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Les marges arrière rentrent dans le rang
La DGCCRF vient de confirmer les modalités d’application de l’arrêté du 29 décembre 2005 sur les marges arrière. Les syndicats conseillent vivement aux pharmaciens de ne pas dépasser le seuil de 20 % en 2006. Les génériqueurs interrogés affirment ne pas vouloir sortir de ce cadre.
Si les dispositions de la loi Dutreil pouvaient encore laisser planer quelques doutes, l’arrêté de marge du 29 décembre 2005 ne laisse plus matière à interprétation : il plafonne dans les faits les marges arrière sur les génériques. Et Guillaume Cerutti, directeur de la DGCCRF, est très clair : « L’arrêté a pour but d’inciter les pharmaciens et les laboratoires fabriquant des génériques à pratiquer une autorégulation en vue de réduire les marges arrière devenues très élevées, pour permettre à terme de baisser les prix des génériques. » Les marges arrière viendront désormais amputer le prix de vente quand elles dépasseront 20 % en 2006 (et 15 % en 2007). Ainsi, lorsqu’elles excèdent ce seuil légal, la marge n’est plus calculée sur le prix fabricant hors taxes mais sur le prix d’achat effectif figurant sur la facture.
Les consignes syndicales ne se sont pas fait attendre : la FSPF, l’UNPF et l’USPO, dans les circulaires adressées aux adhérents ou notes envoyées aux présidents de syndicats départementaux, ont adopté la même ligne de conduite légaliste et appelé les pharmaciens à ne pas dépasser la limite de 20 %.
« Le recalcul de la marge sera une galère. »
« Cet arrêté nous va bien, indique Jean-Marc Yzerman, spécialiste des questions économiques à la FSPF. Nous voulions qu’il soit dissuasif pour calmer le jeu. » Il répond aussi aux objectifs de l’USPO. « La situation est maintenant parfaitement claire et le pharmacien doit comprendre que le plafond de 20 % est une vraie limite au-delà de laquelle les risques deviennent très importants pour lui, souligne Gilles Bonnefond, son secrétaire général. Les prestations de services doivent être réelles et les pharmaciens doivent être capables de prouver qu’ils les ont exécutées, sachant que les dépassements déclencheront plus facilement des contrôles de la DGCCRF. Attention, par conséquent, de ne pas jouer aux apprentis sorciers et méfiance à l’égard des laboratoires qui veulent vous faire franchir la ligne jaune ! »
Outre le fait de léser le pharmacien, « le recalcul de sa marge sur le prix d’achat effectif sera une galère pas possible », prévient Claude Japhet, président de l’UNPF, puisqu’il devra déterminer lui-même un prix de revente, expliquer au client la différence avec le prix de la vignette, etc.
De leur côté, les fabricants de génériques tiennent tous le même discours et affirment que rien ne sera mis en oeuvre pour détourner le sens de la loi. « Nos offres de contrats de coopération commerciale et de services distincts ne sortiront pas du cadre de la loi, annonce Pascal Faye, vice-président d’EG Labo. Nous proposerons aux pharmaciens les conditions les meilleures et les plus sécurisantes. » Même son de cloche chez Teva Classics : la loi, rien que la loi. « Nous vivions jusqu’ici une course à l’échalote sur les marges arrière, mais force est de constater qu’elles n’étaient pas la véritable clé du succès, analyse Anne Baille, présidente de Teva Classics France. Cette nouvelle régulation va obliger les acteurs à être créatifs et plus professionnels dans leur approche avec les pharmaciens, et à faire ce qu’ils ont dit. »
CEPS et DGCCRF à l’affût.
Toutefois on ne peut pas exclure avec certitude la possibilité de pratiques de contournement comme cela s’est déjà vu dans la grande distribution il y a quelques années, telles que les gratuits, les ventes croisées, les sociétés écrans… L’officinal y aura tout à perdre, son partenaire génériqueur aussi. Gilles Bonnefond pense qu’en cas de dépassement du plafond de marges arrière sans rétrocession à la Sécurité sociale, la responsabilité du laboratoire qui a sollicité le pharmacien sera aussi recherchée. « Personne ne sera dupe de ces pratiques contestables, il ne pourra donc pas se dédouaner et, de plus, il y aura un retour de flamme qui lui sera préjudiciable sur le plan commercial. »
« Si les génériqueurs continuent à solliciter les pharmaciens et dépassent dans leurs propositions les marges autorisées, cela signifie que les baisses de prix sur les génériques n’ont pas été assez importantes », déduit Jean-Marc Yzerman, ajoutant que « le CEPS saura en tirer les conclusions ». Pour la FSPF, l’objectif des négociations était de mettre en place des moyens et outils pour faire baisser le niveau des marges arrière au fur et à mesure de la progression du taux de pénétration des génériques. « Les syndicats ont donc milité en faveur d’une baisse des prix et, malgré les plaintes que nous avons dû essuyer des génériqueurs, les baisses décidées ne sont pas trop pénalisantes pour eux, alors qu’en cas de franchissement du seuil de 20 % c’est le pharmacien qui paie le coût du dépassement ! »
Guillaume Cerutti a annoncé que la DGCCRF procéderait à des contrôles du nouveau dispositif au cours de cette année (une quinzaine d’enquêtes sont prévues en 2006 dans le domaine de la santé). Les pharmaciens sont prévenus.
Miser sur le potentiel de développement du générique.
Les génériqueurs ont-ils encore les moyens de faire de la surenchère commerciale ? Avec les baisses de prix de 15 % appliquées à l’ensemble du Répertoire et celles supplémentaires de 4 % sur les génériques inscrits depuis plus de 24 mois, leur capacité à proposer des marges arrière conséquentes va être sérieusement écornée. Les pharmaciens doivent donc faire leur deuil des marges en pourcentage qu’ils avaient connues jusqu’ici. En revanche, le potentiel de développement du marché du générique en France et l’augmentation de la taille du Répertoire leur donnent les moyens de compenser les effets de ces nouvelles mesures. Pour 2006, il sera difficile de maintenir une rémunération en valeur sur le générique égale à celle perçue l’an dernier par le réseau, toutes marges confondues. Mais, en 2007, la profession devrait retrouver et dépasser le niveau de 2005.
Une page de l’histoire du générique vient d’être tournée et, selon Anne Baille, la largeur de la gamme du fabricant, sa capacité à proposer des génériques dès la chute des brevets, la qualité de la logistique et la proximité avec les pharmaciens vont devenir les critères clés du marché. Afin de pérenniser leurs marges, Pascal Faye appelle les pharmaciens à se concentrer encore plus sur le développement de la substitution et sur leurs objectifs individuels – car le marché du générique reste toujours plus attractif que celui des princeps -, et à engager une réflexion sur la façon de mieux acheter.
A retenir
– Contrôles La DGCCRF dit vouloir procéder à des contrôles du nouveau dispositif au cours de l’année 2006.
– Rémunération Pour 2006, il sera difficile pour les pharmaciens de maintenir une rémunération en valeur sur les génériques égale à celle perçue l’an dernier. Mais, en 2007, la profession devrait dépasser le niveau de 2005 en raison notamment de l’augmentation du Répertoire.
VOULOIR GAGNER PLUS C’EST RISQUER DE PERDRE BEAUCOUP
L’arrêté de marge institue un système très pénalisant qui devrait décourager les pharmaciens au dépassement. Dans notre nouveau « Guide des pratiques commerciales », que vous découvrirez en même temps que ce numéro, exemple est pris d’un dépassement de 10 % en achat direct pour un générique d’un prix de 6 Euro(s) PFHT. En rétrocédant le dépassement, le pharmacien fait un gain apparent de 0,54 Euro(s) de marge arrière mais perd, en appliquant l’arrêté, 2,11 Euro(s).
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