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Comment nos voisins cohabitent avec les chaînes
Invincibles les pharmacies de chaînes ? Les confrères européens subissant frontalement leur concurrence que nous avons interrogés ne sont pas d’accord avec cet axiome. Si l’inquiétude perle parfois à travers leurs propos, ces officinaux tiennent encore bon la barre ! De quoi tout de même garder le moral.
On compte quelque 150 000 pharmacies en Europe pour servir 400 millions de citoyens, dont 15 000 environ sont chaînées. Mais il faut garder à l’esprit que la moitié des pharmacies européennes sont situées en France, en Allemagne, en Espagne et en Italie, quatre pays qui, théoriquement, interdisent encore la constitution de chaînes (par ailleurs, des contraintes à l’installation et l’interdiction de capitaux extérieurs existent dans la moitié des pays européens).
Comme le font remarquer en ce moment certains membres de l’UMP ou de la commission Attali, le développement des chaînes n’a pas fait disparaître les pharmacies indépendantes des Etats où elles sont le plus dynamiques. Des indépendants résistent !
En attendant le jugement des cas allemand (Celesio/Doc Morris, dans la Sarre) et italien au printemps prochain, nous avons donc tendu le micro à quelques confrères européens, en Angleterre, Allemagne, Suisse, Norvège, Italie, Belgique et au Danemark, pour voir comment un pharmacien indépendant pouvait ressentir la concurrence immédiate d’une pharmacie de chaîne. Et comment ils tiennent le coup !
Allemagne : qui veut s’appeler Morris ?
Une centaine de pharmacies ont déjà pris une licence Dos Morris en Allemagne. Or Celesio, qui a racheté Doc Morris en 2007, vient d’annoncer, dans l’optique de l’ouverture du capital, que l’e-pharmacien néerlandais serait le nom de sa future chaîne outre-Rhin… Deux pharmacies indépendantes ont déjà fermé à proximité de la première officine à être passée sous l’enseigne Doc Morris.
A Ratisbonne, des pharmaciens indépendants ont effectué des sondages auprès des passants et joué les clients mystère auprès du titulaire Doc Morris voisin. D’après Gerhard Schmidt, installé dans une zone semi-piétonne du centre-ville de cette agglomération de 50 000 habitants (18 pharmacies), l’expérience les a rassurés et confortés dans leur position : « La pire erreur que l’on puisse faire c’est d’avoir peur de Doc Morris. Il faut le considérer en tant que concurrent au même titre qu’un autre. Ces pharmacies ne sont pas différentes d’autres officines bien situées. Car, ce qui fait la différence, c’est finalement le lieu d’implantation », affirme ce pharmacien. D’ailleurs, Doc Morris n’est pas aussi bon marché qu’il le prétend… au dire de ses propres clients ! Gerhard Schmidt prétend même faire beaucoup mieux lors de ses campagnes OTC que l’enseigne à la croix verte. Cette croix verte est d’ailleurs une hérésie en Allemagne où les consommateurs ne connaissaient que le « A » rouge d’Apotheke !
Communiquer pour mieux se battre
Cependant, selon Gerhard Schmidt, les actions commerciales sont à consommer avec modération. « Je m’efforce pendant deux semaines d’être en dessous du tarif Doc Morris pour un OTC donné, je fais de l’information et du conseil ciblé mais les clients réagissent moyennement », expose-t-il, doutant de la fonction « produit d’appel ». Du reste, alors que 500 mètres le séparent d’un pharmacien « inféodé » à Doc Morris, la guerre des prix n’est pas ce qui l’intéresse réellement.
Certifié ISO 9001 depuis 2002, le titulaire de la Marien Apotheke (2 MEuro(s) de CA) préfère polir son image. Il a ainsi saisi la balle au bond pour communiquer dans la presse qu’un institut indépendant l’avait élu « pharmacien le plus sympa et meilleur conseil de la ville ». Son budget communication annuel, hormis les magazines à destination des clients, atteint ainsi 25 000 Û, soit 1 % de son CA. Mais il ne suffit pas de l’affirmer, encore faut-il prouver sa qualité. C’est ainsi que Gerhard Schmidt a développé la qualification de son équipe et mise sur la formation continue (cinq sessions auront lieu cette année au lieu de trois en 2007). « Je ne me définis pas par rapport au prix et mes clients le savent », résume Gerhard Schmidt, qui n’hésite pas à refuser de vendre un produit s’il le trouve inadapté au client. « Je suis sûr qu’à moyen ou long terme cette stratégie du discount en pharmacie est vouée à l’échec », affirme-t-il, annonçant, triomphant : « La preuve, Doc Morris va plier bagage d’ici prochainement. »
Marie Luginsland
Au Royaume-Uni la chaîne est reine
Le Royaume-Uni est depuis toujours le pays des chaînes et des drugstores. Mais la tendance à la concentration continue. Témoin le rapprochement d’Alliance Unichem et de la chaîne Boots, il y a deux ans, et la bagarre financière dont a encore fait l’objet Alliance Boots en 2007. Selon une étude du cabinet Sempora, un indépendant britannique sur cinq songe à vendre.
Olivier Picard possède trois pharmacies dans des villes moyennes situées à une cinquantaine de kilomètres de Londres, à Reading (en zone résidentielle), Twyford (en centre-ville) et Lane End. En Angleterre, Boots est omniprésent dans les centres-villes et les centres commerciaux, et Lloyds, misant davantage sur les pharmacies de quartier, a plutôt colonisé les bordures de ville et les zones résidentielles. Les pharmaciens indépendants, qui constituent environ 70 % des officines britanniques (dont la plupart sont en miniréseaux de 2 à 5 pharmacies équivalents de nos SEL), « ont cependant toujours une carte importante dans leur manche », informe Olivier Picard, « car le client a l’habitude d’avoir les mêmes interlocuteurs derrière le comptoir alors que les chaînes ont actuellement du mal à recruter des managers. Elles ont donc énormément recours à l’intérim, y compris sur quelques jours. C’est notamment le cas de Boots ».
Si beaucoup d’Anglais « ne vont pas chez leur pharmacien » mais « vont chez Boots », Olivier Picard estime qu’il y a moyen de miser sur la moitié de la population qui déclare actuellement soutenir le petit commerce plutôt que les chaînes. « Notre handicap, c’est que beaucoup de gens sont persuadés que les indépendants n’ont pas tous les médicaments en stock et craignent d’avoir à revenir deux fois pour une ordonnance. Par ailleurs, des pharmacies de chaînes arrivent à vendre la boîte de Paracétamol au prix où je l’achète ! » La bataille des prix est donc perdue d’avance.
Se différencier par les services
Alors le pharmacien de Reading cherche à se différencier par les services. Pas les services « supérieurs » (dépistages et autres consultations) financés par l’assurance maladie, mais des services que les pharmacies de chaînes ne fournissent pas et qui sont payés directement par le client. « Par exemple, nous vaccinons en ce moment les gens contre la grippe dans l’officine (22,50 Euro(s) avec la fourniture du vaccin). Le médecin envoie ses patients vers des pharmacies qui ont reçu la formation adéquate, en l’occurrence via le grossiste AAH et Novartis. Seuls 3-4 pharmaciens le font aujourd’hui au Royaume-Uni. Idem pour des consultations de suivi de l’arrêt du tabac. »
Olivier Picard démarre également ce mois-ci un service de contrôle du poids et fait partie de la dizaine de pharmaciens anglais sélectionnés pour cette expérimentation soutenue par Unichem. « J’envisage aussi un service lié à l’injection de Botox. Mais l’investissement est lourd car il faut embaucher une infirmière. J’ai plein d’idées comme celles-là, mais il ne faut pas tout monter en même temps ! » Aujourd’hui, le CA de ses trois pharmacies varie de 500 000 à 1,3 MEuro(s). « C’est limite, admet Olivier Picard. Mais je reste très optimiste ! »
François Silvan
Un client entre dans l’officine, le visage et le bras en sang : interrompant toute discussion, Ghada Saleh, propriétaire de la Pharmacie Meacher, Higgins & Thomas, en plein centre de Londres, se lève et va le secourir. Pour cette ancienne pharmacienne en hôpital psychiatrique, passée un temps chez Boots, gérer une pharmacie indépendante s’apparente à un sacerdoce de tous les instants : « Nous sommes ouverts cinq jours par semaine, mais si un patient a besoin de moi je suis prête à me déplacer le week-end pour livrer les médicaments ou prodiguer les soins dont il a besoin. »
C’est le prix à payer pour une pharmacie isolée. Fût-elle bicentenaire : créée en 1814, Meacher, Higgins & Thomas est la plus ancienne des officines londoniennes. Aujourd’hui classée, elle garde les traces du passé (la légende dit que le docteur Watson, acolyte de Sherlock Holmes, y aurait eu ses habitudes). Ces dernières années, Meacher, Higgins & Thomas est passé entre les mains d’une famille indienne, puis irakienne, avant de tomber dans l’escarcelle de Ghada Saleh : « Nous nous positionnons vraiment comme une pharmacie d’un autre temps, commente-t-elle. Nous voulons avant tout aider les personnes qui habitent dans le quartier. »
« La pharmacie indépendante va disparaître »
Le profit, cette pharmacienne qui travaille avec deux autres salariés, n’y songe guère : « Nous pourrions stocker des articles plus chers pour générer plus de profit, mais nous préférons parier sur l’efficacité au détriment de la beauté du packaging. Nos marges sont aussi faibles que possibles. » Mais cela ne suffit pas pour lutter.
Au-delà de la dispensation, les pharmaciens britanniques peuvent offrir deux niveaux de services optionnels : les services avancés (les « medicine use reviews », sortes de suivis thérapeutiques personnalisés), et les services supérieurs (tels des consultations pour toxicomanes, le MAD, la prescription complémentaire, dépistages…). Ghada Saleh a fait l’effort de se lancer : vérification des taux de diabète, dépistage de la chlamydia ou premiers soins font partie du quotidien. Pour autant elle s’inquiète de l’évolution du métier de pharmacien indépendant : « Au sein des regroupements de pharmaciens, le réseau Boots dispose de 85 à 90 % des voix, ce qui rend tout changement à la faveur des indépendants difficiles. » La pharmacienne cite aussi l’absence de pouvoir de négociation pour les achats. L’envie de tout lâcher l’a souvent tentée : « Je continue néanmoins à tenir le coup. Ce serait tellement rageant de céder cette officine à une grande chaîne !, s’exclame-t-elle. Mais dans deux générations la pharmacie indépendante aura disparu. »
Stéphanie Salti
Les chaînes pèsent 10 % du marché européen
On dénombre en Europe 150 065 pharmacies indépendantes, contre 15 030 pharmacies de chaînes. Seuls la France, l’Allemagne, l’Espagne, la Grèce, le Portugal, la Finlande, la Suède, le Danemark, Chypre, la Slovénie et le Luxembourg ne comptent aucune pharmacie de chaîne.
Au total, en Europe, la part de marché des pharmacies de chaînes est de 10 %.
Carnage en Norvège
C’est en 2001 que la pharmacie norvégienne a basculé d’un système ultrarégulé à une libéralisation totale, six pharmacies sur sept étant tombées en un rien de temps dans l’escarcelle des chaînes de Celesio, Phoenix et Alliance. Depuis, les derniers irréductibles ont su apprendre des chaînes environnantes et constater qu’il reste bien une place pour les indépendants.
Inger Lise Eriksen, dernière pharmacienne autonome d’Oslo, préside la Fédération des pharmaciens de Norvège. Un symbole et un défi à la fois dans un pays où plus de 85 % du marché de la pharmacie est aux mains des chaînes.
A 61 ans, Inger Lise Eriksen a toujours exercé en tant qu’indépendante et entend bien le rester. Non qu’elle fustige les chaînes en général – celles-ci ont permis aux femmes de s’imposer dans la profession -, mais le voisinage de l’une d’entre elles dans ce quartier bourgeois d’Oslo l’expose à une rude concurrence. Installée depuis plus de trente ans dans son officine Frogner Apotek, Inger Lise Eriksen joue la carte de la différence. Elle se démarque dès sa devanture par une architecture ancienne et un caducée, le seul rencontré en Norvège !
Seule à faire encore des préparations
Figure locale pour avoir grandi dans le quartier, Inger Lise Eriksen entretient des liens très étroits avec sa clientèle. Son officine reflète une chaleur humaine, à l’image des pharmacies du sud de l’Europe. Ici, pas de design glacé ni de néons tapageurs comme on en trouve dans les chaînes du pays. Une banquette et quelques quotidiens du jour attendent le client à l’intersection des deux ailes de la pharmacie. L’une détient trois caisses aménagées pour accueillir en toute confidentialité les clients avec ordonnance. Inger Lise Eriksen reste d’ailleurs la seule pharmacienne à effectuer des préparations dans la capitale norvégienne.
L’autre côté de cette officine de 300 m2 est réservé à l’OTC, à la para et à la phyto. Là aussi, Inger Lise Eriksen fait figure d’exception à Oslo en offrant cette gamme de produits. Résultat, la pharmacienne a ses habitués, des habitants du quartier qui la saluent dans la rue comme une notable, mais aussi des clients de la capitale qui viennent s’approvisionner en plantes.
Si elle n’a pu empêcher l’arrivée des chaînes alors qu’elle était déjà au bureau de la Fédération des pharmaciens, Inger Lise Eriksen doit constater aujourd’hui que le pire a été évité. « Je sais gré à mes confrères qui ont vendu de ne pas avoir cédé à n’importe quel investisseur. Ils n’ont pas bradé leur officine et ont exigé des critères de qualité qui font que nous avons des acteurs sérieux sur le marché », reconnaît-elle aujourd’hui, admettant que la cohabitation est pacifique au sein de la Fédération des pharmaciens.
Marie Luginsland
Les vétérans de la Belgique
La propriété du fonds est libre et la multipropriété est autorisée depuis peu en Belgique. Les principales chaînes sont liées à des mutuelles (Multipharma, Familia, EPC…) ou à des grossistes tel Lloydspharma (groupe Celesio). On en compte aussi de plus petites, qui totalisent jusqu’à 15 points de vente. Les chaînes ont pour l’instant eu peu d’impact en termes de chiffre d’affaires, mais elles ont ces derniers temps racheté toutes les officines à fort potentiel.
Didier Tenret et son épouse Sabine Delfosse exercent depuis 1998 à Montignies-sur-Sambre, dans la périphérie de Charleroi. « Les chaînes – qui étaient à l’origine mutualistes – existent depuis toujours en Belgique, commentent-ils. Il est donc difficile d’évaluer leur influence sur notre chiffre d’affaires. » On sait toutefois qu’elles drainent beaucoup de clientèle grâce à leur capacité d’achat et à leur politique commerciale agressive. La pharmacie Tenret génère un chiffre d’affaires de l’ordre de 500 000 euros, en dessous de la moyenne nationale (1 MEuro(s)), et de la moyenne des chaînes (de 1,3 à 1,7 MEuro(s)). Ici, on trouve sur un périmètre de 11 km2 20 officines dont une Multipharma, une Familia et deux Lloyds. « Les chaînes ont déjà engagé leur restructuration en fermant les moins rentables pour les placer à des endroits stratégiques », indique Didier Tenret.
Guerre des ristournes sur les maisons de repos
En Belgique, la ristourne de fin d’année, longtemps un motif de guerre commerciale, a perdu de son importance depuis que l’Etat s’est approprié la part portant sur le remboursable. Aujourd’hui, elle n’est plus que de 3 à 5 % sur le non-remboursable et de 15 à 25 % sur les cosmétiques. La guerre des ristournes se joue maintenant sur les maisons de repos et de soins. Elles dépassent souvent la marge du pharmacien et ne peuvent être accordées que par des chaînes qui sont aussi grossistes. Et certaines ne se gênent pas pour installer par exemple une boîte aux lettres afin de recueillir les attestations de soins (nos feuilles de maladie). « C’est illégal, mais ce sont autant de coups de pub ! », jugent les deux pharmaciens.
Pour contrer ces réseaux, la pharmacie s’appuie sur une solide spécialisation en phytothérapie et en aromathérapie. Surtout, Didier Tenret a été le co-initiateur d’un groupement d’achat solidaire. « Localement, depuis 2004, nous sommes organisés en groupement libre d’indépendants pour assurer des commandes groupées. Le succès est là, les demandes d’adhésions affluent et nous réfléchissons à nous organiser de façon plus structurée. » Une solution qui lui paraît préférable aux sollicitations de Santalis, émanation de la CERP-Belgique, ou de Népenthès, qui chercherait à s’implanter sur Charleroi. Il existe déjà des groupements d’indépendants, comme Dynaphar, auxquels se sont ajoutés récemment des nouveaux qui veulent profiter d’une période d’instabilité pour prendre des parts de marché avant que celui-ci ne soit saturé.
Si Didier Tenret n’exclut pas de se consacrer un jour à son activité de fabrication de produits cosmétiques, il n’en a pas moins foi en son métier. Pour preuve, l’agrandissement de son officine qui va démarrer dans les prochaines semaines. « Elle sera plus gaie, plus colorée, ouverte sur l’extérieur, plus attractive – à la française ! – et adaptée à ma production de cosmétiques. »
Jean-Luc Decaestecker
Redoutables corners italiens
La Péninsule est peu touchée par le phénomène des chaînes, mis à part l’épisode du rachat contesté des pharmacies communales milanaises par Celesio. Le marché a surtout été bouleversé, depuis 2006, par les corners de GMS, rois du discount sur l’OTC.
Depuis le perron de son officine de Guardamiglio, en Lombardie, Stefania Orsi peut lire le panneau Auchan adressé aux automobilistes : « Grazie e arrivederci ! ». De quoi lui rappeler au quotidien qu’elle doit lutter depuis 2006 contre le corner cette grande surface situé à 3 kilomètres. « Beaucoup de gens y achètent leurs médicaments en faisant les courses. Certaines, que je connais bien, me disent que c’est pour les discounts de 30 % », soupire Stefania Orsi. La communication des GMS sur les prix est ainsi la plus grosse difficulté pour les indépendants.
« Je mise sur la prévention »
Pas du genre à baisser les bras, Stefania Orsi, qui représente les officines rurales de la région, essaie de contrer le corner d’Auchan avec d’autres méthodes. « J’ai commencé à me distinguer avec des produits spécifiques, d’un niveau élevé », explique-t-elle en faisant visiter ses 35 mètres carrés d’espace de vente. Sa première action : se rapprocher d’Unifarco, un laboratoire qui propose des cosmétiques haut de gamme et naturels, livrés avec des étiquettes au nom du pharmacien. « Il est important d’être sérieux quand tout le monde suit la voie inverse. Je me suis orientée vers une fidélisation liée à mon professionnalisme et à la qualité de mes produits. L’approche des supermarchés est au contraire totalement commerciale. » Stefania Orsi s’est également rapprochée d’une société qui réalise des tracts. Mais les impressions coûtent cher : Stefania hésite encore.
Enfin, ces derniers mois, la pharmacienne a tenté le discount. « Mais je n’ai pas vendu plus. » Ce qui ne l’empêche pas d’être sereine car les clients reviennent peu à peu. Elle n’est pas vraiment surprise : « Avec ces corners, les gens avalent des boîtes d’aspirine achetées à moins 30 % pour des maux de tête bénins. Je mise au contraire sur la prévention, je ne conseille des médicaments que si nécessaire. Si quelqu’un a du mal à dormir, au lieu de prendre un médicament il peut aussi essayer quelque chose de plus naturel… Et peut-être doit-il d’abord essayer de comprendre pourquoi il a des insomnies ! »
Jessica Agache
De la Suisse dans les idées
Les chaînes comme Sunstore pratiquent depuis longtemps en Suisse des rabais de l’ordre de 10 % sur l’OTC et le remboursable et exemptent leurs clients de taxe (base de la rémunération des pharmaciens helvètes).
Les 140 mètres carrés d’espace clients de la Pharmacie de l’Ile à Rolle, dans le canton de Vaud, ont tout pour être accueillants. Il faut dire que Christophe Rossier, le titulaire (3,2 MEuro(s) de CA), tient à se distinguer du jaune agressif de la chaîne Sunstore installée à 500 mètres de là. « Il est illusoire de se lancer dans la spirale infernale du rabais, c’est perdu d’avance ! », prévient Christophe Rossier.
Mais attendre d’un client qu’il choisisse l’officine pour sa qualité est un autre piège dans lequel le titulaire ne veut pas tomber : « Trop souvent nous fondons nos critères de qualité sur notre acquis, nos prestations scientifiques. Or, le client a des attentes toutes différentes. »
« Le groupement flirte trop avec l’image des chaînes »
Un client qui, souvent, ne cache d’ailleurs pas avoir la carte de fidélité de Sunstore. Alors Christophe Rossier et ses quinze salariés chouchoutent leurs 250 clients quotidiens : Sourire, cocooning, « ligne directe » avec le prescripteur, coup de fil à domicile pour les manquants… Le titulaire estime que son groupement, Pharmacie Plus, communique trop sur les prix et flirte dangereusement avec l’image des chaînes. Sa communication essentielle se base sur un seul credo : « Etre le pharmacien de référence de sa ville, celui que l’on consulte quand on a des problèmes de santé sérieux. » Dans cette logique, Christophe Rossier a misé sur la formation de ses collaborateurs, lesquels sont par ailleurs invités à intervenir dans les colloques de la revue Pharmanews dont il est rédacteur en chef.
Marie Luginsland
Sercices à la chaîne en Angleterre
Interrogé par Pharma Adhoc, John Murphy, président de la Pharmacists Defense Association, syndicat regroupant la moitié des pharmaciens britanniques travaillant en officine, tire le signal d’alarme. Le gouvernement pousse les pharmacies à réaliser de nouvelles missions. Leur nom : les services « avancés » et « supérieurs », qui sont rémunérés (en plus de la dispensation) par l’assurance maladie. Les grandes chaînes de pharmacies ont donc donné pour consigne de multiplier ces services, par exemple les « medication usage reviews » (suivi thérapeutique prenant en moyenne une trentaine de minutes). Seulement voilà, au lieu de réaliser ces « medication usage reviews » quand l’état du patient le nécessite, des employés se voient imposer des quotas par mois, par semaine ou même parfois par jour. Avec des mesures disciplinaires à la clé s’ils ne sont pas atteints. « Plus la distance entre l’employé et le centre de décision est importante, plus la pression est importante », explique John Murphy.
Autre revers de la médaille mis en avant par le syndicaliste : dans le même temps, le temps passé à la dispensation au comptoir diminue.
Les chaînes seraient meilleures conseillères que les indépendantes
Selon une étude réalisée sur 101 officines anglaises par le magazine Which ?, les officines indépendantes ont fourni un conseil « inapproprié » dans 48 % des cas, contre 26 % pour celles de chaîne et de supermarché. Avec un taux de 38 %, Lloyds ne s’en sort pas très bien. C’est Alliance Boots qui tire son épingle du jeu avec 20 % de conseils insatisfaisants mais un tiers qualifiés de « bons ». Les supermarchés s’en sortent honorablement avec 29 % de « bons » conseils.
Les tests (clients mystère) reposaient sur trois scénarios. Dans le premier, une femme demandant une contraception d’urgence devait être reçue en espace de confidentialité et être informée sur les IST et la contraception. Dans le deuxième, des migraineux présentaient une ordonnance de sumatriptan : les questions à poser, selon l’Agence du médicament, ont été très souvent absentes (délivrances par des assistants à la vente au lieu de pharmaciens)… Dans le troisième, un touriste de retour de Malaisie avec la diarrhée était censé être envoyé chez le médecin.
F.S.
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