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CES ÉTUDIANTS OBLIGÉS DE TRAVAILLER
Un étudiant en pharmacie sur deux occupe un emploi dans une officine. Pour certains, une façon de gagner en expérience professionnelle et d’améliorer son quotidien. Pour d’autres, une obligation pour échapper à la précarité.
Longtemps passée sous silence, la précarité étudiante est une réalité qui n’épargne aucune filière. Selon une étude de l’Observatoire de la vie étudiante (OVE), publiée en décembre 2013, plus de la moitié des étudiants affirme rencontrer des difficultés financières. A l’inverse, seulement 43 % déclarent disposer d’assez d’argent pour couvrir leurs besoins mensuels. Ce chiffre tombe à 33 % chez les étudiants issus de familles ouvrières. Deux autres études publiées récemment, l’une réalisée par l’IFOP auprès de 8 500 étudiants pour la Mutuelle des étudiants, l’autre par l’institut CSA auprès de 8 500 étudiants pour l’Union nationale des sociétés étudiantes concluent au même phénomène : un quart des étudiants vit avec 400 euros par mois, et même moins. Selon l’enquête de l’IFOP, environ 25 % des étudiants déclarent rencontrer des difficultés pour joindre les deux bouts. La précarité des étudiants en pharmacie est, elle, moins facile à repérer. En effet, leurs études leur permettant de travailler au sein d’une officine dès la première année et délivrer des médicaments à partir de la troisième année, certains masquent leurs difficultés en multipliant les gardes et en prétextant une expérience pratique.
Les futurs pharmaciens n’échappent pas à la crise
L’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF) s’est, pour la première fois, saisie de cette situation en réalisant une enquête auprès de ses adhérents. On y apprend notamment que 53 % des étudiants en pharmacie ont une activité rémunérée en marge de leurs études. Si ce travail leur permet de parfaire leurs connaissances pratiques (41 %), il se révèle aussi indispensable pour augmenter leur niveau de vie (38 %). Difficile pour autant de trouver des jeunes étudiants en pharmacie qui acceptent de parler de leurs difficultés. Etudiante en troisième année dans une faculté de pharmacie située dans le quart Sud-Est de la France, Claire témoigne sous couvert d’anonymat. « Ma famille ne peut pas m’aider, faute de moyens, même si chaque fois que je vais voir mes parents je rentre avec quelques repas à réchauffer. Comme je n’ai pas de chambre en résidence étudiante, le logement est vraiment une galère. Mes parents habitent à une centaine de kilomètres de la faculté, donc je ne peux pas loger chez eux. L’an dernier, j’avais trouvé une chambre chez une personne âgée pour une cinquantaine d’euros par mois en échange du ménage et des courses, mais pas cette année. Ce sont mes amis qui me logent, mais je ne pense pas que cette situation puisse durer toute l’année universitaire. Je fais donc des petits boulots à droite, à gauche en espérant trouver à me loger chez l’habitant. » David, étudiant en sixième année à la faculté de Strasbourg, reconnaît volontiers que la bourse dont il bénéficie est loin de lui permettre de couvrir ses dépenses : « Je travaille tous les samedis en officine, ce qui me laisse le temps de suivre les cours normalement. »
La précarité s’installe, la solidarité aussi
La situation des jeunes est d’autant plus inquiétante que la précarité semble s’installer. Et elle va de pair avec la situation familiale puisque les données publiées par l’IFOP montrent que 73 % des étudiants dépendent de leur famille, qui « constitue la principale source de revenus, loin devant les aides sociales » dont bénéficient seulement 38 % des étudiants. Autant dire que si les parents sont touchés par la crise, les étudiants, par ricochet, le sont souvent plus encore. Pour ceux qui ne dépendent pas directement de leur famille, le constat est encore plus amer : « Nous avons de plus en plus d’étudiants en rupture familiale, ce qui accroît la précarité », analyse Caroline Decombat, maître de conférences à la faculté de pharmacie de Clermont-Ferrand, qui constate un tabou lorsqu’il s’agit d’évoquer ces difficultés. « De plus en plus d’étudiants en pharmacie nous contactent pour savoir quelles sont les démarches à effectuer pour recevoir une bourse ou pour s’organiser pour cumuler études et travail », abonde Victorien Brion, président de l’ANEPF 2013-2014. Les étudiants parviennent pourtant à garder le moral. Ceux interrogés par l’OVE estiment notamment que leur situation financière ne s’est pas dégradée par rapport à la précédente enquête, menée en 2010.
Cet optimisme est peut-être à mettre sur le compte de la solidarité. En marge des schémas traditionnels mis en place par les pouvoirs publics pour aider les jeunes se retrouvant en situation de très grande précarité, certaines facultés de pharmacie agissent à leur niveau. Nancy est l’une de celles qui ont mis en place plusieurs initiatives. « Nous avons déjà organisé des collectes pour venir en aide à des étudiants en pharmacie en proie à de grandes difficultés financières. Les étudiants en pharmacie bénéficient bien évidemment de l’ensemble des services sociaux et de santé de l’université de Lorraine, mais nous avons aussi pris l’initiative de constituer un fonds d’aide d’urgence pour ceux qui ont épuisé toutes les aides existantes. L’an dernier, nous avons pu ainsi donner 1 500 euros à l’un d’entre eux, inscrit en section industrie, afin qu’il puisse se rendre à Paris et faire les démarches nécessaires à l’obtention de son stage », retrace Aurélien Martin, vice-président étudiant de l’université de Lorraine et étudiant en sixième année de pharmacie filière officine.
56 % des non-boursiers en difficulté ont un niveau bac + 2
Dans quelques universités, les emplois du temps s’adaptent à la précarité. « C’est compliqué d’ajuster les emplois du temps, mais, si nous le pouvons, nous facilitons les changements de groupe de travaux pratiques et enseignements obligatoires pour les étudiants qui ont un travail », explique Caroline Decombat. Le recours au statut d’étudiant salarié est aussi une formule de plus en plus utilisée par les jeunes en difficultés financières. « Les bénéficiaires sont exonérés de cotisation pour leur mutuelle et bénéficient d’aménagement d’emploi du temps », résume Victorien Brion (lire ci-contre).
Quelle que soit le statut de l’étudiant, la précarité reste un véritable casse-tête pour les facultés qui voient certains jeter l’éponge faute de moyens, même si pour l’heure le phénomène semble très peu répandu en pharmacie. Une étude du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche publiée en août observe ainsi que 56 % des non-boursiers en difficulté accèdent à un niveau bac + 2 contre 65 % de l’ensemble des étudiants, et 17 % abandonnent leurs études contre seulement 6 % en moyenne.
Le statut d’étudiant salarié en pratique
Ce statut est possible pour tout étudiant qui travaille au moins 60 heures par mois ou 120 heures par trimestre durant l’année universitaire. Quatre avantages en découlent :
• L’adhésion à la Sécurité sociale automatique
Si l’étudiant présente son contrat de travail et les trois derniers bulletins de salaire, l’adhésion à la Sécurité sociale étudiante est automatique et gratuite. Il est également possible de se faire rembourser sa cotisation a posteriori.
• Une dispense d’assiduité
Les étudiants salariés n’ont pas l’obligation d’assister aux TD et TP. Ils seront alors notés uniquement sur le contrôle terminal.
• Un cursus plus long
Certaines universités peuvent proposer un régime plus long d’études, avec par exemple des examens étalés sur deux ans.
• Un traitement spécial pour les examens
Des sujets différents peuvent être envisagés pour prendre en compte le fait que les étudiants salariés n’aient pu suivre TD et TP. Encore une fois, ces aménagements ne sont pas obligatoires et varient d’une université à l’autre. Stéphanie Bérard
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