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L’OFFICINE TOUCHÉE DE PLEIN FOUET
Parmi toutes les mesures annoncées par Xavier Bertrand pour réformer en profondeur le système sanitaire, les pharmaciens retiendront le déremboursement des médicaments à SMR insuffisant et la réévaluation de la pharmacopée française.
Une réforme d’ampleur. » C’est ainsi que Xavier Bertrand, ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé, a qualifié la réforme du médicament, jeudi 23 juin. Les mesures qui devraient faire l’objet d’un projet de loi présenté avant fin juillet au gouvernement s’appuient sur trois piliers : la prévention des conflits d’intérêt et la transparence des décisions ; le patient et l’intérêt du patient ; l’information des patients et la formation des professionnels de santé.
La transparence des décisions
Les différents rapports déjà rendus publics sur le système sanitaire (Mission Mediator de l’Assemblée nationale, Assises du médicament, Igas) sont unanimes : le fonctionnement des commissions et des agences et les conflits d’intérêts entre experts et industrie pharmaceutique ont rendu opaques les prises de décision. Pour y remédier, Xavier Bertrand propose que tous les acteurs intervenant dans le domaine de la santé, les experts mais également les fonctionnaires, remplissent une déclaration publique d’intérêts (DPI) dont le formulaire sera unifié et consultable sur Internet. Des sanctions pourront être prises contre ceux qui n’auraient pas déclaré leurs liens d’intérêt. Les décisions et avis pris par une commission où siègerait une personne ayant des liens d’intérêt déclarés ou non, seront frappés de nullité. Autre mesure phare : la transposition du « Sunshine Act » américain. Les entreprises pharmaceutiques auront « la responsabilité de publier sur leur site Internet, en annexe de leurs comptes » les conventions et rétributions passées entre les laboratoires, les médecins, les experts, la presse spécialisée, les sociétés savantes et les associations de patients. Des sanctions seront inscrites dans le Code du commerce pour les entreprises qui ne rempliraient pas cette obligation.
L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) deviendra l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), avec une expertise interne renforcée. Les experts participant aux différentes commissions auront un mandat limité de 4 ou 5 ans et leur nombre sera réduit « pour éviter une dilution des responsabilités ». Les commissions devront être pluridisciplinaires et intégrer des personnes qualifiées comme les représentants des associations de patients. Les réunions à enjeux sanitaires seront filmées. Enfin, l’ANSM sera directement financée par l’Etat, qui percevra les taxes et les redevances de l’industrie.
Un doute qui bénéficie au patient
Pour Xavier Bertrand, « le doute doit bénéficier systématiquement au patient ». L’autorisation de mise sur le marché (AMM) devra prendre en compte le critère de « valeur ajoutée thérapeutique ». Les essais cliniques contre comparateurs actifs, lorsqu’ils existent, deviendront la règle. Le ministre entend demander l’application de cette règle au niveau européen. « Au plan national, nous allons adopter dès à présent des règles plus exigeantes pour la prise en charge des traitements par la collectivité. Pour être remboursé, le produit devra démontrer qu’il est au moins aussi bon que ce qui est déjà sur le marché et remboursable », a précisé le ministre. Quant aux médicaments présentant un service médical rendu insuffisant (SMRI), ils ne seront plus « à l’avenir » remboursés, « sauf avis contraire du ministre, mais cet avis devra alors être motivé ».
L’ANSM réévaluera le rapport bénéfice/risque des médicaments les plus anciens et de l’ensemble de la pharmacopée. « Je pense que l’on consomme trop de médicaments et qu’il y en a trop en France », a expliqué le ministre, qui a rappelé qu’il y avait 19 000 AMM en France et 12 000 médicaments commercialisés. Le « hors AMM » sera plus encadré. Primo, les prescripteurs devront inscrire la mention « hors AMM » sur l’ordonnance. Secundo, la détection et le suivi de l’usage « hors AMM » des médicaments seront mis en place afin d’identifier les pratiques à risque.
Le ministre veut également le développement des logiciels d’aide à la prescription, certifiés par la Haute Autorité de santé (HAS), permettant de répertorier les indications AMM et hors AMM. Concernant la pharmacovigilance, les notifications des effets indésirables seront simplifiées grâce à la télédéclaration et un numéro vert inscrit sur les boîtes de médicaments. Xavier Bertrand souhaite que les laboratoires informent les autorités sanitaires lorsqu’ils retirent un médicament à leur initiative dans un pays « pour des raisons autres que celles liées à la sécurité ». Il prévoit aussi un retour systématique auprès du notificateur sur les suites données à son signalement. Les dispositifs médicaux feront aussi l’objet d’une évaluation renforcée, d’un encadrement de leur publicité et d’une meilleure matériovigilance.
Des professionnels de santé mieux formés
L’information des patients et la formation des professionnels de santé constituent le dernier pilier de la réforme. Un portail public du médicament sera créé. Pour garantir l’indépendance de la formation continue des médecins libéraux et hospitaliers, le développement continu professionnel (DPC) sera financé en partie par « un prélèvement provenant de l’industrie pharmaceutique ». La dénomination commune internationale (DCI) devrait être utilisée grâce aux logiciels d’aide à la prescription. Dernier point : Xavier Bertrand propose « d’interdire pour le moment la visite médicale à titre individuel dans l’hôpital » dans l’attente d’une concertation « pour revoir de fond en comble la visite médicale. Je souhaite également la création d’un comité stratégique de la politique des produits de santé et de la sécurité sanitaire. » Ce comité se réunirait chaque semaine avec un représentant du ministre et tous les trimestres avec le ministre lui-même. Le projet de loi devrait être examiné par les parlementaires à l’automne prochain et adopté, si possible, avant la fin de l’année.
PHILIPPE GAERTNER, PRÉSIDENT DE LA FSPF
« Toute loi permettant de sécuriser le circuit du médicament est une bonne chose, même si certaines mesures touchent l’officine. Il est nécessaire de travailler rapidement de manière à ne pas avoir de période intermédiaire durant laquelle les problèmes économiques de l’officine ne seraient pas résolus. Il est important qu’on passe à une étape qui permette de mettre en place des services dans l’officine. Je demande l’ouverture des discussions avec le ministre pour voir comment on fait pour garder l’officine de proximité face aux conséquences qui pourront résulter de la réforme. Il y a urgence. »
GILLES BONNEFOND, PRÉSIDENT DE L’USPO
« J’ai senti un ministre déterminé avec un timing très clair. Mais ce que j’ai entendu est assez inquiétant pour le modèle actuel de l’officine. Il y a une volonté de réduire le nombre d’AMM et de mettre la pression sur les médicaments en disant que les Français en consomment trop. Les pharmaciens ont intérêt à changer de modèle économique. Il va falloir accélérer le mouvement. On va vers une plus grande bipolarité du marché avec une augmentation du nombre de médicaments qui seront dans la 1re tranche de marge et quelques molécules très chères qui seront dans la 3e tranche. La 2e va se vider. C’est extrêmement clair et cela nous indique que nous devons faire évoluer le mode de rémunération. »
FRÉDÉRIC LAURENT, PRÉSIDENT DE L’UNPF
« Il y a une volonté d’avancer rapidement de la part du ministre. Il y a un calendrier et des annonces fortes qui impacteront de plein fouet l’officine. Avec l’octroi de l’AMM basé sur une comparaison avec les autres principes actifs, on peut craindre qu’il y ait de moins en moins de médicaments présentés au remboursement. La mention obligatoire du hors AMM peut être un frein pour les patients. Il y aura une plus grande implication des pharmaciens. Cela pose le problème de l’économie de l’officine. Il faudra boucler rapidement un certain nombre de choses pour le PLFSS 2012. C’est aussi une réforme en profondeur du métier de pharmacien. On nous a enfermés dans cette solution de rémunération des services. A nous d’être inventifs. »
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