Le terrain où tout pousse plus vite

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Publié le 24 janvier 2004
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La visite médicale est-elle devenue un passage indispensable pour espérer évoluer dans les fonctions du marketing ? Réponses croisées des laboratoires et des cabinets de recrutement.

Mathias est visiteur médical depuis deux mois, après des études de pharmacie et un DESS de marketing. Il s’occupe de promouvoir les produits à visée respiratoire chez GlaxoSmithKline. « J’ai d’abord réalisé un stage de neuf mois comme assistant stagiaire chef de produit pour un site Internet médical, précise ce jeune diplômé de Caen. J’ai choisi ensuite de faire de la visite médicale avant de devenir, éventuellement, chef de produit. Dans n’importe quel métier, l’expérience du terrain est toujours très appréciée. Je suis en train de découvrir un autre horizon : le métier de la vente. On développe un aspect relationnel qu’on n’a pas forcément en soi. On parle de ce que l’on aime et de ce qu’on connaît (le médicament) et on apprend à connaître les outils d’aide à la vente. » Mathias compte poursuivre cette expérience un an et demi au minimum.

Une image péjorative.

Faut-il absolument passer par la visite médicale pour espérer faire carrière dans le marketing ? « L’idée n’est pas totalement récente. Il y a eu une période où les laboratoires prenaient en priorité des pharmaciens et des médecins dans la visite médicale, rappelle Jean-Yves Battisti, directeur associé du cabinet de recrutement Antenor. Mais il était ensuite difficile de satisfaire tous ces diplômés, car les postes de chef de produit n’étaient pas si nombreux. »

Anne-Marie, aujourd’hui chef de gamme dans l’antibiothérapie, s’en souvient : « Quand j’ai débuté il y a huit ans, on m’a reproché lors de certains entretiens de ne pas être passée par cette étape. » Désormais, elle estime indispensable ce passage via la visite médicale.

Cependant les diplômés n’en sont pas toujours convaincus. « La réalité est parfois dure. Etre visiteur médical peut être perçu par un jeune pharmacien comme une rétrogradation, regrette Jean-Marie Gazengel, président de l’Association des formations de l’éducation nationale pour la visite médicale. Ils ont simplement une méconnaissance totale du métier : le visiteur médical est un relais d’informations indispensable pour les médecins. Et il joue un rôle de pharmacovigilance en rapportant les remarques des médecins sur les éventuels inconvénients de médicaments et sur les prescriptions. »

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Une autre crainte est également évoquée : celle d’être oublié à son poste, qu’au bout d’un certain temps les ressources humaines ne songent plus à l’évolution de carrière du jeune diplômé.

Une expérience recommandée.

L’expérience du terrain apporte un plus, reconnaît de son côté Véronique Mougin-Legrand, consultante chez 3S Santé : « Il est très important d’avoir un contact direct avec les médecins, de comprendre leurs soucis et de s’adapter à leurs besoins et à leurs attentes quand on veut évoluer dans le marketing. C’est l’aspect relationnel. En termes d’évolution, être visiteur médical permet d’élargir ses perspectives de carrière : au marketing comme chef de produit, chef senior, directeur du marketing, directeur d’unité de business, mais aussi dans les ventes comme directeur régional, responsable des ventes. Mais on peut aussi faire carrière et réussir sans avoir fait de terrain. »

Chez Merck-Lipha, la moitié des chefs de produit, au nombre de huit, est passée par la visite médicale. Pour Laurence Deaudeville, responsable des ressources humaines du laboratoire : « Ce n’est pas indispensable, notamment si le pharmacien a fait l’INSEAD, mais c’est fortement recommandé. Cette formation donne du crédit aux chefs de produit qui parlent ainsi le même langage que les équipes de vente quand ils présentent les outils de promotion (aides de visite, brochures…). »

Pas de parcours fixé non plus chez Bristol-Myers Squibb. « C’est en fonction des compétences, des motivations et des aspirations professionnelles, précise Marie Gautier-Loisel, directrice des ressources humaines. C’est bien que les gens aient cette expérience du terrain, mais ce n’est pas indispensable. Nous sommes vigilants à ce que les chefs de produit aillent régulièrement faire des tournées avec des visiteurs médicaux. De plus en plus, les équipes du marketing et des ventes travaillent ensemble très en amont pour préparer les outils de campagne des produits, et les testent avant leur utilisation sur le terrain par l’ensemble des visiteurs médicaux. »

Un investissement payant.

Difficile donc de faire des généralités, chaque laboratoire ayant sa propre stratégie. « Pour les laboratoires, l’expérience du terrain est souhaitée mais pas rédhibitoire, résume Véronique Mougin-Legrand. A candidat égal, le terrain sera valorisé mais entrent aussi en jeu les compétences parallèles, un bon niveau en anglais, en marketing et en management. » Jean-Yves Battisti confirme : « On ne peut pas dire que ce passage est obligatoire, même s’il est désormais bien apprécié. Aujourd’hui, quelqu’un qui fait ce circuit ne le regrettera pas. Cet investissement est payant. C’est une bonne expérience professionnelle car la fonction n’est pas simple ! Le terrain permet surtout au pharmacien en poste pour la première fois d’avoir un recul, une vision bien plus juste de ce qu’est la fonction marketing et sa responsabilité vis-à-vis des forces de vente. »

Carte de visite

– Les visiteurs médicaux en France métropolitaine représentent environ 20 % de l’emploi de l’industrie pharmaceutique, soit environ 20 000 personnes. 5 000 à 6 000 sont employées par des prestataires de services. – Selon les chiffres du CPNVM, c’est un métier très féminisé (68 % de femmes) et jeune (79 % ont moins de 45 ans).

– Plus de 30 % sont titulaires du titre national de visiteur médical. – Leur formation initiale est diverse : scientifique, technique, commerciale, littéraire…

– 17 % des emplois se situent en région parisienne, devant le Nord-Pas-de-Calais, Rhône-Alpes, PACA. Mais il est plus difficile de trouver un premier emploi dans le Sud que dans le Nord.

– Le salaire d’un débutant est d’environ 30 000 euros.