Supplémentation en bêtacarotène « Vraisemblablement dangereux pour les fumeuses »

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Publié le 22 octobre 2005
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Marie-Christine Boutron-Ruault, directrice de recherche dans l’équipe E3N INSERM « Nutrition, hormones, cancer » (Institut Gustave-Roussy, Villejuif).

– Une étude* révèle les effets contradictoires du bêtacarotène. D’un côté, il réduit le risque de certains cancers chez les non-fumeuses. De l’autre, son association avec un tabagisme même ancien multiplie les risques de ces cancers. Explications.

Que montre cette étude ?

Nous avons recherché une interaction entre tabac et bêtacarotène sur le risque de cancers liés au tabac dans une cohorte de 60 000 femmes. Nous avons montré qu’une consommation élevée de bêtacarotène (supplémentation au moins 3 fois par semaine) est associée à un risque accru de cancers liés au tabac chez les fumeuses ou anciennes fumeuses. A l’inverse, chez les non-fumeuses, le risque décroît avec la consommation croissante de bêtacarotène.

Comment expliquer ces effets ?

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Selon des études expérimentales, le bêtacarotène augmente l’activité d’enzymes impliquées dans la transformation de molécules du tabac en carcinogènes. Des fortes doses de bêtacarotène ont été associées à une augmentation des lésions de l’ADN chez les fumeurs et une diminution de ces lésions chez les non-fumeurs. Cependant, dans notre étude nous n’avons pas observé de différence entre fumeurs et ex-fumeurs. Ceci suggère que le tabac générerait des lésions cellulaires qui resteraient « dormantes » jusqu’à la mise en présence de bêtacarotène.

Doit-on s’attendre à de nouvelles allégations pour les produits à base de bêtacarotène ?

Pas pour l’instant. Toutefois, il vaudrait mieux que les fumeurs évitent la supplémentation en bêtacarotène sans aller jusqu’à modifier leur alimentation. Plus simple, mieux vaut éviter d’abord le tabagisme.

Quelle est la prochaine étape de vos recherches ?

Nous souhaitons étudier l’interaction entre bêtacarotène et tabac en fonction de la durée du tabagisme, des doses et de la simultanéité ou non des prises de bêtacarotène et de tabac, et apprécier si cette interaction est la même selon les cancers. Nous allons nous pencher sur les 500 000 participants de la cohorte européenne, dont fait partie notre étude.

* « Journal of the National Cancer Institute », septembre 2005. « Journal of Nutrition », octobre 2005.