« Le petit commerce n’est pas mort »

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Publié le 20 février 2014
Par Peggy Cardin-Changizi
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A la veille des municipales, nous n’avons pas rencontré Solange Biaggi par hasard. Ex-officinale, elle est aujourd’hui sur les devants de la scène politique de la seconde ville française. La déléguée au commerce de la cité phocéenne se livre dans « Pharmacien Manager ».

« Pharmacien Manager » : Comment êtes-vous passée du comptoir à la politique ?

Solange Biaggi : J’ai été installée pendant 20 ans dans le centre de Marseille et je me suis beaucoup intéressée à la vie quotidienne et politique de ma ville. Le contact avec ma clientèle m’a permis de me rendre compte du travail colossal à effectuer pour aider la population marseillaise. Aussi, quand en 2001 l’équipe de Jean-Claude Gaudin et de Renaud Muselier m’a proposé un poste de conseillère municipale déléguée aux relations avec les commerçants, artisans et professions libérales, j’ai accepté, avec l’idée de participer au développement commercial de Marseille.

P.M. : Quelles sont vos actions concrètes en faveur des commerçants ?

S.B. : J’ai su fédérer les associations de commerçants en leur proposant des animations de quartier, des illuminations de fin d’année… J’ai favorisé la mise en place de subventions Ville/Etat qui permettent de rénover les façades, d’installer la vidéosurveillance à l’intérieur des commerces… J’ai œuvré à la création de commissions d’indemnisation pour dédommager les commerçants affectés par les travaux du tramway, du tunnel Prado-Sud, de la rénovation du Vieux-Port, du bus à haut niveau de service.

P.M. : Selon vous, la pharmacie est-elle un commerce comme les autres ?

S.B. : Absolument, mais avec quelque chose en plus ! La pharmacie est aussi un lieu d’écoute, d’échanges, de conseils et de solidarité.

P.M. : Qu’en est-il maintenant de l’activité commerciale du centre de Marseille ?

S.B. : Après une étude réalisée en 2001, nous avons constaté que l’attractivité commerciale sur Marseille était morose. Depuis mes 12 années en tant que conseillère et adjointe au maire, nous avons trouvé 200 000 m2 de surfaces commerciales supplémentaires : les Terrasses du Port (40 000 m2), les voûtes de la Major (7 500 m2), les docks (17 000 m2), la rue de la République (40 000 m2), le Centre-Bourse (plus de 50 000 m2), Bleu Capelette (40 000 m²) et le stade Vélodrome (28 000 m2). Nous sommes passés d’un petit centre-ville de trois rues (rue Saint-Ferréol, rue Paradis et rue de Rome) à un centre-ville métropolitain qui s’étend du nord au sud en passant par l’est. Les enseignes qui vont s’implanter dans ces nouveaux espaces pourront s’adresser à une cible potentielle de près de 900 000 Marseillais.

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P.M. : Donc, le commerce en centre-ville aurait toujours de l’avenir ?

S.B. : Absolument, d’autant que notre volonté d’agrandir le centre-ville permet à tout type de commerces d’avoir un avenir, qu’il soit petit, grand, sous enseigne ou pas. Le petit commerce n’est pas mort : nous constatons que la population vieillissante et les étudiants exercent un retour vers le centre-ville compte tenu des commodités proposées : transport, commerces de proximité, petits services à la personne, sites culturels…

P.M. : Et le commerce de quartier ?

S.B. : Marseille se compose de 111 noyaux villageois, c’est pour cela que nous avons favorisé les commerces de proximité et villageois. L’exemple le plus frappant est constitué par le quartier de Saint-Barnabé où nous avons accepté l’implantation d’un magasin Carrefour qui a permis une forte augmentation des chalands et du chiffre d’affaires de l’ensemble des petits commerces de ce secteur.

P.M. : Que proposez-vous pour redorer le blason des quartiers nord ?

S.B. : Nous avons mis en place des subventions Ville/Etat FISAC mais aussi des subventions européennes FEDER. Aussi, une fédération des commerçants des XV et XVIes arrondissements (soit 450 commerces) a vu le jour. Elle propose des animations, un guide des commerces ou encore un site Internet afin de redynamiser ces quartiers. De plus, les quartiers nord redorent leur blason avec les magasins du Grand Littoral, Primark (un grand complexe cinématographique de 14 salles), les Terrasses du Littoral, ou le Tivoli Parc, sans oublier la création de bureaux, de logements, d’hôtels et d’un drive qui a donné naissance à près de 500 emplois.

P.M. : Comment maintenir les officines de ces quartiers et régler les problèmes d’insécurité ?

S.B. : Pour la sécurité, la Ville de Marseille a renforcé la vidéosurveillance et demandé à l’Etat l’affectation de nouveaux policiers. En 1995, nous avions 95 agents de police municipaux et, en 2014, 450. On compte aujourd’hui 380 pharmacies à Marseille. Je pense qu’il faudrait mieux les répartir,et en transférer certaines du centre-ville vers les autres arrondissements de la ville. Mais c’est le rôle du Conseil de l’Ordre et des syndicats de pharmaciens.

P.M. : Etes-vous pour la vente de médicaments en GMS, comme le réclame l’Autorité de la concurrence ?

S.B. : Je suis contre en tant que pharmacienne, citoyenne et utilisatrice car les médicaments ne sont pas des produits comme les autres. Avant la délivrance, il faut souvent apporter des conseils aux patients car les médicaments peuvent être dangereux. La moitié des guérisons est liée aux conseils et à l’écoute des médecins et des pharmaciens. Par ailleurs, j’espère que la pharmacie de demain restera indépendante, et j’œuvrerai dans ce sens. Je reste proche des pharmaciens, j’entretiens des relations avec les pharmaciens marseillais, le Conseil de l’Ordre, le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France ainsi qu’avec le groupe Giphar.

P.M. : Vous êtes actuellement en campagne électorale sous l’étiquette UMP. Votre programme aborde-t-il la taxation des plus-values à la revente des officines ?

S.B. : Malheureusement je ne suis pas députée, mais je ferai tout pour motiver nos trois députés ainsi que nos deux sénateurs UMP pour que cette fiscalité diminue. Le capital que l’Etat récupère constitue la retraite du pharmacien d’officine !

Solange Biaggi

Adjointe au maire de Marseille, déléguée au commerce, à l’artisanat, aux professions libérales et au centre-ville

Docteur en pharmacie, Solange Biaggi a dirigé une pharmacie dans le centre-ville de Marseille de 1987 à 2008. En 2001, elle prend le poste de conseillère municipale, chargée des relations avec les commerçants, les artisans et professions libérales. Réélue en 2008, au titre d’adjointe au maire chargée du commerce, de l’artisanat, des professions libérales et du centre-ville, elle vend sa pharmacie pour se consacrer entièrement à sa mission. Promue chevalière de la Légion d’honneur en 2010, elle est élue conseillère générale du canton de Notre-Dame-du-Mont en 2011. Elle est présidente du comité de pilotage de l’Opération Grand Centre-ville de Marseille.