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Pharma, c’est pour eux !
Par Pascal Ambrosi, Jean-Luc Decaestecker, Jean-Philippe Dejean, Dominique Fonsèque-Nathan, Catherine Grison, Olivier Jacquinot, Jean-Claude Pennec, Marc Pouiol, Jean-Jacques Talpin, Frédéric Thual et Serge Trouillet
« Pharma, c’est pour moi ! » La toute récente campagne de l’Ordre sur les métiers de la pharmacie ne s’est pas trompée de slogan. « Le Moniteur » s’en est rendu compte en réalisant un tour de France des facultés. De Paris à Marseille, nous avons rencontré des futurs pharmaciens pleins d’enthousiasme. A l’heure du démarrage de la première année commune des études de santé, voici un constat plus tonique qu’une cure de vitamines.
Pourquoi avez-vous choisi pharma ? » Voilà la question toute simple que nous avons posée aux étudiants en pharmacie que nous avons rencontrés. Les motivations d’un Parisien sont-elles les mêmes que celles d’un Rémois ? Et d’ailleurs, quand on parle de motivation, le terme est-il bien choisi ? Aujourd’hui fait-on pharma par dépit ou par envie ? La situation économique est moins florissante qu’à une époque, l’emploi moins assuré et la voie royale moins tracée. L’installation, rêve de la plupart des officinaux, nécessite plus de patience et de résignation qu’à une certaine époque. Loin d’être insouciants, les jeunes en ont parfaitement conscience. Ils nous ont parlé de tout : de nouvelles missions, d’exercice en association, de monopole, de grande distribution et même de l’envie de faire un petit détour par l’industrie ou la recherche. Bref, bien ancrés dans la réalité, au courant de l’actualité de leur futur métier, ils nous ont bluffés par leur maturité. Et surtout, surtout, ils ont la niaque. Prenons donc exemple sur eux.
Florentin Normand, nouveau président de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF), 5e année, Lille
« Nous trouverons un terrain d’entente avec les médecins »
Le nouveau président de l’ANEPF, Florentin Normand, a d’abord envisagé d’intégrer Saint-Cyr avant de se lancer dans des études de pharmacie. « J’ai finalement choisi pharma parce que j’avais suivi une prépa en physique-chimie et qu’il était logique pour moi de suivre des études de santé puisque mon père était médecin, lequel m’a d’ailleurs déconseillé de suivre sa trace », explique Florentin Normand. Il a opté pour l’internat afin de travailler plus tard soit à l’hôpital, soit dans un laboratoire d’analyses médicales.
Ce qu’il préfère dans le métier, « c’est le relationnel, le service à l’autre ». Quant à ce qu’il aime moins, il ne trouve rien à dire : « Le métier a tellement de diversités, de possibilités de débouchés que chacun peut y trouver son compte. ». Son avenir en tant que pharmacien ne l’inquiète nullement. « L’officine a un grand avenir, affirme Florentin Normand. C’est à nous, les étudiants, d’accompagner son évolution. »
En tant que président de l’ANEPF, Florentin Normand est devenu le porte-parole d’une génération d’étudiants pour qui l’avenir semble grand ouvert et plein de promesses. « La profession sait et saura s’adapter. Elle est féconde en propositions et elle l’a montré par sa diversité, s’enthousiasme-t-il. La loi HPST est va permettre au pharmacien de reprendre sa place au sein du parcours de santé. » L’étudiant affiche une confiance sereine même sur la question des relations avec les médecins : « Nous trouverons un terrain d’entente, d’ailleurs nous travaillons déjà avec les étudiants de l’Association nationale des étudiants en médecine de France. Quant à la première année commune des études de santé, les étudiants de l’ANEPF l’ont accompagnée et nous avons entamé une évaluation de sa mise en place dans toutes les facultés de pharmacie. »
Sûrs d’eux, les potards sont décidés à ne pas s’en laisser conter. Il suffit pour s’en convaincre de lire l’étude sans concession qu’ils ont réalisée sur les quatre stages qui rythment leur cursus universitaire (voir Le Moniteur n° 2849). Ils participent de même aux travaux d’intégration des études de pharmacie dans le système Licence Master Doctorat.
Interrogé sur la question de la vente de médicaments sur Internet, Florentin Normand s’interroge : « Est-ce utile au vu du maillage territorial ? Nous sommes d’accord pour créer un site d’information qui joue un rôle de prévention et de santé publique, mais Internet ne remplacera pas la relation humaine. » Il est quand même un domaine sur lequel ces étudiants touche-à-tout ont choisi délibérément de ne pas s’exprimer, c’est celui de l’économie : holdings, SEL, EHPAD… « Ces sujets nous intéressent. Nous en informons les étudiants et nous accompagnons le débat, mais nous ne prenons pas partie car ce n’est pas notre rôle », Florentin Normand. Pour l’heure, ce qui les interpelle, c’est le rapport Attali préconisant la suppression du numerus clausus. « On y réfléchit car cela signifie une remise en cause de notre système », conclut le président de l’ANEPF.
Mathieu Valentin, 6e année, Reims
« Un choix par défaut pleinement assumé »
Après s’être présenté sans succès à deux reprises à l’internat, Mathieu Valentin s’est inscrit en 6e année option « officine ». Un choix par défaut mais qu’il assume pleinement. « Certes, au fil des années de formation je me suis rendu compte préférer le milieu hospitalier à l’officine car travailler en étroite collaboration avec les équipes médicales correspondait à mes attentes, d’autant que j’avais une relative appréhension du contact direct avec les patients », explique-t-il. Mais des stages successifs, toujours dans la même officine, lui ont fait perdre sa timidité et permis de découvrir un univers qui lui convient. « En dialoguant avec les collègues, j’ai constaté que, de plus en plus, le praticien officinal occupe une place réelle dans la chaîne de santé en apportant ses conseils, sa compétence, qui dépassent la simple délivrance de médicaments », déclare Mathieu, qui ne sait pas encore quel sera son avenir. « L’installation devient de plus en plus difficile aujourd’hui compte tenu du resserrement des conditions d’accès aux prêts bancaires, à moins de s’associer », analyse-t-il, sachant que, de toute façon, quelques années de collaboration en tant qu’adjoint sont utiles, sinon indispensables, pour parfaire sa formation. Mathieu Valentin aime à se souvenir qu’adolescent il souhaitait devenir écrivain (« Mais ce n’est pas un métier ? », disaient mes parents) ou paléontologue.
Matthieu Septfonds, 5e année, Tours
« J’ai toujours baigné dans ce milieu »
« Mes parents étant tous les deux officinaux près d’Orléans, j’ai toujours baigné dans ce milieu. A l’origine, je pensais me diriger vers une école de commerce. Mais, en terminale, j’ai fait le choix d’une carrière scientifique. Je voulais notamment m’orienter vers le domaine de la santé et j’ai donc logiquement intégré pharma. Et là j’ai opté pour l’officine car c’est pour moi un endroit idéal pour rencontrer des patients en face-à-face tout en déployant une stratégie commerciale. Le pharmacien possède toujours une belle image, porteuse d’avenir et de développement. Il est dommage que cette image soit mal connue y compris chez les étudiants eux-mêmes. Mais il est vrai qu’il y a des craintes. Beaucoup ont peur de ne pas avoir un apport suffisant pour acheter un fonds ou de s’endetter lourdement pendant très longtemps. Il y a aussi la concurrence des parapharmacies, l’offensive de la grande distribution, la création de pharmacies low cost. Tout cela peut peser sur les perspectives de développement. Cette crainte est visible à la faculté de pharmacie de Tours : il y a quelques années encore, le choix en faveur de l’officine prédominait. Aujourd’hui, c’est l’industrie qui l’emporte largement. Les étudiants ont l’impression que le métier y est beaucoup moins risqué. Mais je crois malgré tout à l’officine. Certes, le métier a changé et va encore évoluer. Il faut donc être prêt à s’adapter. Je commence à m’interroger sur mon parcours ultérieur avec bien sûr un passage par l’assistanat comme première étape. Ensuite, tout reste ouvert… ».
Maxime Mola, 5e année, Marseille
« J’ai choisi la filière officine car elle est complète »
Vice-président sortant de la corpo, Maxime Mola est un jeune homme convaincu : « Pharmacien est le deuxième métier préféré des Français après celui de pompier. Moi, je ferai les deux. Dès que j’aurai mon diplôme, je m’engagerai comme volontaire. » Elève doué, Maxime Mola n’a pas longtemps hésité avant de choisir sa voie. Avec sa mère, directrice d’une maison de retraite – « où j’ai quasiment grandi », – il a forgé son « goût pour le contact avec les patients, l’idée de leur rendre service ». Son choix s’est affiné avec son père, représentant puis directeur d’un laboratoire d’hygiène buccodentaire. « Il avait beaucoup d’amis pharmaciens. J’ai aimé ce qu’ils me racontaient de leur pratique d’acteurs de santé, explique Maxime. J’ai choisi la filière officine parce qu’elle est très complète. Elle permet à la fois d’aider et de conseiller les patients, de gérer une équipe, de faire du commercial, de la gestion d’entreprise. » Pour forger sa décision, le jeune homme travaille tous les étés dans une officine varoise. « La titulaire est formidable. Elle a une bonne vision de la pharmacie et passe du temps à me former au rôle de titulaire que je serai quand j’aurais gagné suffisamment d’argent pour prendre des parts dans une officine. »
Malgré les dangers qui planent sur le secteur, Maxime est optimiste : « Il y aura toujours de la place pour ceux qui font bien leur travail, mettent le patient au centre de leurs préoccupations et savent conjuguer économie de l’entreprise et nécessité d’être un acteur de santé incontournable. »
Alice Huet, 6e année, Lille
« Je ne vais pas commencer ma carrière par me plaindre »
« J’ai toujours aimé la chimie et les sciences de la vie, avec un intérêt particulier pour les médicaments et le fonctionnement du corps humain. » Une motivation classique pour s’engager dans des études de pharmacie. Alice Huet imaginait au départ se diriger vers la recherche. Mais, à 22 ans, elle est aujourd’hui en sixième année et aura rapidement préféré l’exercice officinal aux microscopes : « En troisième année, j’ai fait un stage dans un labo de la fac et, du coup, seule derrière ma paillasse, cela m’enchantait beaucoup moins. Je préfère le contact, l’écoute des clients, le conseil. Je me sens bien à l’officine. » Et comme la gestion d’entreprise ne la rebute pas, elle songe à une installation : « Le travail en équipe, le management des ressources humaines, gérer une boîte, c’est quelque chose qui me plaît, qui me stimule. J’aimerais bien m’installer quand les finances suivront. Actuellement, ce ne sera pas possible, mon compte épargne ne va pas y suffire ! De mes différentes rencontres avec de jeunes installés, je pense qu’on a quand même la possibilité de racheter un fonds, seul ou en association. Le métier évolue avec la loi HPST qui ouvre la voie à de nouvelles missions, à la possibilité de devenir pharmacien référent, avec des actions à mener en prévention et en dépistage. La place du pharmacien dans le dispositif de santé sera peut-être un peu plus centrale avec la possibilité demain d’avoir des actes pharmaceutiques et une nouvelle légitimité. Je préférerais m’installer dans un quartier populaire, synonyme pour moi d’un moindre anonymat, mais le travail en centre commercial est aussi stimulant, dynamisant. On entend souvent parler de déremboursements, de petites pharmacies pour lesquelles c’est dur. » Consciente de ce qui l’attend, Alice ne se plaint pas : « Je ne vais quand même pas être pessimiste à 22 ans ! Ce sera peut-être un peu plus difficile qu’il y a 10 ou 20 ans, mais tant que l’intégrité du pharmacien n’est pas menacée par les intérêts financiers et que son indépendance est garantie, je suis confiante. Ce n’est peut-être plus l’âge d’or financier, mais je ne vais pas commencer ma carrière par me plaindre ! »
Nicolas Négro, 5e année, Châtenay-Malabry
« La perspective d’être mon propre patron m’a poussé vers cette filière »
« Je voulais exercer un métier de santé. Mon père est kinésithérapeute et ma mère infirmière », explique Nicolas Négro, vingt-deux ans.
« La perspective d’être mon propre patron m’a poussé vers cette filière. J’ai été séduit par ce métier à plusieurs facettes qui exige de multiples qualités pour remplir à la fois un rôle de chef d’entreprise, de manager et de commercial. »
La possibilité d’avoir un poste stable et bien rémunéré a également agi en faveur de l’officine chez cet entrepreneur en herbe. « Mon objectif est clair, adjoint pendant quatre à cinq ans puis titulaire, plutôt dans une pharmacie de quartier assez grande pour être compétitive en termes de prix et de gammes proposées, associé dans un premier temps et ensuite investisseur dans d’autres officines », expose Nicolas. Nous avons la chance d’avoir de nouveaux horizons grâce à la loi HPST et de pouvoir développer l’activité de l’officine avec de nouvelles missions et plus tard une rémunération spécifique non axée sur le seul médicament. Je suis donc confiant pour l’avenir avec néanmoins quelques inquiétudes sur les stratégies et mesures successives prises par les politiques. Heureusement, les pharmaciens ont compris l’intérêt de freiner certaines pratiques comme le libre accès non contrôlé, l’investissement type Leclerc et tout ce qui peut ternir l’image de la profession en rendant le pharmacien esclave de la rentabilité au détriment de la santé publique. »
Julie Peyras, 6e année, Lyon
« Servir, être utile »
Julie Peyras, 25 ans, va bientôt démarrer son stage de dernière année. Elle s’apprête donc, dès l’an prochain, à devenir adjointe. « J’aimerais exercer à Lyon ou dans les environs, de préférence dans une officine de quatre à cinq personnes avec une clientèle de village ou de quartier car on peut connaître les gens, les suivre dans leur vie quotidienne. » Selon Julie, sur une promotion de 230 étudiants inscrits en 6e année à Lyon, à peine 70 à 80 ont opté pour l’officine à la sortie de leurs études.
Rien ne destinait Julie à devenir pharmacienne. Avec un bac littéraire en poche, elle se préparait, il y a six ans, via Sciences-Po, à devenir journaliste. Déchantant très vite, elle a alors l’idée d’opter pour une profession de santé et de préférence la pharmacie. Ses premiers pas ne sont pas simples, ingurgitant cours par correspondance et remises à niveau diverses pour réussir le concours (216 ont été retenus pour 700 candidats). « L’essentiel est de limiter la casse dans ses points faibles », se souvient-elle.
Dès la seconde année Julie s’est sentie dans son élément et a visé l’officine. « Le côté santé m’a toujours attiré ; c’est servir, être utile. » Les années d’études et les stages qui suivent ne font que la conforter dans l’idée qu’elle ne s’est pas trompée d’orientation. Quant à l’avenir du métier, et les tendances actuelles de le banaliser ou de le contourner, l’étudiante se montre inquiète. « Je redoute que le métier soit encore plus déprécié qu’aujourd’hui. »
Fakih Chadi, 4e année, Bordeaux
« J’ai su dès le collège que je serai pharmacien »
Fakih Chadi, originaire de Côte d’Ivoire, a eu très tôt envie de devenir un professionnel de santé. C’est donc tout naturellement, alors qu’il était collégien, que ses parents l’ont envoyé chez l’un de ses oncles à Lège-Cap-Ferret (Gironde) effectuer un stage dans une officine. « J’ai toujours été attiré par la médecine et la pharmacie. Mais quand j’ai fait mon stage de troisième, j’ai compris que je serai pharmacien, cela fut une vraie découverte. J’ai beaucoup aimé le relationnel, le contact avec les autres, le patient et la possibilité d’aider. J’ajoute que j’ai également toujours considéré comme très important de connaître les médicaments, car ça aide dans la vie courante », explique Fakih.
Agé aujourd’hui de 21 ans, il a ensuite fait d’autres stages en officine. Autant d’expériences qui n’ont fait que confirmer sa vocation. Pour autant, Fakih s’est promis de passer par l’industrie, en production ou marketing, et entend bien suivre cette filière en 5e année. « J’ai envie de travailler dans un grand laboratoire avant d’ouvrir mon officine et de devenir mon propre patron », commente-t-il. L’évolution du métier et les difficultés des officinaux ne l’inquiètent pas trop. « On peut avoir une vraie vie de famille en étant bien payé, même si les études sont longues. » Fakih discute quand même avec ses condisciples des problèmes de financement de la Sécurité sociale, mais se sent plus touché par la réforme du cursus des études de pharmacie. Même s’il n’est pas directement concerné, l’ouverture du cursus, notamment aux étudiants en médecine, l’inquiète un peu.
Ahmed Bouamrane, 5e année, Châtenay-Malabry
« Libre dans ses choix et ses décisions, c’est ce qui me plaît énormément dans ce métier »
« J’ai découvert ce métier au cours de mes stages alors que je me destinais initialement à la synthèse organique des médicaments. L’environnement officinal et le travail au sein d’une équipe sympa m’ont tout de suite motivé à changer d’orientation. Issu d’une famille de médecins, j’ai toujours préféré la thérapeutique à la clinique. Or un officinal est avant tout un professionnel de santé spécialiste du médicament. C’est aussi un libéral, c’est-à-dire libre dans ses choix et ses décisions. C’est ce qui me plaît énormément dans ce métier, raconte Ahmed Bouamrane, 24 ans. Le pharmacien a un grand rôle à jouer dans l’accompagnement et la prise en charge des patients. On est en contact avec les patients pour les écouter et les conseiller, les guider au quotidien. Je travaille en officine depuis trois ans. C’est très formateur et complémentaire avec ce qu’on apprend à la faculté. » Plus volontiers acteur de santé que businessman, cet étudiant rappelle que « certaines missions inscrites dans la loi HPST existaient déjà, mais formulées ainsi elles rappellent que le pharmacien est un acteur de santé et qu’il est indispensable dans la prévention et l’éducation pour la santé. C’est très enrichissant et motivant pour la profession et rend optimiste pour l’avenir. En ce qui me concerne, je désire être salarié pendant quelques années, puis je m’associerai ».
Coralie Bovet, 2e année, Nantes
« J’ai été choquée par l’appellation « client » au lieu de « patient » »
A 19 ans, Coralie Bovet est la benjamine de ce tour de France. Petite, elle observait les fourmis et fabriquait des potions magiques. « Dès le collège, je voulais travailler dans un labo de recherche », annonce-t-elle. Il faut dire qu’avec une mère pharmacienne en clinique et un père ingénieur chimiste, commercial en appareillage de spectroscopie, l’environnement familial a dû jouer de son influence. « Pour mes parents, c’est une voie prestigieuse, mais aucun d’eux ne m’a poussé et aucune de mes sœurs ne l’a emprunté », indique Coralie, pour qui la pharmacie est une formation polyvalente et très ouverte. « On peut aller en officine, dans l’industrie, à l’hôpital, dans l’armée, dans l’humanitaire et même dans la police. J’aimerais d’ailleurs travailler dans un service de toxicologie médicolégale. J’ai regardé ce que l’on pouvait faire avec un diplôme de pharmacien, il faudra simplement passer un master en plus. En fait, on est très peu renseigné à la fac. Or, on peut faire beaucoup de choses, mais on a le sentiment d’être lâché dans la cage aux lions » , dit-elle, dubitative, au regard du programme de seconde année. Déçue, elle l’a aussi été par un stage de six semaines passé dans une officine des Côtes-d’Armor l’été dernier. « J’ai été choquée par l’appellation “client” au lieu de “patient”. Quand on commence à faire de la gestion avec quelque chose qui touche à la santé, ce n’est pas normal. Non, le commercial, ce n’est pas pour moi. Moi, mon truc, c’est l’aspect scientifique. »
L’été prochain, Coralie effectuera son stage dans un laboratoire de recherche. Avec une certaine appréhension. « J’ai tellement idéalisé la recherche que j’ai peur d’être déçue », dit-elle.
Charles Deguara, 5e année, Toulouse
Raisonnablement optimiste
Comme une évidence. Charles Deguara n’aurait pas imaginé faire autre chose que des études de pharmacie. Il faut dire qu’il est tombé dans le médicament tout petit. « J’ai grandi entre le cabinet médical de mes parents, tous les deux médecins, et la pharmacie de ma grand-mère. Le médicament m’a toujours attiré », explique Charles. L’officine familiale d’un petit village où le métier de pharmacien avait peu à voir avec celui que Charles exercera bientôt. « Le contexte sera différent, j’en suis conscient. Mais ce que j’aime justement c’est cet esprit de proximité qu’il faut conserver, les relations avec les clients, le conseil. »
Charles imagine être d’abord adjoint durant quelques années avant de se lancer dans une acquisition ou une association. « Si c’est possible, bien sûr, car je sais qu’il est très difficile aujourd’hui de trouver le bon compromis entre l’investissement et la rentabilité. De plus, pour moi c’est une évidence, il faut passer par une association. Si je n’ai pas le choix, je resterai salarié, j’aime suffisamment ce métier pour accepter cette idée. » Ce jeune motivé, qui a déjà travaillé dans des structures de différentes tailles, est à la fois inquiet et raisonnablement optimiste. « Je ne me vois pas pratiquer dans une grosse usine où le personnel est sous pression. Je n’ai pas fait ces études pour devenir manager. Mais je sais aussi qu’il faut un certain seuil d’activités pour s’en sortir. »
Charles Deguara s’interroge sur les évolutions liées au projet sur les holdings et se demande qui aura le pouvoir décisionnel. « Je crois au rôle du pharmacien comme acteur de proximité, à condition qu’il garde le contrôle de la structure. Il reste de l’avenir pour l’officine, d’ailleurs la loi HPST va renforcer les services de proximité. A nous de retrouver une relation plus positive avec les patients. »
Ils viennent de passer leur thèse
Yannick Frullani, 6e année validée, Limoges
« Certains pharmaciens étaient devenus des débitants de médicaments »
Alors qu’il vient de présenter à Limoges sa thèse (« Les nouvelles missions du pharmacien selon la loi HPST »), Yannick Frullani, 26 ans, pose un regard sévère et plein d’espoir sur la profession qu’il a choisie. « Un choix motivé par la volonté d’aider les autres et par le fait que, quand j’ai commencé, il y avait des débouchés en pharmacie. » Si aujourd’hui Yannick Frullani est plus réservé sur les facilités d’embauche en officine, il reste relativement optimiste quant à l’avenir de la profession. « L’avenir, il dépendra du comportement des pharmaciens eux-mêmes. Ces dernières années, certains pharmaciens étaient devenus des débitants de médicaments et oubliaient le conseil. Si tous les pharmaciens s’étaient comportés comme des professionnels de santé, nous n’en serions pas là. » Pour lui, la loi HPST est porteuse d’espoir. « Ce texte donne carte blanche au pharmacien. A lui de prouver qu’il est un véritable professionnel de santé. Cela va redynamiser la profession. Il doit apprendre à communiquer et se former en permanence. » En revanche, Yannick Frullani n’est pas enthousiaste concernant la présence des officines sur le Net. « Si c’est pour du conseil, très bien. Mais pour la vente… »
Aurélien Gagnaire, 6e année validée, Clermont-Ferrand
« Un choix naturel »
Aurélien Gagnaire est docteur en pharmacie. Il vient en effet de soutenir sa thèse sur la mise en œuvre du dossier pharmaceutique en Auvergne. Pour lui, c’est tout juste le terme d’un cursus qu’il avait envisagé dès la fin du collège : « Cela ne pouvait être autrement. Mon père, qui est également pharmacien, ne m’a pourtant jamais incité à quoi que soit dans mes études, mais ça a dû jouer. J’ai toujours aimé le métier qu’il pratiquait : être proche des gens, leur expliquer le schéma thérapeutique, le rôle des médicaments, la posologie, l’observance de la prescription. Etre pharmacien est pour moi depuis longtemps un objectif. » Dès la 3e année, Aurélien travaillait régulièrement le soir dans une officine de Clermont-Ferrand : « Cette expérience a été très formatrice ; cela m’a permis de mettre immédiatement en pratique ce que j’apprenais en cours. J’ai fait mon stage dans cette pharmacie. »
Aujourd’hui, Aurélien s’apprête à partir travailler dans une pharmacie de Mayotte pour une durée indéterminée. Son amie, elle aussi toute jeune diplômée, l’accompagne. Son retour, il le voit à travers une installation à la campagne. Son objectif ? D’abord continuer à apprendre son métier, développer quelques spécialités comme le suivi thérapeutique du patient à domicile. « Je veux me former pour mieux défendre la profession, l’engagement syndical ou professionnel n’étant pas exclu par la suite. Si les pharmaciens ont les moyens de mettre en application les nouvelles missions que leur confère la loi HPST, ce sera bien pour l’évolution de l’officine. Je suis optimiste. »
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