Les 4 piliers du rayon audioprothèse

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Publié le 27 septembre 2008
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Avec plus de cinq millions de malentendants en France, et malgré des contraintes lourdes, l’audioprothèse constitue une réelle opportunité de business à l’officine. Mode d’emploi pour créer un rayon audioprothèse digne de ce nom.

1 Un diplôme obligatoire

Pour créer un rayon audioprothèse, être pharmacien est loin d’être suffisant. D’après l’article L. 436 du Code de la santé publique, seuls les audioprothésistes peuvent procéder à l’appareillage des déficients de l’ouïe. L’activité comprend le choix, l’adaptation, la délivrance, le contrôle d’efficacité immédiate et permanente de la prothèse et l’éducation prothétique du patient. Le pharmacien doit donc passer un diplôme d’Etat d’audioprothésiste, qui se prépare en deux ou trois ans dans cinq écoles (Fougères, Lyon, Paris et les UFR de sciences pharmaceutiques de Montpellier et de Nancy). Si vous n’avez pas le temps de retourner sur les bancs de l’école, n’hésitez pas à déléguer ce rayon à un responsable, titulaire, lui, du diplôme d’audioprothésiste. A savoir : l’audioprothésiste est inscrit sur une liste tenue par le préfet du département où il travaille.

2 Local et matériel spécifiques

Pas question d’installer un rayon audioprothèse entre les dentifrices et les compléments alimentaires. Cette activité est soumise à des règles spécifiques. Une cabine insonorisée ou une salle de mesures audioprothétiques (d’un volume utile au minimum de 15 m3) sont d’abord nécessaires. Ensuite, le niveau de bruit, dans les conditions normales d’utilisation, ne doit pas excéder 40 dB ni le temps de réverbération être supérieur à 0,5 seconde à la fréquence de 500 hertz. Par ailleurs, une salle d’attente distincte ainsi qu’un laboratoire isolé de la salle de mesures (lorsqu’il y a fabrication d’embouts ou de coques) doivent compléter les locaux. Sachez également que les locaux doivent être agréés par la caisse régionale d’assurance maladie avant de démarrer l’activité. Une attestation de conformité du local et du matériel délivré par les constructeurs et installateurs doit alors lui être envoyée en même temps que la demande de conventionnement.

En outre, la réglementation impose aux audioprothésistes le matériel suivant :

-Pour les mesures audioprothétiques :

– un audiomètre tonal et vocal classe A normalisé ou un ensemble audiométrique équivalent comportant des sorties sur écouteurs, vibrateur, haut-parleur. Un système de localisation sonore est composé d’au moins trois haut-parleurs distants d’un mètre au moins par rapport au sujet testé ;

– un dispositif permettant l’équilibrage des prothèses stéréophoniques ;

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– une boucle magnétique ;

– un dispositif permettant d’effectuer des tests d’audition dans le bruit ;

– un dispositif de conditionnement audiométrique adaptable aux aptitudes psychomotrices du sujet testé, comprenant notamment, en cas d’appareillage du jeune enfant, un matériel d’audiologie infantile ;

– un dispositif permettant de tester l’efficacité des prothèses auditives vis-à-vis de différents moyens de communication ;

– une chaîne de mesure électroacoustique permettant de contrôler les caractéristiques des amplificateurs correcteurs de l’audition (courbe de réponse, gain ou formule acoustique, distorsions, niveau de sortie) ;

– un sonomètre de précision normalisé.

– Pour les prises d’empreintes du conduit auditif :

– otoscope éclairant ;

– miroir de Clar pour l’examen du conduit auditif externe ;

– seringues à empreintes ;

– spéculum d’oreille.

– Pour la maintenance des amplificateurs correcteurs de l’audition et des embouts (pour vous procurer ces outils, il vous faudra débourser au minimum de 7 000 à 8 000 Û, auxquels s’ajoutent les frais d’aménagement).

3 Une installation sous partenariat

Une fois les barrages réglementaires franchis, comment installer votre rayon audioprothèse ? Plusieurs solutions :

-Installer un point de vente spécifique, géré par un audioprothésiste salarié. Cette option nécessite toutefois de bénéficier d’un potentiel, surtout si l’audioprothésiste est salarié à temps complet. Car il faut compter de 1 220 à 2 300 Û brut mensuels pour un junior.

-Louer une partie de l’officine à un audioprothésiste (un étage par exemple) et proposer un rayon « Entretien des audioprothèses ». De cette manière, vous pouvez proposer à vos clients un service supplémentaire sans supporter les charges de nouveaux locaux. Mais, dans ce cas, vous n’aurez aucune marge de manoeuvre sur cette activité car elle sera gérée par une personne indépendante de l’officine.

uCréer une société dans laquelle le pharmacien peut s’associer à un audioprothésiste.

-Passer par la franchise auprès de grandes enseignes spécialisées dans l’audioprothèse comme Audika ou Ecoute ! Ecoute ! Mais les pharmaciens ayant cédé à la tentation de la franchise sont déçus car les contraintes sont importantes (comme le manque de maîtrise des achats et des frais liés à la franchise).

uAdhérer à des groupements et des enseignes officinales qui se tournent aujourd’hui vers l’audioprothèse. Certains poussent les pharmaciens à se diversifier, proposant une nouvelle forme de partenariat (voir encadré sur PHR p. 48) qui permettrait d’intégrer cette activité à l’officine et de bénéficier d’une centrale d’achat et de produits à la marque à prix intéressants.

4 Bonnes présentation et communication

Un rayon audioprothèse doit être attractif. Pour s’adapter à une clientèle plus jeune, mieux vaut gommer l’aspect médical et miser sur la transparence des façades, avec des couleurs gaies et lumineuses pour l’aménagement intérieur. Vous pouvez aussi mettre en avant la technologie des appareillages via des écrans plasma diffusant des films pédagogiques sur les troubles auditifs et les audioprothèses.

Par ailleurs, pour attirer cette nouvelle clientèle, il est essentiel de communiquer. Si la publicité est interdite au pharmacien, il peut néanmoins mettre en avant son expertise de façon visible par le biais de vitrines thématiques ponctuelles et d’une vitrophanie permanente avec un rappel du service proposé au comptoir. Dans l’espace de vente, l’existence d’un rayon de produits d’entretien et d’hygiène de l’oreille est aussi un atout. D’ailleurs, ce rayon à l’intérieur de la pharmacie peut également être un moyen astucieux de « tester » le potentiel de cette activité auprès de sa clientèle.

Outre les accessoires et jetables concernant les audioprothèses ou l’appareillage (piles, produits de conservation des prothèses auditives, produits de nettoyage et de désinfection des prothèses, produits d’entretien et de préparation pour la pose de prothèses), ce rayon peut accueillir des produits d’hygiène de l’oreille et une large gamme de bouchons d’oreille spécifiques.

De l’audioprothèse bientôt dans les pharmacies PHR

Pour PHR, l’audioprothèse fait partie des futurs segments porteurs de l’officine. « La pharmacie est un relais d’information qui peut intervenir en amont des problèmes auditifs nécessitant un appareillage », affirme Willy Hodin, directeur général de PHR. Le groupe prévoit ainsi de commercialiser, pour le dernier trimestre 2008, une large gamme de produits à la marque (bouchons d’oreille, produits d’hygiène, produits de nettoyage et de conservation des prothèses, piles, etc.), des leaflets d’information à remettre aux clients de l’officine et une formation de l’équipe officinale. « Les produits d’entretien dans ce domaine coûtent cher. Grâce à notre puissance d’achat, avec une marge raisonnable de 45 % pour l’officine, nous sommes en mesure de proposer au grand public des produits 30 % moins cher que les circuits de distribution habituels », assure Willy Hodin. Une bonne nouvelle pour les pharmacies du groupe qui pourront investir sur un nouveau marché au fort potentiel.

témoignages

Alain Cunaud, titulaire à Montaigu (Vendée), en franchise avec Audika

« Les inconvénients sont nombreux »

« Mon prédécesseur avait développé cette activité sous la forme d’une franchise avec Audika. Un local aménagé spécialement à l’étage est consacré à cette activité. Nous le louons à Audika, qui nous verse également une marge fixe par appareil vendu (environ 10 % de leur prix). Nous assurons également l’achat des appareils et la facturation au client. Une audioprothésiste, salariée de l’officine, vient une fois par semaine. Mais nous n’avons aucune maîtrise sur les fournisseurs et le fichier de clients est géré directement par Audika. Cette activité présente de nombreux inconvénients, comme une avance de trésorerie importante car d’importants réglages sont nécessaires avant la vente d’un appareil à un client, d’autant qu’ils payent souvent en trois fois sans frais. Néanmoins, cette activité engendre un trafic plus important à l’officine et les stocks nécessaires sont pratiquement nuls. »

Daniel Buchinger, titulaire à Colmar (Haut-Rhin) et président d’Univers Pharmacie

« Une source de revenus complémentaires pour la pharmacie »

« J’ai créé mon rayon d’audioprothèse avec l’aide du groupement en janvier 2008. La seule difficulté a été de trouver un audioprothésiste. L’investissement a été quasiment nul puisque l’audioprothésiste s’est chargé d’amener l’ensemble du matériel nécessaire. Nous avons commencé par proposer des rendez-vous durant une après-midi par semaine. Aujourd’hui, tous les rendez-vous sont complets. Mais monter un tel rayon nécessite une bonne organisation. Mieux vaut aussi être accompagné tant du point de vue de la communication que des relations avec l’audioprothésiste pour que le rayon soit rapidement rentable. »