Adhérents : des réactions mitigées

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Publié le 9 février 2002
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Même si certains pharmaciens se montrent très favorables à l’achat de médicaments vignetés par l’intermédiaire de leur groupement, ils n’adhèrent pas tous à cette politique d’empiétement sur le pré carré du grossiste qui, selon eux, reste l’unique prestataire sûr et indispensable au bon fonctionnement de l’officine.

François Lafragette (Coopérative des pharmaciens d’Ile-de-France)

« Nous ne sommes pas des concurrents mais des compléments du grossiste »

François Lafragette, membre de la Coopérative des pharmaciens d’Ile-de-France depuis sa création, reconnaît que la logistique de la répartition n’est pas à la portée des groupements aujourd’hui : « Nous ne sommes pas des concurrents mais des compléments du grossiste, sur des secteurs particuliers comme la parapharmacie, le médicament familial, le générique, voire quelques princeps. Quoi qu’il en soit, le système bat de l’aile et les limites sont floues : près de la moitié des pharmaciens font de la rétrocession régulièrement de façon illégale quoique tolérée, certains répartiteurs montent eux-mêmes des structures parallèles pour proposer des remises plus importantes. Tout doit être repensé. Nous souhaiterions obtenir à terme un arrêté ministériel qui, comme c’est le cas pour les coopératives agricoles, autorise le pharmacien à déléguer son pourvoir d’achat de médicaments à sa coopérative, de façon à accroître ses rotations, ses remises et diminuer le temps qu’il perd en vaines négociations. »

Pascal Issac (Giphar)

« Le groupement n’est qu’un aiguillon pour faire bouger les choses »

Pour Pascal Issac, pharmacien Giphar à Lorient depuis 9 ans, il y va de l’indépendance de la profession. II regarde la possibilité de commander le vigneté à son groupement comme un instrument politique : « Les grossistes ont été taxés par l’Etat et ont répercuté ce manque à gagner sur les officinaux. Le répartiteur a montré qu’il n’était pas suffisamment indépendant pour résister à la pression de l’Etat. La réaction des groupements me paraît saine. Le grossiste demeure cependant un partenaire privilégié de l’officine. Le groupement n’est qu’un aiguillon pour faire bouger les choses mais il ne remet pas en cause la répartition, ceci d’autant plus que les commandes de vignetés à la Sogiphar, en ce qui me concerne, n’excèdent pas les 10 % du CA demandés par Giphar. Je fais en sorte de ne pas léser mon grossiste tout en utilisant le moyen de pression que nous offre notre groupement contre une trop grande mainmise de l’Etat et des laboratoires sur notre activité. »

François Le Quéré (Plus Pharmacie)

« Je commandais jusqu’à présent à hauteur de 3 % de mon CA ; je pense atteindre désormais environ 10 % »

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François Le Quéré, Plus Pharmacie à Salles, estime lui aussi que son groupement ne concurrence pas les répartiteurs en proposant à ses adhérents des produits qu’il n’achète pas auprès de son grossiste (achats en direct de médication officinale, de parapharmacie). « Plus Pharmacie a obtenu le statut de dépositaire depuis septembre 2001 et peut désormais distribuer des génériques. Je commandais jusqu’à présent à hauteur de 3 % de mon CA ; je pense atteindre désormais environ 10 %. »

Guy Fedida (Co-Pharm-Ec)

« Une possibilité d’indépendance supplémentaire sans obligation de commander la totalité de nos produits au sein de la nouvelle structure »

Guy Fedida, pharmacien Co-Pharm-Ec à Cannes, se montre quant à lui parfaitement solidaire de la démarche de son groupement qui est en train de se doter du statut de grossiste. « L’accueil des adhérents à été excellente dans la mesure où Christian Grenier, président du groupement, nous a présenté le projet comme une possibilité d’indépendance supplémentaire sans obligation de commander la totalité de nos produits au sein de la nouvelle structure. Personnellement, je souhaiterais à brève échéance commander à Co-Pharm-Ec 30 à 40 % de mes achats. »

Echéance pour cette mise en place : juin 2002. « Les grossistes sont conscients du fait qu’il existe en France une économie de marché et que chacun peut choisir ses partenaires au mieux de ses intérêts. »

Marie-Paule Stopiello (ex-Giphar)

« Il ne nous est pas possible de déstabiliser un partenaire comme le grossiste »

Marie-Paule Stopiello (Villeneuve-lès-Maguelone) après avoir été l’un des treize recruteurs nationaux Giphar, a quitté le groupement avec trente de ses confrères et consoeurs de la région Montpellier-Gard pour montrer son désaccord avec la nouvelle stratégie de son groupement.

« Quoi qu’il en soit, nous n’avions pas d’alternative. Nous avions une date butoir pour nous décider : soit rester et adhérer à la nouvelle politique du groupement, soit partir. J’estime que, compte tenu du fonctionnement actuel de notre système de santé, il ne nous est pas possible de déstabiliser un partenaire comme le grossiste, indispensable au bon fonctionnement des officines aujourd’hui, en commandant nos plus fortes rotations à la Sogiphar. Les propos tenus récemment par le Medef concernant la distribution au sein du circuit pharmaceutique, ne font que me conforter dans ma décision de protéger les grossistes répartiteurs. Il n’y a pas d’autre solution, à moins de repenser complètement le fonctionnement social actuel de prise en charge de la santé. J’ai été acculée à partir, et j’estime que Giphar est en pleine dérive par rapport à sa politique et à sa philosophie d’origine en terme d’obligation de réflexion et d’anticipation sur le devenir du métier de pharmacien. »

Ce à quoi Bernard Bourgois, président du conseil de surveillance Sogiphar, répond : « La Sogiphar n’a pris en tout et pour tout, à l’heure actuelle, que 10 % du marché médicaments de ses adhérents. Elle s’engage à livrer sous 24 heures la collection complète des médicaments vignetés assortie de conditions commerciales intéressantes sur les plus fortes rotations. »

Yves Vandendriessche (Evolupharm)

« Le groupement doit rester à sa place, se recentrer sur sa raison d’être originelle »

Pour Yves Vandendriessche, adhérent Evolupharm à Saujon, l’évolution actuelle des groupements vers la répartition est directement liée à l’homogénéisation des politiques de remise qui ont rendu le recours au groupement pour sa centrale d’achats moins pertinent. « La diversification vers la prestation de services n’a pas toujours été une réussite en terme de qualité et aucun groupement aujourd’hui ne pourra non plus apporter aux officinaux la performance logistique d’un grossiste. Le groupement doit rester à sa place, se recentrer sur sa raison d’être originelle : faire de la rétrocession unitaire avec le maximum de remises. Pour le reste, il ne pourra pas être à la hauteur de la promesse qualitative du répartiteur et il sera dans l’obligation d’exercer une pression à l’achat sur ses adhérents. Une aliénation qui se sera guère en adéquation avec l’esprit d’indépendance de beaucoup d’officinaux. »