- Accueil ›
- Business ›
- Economie ›
- Stratégie et Gestion ›
- Quelle nouvelle marge pour l’officine ?
Quelle nouvelle marge pour l’officine ?
Des voix s’élèvent, syndicats en tête, pour réclamer une modification du système de rémunération actuel, devenu obsolète. « Le Moniteur » se fait l’écho de ces propositions qui permettraient de maintenir le réseau officinal avec la même densité. Si la révision de la MDL fait l’unanimité, des divergences se dégagent parfois.
Pour la première fois depuis que la MDL existe, la marge officinale baisse en valeur de 5,95 % sur le princeps, de 11,48 % sur le générique et, au global, de 2,53 % en 2006 (source cabinet ArythmA). Avec la progression naturelle des charges, la pharmacie pourrait ainsi perdre 10 % de rentabilité sur cette période. Confirmation bientôt avec les premiers bilans qui tomberont dans quelques semaines.
La poursuite du plan médicament en 2007 ne devrait pas inverser cette tendance, malgré les mises en garde et les prises de conscience que le développement de la marge ne pourra se faire dorénavant qu’en travaillant des marchés plus rentables pour la profession.
Mais au-delà de 2007, un virage a été pris l’an dernier. Les marges sont touchées durablement par un environnement totalement bouleversé et évolutif, consécutif à une série de mesures dont les effets ne sont pas prêts de s’éteindre (déremboursements, baisse des volumes prescrits, sorties de la réserve hospitalière…).
On le voit, les prévisions sont peu optimistes. Manifestement, le système de rémunération actuel est devenu obsolète. Ecoutons les propositions de spécialistes de l’économie officinale, syndicalistes, expert-comptable mais aussi titulaire et associations.
Si elle a baissé, de combien ?Pas d’honoraires sur le médicament. »
Patrick Gallat, titulaire à Thiers
Il faut que le système de rémunération, sur les bases actuelles, perdure, et il faut aller chercher des modifications sur les taux et les tranches de la MDL pour retrouver de la rentabilité. Les charges de fonctionnement d’une officine représentent 20 % du CA, par conséquent, avec un taux de marge de 26 %, il ne reste que 6 % de résultat : ce n’est plus viable pour un titulaire travaillant seul ou avec son conjoint ! Ce travail doit être confié à des gens compétents, capables de faire de la prospective sur la politique du médicament et sur la consommation pharmaceutique. Les honoraires, certains en parlent. Ils doivent concerner uniquement des prestations annexes, non rattachées à la délivrance du médicament, car des honoraires sur le médicament ne sont pas adaptés aux besoins de financement du cycle d’exploitation. L’avenir de la rémunération dépendra de ce que les politiques voudront faire de la pharmacie. A côté du médicament, les pharmaciens doivent prendre conscience qu’il existe des puits de profit inexploités, comme par exemple tout ce qui touche à la mutualisation des chaînes de valeur, à la transmission informatique des données de marchés. »
Fermer 5 000 points de vente. »
Claude Japhet, président de l’UNPF
A l’origine, l’architecture de la MDL a été mise en place pour limiter la croissance de la marge, trop liée à celle du chiffre d’affaires. A partir du moment où l’objectif diffère, il faut revoir la rémunération. Fait nouveau : la croissance se fait uniquement sur la dernière tranche de la MDL (PFHT du médicament supérieur à 150 Û), sur laquelle la pharmacie marge en dessous de 11 %. Ainsi, avec un ONDAM à zéro ou négatif sur le médicament, l’industrie parvient malgré tout à croître de 1 %, alors que, dans le même temps, la marge des pharmaciens baisse de 3 points en valeur. Ce n’est plus acceptable ! Il manque à l’officine 3 % de croissance, soit 150 à 170 millions d’euros de marge en moins pour le réseau tous les ans. A cette cadence, la pharmacie ne tiendra pas deux années de décroissance. Les jeunes diplômés, à qui on va devoir faire comprendre qu’un titulaire gagnera de moins en moins chaque année, et qui devront ensuite l’expliquer au banquier, se détourneront de la filière officine. Faute de croissance, les titulaires en place n’auront plus les moyens de s’engager dans des actions de santé publique, sauf à les marchander. Est-ce cela que l’on veut ? A l’Etat de décider.
Confier de nouvelles missions
A l’UNPF, nous estimons qu’il y a trois pistes à explorer pour retrouver de la croissance : revoir la dernière tranche de la MDL, confier de nouvelles missions aux pharmaciens et rémunérer leurs prestations à leur juste valeur, par exemple la dispensation à domicile, la prescription pharmaceutique, mais aussi des conseils particuliers aux malades… Enfin, concentrer le réseau. On pourrait pourquoi pas fermer 5 000 points de vente et redistribuer 20 % de potentiel de chiffre d’affaires aux autres pour compenser les pertes de marge. On peut retenir l’une ou l’autre de ces solutions, envisager d’en mixer deux, ou les trois. Tout est possible.
En revanche, je ne vois pas l’intérêt de revaloriser le forfait à la boîte quand les volumes diminuent, ce qui aurait aussi comme inconvénient de modifier le prix de toutes les spécialités remboursables. »
Quel est votre taux de marge actuel sur le médicament remboursable ?Revaloriser aussi la deuxième tranche. »
Pascal Louis, président du Collectif des groupements
Deux pistes nous conviennent au Collectif. La première est celle évoquée par les syndicats, lesquels sollicitent une revalorisation de la MDL qui, nous semble-t-il, devrait porter sur les deuxième et troisième tranches. La seconde piste est reprise par certains programmes électoraux qui prônent en partie les honoraires. Le Collectif entend être clair sur ce point : une répartition entre une marge commerciale et des honoraires à l’acte sur la dispensation du médicament peut être extrêmement dangereuse selon l’endroit où l’on place le curseur. Le Collectif est attaché au principe d’une marge commerciale sur le médicament. Par contre, une rémunération forfaitaire venant en sus sur certains actes complémentaires, tels que le dépistage, les prestations en EHPAD, l’accompagnement thérapeutique, l’observance, etc., doit être étudiée afin que ces prestations de services puissent compenser les pertes de marges subies par l’officine. » n
Augmenter le forfait à la boîte. »
Jean-Marc Yzerman, conseiller économique à la FSPF
L’objectif de la nouvelle rémunération est, à tout le moins, d’arrêter la chute de la marge. Le moyen le plus sûr et le plus équitable pour y parvenir est d’augmenter le forfait à la boîte. A l’origine, le forfait a été négocié pour être une variable d’ajustement. Il est là pour réguler la marge si les volumes baissent, et c’est le cas aujourd’hui puisqu’ils chutent plus vite que les prix. Modifier le forfait a l’avantage de ne pas remettre en cause le mécanisme de la rémunération, sa revalorisation pourra donc être plus vite obtenue qu’en cas de négociation portant sur une refonte totale. De plus, c’est la voie de la prudence : on est certain en prenant cette mesure de toucher toutes les officines du réseau, alors que l’on n’a pas cette certitude avec la seule remontée du taux de la dernière tranche de la MDL. Car on n’a pas la preuve que les produits de la réserve hospitalière sortent de toutes les pharmacies.
Rémunérations supplémentaires pour missions particulières
Les paramètres de notre rémunération sont bons, la MDL à trois tranches + forfait dépend autant des prix que des volumes. Il faut seulement en changer les valeurs au niveau du forfait à la boîte et du taux de la dernière tranche qui ne rétribue pas suffisamment les investissements et efforts de dispensation des pharmaciens sur les médicaments de la réserve hospitalière. Bien évidemment, des rémunérations supplémentaires par rapport à des missions particulières doivent aussi être discutées.
Au moment des négociations de la MDL à trois tranches, la Fédération s’est livrée à des études approfondies sur un changement des critères de la rémunération. Différentes hypothèses ont été analysées comme par exemple des honoraires à l’ordonnance ou à la ligne. Il ressort qu’un changement des critères de discrimination entre les pharmacies est extrêmement dangereux car il est impossible d’en prévoir les effets sur la marge en raison de la diversité des officines. Il semblerait que les pharmacies avec un taux de marge bas et une marge en valeur forte (du fait de la vente de produits chers) soient plus avantagées que celles avec un taux de marge bas et une marge en valeur basse qui, elles, seraient pénalisées. »
Abandonner la marge commerciale. »
Pascal Chassin, président de l’APLUS
Pour la première fois depuis que la MDL existe, la marge officinale baisse en valeur de 5,95 % sur le princeps, de 11,48 % sur le générique et, au global, de 2,53 % en 2006 (source cabinet ArythmA). Avec la progression naturelle des charges, la pharmacie pourrait ainsi perdre 10 % de rentabilité sur cette période. Confirmation bientôt avec les premiers bilans qui tomberont dans quelques semaines.
La poursuite du plan médicament en 2007 ne devrait pas inverser cette tendance, malgré les mises en garde et les prises de conscience que le développement de la marge ne pourra se faire dorénavant qu’en travaillant des marchés plus rentables pour la profession.
Mais au-delà de 2007, un virage a été pris l’an dernier. Les marges sont touchées durablement par un environnement totalement bouleversé et évolutif, consécutif à une série de mesures dont les effets ne sont pas prêts de s’éteindre (déremboursements, baisse des volumes prescrits, sorties de la réserve hospitalière…).
On le voit, les prévisions sont peu optimistes. Manifestement, le système de rémunération actuel est devenu obsolète. Ecoutons les propositions de spécialistes de l’économie officinale, syndicalistes, expert-comptable mais aussi titulaire et associations.
Faut-il changer la marge des pharmaciens ?Abandonner la marge commerciale. »
Pascal Chassin, président de l’APLUS
Nous préconisons depuis longtemps une transposition de la masse financière constituée par la marge commerciale actuelle sur une rémunération correspondant mieux à la réalité du travail du pharmacien, c’est-à-dire des actes définis, cotés par la Sécu. En parallèle de cette rémunération, nous préconisons une marge linéaire sur le médicament permettant juste le financement des achats et des immobilisations de stock. Ce processus pourrait assez facilement être déjà mis en application pour les médicaments de « prescription pharmaceutique » ou plus vulgairement appelés « d’automédication ». Ce schéma de rémunération aurait l’immense avantage de ne plus être tributaire de la politique de prix du médicament et des deux autres parties prenantes que sont les laboratoires fabricants et les grossistes, qui nous occasionnent inexorablement des baisses de revenu. Ce système pourrait aussi offrir des possibilités de spécialisation pour les pharmaciens – dans des domaines comme l’orthopédie, la nutrition, la phytothérapie, l’aromathérapie… – permettant enfin de mieux exploiter les compétences et qualifications des pharmaciens.
Le niveau de rémunération serait équivalent à celui d’aujourd’hui voire sensiblement meilleur pour la grande majorité des pharmaciens qui ont un chiffre actuel autour de la moyenne nationale. En conséquence, nous proposons un abandon de la marge commerciale, laquelle a de gros inconvénients pour notre profession, avec une transition progressive : une zone test dans un premier temps avant de généraliser. »
Si oui, faut-il ?Retrouver plus de linéarité. »
Yves Trouillet, président de l’APR
Il faut garder un système de rémunération commerciale sur le médicament et en même temps engager une réforme sur le mode de rémunération qui arrête de sectoriser le médicament selon qu’il s’agit d’un princeps ou d’un générique. Il faut trouver un système globalement plus proche de la linéarité pour tous les médicaments, pour donner au pharmacien une meilleure lisibilité économique des marges. On ne peut plus accepter les manipulations sur les prix, eu égard aux taux et aux tranches de la MDL, qui font perdre de la marge comme c’est le cas avec les grands boîtages. Cependant, aucun gouvernement ne prendra le risque de revenir à une marge linéaire pure. L’APR est favorable à toute modification allant dans le sens d’une plus grande linéarisation, comme par exemple la réduction de la MDL de trois à deux tranches. Parallèlement, le traitement du générique ne doit plus être aussi disproportionné par rapport au médicament innovant. Il faut en particulier rétablir un équilibre économique car, avec les baisses de prix et de marges arrière sur les génériques, la substitution ne permet plus de compenser les pertes de marge enregistrées sur les médicaments innovants et chers. Enfin, soucieux du maintien du réseau de proximité des officines, l’APR met en garde contre les répercussions économiques d’une rémunération via des honoraires pour certaines missions, qui ne seront pas les mêmes d’une officine à l’autre. » n
Si « oui pour retourner à une marge linéaire », à quel taux ?La véritable orientation est celle de l’élargissement du panel de rémunérations. »
Gilles Bonnefond, secrétaire général de l’USPO
L’avenir appartient aux médicaments très chers et la croissance est actuellement portée par la réserve hospitalière et le sera encore plus demain. Dans cette perspective, un ajustement de la tranche la plus haute de la marge dégressive lissée est donc nécessaire. Ce serait une erreur de vouloir toucher au forfait à la boîte, sa revalorisation ne peut être valable que dans l’hypothèse d’une augmentation des volumes.
La véritable orientation à prendre aujourd’hui est sans conteste celle menant à l’élargissement du panel de rémunérations, lesquelles ne doivent plus reposer seulement sur la marge commerciale dégagée mais également sur le paiement des actes réalisés par le pharmacien.
Faire du « coaching » auprès des patients chroniques
On parle de plus en plus de confier des missions spécifiques aux professionnels de santé, notamment de « coaching » auprès des patients chroniques ou dont le traitement est compliqué. Les pharmaciens devront être partie prenante de ces nouvelles prestations sur lesquelles un certain nombre d’acteurs sont prêts à investir. Une dynamique doit être créée dans ce sens au niveau de la profession afin de répondre présent et faire valoir nos atouts (compétence, proximité, disponibilité, organisation du travail en équipe…) auprès de nos instances de tutelle, de l’Assurance maladie mais aussi auprès de l’industrie pharmaceutique.
Le suivi d’études cliniques rémunéré par les laboratoires
L’Union des syndicats de pharmaciens d’officine n’exclut pas la possibilité d’avoir un jour des rémunérations mixtes. Ainsi, un laboratoire pharmaceutique pourrait confier aux pharmaciens d’officine une mission rémunérée qui consisterait à accompagner des patients qui se soumettraient à des études cliniques de phase IV. Il s’agirait de récupérer des données cliniques, de surveiller certains paramètres, etc. Ces compléments de rémunération dépendront du nombre de patients à prendre en charge, du nombre des pathologies concernées et du temps passé pour assurer ces nouvelles missions. »
Une révision de la dernière tranche «
Dominique Leroy, expert-comptable, cabinet Norméco
Les grands conditionnements de trois mois vont participer aux transferts de plus en plus nombreux des prix des médicaments dans la tranche la plus élevée et la moins rémunératrice de la marge dégressive lissée. L’impact négatif qu’ils auront sur la marge est encore mal cerné aujourd’hui. La révision de cette tranche est donc nécessaire, elle se justifie davantage que la revalorisation du forfait à la boîte.
L’urgence de la situation sur le plan économique peut conduire à la négociation de mesures transitoires, en attendant une négociation en profondeur de la rémunération qui demandera forcément plus de temps. Le pharmacien doit être convaincu que le chiffre d’affaires de l’officine va être de moins en moins porteur en termes d’analyses économiques et que l’augmentation de la marge en valeur prime sur tout le reste. J’en veux pour exemple le cas concret d’une officine qui, sans progresser en chiffre d’affaires en 2006, est parvenue à dégager une marge en progression de quatre points par rapport à 2005. »
- Pharma espagnole : 9 milliards d’investissements et une réforme en vue
- Réforme de la facture électronique, mode d’emploi
- Mon espace santé : un guide pour maîtriser l’accès et la consultation
- Fraude à la e-CPS : l’alerte discrète mais ferme de l’Agence du numérique en santé
- Pharmacie de Trémuson : une officine bretonne pionnière en RSE et qualité
- Comptoir officinal : optimiser l’espace sans sacrifier la relation patient
- Reishi, shiitaké, maitaké : la poussée des champignons médicinaux
- Budget de la sécu 2026 : quelles mesures concernent les pharmaciens ?
- Cancers féminins : des voies de traitements prometteuses
- Vitamine A Blache 15 000 UI/g : un remplaçant pour Vitamine A Dulcis
