Le DMP coince, le DP fonce

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Publié le 15 mars 2008
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Depuis qu’il a levé l’ancre, le dossier pharmaceutique file sans heurt vers le cap qu’il s’est donné. Le dossier médical personnel, lui, est toujours à quai, mal armé pour prendre le large. Et si la corvette donnait des leçons de navigation au navire amiral ?

A bâbord le DMP, conçu en 2004, expérimenté en 2006, avec de nombreuses failles. Un prototype pourrait émerger en… 2010. A tribord le DP, conçu en 2005, expérimenté depuis 2007 et qui pourrait être généralisé avant fin 2008. Tous deux ont pour objectif d’améliorer la santé des Français.

Le dossier pharmaceutique ou DP est un outil créé par et pour les pharmaciens. Depuis qu’il est testé, soit bientôt un an, il n’a cessé de prouver son efficacité. A tel point que les pouvoirs publics commencent à se demander s’ils ne devraient pas s’en inspirer pour redonner vie à leur dossier médical personnel (DMP).

Le DMP fut inscrit par Philippe Douste-Blazy, ministre de la Santé, dans la loi de réforme de l’assurance maladie du 13 août 2004. Après s’être appelé « dossier médical partagé », il a très vite hérité de divers sobriquets tels « dossier médical piratable » ou « dossier mal parti ». Dans l’esprit de la loi, s’agissait d’informatiser plus de 63 millions de dossiers médicaux pour améliorer la prise en charge des malades et économiser, in fine, 3,5 milliards d’euros par an. La complexité d’un tel chantier était prévisible. Et beaucoup s’y sont cassé le nez. Le groupement d’intérêt public en charge de la mise en oeuvre du DMP (GIP DMP) est aujourd’hui suspendu aux lèvres de Michel Gagneux, président de la mission ministérielle chargée de relancer le chantier du DMP. Cet inspecteur général des affaires sociales, déjà auteur d’un précédent rapport très critique sur le DMP, doit rendre ses conclusions fin mars 2008, pour aboutir en juin à un programme de relance.

Un dossier pharmaceutique très convoité

A contrario, le DP doit faire l’objet, le 19 mars, d’un premier bilan que l’on prédit déjà très positif. « Sur le plan technique, nous sommes prêts, souligne Jean-Luc Audhoui, trésorier de l’ordre des pharmaciens. Mais nous souffrons aujourd’hui d’une difficulté de communication, celle-ci étant interdite durant la phase d’expérimentation. Le travail des pharmaciens pilotes en est rendu compliqué au comptoir, mais c’est aussi normal. Nous communiquerons auprès du grand public dès que nous aurons une visibilité sur la généralisation du DP. »

Dans le futur, lorsque le DMP sera fin prêt, tous les dossiers de santé existants s’y connecteront, y compris le DP – déjà nommé le « volet médicament du DMP ». Il n’y aura pas de fusion mais deux dossiers distincts reliés entre eux, note cependant l’Ordre. Marie-Laure Micoud, directrice adjointe du GIP DMP, insiste : « Il n’y a pas de redondance entre le DP et le DMP, lesquels n’ont pas le même usage. Ces deux dossiers sont complémentaires. » D’ailleurs, le Dr Christine Boutet, directrice médicale du pôle DMP au sein du GIP Télémédecine de Picardie, voit la coopération avec les pharmaciens, à terme, comme une « évidence ».

Jacques Sauret, directeur du GIP DMP, a toutefois évoqué lors de son audition devant la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale, le 7 février, les réticences de certains officinaux. Au-delà des atouts de santé publique, ces derniers voient dans le DMP une probable baisse de leurs ventes si les patients sont mieux suivis… Réticences que Jacques Sauret qualifie de « frein naturel et compréhensible ». Et de réclamer une compensation financière, sur les marges par exemple. Jean-Luc Audhoui appréhende le problème autrement : « Il faudra chiffrer les économies réalisées en termes de santé publique, d’accidents iatrogènes. Des discussions auront sans doute lieu car, lorsque la Sécurité sociale se rendra compte des gains engendrés, il faudra les partager. »

Des pénalités pour les professionnels récalcitrants

Les médecins ne sont pas en reste sur le sujet : leurs syndicats réclament aussi une compensation mais sous forme d’aide financière, expliquant que l’intégration du DMP représentera une charge de travail administratif supplémentaire. Ils demandent donc l’équivalent de 2 « C » par patient et par an. Mais le GIP DMP, qui calcule que cela lui coûterait 3 milliards d’euros, s’y refuse. « D’autant que d’autres professionnels pourraient ensuite demander à être aussi payés », souligne judicieusement Jacques Sauret. « Accepter serait mésestimer le DMP, renchérit Marie-Laure Micoud. Le DMP n’est pas un acte administratif : on offre au contraire aux professionnels un outil sécurisé qui leur permettra de mieux travailler. Quoi qu’il en soit, la décision relève du domaine conventionnel. »

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Attention ! La loi du 13 août 2004 prévoit des sanctions pour les professionnels de santé qui ne joueraient pas le jeu du DMP. Un article stipule en effet que « le refus [d’y] reporter les éléments issus de chaque acte ou consultation peut faire l’objet d’une pénalité. […] Le montant de la pénalité est fixé en fonction de la gravité des faits, dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la Sécurité sociale. Ce montant est doublé en cas de récidive ». Mais le GIP DMP tempère, indiquant que les professionnels ne seront soumis à aucun systématisme. Qu’en sera-t-il exactement ? « Pas question d’être sanctionné par la caisse ! », s’insurge Christine Boutet.

Toujours d’après la loi réformant l’assurance maladie, les patients pourraient aussi avoir à faire les frais d’une attitude négative vis-à-vis du DMP. En effet, une disposition « prévoit que le niveau de prise en charge des actes et prestations de soins par l’assurance maladie reste subordonné à l’autorisation que donne le patient à chaque consultation ou hospitalisation d’accéder à son dossier personnel, complétée d’une obligation pour le professionnel de santé d’indiquer, lors de l’établissement de la feuille de soins, qu’il a bien été en mesure d’accéder au dossier » ! Il est vrai que si l’ensemble du corps professionnel comme de la population française ne prend pas ce virage, on voit mal comment le DMP atteindra pleinement ses objectifs.

A l’inverse, un tel enjeu nécessite une ligne stratégique claire, le pilotage nécessaire et les moyens adéquats pour convaincre ses protagonistes, tout comme les industriels. Un monstre de complexité, donc, mais que la mission Gagneux – souhaitons-le – pourrait enfin dompter. En attendant que sonne la fin du chantier DMP, le DP poursuit sa navigation tranquille.

DP contre DMP, le match en huit points

1. Au DP les médicaments, au DMP le reste

– Le DP contient l’historique des médicaments, prescrits ou non, délivrés depuis quatre mois dans toutes les officines où s’est rendu le patient. Plus précisément, apparaissent à l’écran le code CIP et le nom de la spécialité, ainsi que la date de délivrance et les quantités délivrées. Aucune indication ne figure sur le prescripteur, l’officine à l’origine de la délivrance ou les prix pratiqués.

– Le contenu du DMP est, lui, encore flou et la Haute Autorité de santé est appelée à le définir. A priori, au DMP seront reliés tous les dossiers de santé existants : DP, web médical (historique des remboursements de la CNAM), dossier de cancérologie, de diabétologie, de protection maternelle et infantile, d’obésité et de tout autre réseau de soins, ainsi que le futur DM Pro, dossier médical professionnel tout juste lancé par la Confédération des syndicats médicaux français. Sorte de « DP médical », il verra le jour « dans un délai rapide » et informatisera peu à peu la circulation des données patients entre médecins.

S’ajouteront les données intégrées par les professionnels tout au long de l’existence du DMP. Marie-Laure Micoud, directrice adjointe du GIP DMP, précise qu’il « ne contiendra pas toutes les données de santé mais uniquement celles utiles à la coordination des soins ». Contrairement à ce que laissait supposer la loi de réforme de l’assurance maladie, les professionnels ne seraient donc pas obligés de systématiquement reporter le compte rendu d’une consultation par exemple. En outre, les informations délicates ou non validées ne seront pas les bienvenues. Dans ce cas, quid du risque d’erreur diagnostique qui serait dû à un DMP incomplet ?Jacques Sauret, directeur du GIP DMP, ajoute qu’il ne s’agit pas non plus d’un « outil de vulgarisation mais de données professionnelles, fournies par des professionnels et auxquelles les patients ont accès ».

Les données du DMP seront stockées dans six volets : l’espace d’identification du titulaire du DMP, les données générales (antécédents médicaux et chirurgicaux, historique des consultations spécialisées…), les données de soins (actes diagnostiques, résultats d’examens biologiques, traitements en cours, médicaments dispensés…), les données de prévention (allergies et intolérances, vaccinations…), l’imagerie (comptes rendus, radiographies, scanners, IRM, échographies…) et un espace d’expression personnelle.

2.Une sécurisation digne de Fort Knox

– La connexion au DP est simple : le patient doit fournir sa carte Vitale et le pharmacien sa carte CPS. Sans l’introduction simultanée de ces deux clés, le DP garde porte close. En outre, les données sont chiffrées pour en assurer la sécurité.

– Côté DMP, « une grosse sécurisation est [aussi] la condition sine qua non de la mise en oeuvre du DMP pour assurer le respect du secret médical », résume le Dr Christine Boutet, directrice médicale du pôle DMP au sein du GIP Télémédecine de Picardie. Un « numéro identifiant santé » national est prévu pour ouvrir le DMP. A chaque connexion, le patient devra en outre demander un code secret de 4 chiffres – dit « volatil » parce qu’il ne serait valable que 15 minutes – qui lui sera délivré par SMS ou e-mail, « dans l’attente de la carte Vitale 2 », précise Marie-Laure Micoud. De son côté, le professionnel de santé autorisé par un patient à accéder à son DMP devra s’authentifier grâce à sa carte CPS. Toutefois, une procédure dite « bris de glace » pourrait permettre au médecin, en cas d’urgence, d’accéder au dossier d’une personne hors d’état d’exprimer son consentement.

3.Peut-on appliquer au DMP la règle d’accès au DP et la liberté octroyée à ses patients ?

– Le DP étant un dossier uniquement professionnel, les patients n’y accèdent pas, même s’ils peuvent en demander une impression au titre de la loi sur les droits des malades. Mais tout patient doit donner son accord au pharmacien qui lui propose l’ouverture d’un DP. Son autorisation se matérialise alors par l’impression de son formulaire de création. Puis, son accord devient implicite à chaque passage en officine à partir du moment où il tend sa carte Vitale. Le patient peut également demander à ne pas publier dans son DP un médicament en particulier. La mention « Dossier pharmaceutique incomplet » y apparaîtra alors. Il a aussi la liberté, à tout moment, de fermer son DP.

– En revanche, ce n’est pas le professionnel qui sera au coeur du DMP mais le patient lui-même. « L’ouverture du DMP, qui est apparue trop compliquée lors des expérimentations, nécessite beaucoup de vigilance, souligne Marie-Laure Micoud. L’ouverture est en cours de simplification. Nous nous intéressons à l’exemple du DP, sans le contrat papier. » Pour Jacques Sauret, il faut d’ailleurs « uniformiser les règles de consentement du patient pour tout dossier de partage d’information. Ne pouvons-nous pas généraliser à l’ensemble du réseau de soins la règle d’accès au DP ? »

Le recueil du consentement du patient pour l’ouverture d’un DMP n’est donc pas encore validé. « Nous mettrons le paquet sur la sécurité, condition nécessaire à la confiance des Français, assure Marie-Laure Micoud. Ils sont d’ailleurs très largement favorables au DMP. »

Autre problème non résolu : donner au patient la possibilité de cacher certaines données de santé dans son DMP. Craignant que cette liberté n’aille à l’encontre d’un suivi de qualité, le sujet fait débat. Il est aussi question de mentionner, comme dans le DP d’ailleurs, le masquage d’une donnée pour que le professionnel sache que les données ne sont pas complètes, sans pour autant savoir de quoi relève l’information masquée. On parle alors de « masquage masqué »… Une expression aussi confuse que le sont les tergiversations entre droit du malade et efficacité du DMP.

4.L’interface DP s’ouvre en un clic, le DMP cherche une hotline

– Toutes les officines étant informatisées, l’intégration du DP s’en trouvera facilitée. Encore faudra-t-il posséder un logiciel compatible. « Dès le départ, l’Ordre a proposé de travailler avec tous les logiciels, sans exception », précise Jean-Luc Audhoui, trésorier de l’ordre des pharmaciens. Mais chaque SSII a développé à son rythme le DP sur les différentes versions de ses produits et l’Ordre surveillera de près leurs capacités. Les logiciels subissent d’ailleurs des tests pour obtenir une validation de compatibilité. La liste des 10 logiciels opérationnels aujourd’hui est disponible sur le site de l’Ordre, lequel vient d’envoyer un courrier à tous les pharmaciens pour recueillir les éléments informatiques nécessaires au déploiement du DP (existence ou non d’une liaison ADSL, les logiciels utilisés…). L’Ordre s’enquiert également de la période la plus appropriée pour les raccorder à l’hébergeur national du DP, Santéos. « En tout état de cause, du point de vue professionnel, le DP ne changera rien. Il sera intégré directement dans le logiciel de l’officinal. »

– Là encore, où tout semble limpide côté DP, ça se corse avec le DMP. Y aura-t-il plusieurs hébergeurs, parmi lesquels le patient choisira, ou un seul hébergeur national ? Et même si Internet se démocratise, tous les Français ne sont pas équipés, en particulier les tranches de la population la plus âgée et la plus démunie. Si le patient ne peut donc se connecter de chez lui, il devrait pouvoir le faire à partir de postes publics, installés dans les hôpitaux par exemple, mais aussi chez le médecin.

Les hôpitaux et les médecins ne sont pas non plus tous équipés. « Il faudra une hotline efficace », soulève Christine Boutet. A ce titre, le GIP DMP « veut profiter de la plate-forme téléphonique de la CNAM, la plus grande d’Europe, pour tester dans les premières années le type et le nombre d’appels. Puis nous déciderons de continuer avec la CNAM ou de lancer un appel d’offres. Le souci, c’est que les téléopérateurs ne peuvent pas accéder au DMP et ne sont pas formés à répondre à des considérations de santé. Faut-il modifier la loi de 2005 pour qu’ils puissent avoir un aperçu du contenu ? Les patients le refusent aujourd’hui », explique Jacques Sauret.

Les professionnels, officinaux inclus, craignent en outre un afflux de propositions abusives de sociétés informatiques quand DP et DMP seront généralisés. Pour beaucoup, qui dit informatique, dit piratage. Enfin, il faudra adopter un langage normalisé et assurer l’interopérabilité des différents équipements informatiques.

5.Accès réservé au DP mais portes ouvertes au DMP ?

– Seuls les pharmaciens, les étudiants à partir de la 3e année et les préparateurs en officine ont accès au DP. L’ordre des pharmaciens refuse que les médecins y mettent le nez. « Ce n’est déjà pas faisable techniquement », souligne Jean-Luc Audhoui, qui ironise par ailleurs sur cette requête des médecins : « Ils n’étaient pas pour au départ, et maintenant qu’ils constatent que ça marche, ils ont envie d’y être ! » De toute façon, rappelle-t-il, tout médecin peut accéder au contenu du DP via son patient si nécessaire, puisque le patient peut demander à tout moment à son officinal une impression de son DP et repartir avec.

– Quant au DMP, tous les professionnels détenteurs d’une carte CPS y auront accès. Mais la liste en question pose problème à Jacques Sauret. Il réfléchit d’abord à limiter son accès aux « principales professions : médecins, pharmaciens, infirmières, sages-femmes, dentistes et, de façon limitée, kinés ».

Se pose aussi la question de la transparence interprofessionnelle. Une « prématrice » a défini ce à quoi chaque professionnel aura accès à l’intérieur du DMP. Jacques Sauret va plus loin et s’interroge sur la possibilité de donner à terme un accès à l’ensemble du personnel du cabinet, citant par exemple la secrétaire médicale. Ce qui en effraie plus d’un. Mais Christine Boutet, par exemple, se déclare pour en cas d’urgence. « Il faut s’adapter », souligne-t-elle. Par ailleurs, le patient choisirait ceux à qui il donne l’autorisation d’accéder à son DMP, qu’ils soient professionnels de santé ou particuliers : le conjoint, les parents dans le cadre du DMP d’un enfant, un membre de la famille, etc.

Il n’est pas prévu pour l’instant de spécifier l’accès donné à une tierce personne, à savoir un accès limité dans le temps par exemple ou à telle ou telle rubrique et non à l’intégralité de son DMP. Même si « c’est techniquement possible, ce n’est pas encore validé », indique Marie-Laure Micoud.

Quant à l’échange d’informations entre professionnels via le DMP, la directrice adjointe du GIP DMP signale que « les professionnels sont très intéressés par un système de messagerie sécurisée » comme il en existe déjà. Mais, « à ce stade, le DMP n’en proposera pas. Néanmoins, il est envisagé de pouvoir alimenter le DMP via une messagerie sécurisée dès lors qu’elle respecte des conditions drastiques de sécurité ».

6.Expérimentations : DP qui rit, DMP qui pleure

– La phase pilote des expérimentations du DP a débuté en avril 2007 dans six départements : le Doubs, la Meurthe-et-Moselle, la Nièvre, le Pas-de-Calais, le Rhône et la Seine-Maritime. C’est une réussite totale. La Commission nationale de l’informatique et des libertés a d’ailleurs encore autorisé le 14 février dernier le prolongement de l’expérimentation jusqu’au mois d’août et son extension aux Yvelines et aux Hauts-de-Seine, ainsi qu’à 2 000 officines au total dans chacun des autres départements de métropole et d’outre-mer. A ce jour, 364 officines sont équipées et 160 000 DP ont été créés.

– On ne peut pas en dire autant du DMP : les expérimentations de 2006, certes trop courtes, ont révélé d’importantes failles de sécurité et une information insuffisante du patient. Marie-Laure Micoud précise : « On a en effet constaté un problème de sécurité mais uniquement chez un exploitant. » Toutefois, « ces expérimentations nous ont beaucoup apporté, nous ont confortés sur le fait que les patients jouent le jeu, y trouvant un vrai intérêt, et que le dossier doit être le plus riche possible. Mais leur arrêt a été légitimement mal perçu par les acteurs de terrain qui s’étaient fortement impliqués ». Le déroulement des prochaines expérimentations est suspendu aux conclusions de la mission Gagneux puisqu’elle pourrait modifier l’architecture du DMP. Selon Jacques Sauret, le GIP DMP réfléchit à une montée en charge progressive, par exemple en intégrant d’abord les patients en ALD ou en procédant à une montée en charge Région par Région.

7.Combien vont coûter le DP et le DMP ?

– Le DP n’a entraîné qu’un coût minime, les officines étant déjà informatisées. Son hébergement est financé par l’Ordre, donc par les cotisations, lesquelles ont augmenté de 10 Û la première année, 50 Û la seconde et qui devraient encore croître. Jean-Luc Audhoui souligne que « la hausse des cotisations ordinales est due pour 99 % au DP ».

– Le DMP, lui, joue dans la cour des grands : selon Jacques Sauret, il faut compter environ 20 MÛ par an pour la constitution du portail, 1 à 2 Û par DMP par an pour l’hébergement, 200 Û par poste pour adapter les logiciels, 90 MÛ pour mettre à niveau les logiciels et 20 MÛ par an pendant cinq ans de formation pour s’approprier la logique. « Qui s’en charge d’ailleurs ?, s’interroge Jacques Sauret : les éditeurs de logiciels ? Les instituts de FMC ? »

La mise en place d’une hotline peut aussi revenir très cher. Bref, selon le GIP DMP, la fourchette est de 1,2 à 1,5 milliard sur cinq ans, « mais cela peut énormément varier », souligne Marie-Laure Micoud qui rappelle que le coût final du DMP dépend aussi des futures conclusions de la mission Gagneux. Et qui paiera ? La question n’est pas tout à fait résolue mais tout le monde devrait mettre la main à la pâte : l’Assurance maladie et les assurés, le GIP DMP, tous les professionnels de santé via l’augmentation de leurs cotisations… On pourrait aussi faire appel à des financeurs privés.

8.Un objectif commun : une meilleure qualité des soins

Si le DP et le DMP ont un objectif commun, c’est bien la santé des Français.

– Le DP sécurise la dispensation puisqu’il permet de relever des interactions avec des médicaments délivrés dans d’autres officines et non plus dans sa seule officine. Il améliore la qualité des soins, renforce la relation patient mais aussi le rôle de l’officinal dans le système de soins.

– Le DMP est aussi un atout pour la santé publique : il permettra d’assurer un suivi coordonné, de renforcer la sécurité diagnostique et thérapeutique, d’éviter les doublons et de restreindre le nomadisme médical. Pour Christine Boutet, le DMP permettra en plus de « gagner du temps, en recherche de documents par exemple, et donc d’améliorer la qualité des soins ».

Sondage directmedica

Sondage réalisé par téléphone du 25 au 27 février 2008 sur un échantillon représentatif de 100 pharmacies en fonction de leur répartition géographique et de leur chiffre d’affaires.

ENQUETE PHARMACIEN

Vive le DP !

Selon vous, quels seront les principaux avantages du DP ? (Merci de noter la liste suivante de 1 à 4, 4 étant la note la plus avantageuse)

Pas de crainte financière

Craignez-vous que le DP contribue à une diminution des ventes ?

Le DMP perçu comme une contrainte

Concernant le DMP maintenant, y voyez-vous :

Un plus pour le patient ?

Un plus pour

le médecin ?

Un plus pour les professionnels de santé ?

Un atout pour la santé publique ?

Une contrainte ?

Exigence de transparence

Concernant votre accès aux données du DMP, pensez-vous :

Le risque du masquage

Que pensez-vous de la possibilité pour les patients de masquer certaines données dans leur DMP ?

Sondage réalisé par téléphone du 25 au 27 février 2008 sur un échantillon représentatif de 100 généralistes en fonction de leur répartition géographique et de leur chiffre d’affaires.

ENQUÊTE MÉDECIN

Accéder au DP : bof !

Dans l’attente du DMP, souhaiteriez-vous accéder au DP ?

Que les autres professionnels accèdent au DMP : rebof !

Pensez-vous que tous les professionnels de santé doivent pouvoir accéder à l’intégralité des données contenues dans le DMP ?

Non au masquage

Que pensez-vous de la possibilité pour les patients de masquer certaines données dans leur DMP ?

Le DMP d’accord, mais pas sans rémunération

Estimeriez-vous justifié de bénéficier d’une compensation financière dans le cadre de la mise en oeuvre du DMP ?

Une nouvelle charge de travail mais pleine d’atouts

Selon vous, quels seront les principaux avantages du DMP ? (Merci de noter la liste suivante de 1 à 4, 4 étant la note la plus avantageuse)

Le comparatif

Dr Christine Boutet, directrice médicale du pôle dmp au sein du gip télémédecine de picardie

« Les patients se montrent ravis de la centralisation de leurs données »« Je fais partie du projet Dossier santé Picardie [DSP] pour lequel le GIP Télémédecine de Picardie a signé en septembre 2007 une convention d’un an avec le GIP DMP. La convention inclut 6 hôpitaux, 2 cliniques, 300 professionnels de santé libéraux dont 150 médecins, 2 réseaux de soins (diabète et cancérologie) et 1 SMUR. Nous rencontrons un grand succès. Le DSP résulte d’un partenariat entre l’URML de Picardie, l’agence régionale de l’hospitalisation et le CHU d’Amiens qui expérimente depuis 2005 une plate-forme d’échanges avec la ville et les autres hôpitaux. Cette plate-forme permet de filtrer les comptes rendus hospitaliers, examens biologiques, radiographies… Ce modèle a été répliqué aux autres établissements hospitaliers, accompagnés par le pôle DMP. En plus de permettre l’envoi de documents via une messagerie sécurisée, la plate-forme alimente simultanément le DSP. Les professionnels de ville, qui entreront dans la boucle en avril, recevront alors un message les avertissant de l’arrivée d’un document ou se connecteront directement. Les patients n’accèdent pas au DSP même s’ils peuvent, bien entendu, demander à le consulter. Ils étaient toutefois présents dans un groupe de travail et se sont montrés ravis de cette centralisation. Se sentant écoutés, ils nous encouragent à poursuivre. A ce jour, 1 500 DSP ont été créés. L’objectif est d’arriver à 45 000 DSP d’ici le 19 septembre. Puis, la Région Picardie espère pouvoir pérenniser le projet, que le DMP se concrétise ou non. »

Google et Microsoft sur le coup

Google expérimente actuellement sur un millier de patients d’une clinique américaine un projet consistant à stocker leurs données de santé (comptes rendus de consultations, résultats de tests, prescriptions…). Objectif de Google Health : que tout médecin dans le monde puisse accéder au dossier médical d’un patient. Un nom d’usager et un mot de passe suffiront à s’y connecter. Google promet de sécuriser comme il se doit les données de santé stockées. « Nous ne partagerons ni ne vendrons vos données sans votre autorisation explicite », assure la vice-présidente de Google chargée des produits de recherche et des services. A l’avenir, via Google Health, le patient pourra aussi planifier ses rendez-vous, recevoir des rappels automatiques pour la prise de médicaments ou de vaccins et renouveler automatiquement ses ordonnances.

De son côté, Microsoft propose depuis octobre un service similaire de gestion et de stockage de ses données médicales, appelé HealthVault (« coffre-fort santé »). Il met aussi à disposition des Internautes des outils permettant de mieux surveiller sa santé (poids, pression sanguine, suivi de grossesse, évaluation du risque personnel…), ainsi que des annuaires de médecins et d’hôpitaux et des blogs d’experts et d’autres particuliers. Il sert enfin de plate-forme d’échanges avec les professionnels de santé et les établissements de soins. HealthVault aurait d’ailleurs été présenté à la CNAM et au GIP DMP.

Monique Durand, pharmacienne en meurthe-et-moselle, expérimente le dp

« Un outil facile à mettre en oeuvre »« Depuis le début de l’expérimentation en Meurthe-et-Moselle, mi-juillet 2007, 60 pharmacies testent le dossier pharmaceutique. A titre personnel, nous en avons ouvert entre 1 300 et 1 400. Au début, ma propre officine, de taille moyenne, n’était pas équipée d’un logiciel adapté ; nous avons donc changé notre informatique. Pour autant, le DP n’a pas du tout bousculé nos habitudes, ni alourdi le travail quotidien. L’intégration des données se fait automatiquement, lors de la délivrance des médicaments. La seule étape qui prend du temps, et il ne faut surtout pas la bâcler, est le recueil du consentement du patient. Il s’agit de lui expliquer, dans le respect de l’éthique, ce qu’est le DP, de bien préciser qu’il s’agit d’un outil professionnel conçu pour sécuriser la dispensation des médicaments, de souligner que le pharmacien ne peut y accéder sans le patient et sa carte Vitale, mais aussi que si je n’étais pas pharmacien, je ne pourrais pas non plus y accéder puisque la carte du professionnel de santé – la CPS – est nécessaire. Souvent, les patients pensaient que les pharmaciens pouvaient déjà connaître les médicaments délivrés par d’autres officines ! Dans 99 % des cas, ils estiment que c’est très important, comprennent l’intérêt de détecter d’éventuelles interactions et apprécient de savoir que, s’ils se déplacent ou sortent d’une consultation aux urgences, un autre pharmacien pourra connaître leur traitement. On sent que le dossier pharmaceutique répond à une attente. De toute façon, s’ils font confiance à leur pharmacien, ils se lancent dans le DP ! Je le propose systématiquement, à tout type de client, sauf pendant les gardes. J’ai même disposé des dépliants d’information sur de petits chevalets. Une fois un DP accepté et créé, j’indique au patient qu’il peut demander à ce qu’un médicament en particulier n’y apparaisse pas au cours d’une délivrance, mais cela arrive rarement. Le DP est aussi l’occasion de dialoguer avec les patients et il nous permet de nous recentrer sur notre métier. C’est un outil magique, facile à mettre en oeuvre et très valorisant. On doit vraiment jouer le jeu, dans l’intérêt du patient, de la santé publique comme du nôtre. Et si l’on est irréprochables, on aura tout gagné ! Vendre du médicament, ce n’est pas ce que j’ai choisi. »