Evaluer mon officine

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Publié le 4 décembre 2010
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L’évaluation du fonds de commerce constitue un enjeu majeur dans toute transaction. Combien vaut votre officine ? Sur le marché de la pharmacie, la valorisation du fonds a toujours été traditionnellement exprimée en pourcentage du chiffre d’affaires. D’autres méthodes existent, comme par exemple la valorisation en multiple de l’EBE, qu’il est possible de mixer. Comment les exploiter pour valoriser au mieux votre point de vente ? Des experts répondent.

TEST

Valoriser l’officine par la rentabilité future

(rendez-vous p. 4)

1 La valorisation exprimée en pourcentage de la rentabilité est d’autant plus élevée que l’entreprise est importante.

2 L’établissement du coefficient multiplicateur dépend d’abord du secteur d’activité.

3 L’évaluation selon le multiple de la rentabilité dépend des liquidités que l’entreprise va générer dans l’avenir.

Valoriser l’officine par l’excédent brut d’exploitation (EBE)

(rendez-vous p. 6)

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4 Les fonds de pharmacie sont valorisés en moyenne à 7 fois l’EBE en 2009.

5 L’EBE qui permet de valoriser un fonds est celui qui est dégagé par le vendeur.

6 Compte tenu de la baisse de rentabilité des officines, un fonds de pharmacie ne devrait théoriquement pas être valorisé plus de 6 fois l’EBE.

Valoriser une petite officine urbaine (rendez-vous p. 12)

7 Pour une petite officine, la valeur patrimoniale à autant d’importance que celle issue des autres méthodes.

8 L’approche par les risques valorise dans une moindre mesure un fonds dynamique.

9 Plus le risque est élevé et le prêt est coûteux, moins le pharmacien doit emprunter.

Valoriser une grande officine bien située (rendez-vous p. 14)

10 La valeur patrimoniale est aussi importante que celle qui est issue des autres méthodes.

11 Une pharmacie est mieux valorisée si elle est située dans une zone à fort potentiel avec une grande concentration de pharmacies que dans une zone à moindre potentiel avec peu de pharmacies.

12 En cas de mise aux normes du local en matière d’hygiène et de sécurité, les travaux n’incombent pas systématiquement au bailleur.

Réponses

1. VRAI. Ce sont les grandes pharmacies qui sont le mieux valorisées.

2. VRAI. Plus le secteur est risqué, plus le multiple sera faible.

3. FAUX. C’est la méthode des flux de trésorerie prévisionnels qui se projette dans l’avenir.

4. FAUX. Ils se sont négociés en moyenne à 8,4 fois l’EBE.

5. FAUX. Il s’agit d’un EBE retraité qui prend en compte les normes de l’acquéreur.

6. VRAI. Les prix restent déconnectés de la valeur économique du fonds.

7. FAUX. La valeur patrimoniale est pondérée de moitié.

8. VRAI. Le risque augmente si la pharmacie est au top de son activité.

9. VRAI. C’est le résultat qui permet de rembourser le capital. La valeur du fonds va donc baisser.

10. FAUX. : Elle est, là aussi, pondérée de moitié.

11. FAUX. Il est donc primoirdial, pour l’acquéreur, de faire une étude géomarketing.

12. VRAI. C’est pour cela que la valorisation patrimoniale est pondérée dans les valorisations mixées.

Cas pratique n° 1

Valoriser le fonds par la rentabilité future

Pierre, candidat à la reprise, souhaite percevoir, au minimum, une rémunération nette annuelle de 36 000 € pour son travail de titulaire d’officine. Comment valoriser le fonds selon l’approche de la rentabilité future pour satisfaire à son objectif de rémunération ?

Autrement dit, quelle rentabilité future devra attendre Pierre pour percevoir 36 000 € par an ?

Si Pierre opte pour la méthode de la valorisation par la rentabilité future, il peut d’abord la comparer au chiffre d’affaires.

Dans son cas, si le prix maximum ne doit pas dépasser 5,3 fois la rentabilité retraitée, il correpondra à 71,4 % du CA TTC.

Pour valoriser l’officine qu’il s’apprête à reprendre, Pierre devra avoir deux approches.

L’approche stratégique et tactique

Avant toute analyse chiffrée, le pharmacien doit identifier les points forts et faibles du fonds de commerce.

Les critères d’ordre stratégique

→ L’état du réseau de prescripteurs (médecins).

→ Le niveau et la répartition de l’activité. Il faudra notamment étudier les potentialités de développement dans la zone de chalandise, l’amplitude horaire, la réputation de l’officine, les risques concurrentiels ou le profil de la clientèle…

→ Les possibilités de synergies avec une ou plusieurs autres officines, sur la même zone de chalandise (ou pas).

→ Les chances de revente de la pharmacie.

Les critères d’ordre opérationnel

→ La contribution précise à la marge globale de chaque secteur d’activité (produits chers, génériques, OTC…).

→ Le profil de l’équipe (compétences, ancienneté, motivation…).

→ L’état matériel de la pharmacie.

→ Les loyers immobiliers.

L’approche pragmatique

Chaque secteur de la vie industrielle et commerciale est particulier. L’approche de la valeur d’un fonds de commerce tient compte des spécificités « métier » et de l’environnement dans lequel il vit. Pour les officines, ces spécificités sont notamment les suivantes :

→ la santé, qui est un secteur porteur et d’avenir ;

→ le monopole, le numerus clausus et la licence garantissent une certaine valeur du fonds de commerce de pharmacie ;

→ le travail du pharmacien est rémunéré au travers d’un revenu annuel faible en période de remboursement des emprunts, mais qu’il espère élevé à l’occasion de la revente du fonds. Mais il faut noter que la prédominance accordée à la capitalisation est exagérée ;

→ les banques prêtent sur une longue période (compte tenu de la confiance « relative » accordée au secteur).

Pierre doit également savoir que la valeur d’une entreprise est fonction de sa capacité future à dégager une rentabilité suffisante pour investir, rembourser ses emprunts, honorer les charges financières, faire face aux impôts et rémunérer convenablement le travail de son dirigeant, tout cela sur une période raisonnable.

Quatre étapes à respecter

Une fois l’analyse stratégique et opérationnelle réalisée, le futur acquéreur devra suivre quatre étapes.

→ Evaluer la rentabilité potentielle de l’affaire mesurée par la performance commerciale de gestion (PCG). Celle-ci correspond à l’EBE avant les rémunérations et les charges du titulaire.

→ Monter le business-plan financier. Celui-ci doit intégrer une rémunération décente pour son titulaire, une visibilité à long terme (la durée de remboursement de l’emprunt sollicité) ainsi que le calcul de la rentabilité des capitaux investis.

→ Déterminer la valeur de l’officine. Elle doit tenir compte naturellement du niveau de l’apport et des éventuels frais annexes (commission d’intermédiaire, frais d’actes et droits d’enregistrement), conduisant à maintenir la trésorerie toujours positive. En pratique, la valeur se situera ainsi entre 5 et 6 fois la rentabilité moyenne annuelle attendue.

→ Faire une proposition de prix au vendeur.

Il faut toujours faire une proposition de prix d’acquisition, même si elle semble parfois indécente pour le vendeur. Si elle est rejetée, l’intermédiaire peut faire entendre raison au vendeur, qui peut faire des concessions dans certaines limites. Selon une approche rationnelle, une affaire ne devrait que rarement se négocier au-delà de 6 fois la rentabilité attendue. Si le cédant ne veut rien savoir, il faut passer à un autre dossier.

Cas pratique n° 2

Valoriser le fonds par l’EBE

Pascal souhaite reprendre une pharmacie. Il s’interroge sur le prix de trois officines de tailles différentes valorisées selon une méthode purement économique : l’excédent brut d’exploitation (EBE).

Calculer l’évaluation du fonds selon l’EBE

Deux paramètres doivent être pris en compte.

→ La rentabilité de l’officine qui dépend étroitement de sa taille et, plus précisément, de son volume d’activité.

→ La rémunération nécessaire du pharmacien titulaire. Les trois officines retenues par Pascal vont être valorisées en multiple de l’EBE corrigé de la rémunération du titulaire (qui est déduite). La rémunération retenue du pharmacien titulaire est de 30 000 € nets par an et ce, quel que soit le volume d’activité de l’officine considéré. L’impact de cette rémunération sur l’EBE retraité aura, bien entendu, une incidence non négligeable sur la valorisation de l’officine en fonction de sa taille.

La plus petite officine (CA de 832 000 €) dégage un EBE de 84 000 €. La seconde (CA de 1 248 000 €) a un EBE de 128 000 €. La troisième (CA de 1 872 000 €) dégage un EBE de 217 000 €.

Après déduction de la rémunération du pharmacien, l’EBE retraité ressort respectivement à 54 000 € (6,75 % du CA HT), 98 000 € (8,76 %) et 187 000 € (10,38 %).

Le prix de cession moyen de 90 % du CA TTC est retenu pour ces trois officines, soit 749 k€ pour la première, 1 123 k€ pour la deuxième et 1 685 k€ pour la troisième.

Le tableau ci-contre valorise les trois fonds à 7 fois l’EBE retraité.

Une décote importante des trois fonds

L’estimation de la valeur des fonds par la méthode de l’EBE aboutit à une décote importante des trois pharmacies et à des écarts significatifs de valorisation en fonction du volume d’activité allant de 45 % à 70 % du chiffre d’affaires HT.

Les prix pratiqués, notamment sur les gros chiffres d’affaires, sont dictés par le marché et semblent faire abstraction de toute logique économique. Ils nécessitent, par conséquent, soit un apport complémentaire pour boucler le plan de financement, soit une croissance de l’activité et de la rentabilité.

Cela a toujours été le cas : les pharmacies se sont remboursées grâce à la croissance de l’activité. Ainsi, acheter trop cher au regard de la rentabilité ne compromettait pas l’avenir car le risque financier était neutralisé par l’augmentation du chiffre d’affaires. En effet, la progression moyenne annuelle de chiffre d’affaires d’une pharmacie de 1998 à 2007 était de 5 %. Au terme de cinq années d’exploitation, une pharmacie achetée sur une base de chiffre d’affaires de 100 développait un chiffre d’affaires de 128. Et par conséquent, sa valorisation en pourcentage de chiffre d’affaires passait de 86 % à 67 %.

En revanche, sur la base d’une progression moyenne de 1 % par an pendant cinq ans, le chiffre d’affaire serait de 105,10, et sa valorisation en pourcentage de chiffre d’affaires passerait alors de 86 % à 81,82 %.

Rentabilité et valorisation en décalage

Mais qu’en sera-t-il demain ? Que vaudront les pharmacies dans cinq ans ? Ne risque-t-on pas d’avoir des valeurs de marché inférieures aux valeurs de reprise compte tenu des baisses de rentabilité, de la démographie des pharmaciens et de la non-ouverture du capital (approche de marché) ?

De fortes disparités sont à craindre. N’est-il pas temps, dans ce contexte, d’aborder la valorisation des pharmacies par une approche économique et ainsi de faire entendre raison au marché ?

Certes, il n’est pas agréable de voir un taux de rentabilité diminuer, mais ce n’est pas tant la rentabilité des officines qui pose problème mais bel et bien leur valorisation et l’inéquation de cette valorisation par rapport à la rentabilité dégagée. Il ne s’agit pas d’avoir une vue pessimiste de l’avenir de la pharmacie, mais plutôt de faire preuve d’un réalisme économique et d’organiser le marché afin de rendre cessibles toutes les officines, quelles que soient leur taille et leur localisation.

Des fusions pourront s’opérer, encore faut-il que les valorisations soient cohérentes en regard du risque pris par l’acquéreur.

L’abc… L’essentiel pour mieux comprendre

Les différentes méthodes de valorisation à la loupe

L’approche patrimoniale

Evaluer l’actif net du fonds de commerce

La méthode la plus simple, celle qu’un chef d’entreprise utilise en premier, est l’approche patrimoniale. Elle consiste à prendre une photographie instantanée de l’entreprise en tenant compte du stock des valeurs qu’elle a cumulées depuis sa création, déduction faite de l’ensemble des dettes. Sa mise en œuvre revient à calculer l’actif net de l’entreprise.

Pour le définir, il suffit de décortiquer le bilan des trois dernières années pour dresser la liste des actifs, qu’ils soient incorporels (fonds de commerce, clientèle, enseigne, droit au bail…), corporels (stocks, agencements/équipements…) ou financiers (disponibilités en caisse et en banque, créances clients).

Toute la difficulté est d’en actualiser la valeur car les éléments pris en compte sont inscrits au bilan à leur coût d’origine. En effet, le bilan de l’entreprise ne reflète que la valeur historique de ce qu’elle possède. Il est donc nécessaire de procéder à des ajustements et des retraitements pour aboutir à la photographie la plus fidèle possible de l’entreprise.

Estimer la valeur patrimoniale de l’entreprise nécessite de passer en revue tous les postes d’actifs et de passifs et de les valoriser au plus juste. Des corrections à la hausse comme à la baisse vont devoir être apportées en vue d’obtenir un actif net réévalué.

En tout état de cause, cette méthode avantage le cédant, car elle prend en compte les actifs lourds de l’entreprise. Elle évalue le passé de l’entreprise, et non son avenir.

Corriger le bilan

Le calcul de la valeur patrimoniale se fait à partir de l’actif net réel de l’entreprise. Il s’appuie sur un bilan corrigé, puisqu’il faut retraiter tous les postes qui engagent l’entreprise à long terme. Comment ?

→ Traquer les moins-values latentes sur les stocks et le matériel. Un matériel ne vaut plus que 30 % de sa valeur de marché à mi-chemin de sa durée de vie.

→ Eliminer les créances clients douteuses.

→ Réintégrer le crédit-bail au passif du bilan sous-forme de dette financière, car c’est un élément habituellement passé en charges pour alléger le bilan. Or, il engage le repreneur à long terme.

→ Eliminer les actifs sans valeur pour le futur repreneur, comme les frais initiaux d’établissement du cédant.

→ Ajouter des dettes non encore comptabilisées, par exemple une provision pour un redressement fiscal à venir.

→ Réévaluer l’immobilier si le cédant est propriétaire des murs en se tournant vers un agent immobilier ou un notaire.

→ Réévaluer le fonds de commerce, inscrit au bilan à sa valeur d’achat, à l’aide des méthodes d’évaluation.

L’approche comparative

Souvent, le chef d’entreprise préfère rapprocher sa société de la valeur moyenne des transactions observées dans son secteur d’activité. Cette méthode comparative, empruntée aux transactions immobilières, est aujourd’hui très répandue dans le monde des entreprises. Sa simplicité en fait la méthode la plus utilisée.

Un pourcentage du chiffre d’affaires et de l’EBE

En pharmacie, cette valeur s’exprime en pourcentage du chiffre d’affaires TTC de l’officine et sous forme d’un multiple de l’excédent brut d’exploitation (EBE). La carte des prix de cession, actualisée tous les ans par la société Interfimo, est une véritable cote Argus appliquée à la pharmacie d’officine. Elle prend en compte différents critères, comme la taille, la typologie et l’emplacement géographique.

Approcher le bon multiple

Pour fixer la valeur du fonds, acquéreurs et vendeurs se fient au barème de prix moyens constatés sur ce marché (88 % du chiffre d’affaire annuel moyen en 2009 selon Interfimo) et à une méthode mathématique, celle de l’évaluation par un multiple de l’EBE. En 2009, le multiple de l’EBE a oscillé entre 6 et 10. Mais on ne peut pas passer sous silence le fait qu’une des causes principales des difficultés de trésorerie des pharmaciens est un prix d’achat trop élevé des pharmacies. Selon plusieurs études récentes, la valeur des fonds propres approche en général 8 fois l’EBE, alors qu’il ne devrait représenter environ que 5 à 6 fois ce chiffre.

Pour approcher le bon multiple et réaliser une évaluation juste, il faudra repérer des ventes récentes de pharmacies aux caractéristiques comparables à la sienne. Là encore, il n’y a pas de miracle. Les repreneurs acceptent un multiple d’autant plus élevé que l’affaire est importante, se situe sur un créneau sûr et possède un fort potentiel de croissance. La confrontation des résultats obtenus par ces deux méthodes permet de fixer un prix.

L’approche des rendements futurs

Le compte du résultat décortiqué

Par opposition à la méthode patrimoniale, qui se fonde sur le passé de l’entreprise, la méthode des rendements futurs se projette dans l’avenir. La valeur d’une entreprise est, ici, directement liée à sa capacité à générer du cash dans le futur et à ses performances attendues. Cette approche est privilégiée chez les financiers qui considèrent qu’une entreprise ne vaut que par les revenus qu’elle va générer dans le futur. Cette méthode de valorisation part, non pas du bilan, mais du compte de résultat. Elle consiste à définir, au travers d’un business-plan, les flux financiers futurs, qui permettent de rentabiliser la somme investie pour acquérir l’entreprise.

Mesurer les cash-flows futurs

Cette méthode consite à mesurer le cash-flow qui doit représenter le mieux possible la capacité bénéficiaire de l’entreprise, puis de l’extrapoler sur cinq ou dix ans en tenant compte du niveau de risque encouru. Pour cela, il convient d’introduire un coefficient lié à l’érosion monétaire dans le temps et au caractère plus ou moins risqué du projet. En clair, plus l’inflation et le risque sont élevés, plus ce coefficient (dit taux d’actualisation) est important. Le choix de ce taux, qui a un impact important sur les cash-flows futurs, et donc sur la valeur de l’entreprise, est parfaitement subjectif. Ensuite, évaluer son bien est une question d’arithmétique. On se réfère à une table financière (coefficient d’actualisation en abscisse et la période en ordonnée), qui donne la valeur du multiple à appliquer au cash-flow selon le taux d’actualisation choisi et le nombre d’années sur lequel a été construit le business-plan.

Inconvénient de cette méthode : la valeur de rentabilité est souvent ignorée. Bon nombre de cédants n’ont aucune idée du rapport entre le potentiel de rentabilité de leur entreprise et sa valeur. En conséquence, cette technique peut paraître trop compliquée, surtout quand il s’agit de petites entreprises. En outre, la fixation des paramètres de l’équation relève de critères subjectifs, d’où la difficulté entre les parties de s’accorder sur la nature des flux à prendre en compte et leur évolution future.

L’approche mixte : la rente du goodwill

Evaluer la rentabilité future

Entre l’approche patrimoniale et celle des rendements, l’écart de prix peut être important. Les experts conseillent donc de mixer les deux méthodes. Cette technique se réfère à deux critères : les capitaux propres et la rente du goodwill (la partie récurrente du résultat net).

Le principe : on achète une rentabilité future, actualisée à la valeur d’aujourd’hui. Cette méthode détermine l’excédent de bénéfice dégagé par votre affaire par rapport au placement de vos capitaux propres « en bon père de famille », à un taux non risqué et variable en fonction de la conjoncture économique. Ce « super bénéfice » est actualisé chaque année avec un taux de risque.

Les éléments du goodwill

Dans cette approche interviennent des éléments immatériels provenant de la compétence des salariés de l’entreprise, de la culture propre du chef d’entreprise, de sa réputation, de son portefeuille clients, etc. Ces éléments permettent d’expliquer les raisons pour lesquelles son entreprise génère une rentabilité supérieure au bénéfice normal que justifierait son actif. Ce « super bénéfice » s’ajoute à l’actif net corrigé pour déterminer la valeur de l’entreprise.

Calculer un « super bénéfice »

Il s’agit de soustraire du résultat net annuel de l’entreprise (RN) ce que pourrait rapporter en intérêts l’actif net corrigé (ANC) s’il faisait l’objet d’un placement financier sans risques.

La rente du goodwill est donc égale au RN – (taux sans risque) X (ANC). Le goodwill est ensuite capitalisé sur quatre à sept ans, période au-delà de laquelle l’influence du cédant ne se fera plus vraiment sentir sur le niveau des profits de l’entreprise.

La valeur d’une entreprise est la somme des capitaux propres et de la rente du goodwill : ANC + rente du goodwill.

La valorisation des parts sociales

Il existe deux façons de valoriser des parts sociales. La première méthode consiste à réévaluer l’actif net du bilan (actif – passif = valeur de 100 % des parts). La seconde méthode réévalue les capitaux propres (capital + réserves non distribuées) en y ajoutant la plus-value sur le fonds (valeur actuelle du fonds – valeur d’origine). Le résultat est identique dans les deux cas.

Première méthode

Pour déterminer la valeur nette de la part, les parties doivent se fier au bilan conventionnel et non pas au bilan comptable. En outre, le compte courant sera, lors de la transaction, remboursable au vendeur sans coût fiscal, puisqu’en structure à l’impôt sur le revenu (IR) les bénéfices sont taxés au fur et à mesure de leur réalisation.

Deuxième méthode

→ Le mode d’évaluation des titres de sociétés soumises à l’IS (impôt sur les sociétés) diffère sensiblement de celui des titres à l’impôt sur le revenu (IR). Il doit notamment prendre en compte une décote sur plus-value latente. En effet, en l’absence d’une telle précaution, le dernier porteur de parts sera imposé à la sortie, le jour où la société vendra le fonds, sur toute la plus-value accumulée par les associés précédents. Pour éviter de payer sur toute la plus-value accumulée par ses prédécesseurs, il est prévu au bénéfice de l’acquéreur un mécanisme de compensation d’impôt de plus-value future.

→ Une minoration de la valeur des parts doit être négociée par l’acquéreur si le vendeur n’a procédé à aucune distribution importante de dividendes, afin d’anticiper une fiscalité lourde sur la distribution de dividendes en cas de vente ultérieure du fonds par la société.

Les comptes courants représentent les sommes apportées ainsi que les rémunérations et dividendes distribués, non prélevés par les associés. Ils représentent une dette de la société vis-à-vis de l’un des associés. Une distribution de dividendes, en augmentant le compte courant de l’associé, fait baisser le prix des parts. La plus-value de cession est donc moins importante et le vendeur est moins taxé sur celle-ci, mais il paie l’IR sur les dividendes perçus.

→ S’il n’y a pas de distribution avant la cession, l’associé partant vend alors des bénéfices non distribués. Si le compte courant est faible, cela fait augmenter le prix des parts. La plus-value dégagée est donc plus importante, et alors plus fortement taxée. Ainsi, qu’il y ait ou pas distribution, le vendeur n’échappe pas à l’imposition (paiement de l’IR ou taxation des PV à 28,10 %). Mais un arbitrage doit se faire pour que le vendeur subisse le moins de pression fiscale au regard de ses besoins. Un tel choix doit se faire en relation étroite avec son expert-comptable qui saura accompagner le pharmacien dans une opération d’optimisation fiscale.

Cas pratique n° 3

Evaluer une petite officine de centre-ville

La pharmacie de Marie, exploitée en EURL à l’IS, est située en périphérie d’une grande ville universitaire, dans un secteur recherché. Elle connaît une croissance d’activité régulière. Le futur repreneur va panacher les différentes méthodes d’évaluation pour déterminer la valeur du fonds de commerce.

Analyse chiffrée de l’officine

Dans cette pharmacie dynamique, le chiffre d’affaires est un peu faible (730 000 € HT, soit 753 000 € TTC). Mais cette officine recèle de nombreux atouts. D’abord, la concurrence est connue et provient majoritairement de la grande ville. Il n’y a donc pas de risque de création.

En outre, il existe sur ce secteur une densité médicale stable et suffisante. Les chiffres du compte de résultat de la pharmacie de Marie font état d’une gestion saine, puisque la marge brute est de 28 % des ventes, les frais de personnel de 9 %, les charges externes de 5 %.

La valorisation de la pharmacie de Marie

Il est possible de valoriser la pharmacie de Marie en panachant les quatre méthodes développées (voir p. 8 à 11).

Analyse

→ Le prévisionnel d’un acquéreur « raisonnable » est celui d’un pharmacien qui n’aura jamais besoin de restructurer son crédit pour dégager de la trésorerie. Cela signifie que la trésorerie couvre donc le besoin en fond de roulement et le remboursement d’emprunt.

→ Le cash-flow est la marge brute d’autofinancement. C’est la capacité réelle de l’entreprise à financer ses investissements, rembourser l’emprunt et verser, le cas échéant, des dividendes à ses actionnaires. Le cash-flow est le bénéfice net comptable après impôt majoré des amortissements.

Le calcul du prix moyen pondéré

En panachant et pondérant les quatre méthodes, on arive à la valorisation suivante :

[(640 × 1) + (615 × 2) + (550 × 2) + (520 × 2)]/7 = 573 k€.

La méthode patrimoniale est affectée d’un coefficient de pondération de 1 (contre un coefficient de 2 pour les trois autres méthodes) car elle ne se base pas sur les paramètres qui déterminent la capacité de remboursement de l’emprunt.

Conclusion

Le candidat à la reprise qui veut exercer dans cette zone géographique a besoin d’un apport supérieur à l’acquéreur « raisonnable » pour acheter cette pharmacie, puisque la valeur patrimoniale (640 k€) est supérieure à celle liée à la rentabilité (617 k€) et à la capacité de remboursement d’emprunt pour un acquéreur raisonnable (550 k€). Or, la concurrence dans cette zone de chalandise ne permet pas d’espérer une forte croissance. La valorisation, qui tient compte des risques et des opportunités qui agissent sur la valeur, n’est plus que de 520 K€.

Comment réaliser une évaluation d’officine ?

La méthode

Une évaluation d’entreprise dépend toujours de nombreux facteurs, et notamment le contexte dans lequel elle est effectuée, s’il s’agit par exemple d’une cession, d’une donation ou d’un regroupement. Il faut aussi prendre en compte la nature juridique de l’entreprise et son métier.

Un audit stratégique de l’entreprise sera souvent nécessaire pour identifier ses forces et opportunités ainsi que ses faiblesses, par rapport à son marché et à son environnement concurrentiel qui seront eux aussi analysés.

Trois phases

Evaluer une pharmacie n’a donc rien d’une démarche théorique et repose sur trois phases essentielles qui, selon le cabinet d’études KPMG, semblent incontournables.

1) Un diagnostic de la pharmacie

2) Le retraitement du résultat d’éléments patrimoniaux (rémunération, crédit bail automate, rachats des points de retraite, salariés de confort, séminaires de formation à l’étranger,…).

3) La valorisation de l’officine elle-même (vision du marché des transactions, de la rentabilité passée, de la rentabilité future, des risques et opportunités).

Cette démarche intellectuelle débouche sur une fourchette de valeur de l’officine qui sensibilise le dirigeant sur ses marges de manœuvre « estimées ».

Comment collecter les informations et les retraiter ?

→ Il faut d’abord analyser le modèle économique de l’entreprise en auscultant ses trois moteurs essentiels?: ses marchés (taille, clients, nombre et typologie…), ses produits (gammes, innovations, produits propres…), ses ressources (hommes-clés, équipements, locaux, savoir-faire, politique commerciale et marketing, financements…).

→ Au-delà de la présentation comptable des comptes, il faut déterminer les performances financières récurrentes de l’entreprise.

→ Il est préférable de travailler sur des informations récentes et il vaut mieux ne pas se fonder sur des éléments anciens qu’il faudra de toute façon actualiser.

Cas pratique n° 4

Evaluer une grande officine bien située

Marc, un pharmacien de 65 ans, dirige une vaste officine sur la Côte d’Azur avec son épouse. Ils approchent de la retraite. Un de ses amis a vendu sa pharmacie, qui présente les mêmes caractéristiques, à 115 % du chiffre d’affaires. Marc cherche à savoir quelle est la valeur de sa pharmacie.

Analyse chiffrée de l’officine

Le chiffre d’affaires de la pharmacie de Marc dépasse 2 560 k€ avec une marge de 28 %. Les charges sont de l’ordre de 3 % et les frais de personnel de 10,3 % hors rémunération du titulaire et de son épouse.

Dans ses prévisions, le futur acquéreur souhaite une rémunération proche de 60 000 € pour lui et son conjoint. Un apport de 800 000 € est nécessaire pour acheter une officine de cette taille.

Le diagnostic « risque » met en évidence une croissance limitée, un dynamisme d’équipe satisfaisant, des agencements à prévoir. En outre, la pharmacie peut être sensible à une concurrence plus agressive sur les prix. Le risque est donc jugé légèrement supérieur à la norme (1,11 au lieu de 1). Le taux d’actualisation des résultats en sera légèrement impacté, agissant sur la valeur à la baisse.

La valorisation de la pharmacie de Marc

L’officine de Marc peut être valorisée en réalisant un panachage des quatre méthodes d’évaluation (voir p. 8 à 11).

Analyse

Si l’analyse du taux de risque avait conclu à un potentiel de développement supérieur par le changement de titulaire et grâce à des axes de développement stratégique du résultat, la valeur calculée de la pharmacie de Marc aurait été, selon notre méthode, de 2 478 000 euros. Cela signifie que le résultat du diagnostic influe sur la valeur stratégique.

Le calcul du prix moyen pondéré

En panachant et en pondérant les quatre méthodes, on arrive à la valorisation suivante :

[(2 659 × 1) + (2 355 × 2) + (2 660 × 2) + (2 329 × 2)]/7 = 2 478 k€.

La méthode patrimoniale est affectée d’un coefficient de pondération de 1 (contre un coefficient de 2 pour les trois autres méthodes) car elle ne se base pas sur les paramètres qui déterminent la capacité de remboursement de l’emprunt.

Conclusion

La pharmacie génère un résultat suffisant pour justifier d’une valeur d’achat proche de 100 % du chiffre d’affaires TTC. Un acquéreur disposant d’un apport de 800 000 € doit pouvoir l’acheter à ce prix. Mais cette valeur reste élevée par rapport à l’approche par le multiplicateur de l’EBE, qui, elle, fait abstraction de l’apport de l’acquéreur.

Compte tenu des charges exceptionnelles d’un licenciement à prévoir en première année (secrétaire comptable), la valeur moyenne est légèrement inférieure à la valeur patrimoniale. Selon l’approche des rendements futurs, le prix peut aller de 2 329 k€ à 2 478 k€. La moyennes de ces deux extrêmes se rapproche des 100 % du chiffre d’affaires TTC.

Quelques remarques pour réussir une transaction

→ Attention à ne pas confondre une valeur qui résulte d’une estimation et le prix effectivement acquitté par le repreneur issu d’un marché négocié. Car la valeur n’est pas le prix.

→ Le dirigeant n’ayant pas toujours conscience des points faibles de son entreprise peut découvrir une évaluation inférieure à ses attentes.

→ La méthode comparative est adaptée pour des cessions de fonds de commerce pour lesquelles il existe des bases de données comportant un grand nombre de transactions.

→ Chaque méthode a ses propres limites et il est conseillé d’utiliser un panachage de méthodes adaptées à l’entreprise.

→ La valeur sous-tend l’application de plusieurs méthodes, alors que le prix comprend une part de subjectivité, du côté du vendeur, comme du côté de l’acquéreur, avec une négociation et un marché. Sans méthode, c’est la subjectivité du vendeur qui prend le dessus et le prix n’a plus de rapport avec la valeur de l’entreprise.

→ Le repreneur n’achète pas un passé, mais un futur qui lui assurera un moyen d’existence et un retour sur investissement. Faire évaluer l’entreprise à sa juste valeur, c’est ne pas la surestimer.

→ Le montant de l’évaluation qui sera retenu lors de la négociation avec le repreneur doit prendre en compte l’ensemble des actions menées dans le cadre du plan de transmission ainsi que les améliorations effectuées par l’entreprise.

Ce qu’il faut retenir

→ L’évaluation d’un fonds n’est pas une science exacte. Elle permet néanmoins au vendeur de donner de solides arguments face aux acheteurs potentiels. Pour trouver le juste prix, tout est affaire de méthode.

→ A chiffre d’affaires égal mais à charges différentes, deux structures ne dégagent pas le même profit. Elles n’ont donc pas la même valeur.

→ Simple et fiable, la méthode patrimoniale donne une image fidèle mais figée de la valeur de marché pour le patrimoine de l’entreprise.

→ Dans la méthode des multiples, c’est la rentabilité qui fait le prix.

→ Il ne faut pas confondre cession du fonds et de parts de société. Dans le premier cas, on ne cède que le fonds de commerce, les dettes de l’entreprise étant celles du cédant.

Dans le second cas, on cède l’actif et le passif de la société, à travers des parts sociales.

Cinq recommandations

1. UNE VALORISATION DE L’AVENIR

La valeur d’une entreprise ne doit pas seulement s’apprécier en fonction du passé ; il faut aussi tenir compte de son avenir.

2. UN PRIX EN LIEN AVEC LE MARCHÉ

L’EBE reflète les capacités de remboursement générées par l’entreprise. Rien ne sert de lancer un prix si aucun repreneur n’est capable de le payer.

3. MOINS PRENDRE EN COMPTE LE CHIFFRE D’AFFAIRES

La méthode d’usage qui consiste à prendre en compte le chiffre d’affaires TTC et un coefficient pour déterminer le prix de vente d’une officine est insuffisante, voire dépassée. Malgré cet avis unanime, les habitudes ont la vie dure. Les officines restent valorisées prioritairement sur la base de leur activité, sans tenir compte ou presque de leur rentabilité, alors que le chiffre d’affaires n’a plus, dans l’expertise d’un fonds, qu’une valeur indicative de l’effet « volume ».

4. PRIVILÉGIER L’APPROCHE PAR L’EBE

Privilégier l’approche par l’EBE. C’est un critère beaucoup plus déterminant que le chiffre d’affaires, puisque c’est lui qui sert à rembourser les emprunts, payer les impôts et assurer le train de vie du titulaire.

5. DÉTERMINER LE TYPE D’EBE

Avant d’appliquer la méthode des multiples, il est nécessaire de s’accorder sur le type d’EBE à prendre en compte (du vendeur ou de l’acquéreur par exemple).

AVIS DE L’EXPERT

Olivier Delétoille, expert-comptable du cabinet ArythmA « Une officine se valorise maintenant en fonction de sa rentabilité potentielle.

Or, le prix de cession des officines est aujourd’hui élevé en raison du déséquilibre entre l’offre et la demande sur certaines affaires, même si cela tend à se renverser depuis le début de l’année. Une forte concentration de candidats se focalise sur des officines dont les chiffres d’affaires sont compris entre 1,5 et 3 millions d’euros. Les futurs acquéreurs considèrent que les petites officines ont un avenir précaire et seront donc difficiles à revendre ou que la prise de risque est trop importante (par rapport à leur patrimoine) pour des officines plus grosses. En réalité, ils devraient plutôt se concentrer sur les affaires rentables, quel que soit le volume d’activité. »

A RETENIR

Les quatre critères de référence pour réaliser une évaluation

1. La rentabilité future (le rendement des capitaux investis).

2. Le taux de risque attaché au secteur.

3. La durée probable et raisonnable de perception des revenus futurs.

4. L’éventuelle valeur de revente avec espoir de plus-value.

Pour approfondir

Attention aux méthodes utilisées

→ L’approche de la valeur ne doit être ni trop simpliste, ni trop complexe. La méthode « simpliste » la plus utilisée consiste à partir de la valeur proposée par le titulaire sortant. Elle fait le plus souvent référence à un pourcentage du chiffre d’affaires TTC. Un business-plan financier est établi sur une période assez courte (4 à 5 ans) intégrant des données irréalistes (croissance de chiffre d’affaires, de marge et de rentabilité) et une très faible rémunération pour le jeune titulaire. Bref, il s’agit de «  faire passer » le projet conduisant à justifier la valorisation proposée par le vendeur, même s’il est parfois possible de négocier le prix à la baisse. Le problème est ainsi pris à « l’envers ».

→ A l’inverse, les méthodes de valorisations trop techniques sont de « faux amis ». Deux nombreux ouvrages ou praticiens proposent des méthodes de valorisations plus ou moins complexes, fiables ou opportunes. Les approches sont souvent techniques et emploient une terminologie financière malencontreuse pour le non-initié. Or, une méthode non comprise par le pharmacien n’est pas une bonne méthode. Elle est censée justifier de la valeur des éléments incorporels du fonds de commerce. Elle vise le plus souvent à rassurer l’évaluateur qui essaie de se retrancher sur les données objectives dont il a connaissance (bilans passés, état matériel de l’officine, investissements nécessaires, engagements financiers, charges connues…).

→ Or, l’évaluateur doit se forger une opinion en se reposant sur des éléments forcément subjectifs, qu’ils soient stratégiques ou opérationnels (avenir de la profession, risques macroéconomiques, manœuvres stratégiques locales des autres compétiteurs, compétence et adaptabilité de l’équipe, capacités du prédécesseur et du repreneur…).

Calculer la valeur économique d’une officine

Selon le réseau national d’experts-comptables CGP, il s’agit de calculer trois valeurs du fonds à partir des critères du CA, de la marge et de l’EBE. Voici les trois étapes du calcul :

1) Détermination classique du prix en pourcentage du CA TTC pour prendre en compte le critère de localisation de l’officine. C’est le prix A.

2) Détermination du prix par rapport à la marge brute de l’officine (marges arrière comprises) en multipliant la marge par 3.

C’est le prix B.

3) Détermination du prix par rapport à un EBE retraité, avant cotisations sociales de l’exploitant, avec le calcul suivant : EBE x 5,5. C’est le prix C.

Mais il faut noter que les pharmacies qui supportent des frais de structure importants ne sont pas avantagées par ce dernier mode de calcul.

La valeur économique du fonds est donc égal à l’opération suivante : (prix A + prix B + prix C)/3.

A RETENIR

Le chiffre d’affaires est déterminant. Il faut alors s’entendre sur la réalité de ce chiffre. Si la pharmacie pratique des rétrocessions, il est important de savoir comment elles ont été comptabilisées et pour quel montant. En l’occurrence, l’acquéreur doit s’assurer auprès du vendeur que le montant des rétrocessions vient minorer les achats, et non pas augmenter injustement et artificiellement le chiffre d’affaires, même si cela contribue à faire baisser légèrement le taux de marge (car à ce CA de rétrocession ne correspond aucune marge pour l’officine).

Pour approfondir

Vers une compréhension mutuelle ?

→ Dans le processus de transmission, déterminer le juste prix d’années de labeur en tant que titulaire est l’une des questions les plus délicates. L’entreprise a bien souvent une valeur affective. Pour évaluer son fonds, le pharmacien cédant fait état, par exemple, des résultats qu’il a obtenu à la force de ses poignets : un chiffre d’affaires en hausse, un fichier clients bien garni ou un agencement de l’officine dernier cri. Bref, il calcule la valeur de son entreprise selon une approche dite patrimoniale, en fonction de ses résultats passés.

→ Pour le repreneur, c’est un tout autre langage, froid et mathématique. Ce qui l’intéresse, c’est de connaître la rentabilité qu’il pourra dégager de son investissement dans le futur. Pour déterminer un montant, il se réfère aux résultats nets pour deviner le potentiel de l’entreprise pour les cinq ou dix ans à venir, grâce aux savants calculs arithmétiques de son expert-comptable.

→ Entre ces deux approches, l’écart peut être important et constituer un frein à la négociation, voire aboutir à un échec du fait d’un désaccord sur le prix entre les deux parties. Quand le cédant doit tenter de mettre ses sentiments de côté, le repreneur doit comprendre qu’une entreprise vaut aussi par ses résultats passés. Chaque partie doit faire un travail sur soi-même.

Intérêt de l’EBE retraité

Il a l’avantage de donner un résultat de l’entreprise avant impôt et avant amortissement (le résultat brut), ce qui permet au repreneur d’évaluer la capacité de remboursement réelle de l’entreprise, ainsi que ses propres possibilités de rémunération.

Les éléments qui font la différence

→ La qualité de la clientèle

Quel est le nombre de clients attachés à l’officine ? Faut-il se bagarrer pour obtenir le chiffre d’affaire (CA), ou est-il assuré ? Quel est le CA par client ?

→ La qualité du personnel

Outre le niveau de délégation, d’autres éléments font la valeur : son niveau de qualification, l’aménagement du temps de travail, l’ancienneté…

→ L’environnement de la pharmacie

Un projet urbain d’envergure (tramway, rue piétonne, voies express), la proximité d’un parking, le voisinage d’autres commerces, sont autant d’éléments qui jouent à la hausse sur la valeur de l’officine.

→ Le dynamisme du secteur de la pharmacie

A partir des taux de mortalité des PME, les banques s’imposent parfois des quotas annuels d’investissement par secteur, ce qui peut rendre difficile le décrochage d’un emprunt par les candidats repreneurs.

A RETENIR

→ Le pharmacien qui acquiert des parts sociales achète un actif net (actif – passif).

→ Le passif fait baisser la valeur nette de la société, donc le prix de cession des parts.

→ L’acquéreur reprend à sa charge les dettes préexistantes de la société.

Etablissez votre propre diagnostic

L’auto diagnostic à réaliser pour évaluer son fonds de commerce doit prendre en compte à la fois des critères économiques et financiers, mais surtout des critères qualitatifs qui font la véritable valeur d’une affaire. Voici quelques questions à se poser avant de chercher un repreneur.

Les critères économiques et financiers

→ Chiffre d’affaires de l’officine ?

→ Capacité d’autofinancement nette annuelle ?

→ Situation nette (ou capitaux propres) ?

→ Montant total de la trésorerie disponible ?

Le savoir-faire de votre entreprise

1/ Le positionnement de la pharmacie sur son marché

→ Quel est le degré de standardisation des produits constituant votre offre ? Votre pharmacie dispose-t-elle de marques propres (MDD) ?

→ Détient-elle une qualification ISO ?

→ Certains marchés de l’officine correspondent-ils à des spécialisations ? A des niches ?

→ Comment appréciez-vous le savoir-faire de votre entreprise ?

2/ La clientèle

→ Quel est le degré de fidélité de vos clients ?

→ Quel est le degré de concentration de votre clientèle par rapport à votre chiffre d’affaires ?

→ Quelle est la force d’attraction de la concurrence sur votre clientèle ?

3/ Le potentiel de développement

→ Comment a évolué votre chiffre d’affaires depuis 3 ans ?

→ Le potentiel de développement est-il faible, moyen, élevé ou très élevé par rapport à la situation actuelle ?

→ Quelle est votre zone géographique d’influence ?

→ Quel est le type d’organisation dominante (autocratique, démocratique, avec existence d’un véritable adjoint capable de remplacer le dirigeant, etc.) ?

Avec vos réponses, vous obtiendrez une idée très personnelle de la valeur de votre pharmacie.

AVIS DE L’EXPERT

Joël Vellozzi, expert-comptable et directeur KPMG Marseille

« Pour le vendeur, la vraie valeur de l’officine sera la meilleure offre de prix que lui fera l’acquéreur le plus fortuné et qui a le plus envie d’acheter son officine pour des raisons qui lui sont propres, sans liaison avec la seule rentabilité économique. La vraie valeur de l’officine pour un acquéreur sera celle qu’il pourra payer, compte tenu de son apport et de la capitalisation des résultats futurs qu’il envisage réalisables, mais aussi de sa personnalité et de l’analyse qu’il a menée avec ses conseils de l’officine et de son marché. Ce prix se rapprochera forcément de la valeur d’approche par les risques. »

Les éléments à analyser lors d’une évaluation

Eléments intrinsèques à l’entreprise

• La valeur vénale des éléments de l’actif immobilisé.

• L’aptitude à produire des bénéfices.

• Les ressources humaines.

• Les risques liés à une forte dépendance de l’entreprise à son dirigeant (l’homme clé).

• La structure financière.

• L’endettement.

• Les engagements hors bilan (crédit bail…).

Eléments extérieurs à l’entreprise

• L’activité dans la zone de chalandise (porteuse ou non).

• La concurrence dans le secteur.

• La conjoncture économique générale.

• Les réglementations (évolution de la législation, pour la pharmacie : le monopole, le numerus clausus, la propriété de l’officine).

Un site d’évaluation des entreprises

Un site Internet sur l’évaluation de l’entreprise (www.entrepriseevaluation.com) est à la disposition des dirigeants. Réalisé par le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables, en partenariat avec la Compagnie des conseils et experts financiers, il décrit les enjeux et les différentes étapes de la démarche de l’évaluation, et en particulier, certains éléments de l’actif qui doivent être analysés spécifiquement, comme le droit au bail ou encore les actifs immobiliers. Il propose une boîte à outils comprenant notamment une liste des documents nécessaires à l’évaluation et un comparatif des logiciels d’évaluation existant sur le marché.

Pour approfondir

L’approche de la valeur par les risques

Un audit stratégique est essentiel pour déterminer les forces et faiblesses de l’officine. Lorsque des modifications apportées aux gammes, à la politique de prix de vente, aux circuits d’achat ou à la gestion des ressources humaines est susceptible d’améliorer les résultats futurs, le risque est alors jugé inférieur à la norme établie par KPMG (0,85 ou 0,90 au lieu de 1). Lorsque, au contraire, rien ne pourra permettre à la pharmacie d’améliorer sa rentabilité future et que la pharmacie est proche de son potentiel maximum, toute mauvaise nouvelle impactera sa valeur à la baisse.

Les banques évaluent leur taux de financement en fonction d’un risque. Plus le risque est élevé, plus le taux de financement bancaire est fort. Or, logiquement, si un pharmacien rembourse plus d’intérêts, il lui reste moins de disponibilités financières pour rembourser le capital.

A bénéfice égal, avec un risque en augmentation, il devra donc emprunter moins.