Une pharmacienne piégée

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Publié le 19 juillet 2008
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A Roissy-en-Brie, le préfet s’est appuyé tantôt sur les anciennes et les nouvelles dispositions de la loi pour s’opposer à un transfert. L’illustration des travers kafkaïens que peuvent présenter ces textes.

En septembre prochain, Colette Lafages « fêtera » quatre années de fermeture de sa pharmacie de Roissy-en-Brie. Depuis, elle se bat pour transférer à Montévrain, autre commune de Seine-et-Marne en forte évolution démographique, située près du Val d’Europe. Mais un arrêté préfectoral l’en empêche : la commune d’origine est en sous-effectif d’officines au regard des règles de seuil, alors même que les besoins de la population résidente sont correctement couverts. En effet, Roissy-en-Brie ne compte que cinq officines au lieu des sept possibles d’après les anciens quotas (2 500 habitants par pharmacie dans les communes de 2 500 à 30 000 habitants). Les deux officines qui manquent à l’appel ont dû fermer parce qu’elles n’étaient pas assez fortes pour résister à la concurrence d’une pharmacie discounteuse : celle de Colette Lafages et celle d’un autre confrère parti à la retraite sans avoir pu trouver un repreneur.

Dès qu’un transfert est refusé ou contesté, la procédure devient un véritable parcours du combattant pour l’impétrant. « Depuis octobre 2004, je renouvelle ma demande tous les quatre mois compte tenu que le dossier devient rapidement caduc », indique-t-elle. La dernière demande date de fin 2007 et n’a pas connu un meilleur sort que les précédentes. Elle décide alors d’attaquer la décision préfectorale et saisit le tribunal administratif de Melun d’une requête en annulation et d’un référé-suspension. Elle obtient gain de cause : le juge des référés suspend l’arrêté préfectoral par une ordonnance du 27 mars 2008. Colette Lafages attend maintenant la décision sur le fond du juge. Après une ultime audience en mai, elle devrait être bientôt rendue.

« Un dispositif législatif de plus en plus restrictif »

Christophe Agostini, avocat du cabinet GB2A, craint un rejet de la requête. « Ma cliente se retrouve actuellement piégée par un dispositif législatif qui devient de plus en plus restrictif. » En effet, l’administration jongle avec les anciennes et nouvelles dispositions comme bon lui semble pour bloquer ce transfert. Jusque-là, les demandes de transfert avaient été refusées au motif que les critères de population tenant à la commune de départ n’étaient pas remplis. Mais aujourd’hui, avec l’application des nouveaux seuils (2 500 habitants pour la première officine et par tranche de 3 500 habitants au-delà), le transfert peut enfin être accordé. Mais le juge risque maintenant d’annuler la requête en se fondant sur les nouvelles dispositions de la loi, considérant que les critères de population tenant, cette fois, à la commune d’accueil, ne sont pas remplis.

« Des contradictions insupportables »

A Montévrain, le quota d’une officine par tranche entière supplémentaire de 3 500 habitants (au-delà de la première) n’est pas encore atteint. « Le préfet a attendu la publication des nouvelles règles pour rédiger son arrêté », dénonce Colette Lafages qui reproche aussi à la DDASS de bloquer son dossier. « Il y a des contradictions insupportables entre l’application des textes et la réalité économique, puisque ce pharmacien n’est plus en mesure d’exercer à Roissy-en-Brie », déplore Christophe Agostini.

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Cet avocat signale d’autres incohérences : « Lorsque le transfert sera possible, il n’est pas certain que cette pharmacienne bénéficie de la règle de l’antériorité des demandes, en cas de mise en concurrence. Par ailleurs, la loi précise que la licence devient caduque au bout d’un an de fermeture de la pharmacie, alors que les juges considèrent qu’elle est toujours titulaire de sa licence. Même si le préfet accorde demain le transfert, la situation reste kafkaïenne pour Colette Lafages. »

Christophe Agostini, avocat du cabinet GB2A

Lorsque le transfert sera possible, il n’est pas certain que Colette Lafages bénéficie de la règle de l’antériorité des demandes.