Gérer les crises financières

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Publié le 2 avril 2011
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Les faillites des officines sont en recrudescence, attestant que les difficultés financières n’épargnent plus la pharmacie. Rentabilité malmenée, détérioration de l’activité au fil des ans, gestion au fil de l’eau sans cohérence… Des éléments doivent inciter le titulaire à réagir avant qu’il ne soit trop tard. Décryptage des situations sensibles et mise en œuvre de plans d’actions.

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Difficultés financières structurelles (rendez-vous p. 4)

1 En présence de difficultés financières, le pharmacien a intérêt à réétaler son emprunt d’acquisition le plus tard possible.

2 La restructuration des emprunts à long terme est une opération peu coûteuse.

3 Si le pharmacien demande une autorisation de découvert, il doit ne solliciter que le strict minimum.

Procédures encadrées en cas de difficultés structurelles (rendez-vous p. 6)

4 La conciliation entre dans les procédures collectives.

5 La sauvegarde permet d’anticiper la procédure de redressement de l’entreprise en difficulté.

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6 Le dépôt de bilan ouvre la procédure de redressement judiciaire.

Difficultés opérationnelles (rendez-vous p. 12)

7 Les frais de personnel sont en moyenne de l’ordre de 11 %.

8 Le tableau de bord est un remède à la baisse du fonds de roulement.

9 Même si la structure financière est saine, il faut prendre des mesures opérationnelles.

Difficultés structurelles et opérationnelles (rendez-vous p. 14)

10 Un pharmacien qui connaît des difficultés structurelles et opérationnelles n’a pas besoin de plan de trésorerie.

11 Les problèmes de trésorerie des officines proviennent de la réduction des délais de paiement (LME).

12 Le poste des salaires est la variable d’ajustement sur laquelle il faut agir en priorité.

RÉPONSES

1 FAUX : Il faut renégocier son prêt dans une période où l’emprunteur paie beaucoup d’intérêts et rembourse peu de capital.

2 FAUX : En cas de changement de banque, il faudra payer des pénalités pour un remboursement anticipé.

3 FAUX : Mieux vaut demander un peu plus que ses besoins pour ne pas avoir à solliciter une augmentationdu plafond de découvert chaque mois.

4 FAUX : Il s’agit d’une procédure amiable ouverte au chef d’entreprise tant qu’il n’est pas en cessation de paiement depuis plus de 45 jours.

5 VRAI : Elle permet de geler toutes les créances si l’entreprise n’est pas en état de cessation de paiement depuis plus de 45 jours.

6 VRAI : Il est matérialisé par un dépôt du dossier au greffe du tribunal de commerce.

7 VRAI : Pour les pharmacies de l’ordre de 2 ? M€ de chiffre d’affaires.

8 FAUX : Ce n’est qu’un observatoire qui alerte le titulaire, mais il ne résout rien.

9 VRAI : L’action du gestionnaire doit porter sur l’activité, la marge, l’exploitation, les frais financiers.

10 VRAI : De manière générale, celui-ci ne présente guère d’intérêt pour une entreprise de petite taille telle que l’officine.

11 FAUX : D’autres éléments entrent en ligne de compte.

12 FAUX : Une réduction des effectifs ou des horaires, une suppression des primes sont autant de mesures qui risquent d’entraîner une démotivation du personnel très préjudiciable à l’entreprise.

CAS PRATIQUE N° 1

Difficultés financières structurelles

René exploite une officine qui dégage une rentabilité honorable. Mais il constate que la situation financière de sa société se détériore au fil des ans. Les résultats dégagés ne sont alors pas suffisants pour rembourser les emprunts.

L’ÉTAT DES LIEUX

Une situation financière dégradée

Dans une entreprise où les difficultés sont structurelles, le fonds de roulement se dégrade. Les délais de paiement auprès des fournisseurs ont été raccourcis. Ainsi, chez René, le besoin en fonds de roulement (BFR) largement négatif il y a quatre ans permettait de dégager de la trésorerie. Or, il s’approche désormais de l’équilibre (voir tableaux ci-dessous). La combinaison de ces deux éléments conduit à une dégradation continue et graduelle de la trésorerie. En revanche, le ratio d’autonomie financière s’est amélioré, c’est-à-dire que la dépendance de la société vis-à-vis de la banque a diminué. Il est souhaitable néanmoins d’agir, car la situation continuera à se détériorer.

Il convient d’apporter ici une réponse structurelle à un problème structurel en intégrant cinq données sur la pharmacie de René :

• Le pharmacien n’a pas d’argent à apporter.

• Il ne souhaite pas s’associer pour trouver du cash.

• Sa rémunération est normale et il n’y a pas lieu de la diminuer.

• La vente de l’officine est une fausse bonne idée, car l’affaire est « ? bonne ».

• La société est déjà à l’IS et aucun salut n’est à trouver du côté de la fiscalité, déjà optimisée.

La solution : le réétalement de l’emprunt

Il ne reste que la solution du réétalement de l’emprunt.

Elle est mise en œuvre, dans le tableau ci-dessous, sur l’exercice 2009.

Ce réétalement n’appauvrit pas la structure et n’est certainement pas un constat d’échec professionnel pour le titulaire.

• La restructuration du prêt initial peut s’apparenter à une mesure stratégique opportune, a fortiori dans un contexte de baisse importante des taux. Le pharmacien a intérêt à renégocier un prêt récent, à une période où il paie beaucoup d’intérêts et peu de capital.

• Toutefois, pour demander un nouvel échelonnement de la dette, il faut que l’officine ait été acquise depuis au moins trois ou quatre ans, voire cinq ans dans le cadre de pharmacies exploitées en société. En effet, lorsqu’une société rachète un fonds, la banque demande parfois le blocage des comptes courants par voie de convention pour une durée de cinq ans comme garantie. Passé ce délai, la société peut renégocier l’emprunt en y incluant le compte courant de manière, par exemple, à pouvoir rembourser, dans le cadre d’une SEL, l’associé investisseur de ses avances si celui-ci l’exige. En pratique, la jurisprudence considère que le remboursement ne doit pas mettre la société en péril.

• Pour consentir un réétalement du prêt, les banques font particulièrement attention à des données incontournables comme les bilans de l’officine, sa notation à la Banque de France ainsi que les perspectives macroéconomiques et sectorielles. Elles se rapprochent également des greffes des tribunaux de commerce afin de vérifier si l’entreprise a connu des situations financières particulièrement délicates. Si le pharmacien parvient à anticiper les difficultés financières, la demande de réétalement des emprunts auprès de la banque n’en sera que facilitée. Avec l’aide de l’expert-comptable, il faut avoir au préalable réfléchi au remboursement des nouvelles échéances.

LES DIFFÉRENTES SOLUTIONS DE FINANCEMENT

Il faut savoir si les difficultés financières sont conjoncturelles (passagères) ou structurelles (fonds acheté trop cher, insuffisance des capitaux propres…).

Trois solutions existent :

• Une autorisation de découvert permet de passer sans encombre les deux ou trois caps annuels clairement identifiés négatifs en termes de trésorerie.

• Un emprunt à moyen terme sera utilisé, par exemple pour financer un besoin en fonds de roulement pendant cinq ans. Pour cela, il est conseillé d’établir un budget prévisionnel couvrant la durée de ce prêt.

• La restructuration des emprunts à long terme est réservée aux situations financières les plus délicates. L’allongement de la durée du prêt permet d’alléger ses échéances de remboursement et de gagner en trésorerie journalière. L’emprunteur fait de plus une bonne opération sur le plan fiscal du fait de la création de nouveaux frais financiers. Toutefois, cette opération a un coût compte tenu des frais engagés en cas de clôture du premier prêt par remboursement anticipé (entre 3 % et 5 % en moyenne et parfois jusqu’à 10 % du capital restant dû) et de ceux inhérents à l’ouverture d’un nouveau crédit (en théorie négociables). Les éventuelles pénalités de remboursement anticipé peuvent être incluses dans le nouvel emprunt, tout en étant déductibles fiscalement.

• Autre solution : le rachat de crédits par une autre banque dont la proposition est plus attractive. Intéressant à partir d’un certain seuil. En effet, une baisse inférieure ou égale à 1 % du taux d’intérêt négocié pour son prêt justifie de rester fidèle à sa banque.

CAS PRATIQUE N° 2

Procédures juridiques encadrées

Martin ne parvient pas à se sortir d’une mauvaise passe financière. Pourtant, il a mis en place des échéanciers de paiement vis-à-vis de ses créanciers et restructuré le prêt de la pharmacie. Il sollicite une aide auprès du tribunal de commerce.

Les différentes procédures sont de deux types :

• Amiables : il s’agit de la désignation d’un mandataire ad hoc et de la procédure de conciliation.

• Collectives : ce sont les différentes procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire.

LES PROCÉDURES AMIABLES

La désignation d’un mandataire ad hoc

Pour l’aider dans ses négociations avec les administrations ou avec certains fournisseurs, le pharmacien peut solliciter le juge compétent pour désigner un mandataire ad hoc. Le mandat ad hoc est une solution efficace et discrète. Le tribunal de commerce nomme alors un mandataire qui assiste le chef d’entreprise dans ses négociations pour parvenir à un règlement amiable. Lorsque le dirigeant agit très en amont des difficultés, c’est une procédure adaptée et ciblée sur un ou deux objectifs de renégociation.

La procédure de conciliation

Le débiteur, ayant une activité commerciale ou artisanale, peut demander, sur requête, au président du tribunal de commerce, l’ouverture d’une procédure de conciliation lorsqu’il a une difficulté économique, financière ou juridique, avérée ou prévisible, et qu’il n’est pas en cessation des paiements depuis plus de 45 jours. Le débiteur doit accompagner sa demande de tous les justificatifs exposant ses difficultés financières conjoncturelles.

La procédure de conciliation permet de conclure un accord amiable pour mettre fin aux difficultés de l’entreprise (Code du commerce, art. L. 611-4 et sq.). Il peut être convenu entre les parties d’un moratoire pour le paiement des dettes.

LES PROCÉDURES COLLECTIVES

Si la situation du pharmacien est plus critique, il existe trois procédures pour le traitement judiciaire des difficultés.

La procédure de sauvegarde

Lorsqu’il s’agit de rééchelonner l’ensemble des créances, la sauvegarde prend le relais du mandat ad hoc. Comme ce dernier, elle découle d’une démarche volontaire du dirigeant et elle vise une structure qui n’est pas en état de cessation de paiement.

La procédure de sauvegarde permet de geler toutes les créances. Elle ouvre une période d’observation (six mois renouvelables) qui va permettre au dirigeant de définir un plan de sauvegarde qui prévoit le rééchelonnement de la dette. Dans ce cadre, le chef d’entreprise est accompagné dans les négociations par un juge-commissaire, dont le rôle est de veiller au bon déroulement de la procédure et à la protection des intérêts en présence. Il est accompagné par un administrateur judiciaire, chargé de surveiller l’activité économique de l’entreprise, et par un mandataire judiciaire, représentant les créanciers. Contrairement au mandat ad hoc, la sauvegarde est publique, ce qui parfois fait hésiter les dirigeants.

Ces hésitations conduisent souvent l’entreprise au redressement, faute d’avoir agi dès les premières difficultés.

La procédure de redressement judiciaire

Si le pharmacien n’a pas pris les dispositions suffisantes pour remédier à ses difficultés ou si les mesures de prévention, de sauvegarde ou de règlement amiable se sont révélées inopérantes, il est dans l’obligation de demander au tribunal de commerce, dans les 45 jours suivant la cessation de paiement, le redressement judiciaire.

Le dossier dénommé « déclaration de cessation des paiements » doit être déposé au greffe du tribunal de commerce. Il doit comporter un résumé de l’actif réalisable et disponible, un résumé des dettes (vis-à-vis du personnel, des banques, des organismes fiscaux, sociaux, des comptes courants d’associés, des fournisseurs…), un prévisionnel d’exploitation et de trésorerie. La procédure est similaire à celle de la sauvegarde (maintien de l’activité, phase d’observation), à la différence près qu’il appartiendra ici au seul administrateur judiciaire de proposer un plan de redressement. Cette procédure comprend deux étapes :

La période d’observation

Pour les « chanceux » qui ont obtenu le redressement judiciaire, commence alors une période d’observation destinée à étudier les chances de survie de l’entreprise et à présenter des propositions de continuation ou de cession. Dans cette phase de redressement judiciaire, le chef d’entreprise est épaulé par un administrateur judiciaire chargé de l’aider à restructurer l’entreprise et à présenter un plan de redressement. Il l’assiste pour certains ou tous les actes de gestion.

Le tribunal désigne aussi un mandataire judiciaire chargé de défendre les intérêts des créanciers. Son rôle est de vérifier le passif et d’agir dans l’intérêt collectif des créanciers.

Pendant la période d’observation, les pouvoirs du dirigeant sont donc limités, surtout si un administrateur provisoire a été désigné par le tribunal. Dans cette phase, l’entreprise doit d’abord se préoccuper de confirmer la viabilité de l’exploitation courante. La non-couverture des dépenses par les recettes entraîne automatiquement la liquidation. En revanche, les dettes antérieures à l’ouverture de la procédure sont gelées.

Au cours des deux premiers mois de la période d’observation, la société met généralement en œuvre, des mesures de restructuration :

• Licenciement de salariés : pour adapter les effectifs au chiffre d’affaires en diminution, l’entreprise en redressement judiciaire procède généralement à des licenciements pour motif économique. Les sommes dues aux salariés licenciés sont avancées par un organisme d’Etat, dénommé AGS. Ces sommes (dites superprivilégiées) devront être remboursées en priorité dans le plan de redressement.

• Résiliation de certains contrats, considérés comme non essentiels à la poursuite ou au redressement de l’activité.

La décision de continuation ou de cession

A l’issue de la période d’observation, d’une durée maximale de 18 mois, l’entreprise en redressement judiciaire dispose de deux voies pour en sortir : le plan de continuation ou le plan de cession. Dans le cas où les résultats de l’entreprise ne permettraient pas d’envisager le remboursement des dettes, celle-ci devra se tourner vers une solution externe de reprise. A contrario, si le dirigeant prouve qu’il peut régler ses dettes, un plan de continuation est alors envisagé. Il consiste surtout à lui accorder un moratoire pour régler ses créanciers, voire des remises de dettes. Mais un tel plan, dont la durée maximale est de 10 ans, peut aussi s’accompagner de cessions d’actifs, d’une réduction de la masse salariale, de l’apport de nouveaux capitaux propres.

La procédure de liquidation judiciaire

En cas d’échec de toutes les tentatives de sauvetage de l’entreprise, cette dernière sera conduite à la liquidation judiciaire sans poursuite d’activité. Lors de cette ultime procédure, le dirigeant est dessaisi, ses droits et actions étant exercés par le liquidateur désigné qui procède au licenciement de tous les salariés et à la vente des actifs. La liquidation judiciaire est clôturée par « extinction du passif » quand tous les créanciers ont été désintéressés.

Toutefois, lorsqu’il s’agit de fonds de commerce, le liquidateur peut organiser un dépôt des offres afin de rechercher des candidats intéressés par le droit au bail, les matériels, mobiliers, stocks, marques, brevets, licences…

A l’évidence, la reprise (sans les dettes) d’une société ou d’un fonds de commerce en procédure collective (redressement ou liquidation judiciaire notamment), présente de nombreux avantages pour un candidat repreneur dont celui d’acheter un outil de travail à un moindre coût (la décote appliquée sur le prix d’une officine peut être de 20 à 50 ?%, voire davantage). Cependant, le repreneur devra s’armer de patience : un dossier de cession après règlement judiciaire peut durer parfois plusieurs mois.

L’ABC… l’essentiel de la législation pour réussir la reprise de l’équipe

L’art de gérer les crises

LE CONTEXTE

Les contraintes

Pour essayer de tirer son épingle du jeu, il faut prendre en compte d’inévitables données :

•  Les volontés européennes et nationales d’une déréglementation visant l’ensemble des professions libérales.

•  Les mutations sociologiques de la clientèle qui change ses habitudes de consommation des produits « médicamenteux ».

•  L’engagement de l’Etat de limiter ses déficits par davantage de rigueur budgétaire.

•  La concurrence en provenance d’autres canaux de distribution.

Les solutions

Parmi les pistes envisagées, certaines seront restructurantes (regroupements, transfert, vente, association), d’autres concerneront plus simplement la gestion. En dernière extrémité, le pharmacien devra se résoudre à compresser la masse salariale. C’est une mesure qui va malheureusement à contresens des enjeux et des défis de la loi HPST. Outre la taille, les structures et l’organisation deviennent des critères de plus en plus déterminants pour la pérennité de l’entreprise officine :

•  Les pharmacies regroupées au sein des nouveaux modèles d’exercice (SEL) exercent d’une manière confortable et ont plus de moyens.

•  Les pharmacies les moins vulnérables sont celles qui atteignent une certaine taille ou travaillent réellement de manière groupée pour offrir un meilleur service, amortir les frais fixes ou obtenir des conditions d’achats meilleures.

•  Les pharmacies qui parient sur un environnement local favorable au plan commercial (transfert, travaux, redynamisation du quartier, incompétence du prédécesseur…).

•  Les pharmacies qui ont amélioré leur gestion.

•  Les plus petites pharmacies ont subi des baisses significatives de rentabilité en valeur.

DÉFINIR L’ORIGINE DE LA CRISE

Tout au long de sa vie professionnelle et dans ses actes de gestion, le pharmacien titulaire est appelé à faire des choix et à prendre des décisions importantes qui conditionnent le développement de son entreprise.

Les décisions stratégiques

La stratégie définit les orientations générales à long terme (externalisation d’une branche d’activité, rachat d’un concurrent, fermeture d’un site, partenariat, déménagement, recentrage d’activité, spécialisation, mariage, fusion…). A chaque décision stratégique suit une période d’instabilité pour l’entité. Une erreur stratégique peut se payer cher, pouvant aller jusqu’à la fermeture de l’entreprise.

Les décisions stratégiques du pharmacien traditionnel (à l’instar de l’ensemble des professions libérales) étaient jusqu’à présent assez rares et comportaient des risques assez limités. Elles consistaient à réussir sa première installation, à gérer éventuellement le transfert du point de vente, à envisager de s’associer et enfin à revendre son affaire au moment le plus opportun. Désormais, les dirigeants pharmaciens sont amenés à prendre des décisions stratégiques plus souvent, déstabilisantes et donc risquées pour leurs entreprises, à l’instar des autres acteurs de la vie industrielle et commerciale.

Les décisions opérationnelles (ou tactiques)

A l’inverse d’une mauvaise décision stratégique qui engage à long terme l’entreprise, une erreur opérationnelle relève du quotidien. Elle est moins engageante, sauf lorsqu’elle n’est pas corrigée ou vient alimenter le lot des multiples autres erreurs opérationnelles. Il s’agit alors d’incompétences managériales récurrentes. Et il faudra s’interroger sur le rôle et l’avenir du capitaine dirigeant l’entité.

Au-delà, l’opérationnel est chargé de décliner les choix stratégiques. Les décisions opérationnelles mettent en œuvre des modèles d’organisation et de fonctionnement. Il s’agit, par exemple, de la qualité, de la formation, du recrutement, du licenciement, de la mise en place d’un tableau de bord mensuel de suivi des composantes de la marge et de la rentabilité, d’un accord d’intéressement, de l’aménagement des heures d’ouverture aux besoins des patients, de la révision de l’organisation administrative, de la gestion des commandes (éventuellement groupée avec des confrères), du plan de formation annuel, des opérations commerciales spécifiques, des investissements (informatique…), du contrôle interne, de la révision des délais de paiements, etc.

GÉRER LA CRISE

Quelles causes pour quelles difficultés ?

Pour gérer une crise, il est proposé au préalable d’identifier si elle est stratégique ou opérationnelle et, aussi, si elle relève du cœur du métier ou de la finance.

En définitive, si le dirigeant arrive à déceler l’origine de la crise et à la « cataloguer » opportunément, les solutions devraient être plus faciles à mettre en œuvre.

Pour améliorer ou affiner la méthode, le dirigeant doit être éclairé objectivement sur les compétences, les points forts et les points de faiblesses, ainsi que les menaces et les opportunités de son entreprise par rapport à son environnement.

Le tableau de bord

La présentation d’un tableau de bord mensuel sera du meilleur effet car c’est un outil rassurant particulièrement apprécié par un organisme de financement puisqu’il apporte des gages de réactivité rapide du dirigeant lorsque les indicateurs économiques virent au rouge.

Pour convaincre et emporter la décision du banquier, le pharmacien présentera les actions correctives et les efforts envisagés pour redresser la barre. L’analyse des postes budgétaires sur lesquels l’officine peut gagner en rentabilité ou économiser est un atout, comme la réduction des frais généraux ou des prélèvements du titulaire. Les éléments du tableau de bord doivent être simples à collecter et faciles à exploiter. Quelques indicateurs suffisent au pharmacien pour suivre l’évolution de son activité et de sa marge, apprécier la productivité de son personnel et vérifier que ses finances sont saines.

Les indicateurs d’activité

Le chiffre d’affaires est le résultat de la multiplication du nombre de clients par le panier moyen. Il est intéressant de déterminer dans quelle mesure l’un ou l’autre de ces deux paramètres intervient quotidiennement.

Un panier moyen qui régresse peut traduire un nouveau tour de vis dans la politique de maîtrise des dépenses de santé ou être la conséquence d’un changement, par exemple le départ à la retraite ou le déménagement d’un prescripteur important.

Face à une baisse de la fréquentation, il est possible d’invoquer des facteurs externes (baisse de la population locale, déplacement des habitudes de consommation et de l’attractivité commerciale, création d’une officine à proximité, fermeture d’un commerce voisin, travaux devant l’officine modifiant les conditions d’accès [parking, sortie de métro provisoirement condamnée], etc.), ou internes (agencements vieillissants, produits manquants, mauvais accueil réservé aux clients, personnel insuffisamment attentionné ou motivé…).

Les indicateurs de marge

Surveiller attentivement l’érosion du taux de marge permet d’anticiper certaines décisions. Son suivi est facilité par les analyses de marge (réalisées à partir des achats) remises tous les mois par les grossistes-répartiteurs à leurs clients. Mais attention, cette vision de la marge sur le médicament vigneté est incomplète car elle ne prend pas en compte l’incidence du « direct ».

En cas d’anomalies importantes dans l’évolution des marges, il faut en chercher les raisons : coefficient multiplicateur non adapté, manque de rigueur dans la politique d’achat ou dans la politique de management, politique des remises trop forte, concurrence importante, pertes sur stock, prélèvements dans la caisse, démarque inconnue…

Les indicateurs de productivité du personnel

L’appréciation de la performance économique nécessite préalablement l’étude de la productivité du personnel. Le ratio frais de personnel sur CA HT permet de comparer, sur la période d’observation choisie, l’évolution de la masse salariale à celle du CA HT et de se situer par rapport à une population d’officines économiquement proche (même tranche de CA, même localisation).

En l’absence de croissance, l’amélioration de la productivité devient un chantier prioritaire. Comment jouer sur ce ratio et prouver aux salariés que les efforts paient ? Il faut penser à d’autres leviers que le salaire pour motiver son équipe : environnement matériel gratifiant, horaires souples, sécurité de l’emploi, bonus financier en cas d’effort particulier, promotion, formation…

Les indicateurs financiers

La capacité de l’officine à honorer ses engagements se juge sur un certain nombre d’indicateurs financiers.

La surveillance des éléments influençant la trésorerie est à rapprocher de l’analyse du bilan qui est le document comptable permettant d’appréhender l’équilibre financier de l’officine. La recherche d’une amélioration de trésorerie oblige à surveiller de près les actifs et passifs « ? circulants ».

Si la trésorerie se tend, posez-vous les bonnes questions.

• Vos stocks : ne sont-ils pas trop élevés ? N’y a-t-il pas de « ? rossignols » ? En moyenne, le stock doit représenter environ 8 à 10 % du CA, soit 41 jours d’achats en moyenne.

• Votre crédit client : la sécurité sociale est-elle diligente dans le suivi des règlements ?

• Votre crédit fournisseur : quel est l’encours du grossiste ? L’échéance à régler à la fin du mois est-elle plus importante ?

• Votre compte de l’exploitant : les prélèvements ne sont-ils pas trop importants ?

• Vos liquidités en banque : de combien disposez-vous ?

• Le montant des agios payés : Quel est le taux de rémunération du découvert bancaire ?

CAS PRATIQUE N° 3

Difficultés opérationnelles de la pharmacie « endormie »

Pierre exerce en entreprise individuelle. Il a créé son officine il y a 20 ans, et l’a transférée à côté d’un centre commercial, dans une surface plus vaste, il y a 6 ans. Sans connaître de difficultés financières structurelles, il accumule des problèmes liés à la gestion quotidienne. Comment peut-il sortir de l’impasse ?

L’ÉTAT DES LIEUX

Une pharmacie endormie

Pierre n’a pas fait d’erreurs stratégiques fondamentales, ce qui a assuré le développement naturel de son affaire. Mais cet essor est surtout lié à des facteurs externes favorables, et non pas à ses compétences entrepreneuriales. Ses bonnes performances commerciales ont masqué sa gestion laborieuse, voire calamiteuse, et cet état de fait aujourd’hui pourrait, dans un contexte économique moins favorable, le mettre gravement en difficulté financière.

Une gestion incohérente

L’activité progresse bien, mais les achats sont menés « en dépit du bon sens » (gestion des quantités) car les conditions commerciales ne sont ni correctement négociées, ni vérifiées. Par ailleurs, la politique commerciale et tarifaire est incohérente. En outre, l’organisation du contrôle interne présentant des points de faiblesse forts, ce pharmacien peut aussi être victime de détournements (espèces, stocks….). En définitive, les charges d’exploitation ne sont pas maîtrisées : les frais de personnel représentent 14,42 % du chiffre d’affaires, alors qu’ils sont en moyenne de l’ordre de 11 % pour cette typologie d’officine. Certes, la rentabilité mesurée par le ratio de performance commerciale et de gestion (la PCG) a augmenté en valeur de 2009 à 2010 (de 87 k€ à 106 k€). Mais elle est inférieure à 5 % du chiffre d’affaires, alors qu’elle est en moyenne de 13,7 % pour cette typologie d’officine en 2010. En outre, les résultats dégagés ne permettent certainement pas de rémunérer convenablement le titulaire.

Une détérioration de l’activité

Les capitaux propres ainsi que le fonds de roulement se détériorent au fil des ans. Le fonds de roulement n’est plus suffisant pour couvrir le besoin en fonds de roulement. Pour la première fois depuis 20 ans, Pierre est en découvert à la banque et a même sollicité un réétalement auprès de son grossiste.

LE PLAN D’ACTION

Ce pharmacien cumule toutes les erreurs opérationnelles, mais décide de se remettre vraiment en cause. Son objectif est de travailler sa rentabilité pour qu’elle atteigne, en deux ans, un niveau légèrement en dessous des performances moyennes pour cette typologie d’officine.

A chiffre d’affaires constant, le gain potentiel est évalué à 154 k€.

Le plan d’action décliné, coûteux dans un premier temps, porte sur le redéploiement de l’activité commerciale et la maîtrise des coûts.

Redéployer l’activité commerciale

Trois niveaux d’actions sont à considérer.

Activité et marge

• Réaménagement de la politique commerciale (aménagement des heures d’ouverture, prix, merchandising…).

• Achat « en direct » de certaines références.

• Négociation avec les fournisseurs en connaissance de cause (avec un contrôle véritable a posteriori) et achats groupés.

• Une gestion permanente des stocks plus fiable.

• Révision de l’organisation du contrôle interne pour pallier les éventuels détournements.

Exploitation

• Revoir les conditions de collaboration avec les prestataires.

• Licenciement du personnel incompétent.

• Intéressement du personnel en fonction de la rentabilité.

• Réaménagement des horaires de l’équipe pour qu’ils « collent » aux besoins des patients.

• Formation et qualité.

• Coaching du titulaire.

Frais financiers et structure du bilan

Le titulaire va agir également sur les paramètres financiers pour améliorer la structure de son bilan et, indirectement, des résultats.

• Déstockage intensif (même à prix coûtant).

• Renégociation des conditions de découverts. et fonctionnement des comptes.

• Emprunt de « restructuration » pour rétablir la trésorerie.

• Réduction des frais généraux : même si la marge de manœuvre est réduite, Pierre pourra analyser différents postes.

• Les crédits-bails : le pharmacien pourra vérifier l’application du contrat et recalculer le taux d’intérêt retenu avant de signer un nouveau contrat car les taux d’intérêts pratiqués ne sont pas toujours affichés ou lisibles.

• Le renouvellement du bail peut être l’occasion de renégocier certaines clauses du contrat ou le loyer à la baisse, surtout si la modification des facteurs locaux de commercialité a été défavorable à l’activité de la pharmacie.

• Le poids des charges liées aux assurances.

• La comptabilisation des frais de déplacement, qui doit s’apprécier au cas par cas.

• Les honoraires du cabinet d’expertise comptable. Mais, attention, la réduction de ses interventions n’est pas forcément judicieuse. Pierre devra mettre en rapport la qualité de son travail, le prix et l’étendue de sa mission avant de prendre une décision. Il peut aussi recourir à un comptable multi-employeurs (considéré comme un membre du personnel rémunéré à ce titre sous forme de salaires).

• Les services bancaires doivent être regardés de près. Frais de tenue de compte, de carte bancaire, de consultation… Pierre pourra vérifier l’application des conditions prévues (intérêts de découvert et frais inhérents…), se livrer périodiquement à des analyses comparatives avec les tarifs des concurrents et renégocier au cas par cas quand les écarts apparaissent démesurés, à services rendus comparables.

• Les salaires du personnel : licencier un ou plusieurs collaborateurs ou réduire leurs horaires peuvent nuire à la qualité du service et mécontenter la clientèle, d’où un risque de perte de fréquentation. Là encore, il faut faire les bons arbitrages.

• Les charges sociales : il est prudent de vérifier la bonne application du régime des aides.

CAS PRATIQUE N° 4

Difficultés structurelles et opérationnelles

Marie a racheté une officine il y a deux ans à 90 % du chiffre d’affaires, avec un apport de 20 %. Un an après son installation, la pharmacienne a financé par emprunt des travaux d’agencement. Elle attendait un sursaut d’activité de 10 % qui, en définitive, n’a été que de 2 %. Sa trésorerie est fragilisée.

L’ÉTAT DES LIEUX

Une pharmacie en sursis

La trésorerie globale est confortable aujourd’hui. Mais, à rentabilité prévisionnelle constante, et avec une rémunération normale du titulaire, l’expert-comptable prévoit des difficultés financières à un horizon de cinq ans car la trésorerie s’effiloche tous les ans par simple effet mécanique. L’officine est exploitée au sein d’une société à l’IS.

Une fragilité liée à l’inexpérience du titulaire

Pour un jeune pharmacien en première année d’installation, il est impossible de maîtriser toutes les facettes de l’entreprise sous ses aspects « métier » (soins des patients), managériaux, financiers, stratégiques, informatiques ou encore relationnels. Les erreurs sont normales, mais parfois déstabilisantes et sèment le doute. Aussi, rien d’étonnant qu’une situation de trésorerie négative présagée par l’expert-comptable, cumulée à une certaine inexpérience, puisse paniquer le titulaire et l’amener à prendre des décisions irréfléchies.

LE PLAN D’ACTION

A ne pas faire

•  Transmettre son stress à l’équipe sur ce sujet qui ne la concerne pas.

•  Se disperser.

•  Vendre la pharmacie.

•  Penser que les difficultés proviennent du poids des impôts ou des cotisations sociales.

•  Agir sur la présentation des comptes pour baisser les résultats et payer moins d’impôt. Cette solution est impossible car il convient justement de dégager des résultats destinés à rembourser l’emprunt.

•  Supprimer les primes des salariés ou ne pas renouveler un contrat d’intéressement. Les difficultés financières prévisibles de l’entreprise ne relèvent pas de la responsabilité de l’équipe. Pis, cela pourrait conduire à une démotivation impactant directement l’activité, puis la rentabilité et, en bout de course la trésorerie.

•  Souscrire des contrats de retraite complémentaire (non obligatoires).

•  Penser que les solutions vont venir de la mise en place d’outils de gestion à court terme :

– Le tableau de bord, commercial et financier, est destiné à fournir des indicateurs simples, au moins mensuels, afin de permettre au titulaire de suivre et de comprendre l’évolution des composantes de sa marge et de sa rentabilité, de se comparer par rapport au marché ou aux performances de ses confrères. Nul n’est besoin, en effet, d’attendre la production des comptes annuels pour agir sur des aspects opérationnels. Mais cet outil de gestion n’est qu’un baromètre, il permet simplement d’agir plus vite en cas de dérive grave.

– Le plan de trésorerie. Les officines de pharmacie sont des entités légères n’ayant pas forcément besoin de se doter d’outils surdimensionnés, plutôt réservés aux grandes entreprises cherchant à optimiser leurs finances. La mise en place d’un plan de trésorerie mensuel, laborieux à suivre, n’apportera aucune solution.

– Le suivi pointilleux des frais généraux. Inutile de suivre comme le lait sur le feu les charges externes (électricité, frais de déplacements, honoraires, services bancaires, loyers, locations informatiques…), ces postes étant connus à l’avance avec suffisamment de précision (sauf exceptions rares en pharmacie). L’énergie déployée au suivi de ces charges devrait plutôt être réorientée sur l’analyse des composantes de la marge qui, elles, fluctuent en permanence.

A faire

•  Analyser sereinement la cause des difficultés. Ici, dès le départ, le prix de négociation était trop élevé par rapport aux perspectives de rentabilité.

•  Améliorer le management de l’équipe.

•  Améliorer la communication externe.

•  Rechercher des sources d’optimisations fiscales.

•  Remettre à plat le partenariat bancaire.

– Mettre en exergue tous les ans l’évolution positive des comptes avec le ratio d’autonomie financière traduisant le désendettement significatif de la société.

– Communiquer en proposant par exemple la renégociation de l’emprunt.

•  Recourir aux conseils externes spécialisés (commerce, finances, management…), si ceux-ci formalisent par écrit leurs recommandations.

ZOOM SUR LE MARCHÉ DE LA TRANSACTION

Les pharmacies aujourd’hui en difficulté sont, sans surprise, les pharmacies surendettées. Les dépôts de bilan touchent principalement les primo-accédants qui ont bâti leurs prévisions sur des évolutions plus favorables de leur activité ainsi que ceux qui ont acquis à un prix trop élevé leur fonds de commerce. Les pharmacies les plus en difficultés sont celles qui ont été acquises il y a trois ans, au plus haut du marché (> 110 %), avec des taux d’intérêts très faibles donc difficiles à refinancer, et avec des prévisionnels intégrant une hausse élevée du chiffre d’affaires. Deux cas de figure sont possibles :

•  Les pharmaciens récemment installés, et donc endettés, qui ont acheté leur outil de travail à un prix trop élevé, en dépit des potentialités réelles de rentabilité. Les difficultés structurelles financières sont insurmontables. Ce scénario classique est, dès le départ, à inscrire dans les chroniques des morts annoncées, alors même que des banquiers ont pu accompagner le financement.

•  Certains pharmaciens sont incapables de s’adapter à une évolution simple de leur environnement. Plus que jamais en période de crise, la pharmacie est une PME qu’il faut piloter en temps réel et qui doit s’entourer de conseils à même d’anticiper l’évolution de l’officine et d’accompagner le pharmacien dans la tempête actuelle.

Ce qu’il faut retenir

Les pharmaciens sont amenés à prendre des décisions stratégiques plus régulièrement.

Dans ce contexte il convient :

• D’identifier les points forts et les points faibles de l’entreprise, ses menaces et ses opportunités.

• De prendre le temps d’adopter une stratégie.

• De préférer les actions préventives aux actions curatives.

• De définir un plan d’action annuel pour les questions d’ordre tactique.

• De s’assurer de la mise en place et du suivi des plans d’action.

• De mesurer a posteriori l’efficacité réelle d’une stratégie.

Rechercher les causes des difficultés financières. Les principales causes sont :

• Un mauvais montage financier à l’installation (prix trop élevé et apport personnel insuffisant d’où endettement excessif).

• Une baisse tendancielle du chiffre d’affaires et de la marge.

• La faiblesse de la rentabilité mise en évidence par des ratios d’exploitation en dehors des normes.

• Une fiscalité trop lourde et mal anticipée en matière d’impôt sur le revenu.

• Un poids croissant des charges sociales obligatoires du titulaire ;

• Une gestion peu rigoureuse : stocks trop élevés, retards de tiers payant, prélèvements personnels importants au regard de la capacité bénéficiaire de l’officine, mauvais management de l’équipe, mauvaise maîtrise des charges…

S’alerter quand surviennent les effets des difficultés financières :

• Trésorerie négative passagère ou durable.

• Echéances fournisseurs payées en retard.

• Découvert bancaire permanent et dépassement du découvert autorisé.

• Charges sociales ou TVA non acquittées dans les temps.

• Etat de cessation des paiements et dépôt de bilan.

À NOTER

La pharmacie peut connaître des difficultés financières alors que son chiffre d’affaires progresse bien. Même si le prévisionnel table sur des perspectives de croissance, il faut souvent prévoir un supplément affecté au financement de l’augmentation du besoin en fonds de roulement consécutive à l’accroissement du stock et au développement de l’activité.

INFOS CLÉS

BIEN ÉTUDIER LES PROPOSITIONS DES BANQUES

• Comparez minutieusement les offres du marché. Les taux pratiqués sont très variables et le pourcentage annoncé en vitrine ne reflète pas toujours la réalité.

• La mise en concurrence sur une telle opération n’est pas toujours la plus payante.

POUR APPROFONDIR

D’autres pistes possibles pour s’en sortir

• Passer en société à l’IS. Un changement de statut juridique est parfois plus efficace qu’un réétalement du prêt pour sortir d’une mauvaise passe. Par exemple, un pharmacien en entreprise individuelle peut vendre son fonds à une SEL soumise à l’IS, même si cette solution, coûteuse et appauvrissante souvent à long terme, ne doit être retenue que dans les cas extrêmes. Si le pharmacien exploite déjà en société, il peut aussi opter pour le régime IS. Le régime IS offre une visibilité financière bien meilleure que dans le régime à l’IR. C’est un moyen de sécuriser financièrement son projet d’installation en réalisant de réelles économies pendant la durée de remboursement de ses emprunts professionnels.

• L’association permet d’injecter de l’argent frais dans l’entreprise. En cas de rachat de parts, la vente d’une partie des parts sociales permet de rembourser par anticipation une partie de l’emprunt et d’injecter le surplus en compte courant.

• Réduire son besoin en fonds de roulement. Certains ajustements en bas de bilan sur les stocks, crédits clients et crédits fournisseurs peuvent être entrepris. Par exemple, à l’occasion de l’inventaire, le pharmacien pourra éliminer de l’offre les produits à trop faible rotation et sortir du stock les produits dépréciés.

• Passer une heure par semaine à relancer des clients mauvais payeurs.

• Réduire le nombre de fournisseurs pour augmenter son pouvoir de négociation.

• Exploiter les nouvelles dispositions offertes aux pharmaciens, comme la possibilité de créer des structures d’achats groupés.

• Différer les investissements. Investir reste capital pour l’entreprise, mais quand les indicateurs virent au rouge, il faut se résigner à geler ou reporter les investissements.

• Mieux négocier son crédit à court terme. Cela peut contribuer à réduire le BFR. La marge de négociation réside dans le plafond de l’autorisation de découvert, plus que sur le taux d’intérêt. Le but est de négocier un peu plus que nécessaire pour ne pas risquer de demander une rallonge tous les mois. Pour obtenir l’accord de la banque, qui peut être tentée de durcir sa position sur les découverts compte tenu de la morosité ambiante, il est conseillé de présenter un plan de trésorerie sur douze mois avec des prévisions d’entrées et de sorties par mois.

• Fractionner son exercice. Pour diminuer le résultat et réduire les impôts à un moment clé, le changement de date de clôture des comptes, en fractionnant l’exercice normal de 12 mois, fait partie des solutions habituellement conseillées par les experts-comptables. Il peut apporter un ballon d’oxygène en cas de difficultés financières ou de forte imposition à l’impôt sur le revenu.

INFOS CLÉS

TROIS PROCÉDURES EN CAS DE DIFFICULTÉS

• La sauvegarde pour anticiper la cessation de paiements.

• Le redressement judiciaire pour apurer son passif.

• La liquidation judiciaire qui met fin à l’activité.

POUR APPROFONDIR

Obtention à l’amiable d’un délai de paiement

Dans le cadre de ses relations commerciales et en dehors de toute action judiciaire, une entreprise peut, en principe, accorder un report ou un échelonnement de paiement lorsque son partenaire connaît de réelles difficultés de trésorerie. C’est le principe de la libre négociation.

Cependant, pour qu’un délai de paiement soit négociable, il faut que le débiteur connaisse une véritable crise de trésorerie passagère. En outre, l’accord d’un délai de paiement supplémentaire doit être donné librement. Le créancier ne doit donc pas subir de pressions abusives de la part de son client ou être en situation de faiblesse économique par rapport à lui. En revanche, le créancier ne peut pas accorder de moratoire à son client débiteur en difficulté si le délai de paiement est imposé par la loi et que son non-respect est sanctionné pénalement.

L’AVIS DE L’EXPERT

Olivier Delétoille expert– comptable du cabinet ArythmA

Une crise peut toucher les pharmaciens à des périodes différentes et sur des domaines très divers, mais cet « état de fait » n’est certainement pas collectif ou uniforme pour toute la profession comme cela a pu être le cas dans d’autres secteurs (textile, sidérurgie). C’est souvent moins au niveau des frais de personnel qu’il faut porter les efforts que sur la maîtrise du chiffre d’affaires et de la marge. Il est essentiel de bien connaître les composantes des activités et des marges, qu’elles soient soumises à concurrence (OTC par exemple) ou encadrées (sur les princeps ou les génériques essentiellement). Il faut mener des comparaisons simples, faire du benchmarking. En pratique peu de pharmaciens suivent l’évolution rapide des règles du jeu en matière de rémunération. C’est dommage, car ce n’est qu’en connaissance de cause, et non avec des approximations, qu’il est possible de mener des négociations pertinentes, de « pousser » un produit plutôt qu’un autre, d’arbitrer entre achats directs ou achats grossistes, de négocier les remises en valeur

Prévenir les difficultés

Les conséquences des difficultés sont presque systématiquement prévisibles. Il y a moyen d’adopter une approche préventive par :

• Des décisions stratégiques :

– Choisir une officine ayant de véritables atouts à exploiter.

– Ne pas acheter un fonds en dehors d’un prix raisonnable.

– Mesurer précisément la consistance de ses apports.

– Adopter une structure juridique et fiscale adaptée.

– Réétaler les emprunts.

– Se grouper.

– Communiquer avec les partenaires bancaires.

– Ouvrir le capital à un ou plusieurs autres pharmaciens.

– Vendre l’officine.

• Des décisions opérationnelles :

– Améliorer la gestion.

– Travailler la rentabilité de l’entreprise.

– Limiter les prélèvements du dirigeant.

– Travailler plus.

L’AVIS DE L’EXPERT

Olivier Delétoille expert-comptable du cabinet ArythmA

« Le tableau de bord n’est pas un remède à un mal identifié. Ce n’est qu’un condensé d’indicateurs et un outil de contrôle qui permet de prendre périodiquement le pouls de l’entreprise, d’appréhender au quotidien son évolution, et par là même, d’améliorer sa gestion. Il permet de détecter une tendance négative, de prendre immédiatement les mesures qui s’imposent et de suivre les résultats des actions entreprises les mois suivants. Bien construit, cet outil de gestion doit permettre une réelle rapidité de réaction face à des événements nouveaux. Il évitera au pharmacien de s’échouer sur des écueils financiers redoutables, tout en lui assurant une sécurité dans la prise de décisions ainsi qu’une évaluation précise du bien-fondé de ses décisions pour maintenir ou améliorer la santé de son affaire. »

Faire appel à un expert des entreprises en difficulté

Les dossiers des entreprises en difficulté sont parfois complexes. L’intervention d’un cabinet spécialisé dans le redressement des entreprises en difficulté peut avoir un impact psychologique positif à l’égard de créanciers tels que la banque, l’Urssaf ou le grossiste-répartiteur. C’est pour eux un gage d’assurance.

Ce cabinet réalise dans un premier temps un diagnostic pour déterminer les causes réelles du problème. Il va ensuite faire le tour des solutions envisageables pour redresser l’entreprise, en tenant compte des facteurs de risque (insuffisance de capitaux propres lors de l’achat, prix du fonds trop élevé, faiblesse endémique des ratios d’exploitation, incapacité du titulaire à proportionner ses prélèvements personnels avec la capacité bénéficiaire de l’officine) et des facteurs aggravants (MDL, poids croissant de la fiscalité et des charges sociales, stagnation du CA). Peut-on faire un apport personnel complémentaire ? Le titulaire peut-il réduire ses prélèvements personnels et son train de vie ? Peut-il avoir une ou des actions de redynamisation de son activité ? Peut-il envisager une réduction de l’effectif ou des horaires ? Une renégociation du crédit principal ? L’incidence de chaque solution préconisée fait l’objet d’une mesure à moyen terme.

Si la situation n’est pas irréversible, le cabinet prépare un plan d’étalement des dettes. Ce règlement amiable procède d’un accord négocié qui doit recueillir l’unanimité des créanciers.

À NOTER

Pour le suivi de l’évolution de la rentabilité, la mise en place d’un tableau de bord financier mensuel apparaîtra utile.

POUR APPROFONDIR

Cinq façons d’économiser sur les frais fixes

• Utiliser des ampoules basse consommation. Plus chères à l’achat, elles durent cependant huit fois plus longtemps et consomment quatre fois moins d’énergie que les ampoules standard.

• Réduire la consommation des écrans des ordinateurs en utilisant les fonctions « économie d’énergie » ou « mise en veille automatique ».

• Réduire la facture énergétique sur les machines. L’Ademe* propose aux entreprises de réaliser un diagnostic énergétique et subventionne l’installation de machines moins gourmandes en énergie.

• Economiser sur les équipements et fournitures de bureau : les imprimantes et les photocopieuses peuvent être partagées entre plusieurs postes. Pour le bureau, les fabricants proposent des modèles tout en un, qui font à la fois imprimante et photocopieur… Acheter ses fournitures de bureau sur le Web sur des sites réservés aux PME.

• Faire baisser la facture de téléphone : analyser les offres et tarifs du marché par rapport à vos besoins.

* Ademe : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

Quatre conseils à retenir

• Interroger son expert-comptable sur les conséquences d’un recul durable de l’activité sur l’équilibre financier de l’entreprise.

• Redonner confiance à l’équipe en favorisant la libre expression de ses collaborateurs par l’organisation de réunions régulières.

• S’interroger sur la mise en place éventuelle d’un dispositif de motivation des troupes (intéressement, avantages salariés, récompense des performances individuelles…).

• Prévoir des budgets de frais généraux, en début d’année, avec son expert-comptable et suivre tous les trimestres les écarts constatés.

POUR APPROFONDIR

Avantages de l’impôt sur les sociétés (IS)

Le titulaire ne paie pas de charges sociales ni d’impôt sur le revenu sur la partie des bénéfices servant à rembourser le capital de l’emprunt qui, elle, est soumise au seul impôt sur les sociétés. Le titulaire peut arbitrer entre revenus du travail et revenus du capital. Les bénéfices servant à rembourser la banque échappent aux cotisations sociales tant qu’ils ne sont pas distribués. De cette façon, le pharmacien gérant garde la maîtrise de sa fiscalité.

Le solde de résultat net non prélevé peut être distribué annuellement par dividendes soumis aux contributions sociales.

Or, la loi de financement de la sécurité sociale de 2009 soumet les dividendes à cotisations sociales si la distribution est supérieure à 10 % de la participation en capital social et compte courant d’associés. Par exemple, si le capital et les comptes courants sont respectivement de 150 000 €, la distribution en franchise de cotisations est de 15 000 €. Les dividendes viendront s’ajouter aux autres revenus du ménage pour déterminer le revenu global soumis à l’IR. La comparaison sur les revenus annuels dégagés est incontestablement à l’avantage de l’IS, en l’état des taux de cotisations sociales et du barème de l’IR applicables aujourd’hui. L’acquisition en société à l’IS permet d’améliorer la capacité d’endettement de l’acquéreur, et de ménager une rémunération de gérance bien supérieure de 1 000 € par mois par rapport à une structure à l’IR, pendant la période de remboursement des emprunts.

6 conseils pour surmonter la crise

1. COMPRENDRE.

Les mutations sociologiques et réglementaires s’imposent au pharmacien. A lui de les intégrer dans ses décisions stratégiques et dans sa gestion au quotidien.

2. DUPLIQUER.

Pour cela le pharmacien peut s’imprégner des méthodes des autres secteurs d’activités, sans réinventer le monde, et les mettre en œuvre dans son entreprise.

3. DISCERNER.

Discerner les problèmes relevant de la stratégie et ceux relevant de la tactique (l’opérationnel). Chaque décision stratégique constitue une période d’instabilité pour l’entité, une prise de risque importante, qui compromettra sa survie ou garantira sa pérennité.

4. ANTICIPER.

Agir en conséquence plutôt que de subir les problèmes en prenant des décisions uniquement défensives.

5. GROUPER.

Dans l’hypothèse générale d’un maintien ou d’une baisse des marges en valeur et compte tenu de l’augmentation systémique des charges, les pharmaciens ayant le souhait de maintenir leur rentabilité et leur niveau de revenus n’ont pas d’autre solution que de revoir leur modèle d’organisation. Ils se groupent sous des formes diverses. Des regroupements sont engagés au travers des montages en SEL entre plusieurs pharmacies, ou via l’adhésion à des groupements plus ou moins formels.

6. GÉRER.

Les orientations tactiques relèvent des décisions prises au quotidien (qualité de services, gestion des achats, ressources humaines, relations avec les prestataires de services, …). Si l’objectif est de maintenir ou de développer la rentabilité, les dirigeants ont à agir sur tous les vecteurs composant le compte de résultat annuel en validant la politique commerciale, la maîtrise de la marge et le juste niveau des frais (charges externes et frais de personnel).