L’étau se resserre sur 11 molécules

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Publié le 12 mars 2005
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Même si elle ne concerne plus que onze molécules, la toute dernière liste des futurs TFR est encore loin de convenir aux syndicats. Ils s’étonnent de certaines incohérences et reprochent une mauvaise application des règles du jeu.

Le couperet est maintenant sur le point de tomber. Le Leem a transmis en milieu de semaine aux syndicats professionnels et aux génériqueurs la nouvelle liste, concoctée par le Comité économique des produits de santé (CEPS), des molécules susceptibles de passer sous TFR. Outre des corrections apportées sur le niveau de certains TFR, la liste a été revue à la baisse : 11 molécules au lieu des 18 précédemment citées. Noël Renaudin, président du CEPS, a donc décidé d’écarter sept molécules de cette seconde vague dont l’application est fixée au 1er juin prochain : aciclovir (crème), clomipramine, lactulose (sachant que Solvay Pharma, fabricant du princeps, a accepté de baisser le prix de sa spécialité), nitrendipine, norfloxacine, rilménidine et roxithromycine échappent au dispositif. Il s’agit probablement de la dernière liste publiée, qui sera cependant encore discutée avant sa publication officielle par arrêté ministériel.

Les syndicats crient à la trahison.

Cette liste a été accueillie de façon contrastée. Du côté des génériqueurs, on semble s’en contenter. « Cette vague est mesurée et n’est pas démotivante pour les pharmaciens, estime Maurice Chagnaud, directeur général en charge des opérations commerciales de Merck Génériques pour la France. Elle donne un sursis et une nouvelle chance à la profession de hisser toutes les molécules du Répertoire au-delà des 60 % de substitution. » Thierry Hoffmann, directeur général de RPG, salue « la prise de position intelligente du CEPS qui a tenu compte de différents paramètres pour la fixation des TFR ». Quelle que soit l’ampleur de la seconde vague, Stéphane Joly, président d’Ivax France, relativise l’impact des TFR sur la dynamique du marché : « En janvier, la croissance a été de 30 % en CA, selon les données GERS, par rapport au même mois de l’année précédente ! »

Les syndicats, eux, grincent des dents. Pour Claude Japhet, président de l’UNPF, cette liste n’a rien de la vaguelette espérée : « Les onze molécules concernées représentent un chiffre d’affaires en prix d’achat pharmacie de près de 158 MEuro(s) dont 115 MEuro(s) pour les référents et 43 pour les génériques, soit 6 % du Répertoire. Le gain pour l’assurance maladie serait de 42 à 45 MEuro(s) et la perte de marge pour l’officine de 16 MEuro(s), sans compter les conséquences sur les marges arrière. » Et de reprocher à Noël Renaudin un manque de cohérence par rapport à ce qui avait été décidé avec la profession : « Il y a de fortes anomalies dans l’ensemble du dispositif. Certaines règles ont été appliquées, d’autres pas. Certaines molécules ne devraient pas figurer dans cette liste et, à l’inverse, d’autres, pour lesquelles nous avions donné notre feu vert, ont échappé au TFR alors qu’en théorie elles n’auraient pas dû être sauvées. »

De l’avis unanime des syndicats, le bisoprolol, la spironolactone, le tramadol et l’ofloxacine ne méritent pas un « TFR sanction ». Pour les trois premières DC citées, le taux de pénétration des génériques sur le dernier trimestre 2004 dépassent les 50 %. « L’arbitrage de Noël Renaudin est sévère et particulièrement injuste », reproche Gilles Bonnefond, secrétaire général de l’USPO, également très déçu, notamment pour deux molécules. D’abord le bisoprolol, pour lequel la barre des TFR a visiblement été placée à 60 %, « alors que son taux est en progression régulière malgré la difficulté supplémentaire à substituer deux princeps comarketés ». Ensuite sur l’ofloxacine, « molécule saisonnière » inscrite au Répertoire depuis à peine un an et « pour laquelle la performance des génériques a été jugée sur une demi-saison d’hiver, alors qu’avec trois mois de plus, nous pouvions dépasser le cap des 50 % ».

Des considérations industrielles.

Curieusement, des molécules comme la nitrendipine et la clomipramine substituées à 25 % sont épargnées. Ce qui fait dire à Gilles Bonnefond que « l’exclusion de ces molécules ne s’appuie pas sur des considérations de substitution mais bien sur des considérations industrielles ». Tout aussi décevant est le manque de prise en compte par le CEPS, pour certains produits, d’une offre générique insuffisante. « Il est impossible de faire grimper les taux de substitution lorsque les molécules ne bénéficient pas d’une offre conséquente », martèle Jean-Marc Yzerman, conseiller économique à la FSPF. L’argument a joué pour la rilménidine qui a échappé au TFR. Par contre, une autre molécule dans la même situation, le kétoprofène gel, n’a pas obtenu la clémence du CEPS. « Son princeps, Kétum, est insubstituable car il n’existe aucun générique de la présentation en tube doseur qui est celle la plus prescrite », relève Jean-Marc Yzerman. Allez comprendre !

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En conséquence, Jean-Marc Yzerman suggère, pour les nouveaux groupes, de faire courir le délai de un an au bout duquel on se prononcera sur d’éventuels TFR, à compter seulement du moment où l’offre est composée d’au moins six acteurs parmi les leaders du marché. Et d’appliquer des TFR seulement si la part de marché en volume des génériques n’atteint pas 50 %.

L’USPO demande, elle, un sursis de quatre mois pour les 4 molécules au TFR contesté. Les syndicats ne se priveront pas non plus de demander des explications à Noël Renaudin lors du prochain comité de suivi prévu le 24 mars. Cependant, Claude Japhet craint que cette liste ne soit plus négociable. En cas d’échec, le dernier mot reviendra au ministre de la Santé. Pour Gilles Bonnefond, sa requête « ne mettra pas en péril l’objectif d’un milliard d’euros d’économies annuelles à l’horizon 2007 ».

La consigne adressée par les syndicats aux officinaux ne change pas : substituer toujours davantage et sans discernement sur tout le Répertoire. Jean-Marc Yzerman ne désespère pas d’ouvrir les yeux des confrères qui ne se sont pas ou peu mobilisés jusqu’ici. « Le dispositif est bien en place, les ajouts au Répertoire se feront au fil de l’eau tandis que de nouveaux TFR risquent de revenir tous les trois ou six mois si la profession ne se montre pas capable de substituer très vite à un niveau satisfaisant », prédit-il.

A retenir

11 molécules et 16 présentations concernées

– Amiloride + hydrochlorothiazide.

– Bisoprolol.

– Fluvoxamine 50 mg et 100 mg.

– Kétoprofène gel 2,5 % tube de 60 g et tube de 120 g.

– Métoprolol 100 mg (boîte de 28 et de 30 comprimés) et 50 mg.

– Ofloxacine.

– Ranitidine 150 mg et 300 mg cp effervescent.

– Spironolactone 50 mg et 75 mg.

– Térazosine.

– Ticlopidine.

– Tramadol 50 mg.

Trois règles du jeu à faire respecter

1Les nouveaux TFR sont conditionnés à un taux de pénétration des génériques inférieur à 50 %, ou 60 % pour les molécules à fort CA.

2 La vitesse de pénétration des génériques doit être prise en compte pour l’application des TFR. Ainsi, si la tendance est bonne, même si le cap des 50 % n’est pas dépassé, la molécule peut être exonérée de TFR.

3 Ne pas imposer de nouveaux TFR si l’offre générique est insuffisante.

« Nous attendons de Noël Renaudin qu’il applique de la façon la plus positive possible ces trois règles définies en 2004, rappelle Hubert Olivier, président de Ratiopharm. A charge aux syndicats de pharmaciens et au GEMME de les faire valoir. Si nous y parvenons, la seconde vague sera minimisée et représentera tout au plus 3 à 4 % du Répertoire en valeur. »