant le CYP 3A4). Parmi les fibrates, Lipur est le seul à être contre-indiqué : aucune autre observation d’interaction n’a été rapportée avec les autres fibrates.
Le gemfibrozil peut également potentialiser les antivitamines K (par compétition au niveau de leur fixation aux protéines plasmatiques). L’INR doit être surveillé à l’instauration ou à l’arrêt des traitements ainsi qu’aux changements de dose.
Oui. Toutefois, il existe une interaction médicamenteuse entre le ranélate de strontium et la loméfloxacine. Cette interaction figurant au RCP de Protelos précise : « Dans la mesure où les cations divalents peuvent former des complexes avec les tétracyclines et les quinolones orales au niveau gastro-intestinal et ainsi réduire leur absorption, l’administration simultanée du ranélate de strontium avec ce type de médicaments n’est pas recommandée. Par mesure de précaution, le traitement par Protelos devra être suspendu lors de la prise par voie orale de tétracyclines ou de quinolones. »
Il faut aussi respecter un intervalle de 2 heures entre les prises respectives de Protelos et d’Idéos, le calcium pouvant réduire la biodisponibilité du ranélate de strontium.
Non. L’association dans cette ordonnance de deux alphabloquants (la prazosine dans le traitement de l’hypertension artérielle et la tamsulosine dans le traitement des symptômes fonctionnels de l’hypertrophie bénigne de la prostate) majore le risque d’hypotension orthostatique sévère. Et ce, d’autant plus que CoKenzen présente également comme effet indésirable l’hypotension orthostatique.
Quelques recommandations pour limiter les interactions médicamenteuses
• Etre particulièrement vigilant lors de la délivrance de médicaments « à risque » : antivitamines K, antiépileptiques, antiarythmiques, digitaliques, sulfamides hypoglycémiants…
• Lors de l’ajout de médicaments, vérifier si ceux-ci ne risquent pas de déséquilibrer le traitement (ex. : antivitamines K).
• Etre très attentifs aux patients à risque : sujets âgés souvent polymédiqués, insuffisants rénaux…
• Attention à l’automédication ! Regarder systématiquement le dossier pharmaceutique du patient et l’interroger sur ses pathologies.
• Tenir à jour la base de données de son logiciel de dispensation tout en ne lui faisant pas une confiance aveugle.
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