Une réincarnation réussie

Jean-Michel Peny a toujours eu la volonté de travailler dans le marketing et le management. Son diplôme de pharmacien en poche, il joue la carte de la formation au lieu de se lancer directement sur le terrain industriel. Une initiative qui faisait figure d’exception en 1982. Après un DESS de commerce extérieur, il effectue un MBA à HEC. Ce n’est donc qu’à la fin de son mastère qu’il intègre l’industrie, promu d’emblée au poste de directeur adjoint chez Servier Centre-Asie. Il prend à l’occasion la responsabilité opérationnelle du groupe au Sri Lanka.

Cap sur l’Inde.

Ce n’est pas tout à fait un hasard si les fonctions professionnelles de Jean-Michel le rapprochent de l’Inde. En 1981, encore étudiant, il est séduit par cette région du monde lors d’un voyage au Népal. « J’ai été frappé par le manque d’infrastructures sanitaires dans les régions montagneuses, où les malades doivent marcher deux à trois jours pour trouver un hôpital », raconte-t-il. D’où l’idée de fonder l’AMS (Association médicale et sanitaire) pour créer des postes sanitaires dans les villages retirés.

Ce projet, ambitieux pour un jeune étudiant, a vu le jour quelques années plus tard sous le parrainage de la Croix-Rouge locale. Et ce, grâce à la ténacité de Jean-Michel qui a réussi à motiver une équipe de bénévoles français et à sensibiliser les autorités népalaises. Il faut préciser que son stage de fin d’études dans un laboratoire de recherches sur les plantes médicinales, à Katmandou, lui a permis de remuer ciel et terre ! Il retourne plusieurs fois sur le continent asiatique lors de ses études dans le cadre d’une autre association dont il est le cofondateur : Pharm’Export. « Nous réalisions des études de marché exploratoires à l’étranger pour le compte des laboratoires pharmaceutiques français. Personnellement, c’était un moyen de compléter des études longues par une expérience opérationnelle », explique Jean-Michel.

Trois années d’expérience asiatique chez Servier l’ont propulsé, à 30 ans, à la direction de la filiale indienne du laboratoire à Bombay. L’occasion de s’expatrier avec femme et enfants dans un pays qu’il aime. « J’étais jeune et je me suis retrouvé dans une culture où l’autorité s’acquiert avec l’âge. Il a fallu faire preuve de prudence et d’écoute », précise Jean-Michel. Mission réussie puisqu’en trois ans le chiffre d’affaires a triplé et le nombre de salariés a doublé (de 45 à 90 personnes).

Virage stratégique.

« De retour en France, j’ai ressenti le besoin de prendre du recul par rapport aux postes opérationnels. Je voulais développer mes compétences en termes de réflexion stratégique », confie Jean-Michel qui n’a alors pas hésité à se lancer dans le conseil en management et en stratégie. « Je suis reparti de zéro et il a fallu remettre à plat toutes mes connaissances », poursuit-il. Mais rien ne l’arrête. A force de compétences (il acquiert notamment un diplôme de management à Harvard), de volonté mais aussi de flexibilité (il accepte un projet de sept mois pour un laboratoire en Arabie Saoudite), Jean-Michel devient consultant pour le compte de diverses sociétés. Il s’exile même pendant une année à Londres dans une entité spécialisée dans le conseil aux laboratoires (The Wilkinson Group). Au total, Jean-Michel comptabilise plus de dix années d’expérience en « consulting ». Dix années marquées par une rupture (1997-1998) où il réintègre l’industrie en tant que directeur général de l’activité génériques chez Novartis. Mais la fibre du consultant vibre toujours. « J’ai réalisé une étude de marché suite à laquelle j’ai déconseillé à Novartis de développer les génériques en France », confie Jean-Michel. Difficile aussi de retrouver la lourdeur du processus décisionnel des grands groupes industriels. « On a beaucoup plus d’autonomie dans le conseil. Même si c’est un métier stressant, nous avons aussi besoin de ce stress pour avancer. Nos clients sont de plus en plus performants et il faut toujours se placer un cran plus loin pour justifier notre valeur ajoutée. Nous sommes en permanence sur la brèche mais ça me plaît », assure-t-il.

Sentinelle de santé.

En 2001, après avoir encadré une équipe de dix consultants (pour Iso Health Care Consulting), Jean-Michel met ses compétences et sa motivation au profit de sa propre société : Smart Pharma Consulting. Ses clients ? Uniquement des groupes pharmaceutiques. Ce qu’il leur propose ? Améliorer la gestion de leur environnement concurrentiel, optimiser le portefeuille et la gestion du cycle de vie des produits, former les équipes marketing-vente aux démarches stratégiques… Ses domaines de prédilection ? Les génériques, les produits dits « matures » et les forces de vente. Mais Jean-Michel réfute la qualification d’expert. « Nous sommes complémentaires aux équipes en interne, nous leur faisons gagner du temps. En fait, nous les aidons à anticiper le changement », estime-t-il. Il élabore lui-même les projets qu’il doit renouveler en permanence.

Telles des sentinelles de la santé, Jean-Michel et ses deux collaborateurs sont régulièrement en contact avec les décideurs et, pour identifier le paysage pharmaceutique de demain, réalisent des enquêtes. Dernière en date : l’évaluation des besoins d’immunisation dans les pays en voie de développement pour les dix prochaines années. A la seule évocation du manque de financement qui en découle, son côté « santé publique et humanitaire » reprend le dessus. Et de dévoiler son objectif à terme : fonder une structure pérenne pour financer des programmes de développement sanitaire et médical dans les pays les plus pauvres.

Le parcours de Jean-Michel

– 1958 : naissance à Nantes.

– 1981 : création de l’Association médicale et sanitaire.

– 1982 : doctorat en pharmacie à la faculté de Nantes.

– 1986 : MBA groupe HEC-ISA.

– 1987 : directeur adjoint chez Servier Centre-Asie.

– 1989 : directeur général de Serdia, filiale indienne du groupe Servier.

– 1992 : consultant en management et stratégie (Bain and Cie).

– 1997 : directeur général de Novartis Génériques (France).

– 1998 : intègre Iso Health Consulting en tant que manager.

– 2001 : création de Smart Pharma Consulting.