QUEL TRIBUNAL SAISIR ?

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Publié le 18 mai 2013
Par Françoise Sigot
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La vie d’une officine est souvent jalonnée d’événements pour lesquels le pharmacien doit faire valoir ses droits et parfois saisir une juridiction. Mais reste à connaître les tribunaux compétents en fonction de la nature des litiges.

Que ce soit avec ses collaborateurs, fournisseurs, clients, confrères ou propriétaire, le respect des règles s’impose. Si, en pratique, chacun s’attache à ce qu’une bonne entente prévale, il arrive parfois que les relations s’enveniment et qu’il soit alors nécessaire de porter l’affaire devant un juge. Un parcours du combattant ? Pas forcément si l’on sait quelle juridiction saisir. Petit tour d’horizon des différents tribunaux.

Tribunal de commerce

Le tribunal de commerce est une juridiction de premier degré qui a en charge de régler les litiges nés entre commerçants : contestations relatives aux engagements, aux actes de commerce entre les personnes et conflit entre associés. Il intervient également lorsque l’entreprise est en difficulté financière.

Dans quels cas saisir cette juridiction ?

– Différend lors de l’achat ou de la cession d’une officine, notamment sur le prix.

– Actions d’achat de marchandises, de matières premières ou de prestations. « Les litiges les plus fréquemment observés relèvent d’actions du grossiste contre le pharmacien pour non-paiement de commandes, mais également d’actions du pharmacien en résolution d’un contrat portant sur la location de matériels informatiques et de logiciels », relève Alain Devers, avocat, chargé d’enseignement à l’université Jean-Moulin/Lyon-III (Rhône-Alpes).

– Difficultés économiques de la pharmacie liées à une perte de chiffre d’affaires, une impossibilité de faire face à ses créances… Il appartient dès lors au titulaire de se rapprocher du tribunal pour signaler ces difficultés afin qu’une procédure collective soit décidée (procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire). Si la pharmacie n’est pas en cessation de paiement, le titulaire pourra demander à ce qu’elle soit placée en procédure de sauvegarde. Celle-ci suspend le paiement de dettes à l’ouverture de la procédure, permettant ainsi une réorganisation de l’entreprise afin d’assurer sa pérennité, l’emploi et le paiement des créanciers. En revanche, si la pharmacie est en cessation de paiement, le tribunal choisira entre le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire.

Quelle compétence territoriale ?

Il existe généralement plusieurs tribunaux dans un département, le tribunal de commerce à saisir étant celui du lieu où demeure la personne mise en cause.

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Quelle assistance ?

Le recours à un avocat n’est pas obligatoire.

Conseil de prud’hommes

Le conseil de prud’hommes est la juridiction compétente pour trancher tout litige se rapportant aux relations employeur-salarié.

Dans quels cas saisir cette juridiction ?

– Actions relatives à l’exécution du contrat de travail.

– Rupture du contrat de travail ou d’apprentissage.

«  L’action est généralement introduite par le salarié dont le contrat de travail a été rompu. Les demandes sont dans un premier temps étudiées par le bureau de conciliation afin de trouver un accord entre les parties. En cas d’échec, il appartiendra au bureau de jugement de trancher le contentieux, explique Alain Devers. Pour Marie Christine Monge, titulaire à Rilleux-la-Pape (Rhône) et juge au conseil de prud’hommes de Lyon, « souvent, les parties négligent la conciliation et refusent de trouver un accord. Pourtant, la conciliation est propice à l’échange et permet d’écouter les arguments de chacun et de faire prendre conscience à chaque partie, que l’on reçoit individuellement, de ses chances de succès. Lorsque l’on n’a pas un dossier parfait et qui ne souffre d’aucune contestation sur le plan juridique, il est toujours préférable de concilier. S’enfermer dans la contestation est très long et hasardeux si l’affaire nécessite une interprétation de la loi. »

L’action devant le conseil de prud’hommes est introduite soit par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à la juridiction, soit par dépôt au greffe.

Quelle compétence territoriale ?

Le conseil de prud’hommes compétent est celui dans le ressort duquel est situé l’établissement où est accompli le travail.

Quelle assistance ?

Le recours à un avocat n’est pas obligatoire. « A moins de solliciter le conseil de prud’hommes sur un point de droit qui ne peut être contesté, il est toujours préférable de se faire conseiller par un avocat spécialiste du droit social », conseille toutefois Marie-Christine Monge.

Tribunal d’instance

Cette juridiction est compétente pour toutes les affaires conflictuelles personnelles ou mobilières jusqu’à valeur de 10 000 euros.

Dans quels cas saisir cette juridiction ?

– Conflits relatifs au paiement des charges de copropriété.

– Dettes impayées.

– Travaux mal exécutés…

L’action est généralement introduite par voie d’assignation (acte établi et délivré par un huissier prévenant qu’une procédure judiciaire est ouverte), mais elle peut être saisie par déclaration au greffe lorsque le litige porte sur des sommes inférieures à 4 000 €. L’un des litiges les plus fréquemment portés par les officinaux est le défaut de paiement. « Par exemple, lorsqu’un pharmacien s’est vu remettre un chèque non provisionné, sans qu’aucune solution amiable n’ait été trouvée, il demande à un huissier de justice de signifier au client le certificat de non-paiement émis par la banque. Cette signification vaut injonction de payer. A défaut de paiement sous 15 jours, l’huissier engagera une procédure d’exécution forcée comme, par exemple, la saisie d’un juge. Les frais engagés par le pharmacien seront à la charge du client », précise maître Devers.

Quelle compétence territoriale ?

Le tribunal d’instance géographiquement compétent est en principe celui du lieu où demeure le défendeur. Toutefois, des exceptions existent pour certains litiges.

Quelle assistance ?

Le recours à un avocat n’est pas obligatoire.

Tribunal de grande instance

Cette juridiction tranche les actions qui ne sont pas spécialement attribuées par un texte de loi à une autre juridiction civile, notamment les actions personnelles ou mobilières d’une valeur supérieure à 10 000 €. Certaines actions lui sont réservées, comme les litiges relatifs aux baux commerciaux (excepté les contestations sur la fixation du prix du bail), les conventions d’occupation précaire en matière commerciale, les actions civiles pour diffamation ou pour injures publiques ou non publiques…

Quelle compétence territoriale ?

Le tribunal de grande instance compétent est celui du lieu où demeure le défendeur.

Quelle assistance ?

Le recours à un avocat est obligatoire.

Tribunal correctionnel

Ce tribunal statue sur les délits comme les vols, l’escroquerie, les agressions, le vandalisme… Dans de tels cas, il convient soit de déposer une plainte dans un commissariat ou une gendarmerie, soit en écrivant au procureur de la République. Ce dernier décide de l’orientation de l’affaire : classement sans suite ou renvoi devant le tribunal correctionnel. « Dans la perspective d’une audience devant le tribunal correctionnel, il est possible de se constituer partie civile afin d’obtenir des dommages-intérêts », indique Alain Devers.

Quelle assistance ?

Le tribunal territorialement compétent est celui du lieu de l’infraction ou du domicile de l’auteur ou du lieu d’interpellation de l’auteur.