Il n’y a plus tout ce que vous voulez aux Champs-Elysées

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Publié le 19 janvier 2008
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Plus aucune croix verte ne brille sur la plus belle avenue du monde, la dernière officine ayant fermé en raison d’une hausse faramineuse des loyers. Avec elle, c’est aussi tout une époque qui disparaît.

Je n’ai même pas pu avertir tout le monde », se désole Ludovic Aïssy, qui a repris la Pharmacie Lincoln en 1979. Et ce malgré la grande affiche en vitrine qui annonçait la fermeture pour le 31 décembre 2007. « La Pharmacie Aïssy Lincoln ferme définitivement ses portes. Motif : refus du bailleur de renouveler le bail », pouvait-on y lire. Le titulaire y expliquait ensuite longuement les raisons de ce refus fatidique pour la dernière pharmacie de la plus belle avenue du monde.

Isabelle Adjani ne viendra plus !

La petite pharmacie du 71 de l’avenue des Champs-Elysées se battait en effet depuis des années contre Ypsis Conseil, la société immobilière qui gère le bâtiment. En 1997, Ypsis Conseil avait choisi, lors du renouvellement de bail, de multiplier par trois fois et demi le loyer, soit l’équivalent de 10 300 euros par mois.

En 2003, le gestionnaire multiplie de nouveau par deux le montant du loyer. Ludovic Aïssy se lance alors dans une procédure et gagne en appel trois années plus tard. C’est alors que le gestionnaire choisit de ne pas renouveler le bail de l’officine.

Nostalgique, le titulaire feuillette son livre d’or. Des dizaines d’autographes s’y succèdent, de Françoise Sagan à Jean Carmet en passant par Isabelle Adjani, Grace Jones, Michel Polnareff ou encore Gérard Jugnot. Pas peu fier, la pharmacien exhibe également un dessin de César, lequel « ne s’est pas contenté de signer ». Michèle Barzach est également passée par-là. La ministre de la Santé de l’époque a ajouté un petit mot à destination du pharmacien, « pour l’aide qu’il apporte à la politique que je mets en place ». « C’étaient les années 80, en pleine période du sida, et pourtant les pharmacies ne faisaient pas encore vraiment la promotion des préservatifs. Moi si », s’enorgueillit Ludovic Aïssy.

Aujourd’hui, ses cinq collaboratrices, deux préparatrices et trois pharmaciennes, se retrouvent au chômage. L’équipe travaillait ensemble depuis près de vingt ans. Même si la clientèle était composée de nombreux étrangers de passage, heureux d’être accueillis par un personnel polyglotte, les habitants du quartier étaient également fidèles. Plusieurs d’entre eux ont apporté leur soutien au pharmacien, certains lui ayant même proposé de lancer une pétition. « Cela ne servirait à rien, soupire-t-il, le pouvoir de l’argent a été plus fort. » La poste, située à quelques mètres, pourrait connaître le même sort.

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La loi Dutreil aurait-elle pu sauver Ludovic ?

Pour Ludovic Aïssy, il est déjà trop tard (il compte mettre à profit son diplôme de biologiste). Mais la mise en application de la loi Dutreil, imminente selon Christine Lagarde, ministre des Finances, prévoit la possibilité pour les communes d’exercer un droit de préemption sur les baux commerciaux. La Ville de Paris pourrait ainsi empêcher les petits commerces de quitter les artères chics et touristiques de la capitale. A condition qu’elle en ait les moyens financiers. L’office de tourisme n’a-t-il pas dû déménager pour les mêmes raisons ?