Le TFR envers et contre tous
Concernant les TFR, il ne faut pas confondre l’objectif – réaliser les économies rendues possibles par la tombée des brevets – et les moyens : que l’on fasse cette économie par le générique ou par la baisse du princeps, on s’en fiche. » Noël Renaudin a tout de suite annoncé la couleur lors du débat qui l’« opposait » aux représentants des syndicats (FSPF, UNPF), du GEMME et du Leem. Et, de ce point de vue, la logique du président du Comité économique des produits de santé (CEPS) est sans faille : lors du lancement d’un groupe générique, le CEPS applique « une décote faible (- 40 %) » sur le prix du princeps pour fixer celui du générique. Cela laisse « pas mal d’argent dans le système car nous pensons que cet argent est le carburant du moteur générique, argumente-t-il. Pour que cela permette aux génériqueurs d’intéresser les pharmaciens à travailler ». Comme un directeur commercial prévoirait en quelque sorte une provision nécessaire pour les commissions de ses commerciaux afin de les inciter à développer un nouveau produit. Ici, le groupe générique nouvellement inscrit ressemble au nouveau produit, les remises et marges arrière, aux commissions, et le pharmacien… au commercial.
Changement de règles.
Et lorsque le pharmacien a fait tous les efforts pour que les génériques atteignent 70-80 % d’un groupe ? « Un temps viendra où il faudra récupérer, dans les groupes très pénétrés, un différentiel de marge devenu globalement anormal et injustifié et le surprix du princeps devenu illégitime », a ajouté Noël Renaudin. Autrement dit, le temps viendra où il faudra instaurer des TFR sur ces groupes une fois que la substitution aura fait son oeuvre. Et là, c’est un changement complet des règles qui est prôné : d’une épée de Damoclès au-dessus des groupes pas assez substitués, il deviendrait un moyen de fermer les vannes dès lors que l’Etat estime ne plus avoir besoin d’inciter les acteurs.
« C’est comme si on voulait tuer la poule aux oeufs d’or !, réagit Philippe Ranty, président du GEMME. Si le TFR devait demain être généralisé, c’est toute l’offre générique qui serait remise en cause. » Prédiction partagée par Jean-Marc Yzerman, responsable de la commission Economie de la FSPF : « On n’a jamais été contre le fait que le TFR pouvait être une voiture-balai. Cela ne nous fait pas plaisir mais on le comprend. Mais avoir un TFR généralisé au fur et à mesure que s’étend la substitution, c’est tout sauf motivant. » Surtout face à un client qui commence à comprendre que, dans ces conditions, le prix de « son » princeps va sans doute baisser ; alors pourquoi prendre un générique ? Le TFR, ce serait « sanctionner l’ensemble des acteurs », renchérit Claude Japhet. « Nous ne sommes pas dans un problème de maîtrise médicalisée ou comptable mais dans un problème d’argent, c’est aussi simple que ça, réagit Noël Renaudin, qui compte gagner à la fois côté fabricants et distributeurs. Il n’est pas raisonnable de parler de sanctions. »
Le salut : élargir le Répertoire.
Philippe Ranty maintient que « l’on a l’impression ces derniers temps que tout est fait pour casser le système ». La seule véritable solution pour lui ? : « élargir le champ du Répertoire ». Et pour cause : apparemment, les apports de nouveaux groupes génériques sont le seul moyen d’empêcher le Répertoire « de se casser la figure en volume en permanence », constate Jean-Marc Yzerman. Car « la défense des princeps, en général, est de faire prescrire par les médecins en dehors du Répertoire des produits non substituables ». Et même sous TFR, il semble que les princeps qui se sont alignés opèrent depuis décembre un prompt rétablissement après une explosion des génériques les deux premiers mois.
Malgré cette défense, semble-t-il efficace, « il faut calmer le jeu en matière de TFR et garder prudence dans leur maniement. L’analyse convergente de tous les opérateurs du marché devrait faire dire aux pouvoirs publics qu’ils se sont trompés avec le TFR », assure Claude Bougé du Leem, qui constate que l’alignement sur les TFR retarde à peine la chute des volumes de vente des princeps, avant de rappeler que 2 à 2,5 milliards d’euros de CA tomberont dans le domaine public dans les deux ans et demi à venir.
Restera, quoi qu’il arrive, la question du devenir des marges arrière. Faudra-t-il les partager pour éviter à la profession de les perdre complètement un beau jour ? « Ce qui se passe dans l’officine dans le cadre des contrats de coopération commercial n’est pas anormal par rapport à d’autres pratiques », aura commencé par souligner Claude Japhet, faisant référence à la moyenne de 30 % de remise observée dans la grande distribution. « Et si un service est rendu par la profession, qu’on ne le remette pas en cause ! Il faut juste les organiser de façon un peu plus cohérente. » Face à l’alternative posée – baisse des prix des génériques ou partage des remises -, le bureau de la FSPF a été mandaté pour négocier un partage, « mais on ne peut imaginer une solution où le pharmacien se retrouverait moins gagnant que s’il n’avait rien eu », lance Jean-Marc Yzerman.
Noël Renaudin restera, lui, fidèle à ses principes : « Il ne s’agit pas de savoir qui va perdre mais qui va gagner moins. Savoir combien il faut mettre d’argent pour que le système soit vertueux. A mon sens, il y en a trop actuellement. Mais vous garderez de quoi travailler et de quoi être intéressés. » Le président du CEPS part du principe que les pharmaciens continueront de substituer car le générique restera pour eux extrêmement lucratif quoi qu’il arrive.
Dans un sondage Smart Pharma Consulting présenté lors du débat, 58 % des officinaux annonçaient leur intention de réduire ou supprimer la substitution si l’Etat réduisait ou supprimait les surremises. Que fera l’Etat ? Noël Renaudin vient d’être reconduit pour trois ans à la tête du CEPS. Il réaffirme sa position, à laquelle Mattei était quasiment acquis. Philippe Douste-Blazy suivra-t-il aussi souvent l’avis des hauts fonctionnaires que le faisait Jean-François Mattei pour prendre des décisions douloureuses ? Rendez-vous après les élections européennes pour le savoir.
27 % DES FRANÇAIS VEULENT DU PRINCEPS
Selon IMS Health, à prix égal, seulement 27 % des patients ont eu une préférence pour le médicament de marque. Ils sont aussi 81 % à opter pour le générique afin de ne pas avoir à supporter le surplus, si le princeps est plus cher.
Enfin, 70 % des Français disent ne pas attacher d’importance à la marque (à prix identique) quand il s’agit de médicaments.
Les chiffres à retenir
– CA génériques : 850 MEuro(s) en 2003.
– Economies réalisées grâce au générique : 97 MEuro(s) en 2000, 133 MEuro(s) en 2001, 183 MEuro(s) en 2002, 255 MEuro(s) en 2003, 800 MEuro(s) à prévoir en 2004.
– Molécules arrivant à échéance : oméprazole : 445 MEuro(s) de CA (avril 2004), zolpidem : 51 MEuro(s) (juin), lisinopril : 35 MEuro(s) (octobre), ciprofloxacine : 33 MEuro(s) (octobre), cétirizine : 84 MEuro(s) (décembre). Total Répertoire : + 747 MEuro(s) en 2004.
– Taux de marge (y compris remises et avantages commerciaux) : 25,8 % sur le remboursable, 52,6 % sur le générique.
– Première vague de TFR : 20 % du Répertoire, 72 groupes et 29 molécules concernés.
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