Substitution sous condition pour les antiépileptiques

Réservé aux abonnés
Publié le 15 mars 2008
Mettre en favori

Pas de veto formel à la substitution des antiépileptiques, mais les prescripteurs sont invités à s’y opposer s’ils le jugent nécessaire.

On ne prend pas de décision fondée sur des rumeurs. » Le 11 mars, en préambule à la présentation des recommandations liées à la substitution des antiépileptiques, Jean Marimbert, directeur général de l’Afssaps, a tranché. L’efficacité et la sécurité des génériques des antiépileptiques ne sont pas remises en cause, malgré deux décès suspects (voir Le Moniteur du 23 février). Néanmoins, comme le souligne Jean Marimbert, « la substitution dans le domaine de l’épilepsie n’est pas classique, car tout changement de médicament, quel qu’il soit, peut perturber le patient compte tenu de l’anxiété anticipatoire potentielle ».

Renforcer la relation prescripteur-patient

Dès lors, selon les propres termes de Jean Marimbert, les recommandations officielles « ne sont pas anodines ». L’accent est mis sur le dialogue du prescripteur avec son patient. Il devra expliquer ce que sont les génériques et vérifier que leur utilisation ne suscite aucune réticence ou crainte. Si c’est le cas, il lui est recommandé de ne pas substituer. L’Afssaps rappelle d’ailleurs aux neurologues, neuropédiatres et aux généralistes qu’ils peuvent s’y opposer en mentionnant « Non substituable » sur l’ordonnance. « Ce droit peut s’exercer que le médicament prescrit soit un princeps ou un générique », affirme l’Agence. « Nous avons voulu insister sur le fait que l’acte de substitution par le pharmacien si le patient n’a pas eu de dialogue avec son médecin est générateur de déséquilibre », renchérit le Pr Philippe Lechat, directeur de l’évaluation des médicaments et des produits biologiques à l’Afssaps. Il va même plus loin en insistant sur le nécessaire passage devant le médecin, aussi bien pour la substitution du princeps par un générique que le contraire, et même en cas de changement de marque de générique à l’officine. Ce qui limite fortement le champ d’action des pharmaciens.

Pas d’argument pour une limitation générale

Avant la délivrance, le pharmacien devra vérifier que l’ordonnance ne comporte pas de mention de non-substitution. A charge pour lui de chercher également à savoir si la substitution est acceptée par le patient.

Pas plus l’enquête nationale de pharmacovigilance – menée par le centre de Rennes, dont le compte rendu sera mis en ligne après sa validation définitive le 25 mars – que l’interrogation d’une trentaine d’autres agences en Europe n’a permis de démontrer scientifiquement une relation entre substitution et dégradation de la pathologie. « Rien n’est prouvé concernant une tendance quantitative à la recrudescence des épisodes de crise ou de rechute avec les génériques, précise Jean Marimbert. Il y a des récidives de crises en l’absence de substitution. Enfin, les données recueillies ne permettent pas d’affirmer que les faits rapportés seraient liés à un problème pharmacologique. Dans la plupart des cas analysés, les intervalles de bioéquivalence étaient resserrés entre 90 et 110 % alors que la fourchette admise est fixée entre 80 et 125 %. La variabilité interindividuelle est sans doute plus importante que la variabilité entre produits. »

Publicité

« On a même observé un déclenchement de crise avec un autogénérique, confirme Philippe Lechat. Avec les médicaments à marge thérapeutique étroite, les fluctuations sont telles qu’on peut s’attendre à des décompensations aussi bien avec un générique qu’un princeps. »

La Finlande, la Slovénie et la Suède ont préféré purement et simplement interdire la substitution, mais Jean Marimbert s’est étonné de ne pouvoir obtenir les justifications médicales d’une telle décision.

Le principe d’une extension du dialogue sur la substitution entre le médecin et son patient est-elle un premier pas vers une généralisation du principe, sinon à toutes les classes, du moins à celles identifiées comme à risque ? « Pas d’extrapolation hasardeuse, objecte Jean Marimbert. Notre intention n’est pas de bâtir une nouvelle théorie de la substitution. » Dont acte.